Rémunération variable et heures supplémentaires : Questions / Réponses juridiques

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Rémunération variable et heures supplémentaires : Questions / Réponses juridiques

M. [N] [Z] a été engagé par la SAS Elan en 2015 en tant que chargé d’affaires. En 2018, il a demandé une révision de sa rémunération, entraînant une augmentation de son salaire fixe à 2.100 euros. Après un avertissement en 2019, il a signé une rupture conventionnelle. En 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes pour des indemnités. Le jugement de 2022 a partiellement accueilli ses demandes, mais la société Elan a interjeté appel. La cour a confirmé que les heures de travail avaient été payées et a infirmé certaines décisions, tout en condamnant Elan à verser des sommes supplémentaires.. Consulter la source documentaire.

Sur la prescription des demandes de M. [Z]

La société Elan soulève la prescription des demandes de M. [Z], arguant que le salarié ne peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires que pour les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, soit jusqu’au 13 octobre 2020.

M. [Z] soutient que ses demandes ne sont pas prescrites et qu’il est fondé à réclamer un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 8 mai 2016, conformément à l’article L. 3245-1 du Code du travail.

L’article L. 3245-1 du Code du travail dispose que :

 » L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

Ainsi, le point de départ de la prescription est la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.

M. [Z] a saisi le conseil des prud’hommes le 13 octobre 2020, agissant donc dans le délai de trois ans prévu par l’article L. 3245-1.

Il est donc recevable à solliciter le paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires dues entre mai 2016 et mai 2019.

Il convient d’infirmer le jugement qui a déclaré prescrite la demande de rappel de salaires de M. [Z] pour la période antérieure au 30 octobre 2017.

Sur la majoration des heures supplémentaires

La société Elan conteste le paiement de la majoration des heures supplémentaires, affirmant que les heures supplémentaires ont été rémunérées sur la base du taux horaire de base et que leur majoration a donné lieu à un repos compensateur de remplacement.

L’article L. 3121-28 du Code du travail stipule que :

 » Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. »

L’article L. 3121-33 précise qu’une convention ou un accord collectif peut prévoir le remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur.

En l’espèce, la société Elan ne prouve pas que la décision unilatérale sur le repos compensateur ait été formalisée et portée à la connaissance des salariés.

De plus, il n’est pas démontré que M. [Z] ait effectivement bénéficié de ces repos compensateurs.

Ainsi, la société Elan ne démontre pas que l’intégralité des heures supplémentaires aient été payées ou compensées par un repos compensateur.

Il y a donc lieu de condamner la société Elan à payer à M. [Z] les sommes dues au titre des majorations d’heures supplémentaires.

Sur la demande de rappels de salaire au titre de la prime d’objectifs

M. [Z] sollicite des rappels de salaires sur les deux composantes de sa rémunération variable, soutenant que les objectifs fixés étaient inatteignables.

Les objectifs déterminés par l’employeur doivent être réalisables et compatibles avec le marché.

La charge de la preuve du caractère réalisable des objectifs incombe à l’employeur.

Il ressort des pièces produites qu’un nouveau « Pay Plan » a été négocié et signé par M. [Z], prévoyant des objectifs atteignables.

La comparaison des résultats de M. [Z] avec ceux de ses collègues montre qu’il n’a pas atteint ses objectifs, ce qui indique que ceux-ci étaient réalisables.

Dès lors, la décision sera confirmée en ce qu’elle déboute M. [Z] de ses demandes à ce titre.

Sur l’indemnité de rupture conventionnelle

La société Elan soulève la prescription de la demande d’indemnité de rupture, soutenant que M. [Z] devait agir dans un délai de 12 mois à compter de l’homologation de la convention.

L’article L. 1237-14 du Code du travail stipule que :

 » En cas de litige au sujet d’une convention de rupture conventionnelle, le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de son homologation. »

M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes le 13 octobre 2020, soit après l’expiration du délai de prescription.

Il ne produit aucun élément démontrant des manœuvres frauduleuses de l’employeur.

Ainsi, son action en contestation de la rupture conventionnelle est déclarée prescrite.

Sur la demande d’indemnité au titre de travail dissimulé

M. [Z] réclame des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail, soutenant que la société Elan s’est soustraite au paiement de la majoration des heures supplémentaires.

L’article L. 8223-1 dispose que :

 » En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

Cependant, l’absence de paiement de la seule majoration des heures supplémentaires n’est pas suffisante à caractériser une intention de dissimuler des heures de travail.

Le jugement qui a débouté M. [Z] de cette demande sera donc confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [Z] reproche à la société Elan d’avoir fixé des objectifs non réalisables et de ne pas avoir payé la majoration de ses heures supplémentaires.

L’article L. 1222-1 du Code du travail impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.

La preuve de l’exécution déloyale doit être rapportée par le salarié.

M. [Z] ne prouve pas de préjudice consécutif à une faute de l’employeur.

Il n’apporte pas d’éléments justifiant le préjudice qu’il invoque.

Il y a donc lieu de débouter M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la publication de l’arrêt à intervenir

M. [Z] demande la publication de la décision aux portes d’entrée du siège social de la société Elan.

Aucune considération ne justifie d’ordonner une telle publication.

Il y aura donc lieu de débouter M. [Z] de sa demande à ce titre.

Sur les intérêts de retard

Les premiers juges ont correctement assorti les créances salariales des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2020.

La capitalisation des intérêts doit également être ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

Sur la remise des documents sociaux

Il sera ordonné à la société Elan de remettre à M. [Z] les documents sociaux conformes au présent arrêt dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Elan sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


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