Rémunération des comédiens et rediffusions : enjeux juridiques

·

·

Rémunération des comédiens et rediffusions : enjeux juridiques

L’Essentiel : Bruno Cremer, engagé par la société Dune de 1991 à 2005 pour interpréter le commissaire Maigret, a vu ses contrats régis par la convention collective des artistes-interprètes. Bien que ces contrats ne stipulaient pas de rémunération pour les rediffusions, des suppléments ont été versés jusqu’en 2007, conformément à la convention collective de 1992. Un nouvel accord, daté du 22 novembre 2007, a modifié les règles de rémunération pour les rediffusions, mais les ayants droit de Cremer ont contesté son application rétroactive, sans succès. La convention collective s’applique automatiquement aux situations en cours, sans notification individuelle.

Rémunération supplémentaire en cas de rediffusion

A compter de l’année 1991 jusqu’en 2005 le comédien Bruno Cremer a été engagé à plusieurs reprises par la société de production Dune en qualité de comédien pour interpréter le rôle du commissaire Maigret dans une série de 54 films. Le premier de ces contrats était conclu sous l’égide de la convention collective des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision, du 31 mai 1988 et les suivants étaient régis par la Convention collective du 30 décembre 1992. Ces contrats qui prévoyaient la rémunération de l’artiste-interprète pour ses prestations de comédien dans le cadre de cette série de téléfilms, ne prévoyaient aucune stipulation particulière au titre de la rémunération des éventuelles rediffusions de ceux-ci.

Seule une référence générale était faite à la convention collective du 31 mai 1988 en vigueur. Les sociétés de télévision France 2 et France 3 ont rediffusé les films de cette collection et jusqu’en 2007 ces sociétés ont régulièrement versé au comédien, des suppléments de rémunération tels que prévus par la convention collective du 30 décembre 1992. En effet, la convention collective du 30 décembre 1992 qui régit les rapports entre les organismes et sociétés signataires ou adhérents de la convention et les artistes-interprètes engagés par eux pour des émissions de télévision prévoit que ‘pour toute utilisation secondaire des émissions, il sera versé aux artistes-interprètes dont la prestation est ainsi réutilisée, des rémunérations complémentaires dans les conditions prévues à l’annexe I de la présente convention collective’. Le 22 novembre 2007 a été conclu un nouvel accord collectif sur la rémunération des artistes-interprètes en cas de rediffusion par les chaînes analogiques terrestres entre les parties signataires de la convention collective (cet accord dérogeant a dérogé aux dispositions de l’annexe 1).

Aux termes de ce nouvel accord, sont distinguées les rediffusions acquises au titre d’un contrat de coproduction, de préachat, de celles acquises dans le cadre d’une cession commerciale. Dans cette seconde hypothèse, les règles de rémunération ont été modifiées. Ainsi la part de recettes réservée à l’ensemble des artistes interprètes, pour régler ce supplément de rémunération, est fixée à 10% de la recette nette producteur et la charge des salaires complémentaires dus aux artistes-interprètes incombe à l’organisme cédant et une rémunération supplémentaire est également versée par le diffuseur lorsque la diffusion a lieu entre 19 h et 24 h.

Action des ayants droits de Cremer

Les ayants droits du comédien ont contesté sans succès l’application de l’accord du 22 novembre 2007 en faisant valoir qu’il leur était inopposable car il ne pouvait avoir d’effet rétroactif. L’article L 2261-1 du code du travail dispose que « les conventions ou accords sont applicables, sauf stipulations contraires à partir du jour qui suit leur dépôt auprès du service compétent, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. »; Il n’est donc pas exclu la faculté d’une application de la convention collective à une date antérieure au dépôt. L’accord collectif du 22 novembre 2007 n’avait pas d’effet rétroactif dès lors qu’il s’applique aux rediffusions ultérieures à son entrée en vigueur et les contrats d’artiste-interprète conclus par le comédien Crémer ne précisaient pas les modalités de rémunération des rediffusions, il était seulement indiqué qu’elles étaient régies par la Convention collective qui était alors en vigueur, celle du 30 décembre 1992, mais cette simple référence n’avait pas pour effet de l’incorporer au contrat de façon intangible cette référence à la convention collective étant d’ailleurs prévue à l’article L 212-5 du code de la propriété intellectuelle.

La Convention collective ayant un effet automatique, immédiat et impératif aux situations en cours et n’a pas à être individuellement notifiée à ceux auxquels elle s’applique.

Mots clés : Remuneration des comediens

Thème : Remuneration des comediens

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour d’appel de Paris | Date. : 14 fevrier 2014 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quel était le rôle de Bruno Cremer dans la série de films produits par Dune ?

Bruno Cremer a été engagé par la société de production Dune pour interpréter le rôle du commissaire Maigret dans une série de 54 films.

Cette collaboration a débuté en 1991 et s’est poursuivie jusqu’en 2005.

Les contrats signés par Cremer étaient régis par la convention collective des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision, datant du 31 mai 1988, ainsi que par la convention collective du 30 décembre 1992.

Ces contrats stipulaient la rémunération de l’artiste pour ses prestations, mais ne mentionnaient pas spécifiquement la rémunération pour les rediffusions.

Quelles étaient les dispositions concernant la rémunération des rediffusions selon la convention collective ?

La convention collective du 30 décembre 1992 prévoyait que pour toute utilisation secondaire des émissions, les artistes-interprètes devaient recevoir des rémunérations complémentaires.

Ces rémunérations étaient à verser selon les conditions établies dans l’annexe I de la convention.

Ainsi, lorsque les films de la série Maigret ont été rediffusés par France 2 et France 3, des suppléments de rémunération ont été versés à Bruno Cremer, conformément à cette convention.

Cependant, A noter que les contrats de Cremer ne contenaient pas de stipulations spécifiques concernant ces rediffusions.

Quel changement a été introduit par l’accord collectif du 22 novembre 2007 ?

L’accord collectif du 22 novembre 2007 a introduit des distinctions entre les rediffusions acquises dans le cadre d’un contrat de coproduction et celles acquises par cession commerciale.

Pour les rediffusions issues de cessions commerciales, les règles de rémunération ont été modifiées.

La part des recettes réservée aux artistes-interprètes pour le supplément de rémunération a été fixée à 10% de la recette nette du producteur.

De plus, la charge des salaires complémentaires dus aux artistes incombe à l’organisme cédant, et une rémunération supplémentaire est versée par le diffuseur pour les diffusions ayant lieu entre 19 h et 24 h.

Comment les ayants droits de Bruno Cremer ont-ils réagi à cet accord ?

Les ayants droits de Bruno Cremer ont contesté l’application de l’accord du 22 novembre 2007, arguant qu’il leur était inopposable en raison de son absence d’effet rétroactif.

Ils ont fait valoir que l’article L 2261-1 du code du travail stipule que les conventions ou accords sont applicables à partir de leur dépôt, sauf stipulations contraires.

Cependant, l’accord collectif n’avait pas d’effet rétroactif, car il ne s’appliquait qu’aux rediffusions postérieures à son entrée en vigueur.

Les contrats de Cremer ne précisaient pas les modalités de rémunération des rediffusions, se contentant de faire référence à la convention collective en vigueur.

Quelle est la nature de la convention collective en matière de rémunération des artistes-interprètes ?

La convention collective a un effet automatique, immédiat et impératif sur les situations en cours.

Elle n’a pas besoin d’être notifiée individuellement aux artistes-interprètes concernés.

Cette nature de la convention collective est prévue par l’article L 212-5 du code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, même si les contrats de Bruno Cremer ne mentionnaient pas explicitement les modalités de rémunération des rediffusions, la convention collective en vigueur s’appliquait automatiquement à ses prestations.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon