L’Essentiel : M. [I] [J] a engagé une procédure pour revendiquer la nationalité française, suite à un refus de certificat par le greffier en chef. Né au Bénin, il se base sur l’article 18 du code civil, affirmant que son père, M. [X] [J], est français. Le ministère public conteste cette revendication, soulignant que M. [I] [J] doit prouver la nationalité de son père et établir un lien de filiation. Malgré des certificats présentés, le tribunal a jugé que M. [I] [J] n’a pas prouvé que ses ancêtres avaient conservé la nationalité française, le déboutant de sa demande.
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Contexte de l’affaireM. [I] [J] a engagé une procédure judiciaire pour revendiquer la nationalité française, suite à un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française par le greffier en chef du service de la nationalité. L’assignation a été délivrée le 16 mars 2021, et le ministère public a notifié ses conclusions le 13 décembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 4 octobre 2023, où le jugement a révoqué l’ordonnance de clôture. Revendiquer la nationalité françaiseM. [I] [J] affirme être né au Bénin et revendique la nationalité française par filiation paternelle, se basant sur l’article 18 du code civil. Il soutient que son père, M. [X] [J], est français, étant le fils d’un ancêtre ayant conservé la nationalité française. Le ministère public conteste cette revendication, affirmant que M. [I] [J] n’est pas français. Charge de la preuveSelon l’article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui revendique la nationalité. M. [I] [J] doit prouver la nationalité française de son père et établir un lien de filiation légal. Les actes d’état civil doivent être probants et établis pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité. Éléments de preuve fournisPour prouver la nationalité française de son père, M. [I] [J] a présenté des certificats de nationalité française de ses ancêtres. Cependant, le tribunal rappelle que ces certificats ne valent présomption de nationalité que pour leur titulaire. M. [I] [J] doit donc prouver sa propre nationalité. Documents insuffisantsM. [I] [J] a produit une photocopie illisible d’un arrêt de la cour d’appel de l’Afrique Occidentale Française, mais cette pièce n’a pas de valeur probante. L’absence de l’intégralité de la décision empêche de prouver que son ancêtre a été reconnu comme français. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que M. [I] [J] n’a pas réussi à prouver que ses ascendants avaient conservé la nationalité française lors de l’indépendance du Bénin. Par conséquent, il a été débouté de sa demande de reconnaissance de nationalité française par filiation paternelle et a été déclaré non français. Mentions et dépensLe tribunal a ordonné la mention des décisions relatives à la nationalité sur l’acte de naissance de M. [I] [J]. En outre, il a été condamné aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la régularité de la procédure selon l’article 1043 du code de procédure civile ?La régularité de la procédure est confirmée par l’article 1043 du code de procédure civile, qui stipule que dans toutes les instances où s’élève une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la Justice, qui en délivre récépissé. En l’espèce, le ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 26 mai 2021, ce qui signifie que la condition de l’article 1043 est respectée. Ainsi, la procédure est jugée régulière au regard de ces dispositions, permettant au tribunal de poursuivre l’examen de l’affaire. Quelles sont les conditions pour revendiquer la nationalité française selon l’article 30 du code civil ?L’article 30 alinéa 1 du code civil précise que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité. Cela signifie que M. [I] [J], qui ne détient pas un certificat de nationalité française, doit prouver sa nationalité française par la démonstration de la nationalité française de son parent et d’un lien de filiation légalement établi. Il doit fournir des actes d’état civil probants, conformément à l’article 47 du code civil, qui stipule que tout acte de l’état civil fait en pays étranger fait foi, sauf preuve du contraire. Quels sont les effets de l’accession à l’indépendance sur la nationalité selon la loi n°60-752 ?Les effets de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par les articles 32 à 32-5 du code civil. Ces dispositions stipulent que seuls conservent la nationalité française les originaires du territoire de la République française qui étaient domiciliés au moment de l’indépendance sur le territoire d’un État ayant eu le statut de territoire d’outre-mer. Les personnes qui n’ont pas acquis la nationalité d’un nouvel État, ainsi que les enfants mineurs, peuvent également conserver la nationalité française sous certaines conditions. Comment M. [I] [J] doit-il prouver sa nationalité française ?M. [I] [J] doit prouver sa nationalité française en démontrant la nationalité française de son parent et en établissant un lien de filiation légalement reconnu. Cela implique la production d’actes d’état civil probants, conformément à l’article 47 du code civil, qui exige que tout acte d’état civil fait en pays étranger soit reconnu, sauf preuve du contraire. Il doit également respecter les exigences de l’article 20-1 du code civil, qui stipule que l’établissement de la filiation doit intervenir pendant la minorité pour avoir des effets sur la nationalité. En l’absence de certificats de nationalité française pour ses ascendants, il lui incombe de prouver la nationalité française de son ascendant revendiqué, ce qu’il n’a pas réussi à faire. Quelle est la portée de l’article 28 du code civil concernant la nationalité ?L’article 28 du code civil stipule que mention sera portée en marge de l’acte de naissance des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Cela inclut également les décisions juridictionnelles ayant trait à la nationalité. En conséquence, le tribunal ordonne que cette mention soit faite dans le cas de M. [I] [J], en raison de la décision rendue concernant sa nationalité. Cette mention est essentielle pour assurer la traçabilité des décisions relatives à la nationalité et pour informer les tiers des changements d’état civil liés à la nationalité française. Quelles sont les conséquences des dépens selon l’article 696 du code de procédure civile ?L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, M. [I] [J] a été débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française, ce qui entraîne sa condamnation aux dépens. Cette disposition vise à garantir que la partie perdante supporte les frais de la procédure, contribuant ainsi à l’équité du système judiciaire. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 21/04433
N° Portalis 352J-W-B7F-CUCT7
N° PARQUET : 21/248
N° MINUTE :
Assignation du :
16 Mars 2021
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDEUR
Monsieur [I] [E] [M] [T] [J]
[Adresse 6]
[Localité 2] (BENIN)
représenté par Me Carole SULLI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2619
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 1]
Madame Isabelle MULLER-HEYM, substitute
Décision du 22 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/04433
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Hanane Jaafar, greffière lors des débats et de Madame Christine Kermorvant, greffère lors de la mise à disposition,
DEBATS
A l’audience du 27 Novembre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Hanane Jaafar, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’assignation délivrée le 16 mars 2021 par M. [I] [J] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2022,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2023 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 4 octobre 2023,
Vu le jugement rendu le 4 octobre 2023 révoquant l’ordonnance de clôture,
Vu les dernières conclusions de M. [I] [J] notifiées par la voie électronique le 4 novembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 27 novembre 2024,
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l’assignation, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 26 mai 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
M. [I] [J], se disant né le 14 avril 2001 à [Localité 2] (Bénin), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l’article 18 du code civil. Il expose que son père, M. [X] [J], né le 19 avril 1975 à [Localité 2] (Bénin), est français pour être le fils de [D] [J], né le 18 octobre 1928 à [Localité 4] ([Localité 3]), lequel a conservé la nationalité française pour être issu de [S] [N] dit [J], français suivant arrêt de la cour d’appel de l’Afrique occidentale française rendu le 10 mars 1933.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 28 juin 2018 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que son acte de naissance n’avait pas été dressé conformément à la législation en vigueur (pièce n°7 du demandeur).
Le ministère public sollicite du tribunal de dire que M. [I] [J] n’est pas français.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le demandeur, l’action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.
Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.
Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
– les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l’indépendance sur le territoire d’un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d’outre-mer de la République française, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé d’origine française ou de souche européenne, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
– les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
– celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
– enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
– les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.
Il appartient ainsi à M. [I] [J], qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Bénin, les actes d’état civil sont dispensés de légalisation par l’article 43 de l’accord de coopération en matière de justice signé le 27 février 1975 et publié les 9 et 10 janvier 1978 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l’autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l’original par ladite autorité.
Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d’actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.
En l’espèce, pour justifier de la nationalité française de son père revendiqué, M. [I] [J] invoque les certificats de nationalité française délivrés à M. [X] [J] et [D] [J] (pièces n°3 et 19 du demandeur).
Il est donc rappelé, avec le ministère public, qu’en vertu des dispositions de l’article 30 du code civil, un certificat de nationalité française ne vaut présomption de nationalité française que pour son titulaire, et ne peut dispenser les tiers, fussent-ils membres de la même famille, de rapporter la preuve de leur nationalité française dans les instances les concernant.
Ainsi, le demandeur ne peut tirer aucune conséquence, sur le plan de la charge probatoire qui est la sienne des certificats de nationalité française délivrés à ses ascendants. Il lui appartient de faire la preuve de sa nationalité française et, notamment, de démontrer que [S] [N] dit [J] a été jugé français.
Le ministère public fait valoir qu’en l’état des pièces versées, et notamment faute de produire l’arrêt reconnaissant la qualité de français à [S] [N] dit [J], le demandeur ne rapporte pas la preuve de la nationalité française de son ascendant revendiqué.
En réponse, M. [I] [J] produit une copie de la première page de l’arrêt rendu le 10 mars 1933 par la cour d’appel de l’Afrique Occidentale Française siégeant à Dakar (pièce n°15 du demandeur).
Toutefois, cette pièce est produite en simple photocopie, de surcroît illisible. Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d’intégrité et d’authenticité, cette pièce est dépourvue de toute valeur probante.
Par ailleurs, en tout état de cause, en l’absence de production de l’intégralité de la décision, cette pièce ne permet nullement de démontrer que l’ascendant revendiqué du demandeur a bénéficié d’une décision lui ayant reconnu la qualité de français.
Ainsi, le demandeur échoue à démontrer que ses ascendants ont conservé la nationalité française lors de l’accession à l’indépendance du [Localité 3].
En conséquence, M. [I] [J] sera débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation paternelle. En outre, dès lors qu’il ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu’il n’est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [I] [J], qui succombe, sera condamné aux dépens.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;
Déboute M. [I], [E], [M], [T] [J] de sa demande tendant à voir juger qu’il est de nationalité française ;
Juge que M. [I], [E], [M], [T] [J], né le 14 avril 2001 à [Localité 2] (Bénin), n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne M. [I], [E], [M], [T] [J] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
C.Kermorvant M. Mehrabi
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