Délai de relogement et conditions d’expulsion : enjeux de la protection des occupants vulnérables.

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Délai de relogement et conditions d’expulsion : enjeux de la protection des occupants vulnérables.

L’Essentiel : Mme [N] [F] a sollicité un délai de 12 mois pour quitter son logement, invoquant sa précarité et une procédure de surendettement en cours. Lors de l’audience, elle a été représentée par sa curatrice, soulignant son absence d’emploi et ses revenus limités. En revanche, la société VILOGIA a contesté cette demande, rappelant les impayés de loyer et un précédent effacement de dettes. Le juge, se fondant sur l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, a finalement rejeté la demande de Mme [N] [F], notant son incapacité à justifier le paiement de l’indemnité d’occupation.

Contexte de l’affaire

Mme [N] [F] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny le 13 août 2024, demandant un délai de 12 mois pour quitter son logement situé à [Adresse 1] à [Localité 4] (93). Cette demande fait suite à une ordonnance d’expulsion rendue le 18 mars 2022 en faveur de la société VILOGIA.

Audience et arguments de Mme [N] [F]

Lors de l’audience du 7 novembre 2024, Mme [N] [F], représentée par sa curatrice, a maintenu sa demande. Elle a évoqué sa situation de précarité, étant sans emploi et bénéficiant d’une allocation pour le logement. Elle a également mentionné une procédure de surendettement en cours et un suivi médical.

Position de la société VILOGIA

La société VILOGIA a demandé au juge de débouter Mme [N] [F] de sa demande, arguant qu’elle n’avait payé son loyer que pendant quelques mois et qu’elle avait déjà bénéficié d’un effacement de dettes en 2020. VILOGIA a également souligné qu’un recours avait été déposé contre la décision de recevabilité d’une nouvelle procédure de surendettement.

Cadre juridique des délais d’expulsion

Selon l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants d’un logement dont l’expulsion a été ordonnée, sous certaines conditions. Ces délais ne s’appliquent pas si le propriétaire exerce son droit de reprise ou si l’occupant a agi de mauvaise foi.

Éléments de la demande de Mme [N] [F]

Mme [N] [F] a justifié sa demande en indiquant qu’elle est sous curatelle renforcée depuis le 29 septembre 2023 et qu’elle perçoit des revenus limités. Elle a également mentionné un recours contre une proposition d’effacement total de ses dettes.

Décision du juge

Le juge a rejeté la demande de Mme [N] [F] en raison de son incapacité à justifier le paiement de l’indemnité d’occupation et l’absence de démarches pour se reloger. Elle a également été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour accorder un délai de départ selon l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution stipule que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, lorsque le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Ce texte précise que le juge qui ordonne l’expulsion peut également accorder les mêmes délais dans les mêmes conditions.

Cependant, cette disposition ne s’applique pas lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l’article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.

Les deux premiers alinéas de cet article ne s’appliquent pas non plus lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Comment l’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution encadre-t-il la durée des délais accordés ?

L’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version en vigueur à compter du 29 juillet 2023, précise que la durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de plusieurs éléments, notamment :

– La bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations.

– Les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, en tenant compte de l’âge, de l’état de santé, de la qualité de sinistré par faits de guerre, de la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux.

– Les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que du délai prévisible de relogement des intéressés.

Quelles sont les conséquences de l’absence de justification de paiement de l’indemnité d’occupation par Mme [N] [F] ?

Dans le cas présent, Mme [N] [F] n’a pas justifié du paiement, même partiel, de l’indemnité d’occupation, ni de démarches pour se reloger.

Cette absence de justification a conduit le juge à rejeter sa requête en délais. En effet, la bonne foi et les efforts de l’occupant pour se conformer à ses obligations sont des critères essentiels pour l’octroi d’un délai de départ.

Le juge a également noté qu’aucun élément afférent à sa situation personnelle et de santé n’a été produit, ce qui a renforcé la décision de débouter Mme [N] [F] de sa demande.

Ainsi, le non-respect des obligations financières et l’absence de démarches concrètes pour un relogement ont été des facteurs déterminants dans le rejet de sa demande.

Quelles sont les implications des demandes accessoires dans cette affaire ?

Les demandes accessoires dans cette affaire concernent principalement la condamnation de Mme [N] [F] aux dépens.

En effet, le juge a décidé de condamner Mme [N] [F] aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure judiciaire. Cette décision est courante dans les affaires où la demande principale est rejetée.

La condamnation aux dépens est prévue par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est généralement condamnée aux dépens, sauf décision contraire du juge.

Dans ce cas, le rejet de la demande de délai pour se maintenir dans les lieux a conduit à cette condamnation, soulignant ainsi les conséquences financières pour l’occupant en cas de non-respect de ses obligations.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
25 Novembre 2024

MINUTE : 2024/1193

N° RG 24/08427 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZZQM
Chambre 8/Section 3

Rendu par Madame SAPEDE Hélène, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR :

Madame [N] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Madame [B] [V], curatrice

Madame [V] [B] es qualité de Curatrice de Madame [N] [F]
[Adresse 5]

ET

DÉFENDEUR:

Société VILOGIA
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me BELMONT, avocat au barreau de PARIS D1118

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :

Madame SAPEDE, juge de l’exécution,
Assistée de Madame FAIJA, Greffière.

L’affaire a été plaidée le 07 Novembre 2024, et mise en délibéré au 25 Novembre 2024.

JUGEMENT :

Prononcé le 25 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par déclaration reçue au greffe le 13 août 2024, Mme [N] [F] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny, sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, afin qu’il lui accorde un délai de 12 mois pour libérer les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 4] (93), desquels son expulsion a été ordonnée par ordonnance rendue le 18 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’AUBERVILLIERS au bénéfice de la société VILOGIA.

L’affaire a été appelée à l’audience du 7 novembre 2024.

A cette audience, Mme [N] [F], représentée par sa curatrice, Mme [V] [B], a maintenu sa demande dans les termes de la requête.
Elle fait valoir qu’elle est sans emploi et bénéficiaire, notamment, de l’allocation pour le logement directement versée entre les mains de la propriétaire ; qu’une procédure de surendettement est en cours ; qu’elle bénéficie d’un suivi médical.

Par conclusions visées par le greffe et développées oralement à l’audience, la société VILOGIA sollicite du juge de l’exécution qu’il déboute la requérante de ses demandes et, subsidiairement, qu’il subordonne les délais accordés au paiement de l’indemnité d’occupation.
Elle soutient que Mme [F] n’a payé son loyer que quelques mois depuis son entrée dans les lieux ; qu’elle a déjà bénéficié d’un effacement de ses dettes dans le cadre d’une première procédure de surendettement en 2020 ; qu’elle a déposé un recours à l’encontre de la décision de recevabilité d’une nouvelle procédure de surendettement.

Après la clôture des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024.

SUR CE,

Sur les délais pour quitter les lieux :

En application de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n’est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l’article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Conformément à l’article L.412-4 du même code dans sa version en vigueur à compter du 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, l’expulsion est poursuivie en exécution d’une ordonnance rendue le 18 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’AUBERVILLIERS, signifiée le 14 septembre 2022.

Un commandement de quitter les lieux au plus tard le 24 mars 2023 a été délivré le 24 janvier 2023.

Au soutien de sa demande, Mme [N] [F] justifie qu’elle bénéficie d’une mesure de curatelle renforcée depuis le 29 septembre 2023 ; qu’elle a déclaré, au titre de ses revenus de 2023, la somme de 9.744 euros, percevant l’allocation d’aide au retour à l’emploi ; qu’elle perçoit l’aide personnalisée au logement, directement versée entre les mains de la société VILOGIA ; qu’un recours a été formé à l’encontre de la proposition d’effacement total de ses dettes (dette de logement et amendes) émise par la commission de surendettement des particuliers de la Seine Saint-Denis le 8 juillet 2024.

Faute pour Mme [F] de justifier du paiement, même partiel, de l’indemnité d’occupation et de démarches pour se reloger, et alors qu’il n’est produit aucun élément afférent à sa situation personnelle et de santé, sa requête en délais sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Mme [N] [F] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

DÉBOUTE Mme [N] [F] de sa demande en délais pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 4] (93) ;
CONDAMNE Mme [N] [F] aux dépens ;

Fait à Bobigny le 25 novembre 2024

LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXÉCUTION


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