L’Essentiel : La SPEDIDAM a été au cœur de plusieurs procès concernant la rémunération des artistes-interprètes musiciens. Les juges ont clarifié l’application de la Convention de Rome et du Traité OMPI, notamment en ce qui concerne les phonogrammes diffusés en France. La France a choisi de ne considérer que la nationalité du producteur pour déclencher la rémunération, écartant le lieu de fixation. Les demandes de rémunération des artistes pour des phonogrammes enregistrés aux États-Unis ont été rejetées, car les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention de Rome, et la France n’a pas prévu de rémunération pour les diffusions numériques avant 2016.
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La SPEDIDAM poursuivieA l’occasion de plusieurs procès initiés par des artistes-interprètes musiciens contre la SPEDIDAM, les juges ont apporté des précisions importantes en matière d’interprétation de la Convention de Rome du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion et du Traité OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes du 20 décembre 2016. Etaient en cause dans cette affaire, les rémunérations légales perçues par la SPEDIDAM au nom d’artistes musiciens britanniques dont le producteur était basé aux Etats Unis, au titre de la diffusion de leurs phonogrammes en France. Réserves de la France sur la Convention de RomePour les diffusions de phonogrammes faites en France en vertu de la Convention de Rome du 26 octobre 1961, la France a choisi de ne retenir que le seul critère de la nationalité du producteur pour déclencher la rémunération en cas de radiodiffusion ou de communication au public de phonogrammes publiés à des fins de commerce. Le critère du lieu de fixation du phonogramme est donc d’emblée à écarter. Aux termes de l’article 12 de la Convention internationale de Rome du 26 octobre 1961 ratifiée par la France, lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé directement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public, une rémunération équitable et unique doit être versée par l’utilisateur aux artistes-interprètes ou exécutants, ou aux producteurs de phonogramme ou aux deux. Cependant, le gouvernement français a déclaré qu’il n’appliquerait pas les dispositions de cet article 12 pour les phonogrammes dont le producteur n’est pas ressortissant d’un État contractant à la Convention de Rome. La France a également choisi de n’accorder une protection aux artistes-interprètes ayant participé à l’enregistrement de phonogrammes du commerce dont le producteur est ressortissant d’un État contractant que dans la limite de celle reconnue à ces derniers par tel ou tel État (principe de réciprocité). Phonogrammes enregistrés hors UEEn l’espèce, les demandes de rémunération des artistes-interprètes portaient sur des phonogrammes qui n’ont pas été fixés pour la première fois dans un Etat membre de l’Union européenne mais aux Etats-Unis. En application de l’article L. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, sous réserve des conventions internationales, les droits à la rémunération équitable (licence légale) sont répartis entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes uniquement pour les phonogrammes fixés pour la première fois dans un Etat membre de la Communauté européenne. Ces dispositions étant posées «sous la réserve des conventions internationales », les juges ont apprécié les demandes des artistes musiciens au regard i) de la convention de Rome et ii) du Traité de l’OMPI, tous deux ratifiés par la France. Les Etats-Unis n’étant pas signataires de la Convention de Rome, la question du traitement national (principe de réciprocité) ne se posait pas. En revanche, les Etats Unis ont adhéré au Traité OMPI mais sur la base d’une réserve d’interprétation. Les Etats Unis ont fait le choix d’accorder le bénéfice du traitement national uniquement pour « certains actes de radiodiffusion et de communication au public par des moyens numérique » donnant lieu au paiement d’une redevance (webcasting). Or, aucune somme n’était perçue en France, jusqu’en 2016, sur les titres diffusés par webcasting. Les artistes-interprètes n’étaient donc pas fondés à solliciter, sur le fondement de la Convention de Rome, le paiement d’une rémunération équitable pour les phonogrammes de leur producteur, société de droit américain ayant son siège aux Etats-Unis. Réserves de la France et des Etats-Unis sur le Traité OMPILes artistes-interprètes ont également vu leurs demandes de rémunération rejetées au visa du Traité OMPI. Aucune disposition du traité n’emporte dérogation aux engagements pris en vertu de la Convention de Rome. Dès lors que l’artiste-interprète qui se prévaut du bénéfice de la rémunération équitable prévue par le traité est le ressortissant d’une partie contractante à la Convention de Rome, les réserves émises par le Gouvernement français à l’application de cette Convention demeurent applicables également dans le cadre de l’application du traité OMPI. A cet égard, les États-Unis ont déclaré qu’ils n’appliqueront les dispositions de l’article 15.1) du traité OMPI (licence légale et rémunération équitable) qu’à l’égard de certains actes de radiodiffusion et de communication au public par des moyens numériques pour lesquels une redevance directe ou indirecte est perçue au titre de la réception, ou pour d’autres retransmissions et communication sur phonogramme numérique, comme le prévoit la loi américaine. Il ressort de cette réserve que les États-Unis n’accordent pas de rémunération équitable pour toute radiodiffusion et communication au public par des moyens autres que numériques. En conséquence, le bénéfice de la rémunération équitable n’avait pas vocation à s’appliquer pour toutes radiodiffusions et communication au public par des moyens autres que numériques. Impact de la loi du 7 juillet 2016En application de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016, la rémunération équitable est due pour toute radiodiffusion et câblo-distribution simultanée et intégrale d’un phonogramme publié à des fins de commerce effectuée par ou pour le compte d’entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne. Avant l’adoption de la loi du 7 juillet 2016, la communication au public par un service de radio, au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 n’incluait pas la transmission par webdiffusion (ou webcasting). Avant cette loi, cette diffusion numérique ne pouvait donner lieu à perception de redevances au titre de la licence légale. Faute ainsi pour la SPRE de disposer du droit de percevoir ces redevances à raison de ce mode de transmission, la SPEDIDAM ne pouvait pas donc être tenue de répartir pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 7 juillet 2016, aux artistes-interprètes une rémunération équitable, que ce soit en vertu de la loi française ou en application du traité OMPI. En conclusion, la condition de réciprocité était doublement insatisfaite : d’une part, les États-Unis ont exclu contrairement à la France la rémunération équitable pour toute radiodiffusion autre que numérique. D’autre part, la France jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 7 juillet 2016 n’a pas prévu de faire entrer dans le champ de la licence légale les transmissions par voie numérique. |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les principaux enjeux des procès contre la SPEDIDAM ?Les procès initiés par des artistes-interprètes musiciens contre la SPEDIDAM soulèvent des questions cruciales concernant la rémunération des artistes pour l’utilisation de leurs phonogrammes. Ces affaires mettent en lumière l’interprétation de la Convention de Rome de 1961 et du Traité OMPI de 2016, qui visent à protéger les droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes. Les juges ont clarifié que les rémunérations légales perçues par la SPEDIDAM pour des phonogrammes diffusés en France, mais produits par des sociétés basées aux États-Unis, sont au cœur des débats. Cela soulève des questions sur la portée des droits d’auteur et la protection des artistes dans un contexte international, notamment en ce qui concerne les critères de nationalité et de lieu de fixation des phonogrammes. Quelles réserves la France a-t-elle formulées concernant la Convention de Rome ?La France a formulé des réserves spécifiques concernant l’application de la Convention de Rome, en choisissant de ne retenir que le critère de nationalité du producteur pour déclencher la rémunération. Ainsi, pour les phonogrammes diffusés en France, la nationalité du producteur est primordiale, tandis que le lieu de fixation du phonogramme est écarté. L’article 12 de la Convention stipule qu’une rémunération équitable doit être versée pour l’utilisation de phonogrammes, mais la France a précisé qu’elle n’appliquerait pas cette disposition pour les phonogrammes dont le producteur n’est pas ressortissant d’un État contractant. De plus, la protection des artistes-interprètes est limitée par le principe de réciprocité, ce qui signifie que la France n’accorde des droits qu’en fonction de ce qui est reconnu par d’autres États. Comment la situation des phonogrammes enregistrés hors de l’UE est-elle traitée ?Les phonogrammes enregistrés hors de l’Union européenne, notamment aux États-Unis, posent des défis en matière de rémunération pour les artistes-interprètes. Selon l’article L. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, les droits à la rémunération équitable ne s’appliquent qu’aux phonogrammes fixés pour la première fois dans un État membre de l’UE. Les juges ont donc examiné les demandes des artistes à la lumière de la Convention de Rome et du Traité OMPI, tous deux ratifiés par la France. Étant donné que les États-Unis ne sont pas signataires de la Convention de Rome, la question de la réciprocité ne se pose pas. Cependant, les États-Unis ont adhéré au Traité OMPI avec des réserves, limitant la rémunération équitable à certains actes numériques. Quelles sont les réserves des États-Unis concernant le Traité OMPI ?Les États-Unis ont émis des réserves concernant l’application du Traité OMPI, stipulant qu’ils n’appliqueront les dispositions relatives à la rémunération équitable qu’à certains actes de radiodiffusion et de communication au public par des moyens numériques. Cela signifie que les artistes-interprètes ne peuvent pas bénéficier de la rémunération équitable pour des actes de radiodiffusion non numériques. Les réserves américaines indiquent également que la rémunération équitable n’est pas applicable à toutes les formes de communication au public, ce qui limite les droits des artistes-interprètes dans ce contexte. Ainsi, les réserves des États-Unis et de la France sur le Traité OMPI renforcent les restrictions sur la rémunération des artistes-interprètes, en particulier pour les phonogrammes produits hors de l’UE. Quel impact a eu la loi du 7 juillet 2016 sur la rémunération équitable ?La loi du 7 juillet 2016 a modifié l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, élargissant la définition de la communication au public pour inclure la webdiffusion. Avant cette loi, la transmission par webdiffusion n’était pas considérée comme une forme de communication au public, ce qui empêchait la perception de redevances pour ce mode de diffusion. Ainsi, la SPEDIDAM ne pouvait pas être tenue de répartir une rémunération équitable pour les phonogrammes diffusés par ce biais avant l’entrée en vigueur de la loi. Cette évolution législative a donc eu un impact significatif sur les droits des artistes-interprètes, en leur permettant de bénéficier d’une rémunération pour les diffusions numériques, mais uniquement après 2016. En conclusion, la condition de réciprocité n’était pas satisfaite, tant du côté américain que français, limitant ainsi les droits des artistes-interprètes dans ce cadre. |
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