L’Essentiel : M. [P] [W] a été engagé par la SA PORT PRIVÉ en 2017, promu maître de port principal, puis licencié en mars 2022 par la SA SPL SUD PLAISANCE. Contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a déclaré le licenciement nul et ordonné sa réintégration. En appel, la SA SPL SUD PLAISANCE a demandé la radiation de l’affaire, mais le magistrat a jugé que l’employeur avait respecté le jugement, bien que de manière incomplète. Finalement, M. [P] [W] a été débouté de sa demande de radiation et condamné aux dépens d’appel.
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Embauche et licenciement de M. [P] [W]La SA PORT PRIVÉ de [Localité 5] a engagé M. [P] [W] en tant qu’agent de port de plaisance par un contrat à durée indéterminée le 2 février 2017. Il a été promu maître de port principal, statut cadre. En janvier 2022, son contrat a été transféré à la SA SPL SUD PLAISANCE, qui a ensuite licencié M. [P] [W] par lettre datée du 18 mars 2022. Contestation du licenciementM. [P] [W] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes de Fréjus le 16 mai 2022. Le jugement rendu le 25 avril 2024 a déclaré le licenciement nul, ordonné la réintégration du salarié, et condamné l’employeur à verser des salaires dus, des dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi que des frais irrépétibles. Appel de la décisionLa SA SPL SUD PLAISANCE a interjeté appel de cette décision le 13 mai 2024. M. [P] [W] a ensuite déposé des conclusions le 15 novembre 2024, demandant la reconnaissance de l’inexécution du jugement par l’employeur et le versement de sommes dues. Demandes de la SA SPL SUD PLAISANCEEn réponse, la SA SPL SUD PLAISANCE a déposé des conclusions le 18 novembre 2024, demandant le déboutement de M. [P] [W] concernant la radiation de l’affaire et la remise des bulletins de salaire, ainsi que le paiement de frais irrépétibles. Exécution du jugementLe magistrat a examiné l’exécution du jugement, notant que l’employeur avait versé les sommes dues, mais n’avait remis qu’un bulletin de salaire global au lieu de plusieurs bulletins mensuels. La cour a jugé que cette inexécution n’était pas suffisamment grave pour justifier une radiation de l’affaire. Décision finaleLe magistrat a débouté M. [P] [W] de sa demande de radiation et a également débouté les parties de leurs demandes concernant les frais irrépétibles. M. [P] [W] a été condamné aux dépens d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’exécution provisoire dans le cadre d’un appel selon l’article 524 du code de procédure civile ?L’article 524 du code de procédure civile stipule que : « Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911. La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d’administration judiciaire. » Ainsi, l’exécution provisoire permet à l’intimé de demander la radiation de l’affaire si l’appelant n’exécute pas la décision. Il est important de noter que la radiation ne doit pas être disproportionnée par rapport aux circonstances de l’affaire, et le juge doit examiner si l’inexécution est significative ou non. En l’espèce, la cour a jugé que l’employeur avait exécuté les condamnations pécuniaires, et que le manquement à la remise des bulletins de salaire mensuels ne justifiait pas la radiation. Quelles sont les conséquences de l’inexécution partielle d’un jugement sur la demande de radiation ?L’article 524 du code de procédure civile précise que la radiation ne doit pas être ordonnée si l’inexécution est très partielle ou si les montants restant dus sont faibles. En effet, le texte indique que : « En appel, comme devant la Cour de cassation concernant les dispositions similaires qui lui sont applicables, ce texte doit être lu à la lumière de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge doit en conséquence se livrer à un examen des circonstances propres à l’espèce et apprécier si la radiation ne constitue pas une mesure disproportionnée eu égard aux buts poursuivis. » Dans le cas présent, la cour a constaté que l’employeur avait exécuté la majorité des condamnations pécuniaires, et que le seul manquement concernait la remise d’un bulletin de salaire global au lieu de plusieurs bulletins mensuels. Cette inexécution a été jugée insuffisante pour justifier une radiation, car elle ne portait pas atteinte au droit d’accès au juge. Comment les frais irrépétibles sont-ils traités dans le cadre de cette affaire ?L’article 700 du code de procédure civile stipule que : « Dans toutes les instances, le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans cette affaire, le magistrat a décidé qu’il n’était pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles avaient exposés. Ainsi, les parties ont été déboutées de leurs demandes formées en application de l’article 700, et le salarié a été condamné aux dépens de l’incident. Cela signifie que chaque partie doit supporter ses propres frais, et aucune indemnité ne sera versée pour couvrir les frais d’avocat ou autres dépenses liées à l’incident. Cette décision souligne l’importance de la responsabilité des parties dans la gestion de leurs frais juridiques. |
Chambres sociales
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 4-6
Ordonnance n° 2025/M004
ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 17 JANVIER 2025
Rôle N°24/06135
N° Portalis DBVB-V-B7I-BNASF
S.A. SPL SUD PLAISANCE
C/
[P] [W]
Copie exécutoire délivrée
le : 17/01/2025
à :
– Me Olivier BONIJOLY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
– Me Juliette BOUZEREAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
APPELANTE, défenderesse à l’incident
S.A. SPL SUD PLAISANCE, sise [Adresse 4]
représentée par Me Olivier BONIJOLY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Coralie ELETTI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME, demandeur à l’incident
Monsieur [P] [W], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Juliette BOUZEREAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Muriel GESTAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
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Nous, Pascal MATHIS, magistrat de la mise en état de la Chambre 4-6 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assisté de Pascale ROCK, Greffier présent lors des débats et de Suzie BRETER, Greffier présent lors de la mise à disposition,
Après débats à l’audience du 19 novembre 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 17 janvier 2025, l’ordonnance suivante :
[1] La SA PORT PRIVÉ DE [Localité 5] a embauché M. [P] [W] en qualité d’agent de port de plaisance suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2’février’2017. Le salarié a été promu maître de port principal statut cadre. À compter du mois de janvier 2022 le contrat de travail a été transféré à la SA SPL SUD PLAISANCE. Le salarié a été licencié par lettre du 18 mars 2022.
[2] Contestant notamment son licenciement, M. [P] [W] a saisi le 16 mai 2022 le conseil de prud’hommes de Fréjus, section encadrement, lequel, par jugement de départage rendu le 25 avril 2024, a’:
prononcé la nullité du licenciement’;
ordonné la réintégration du salarié dans son emploi’;
condamné l’employeur à verser au salarié les salaires dus à compter du 4 mars 2022 jusqu’à réintégration effective dans son emploi, après déduction des revenus de remplacement’;
fixé à cette fin à 5’078,33’€ bruts le montant moyen du salaire brut mensuel’;
condamné l’employeur à verser au salarié la somme provisionnelle de 88’555,33’€ au titre des salaires dus à compter du 4 mars 2022 jusqu’au 4 avril 2024′;
condamné l’employeur à remettre au salarié les bulletins de paie correspondant à la période de réintégration’;
condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 10’000’€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral’:
condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 5’000’€ au titre des frais irrépétibles’;
condamné l’employeur aux dépens de l’instance’;
ordonné l’exécution provisoire’;
débouté les parties de leurs demandes pour le surplus.
[3] Cette décision a été notifiée le 2 mai 2024 à la SA SPL SUD PLAISANCE qui en a interjeté appel suivant déclaration du 13 mai 2024.
[4] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 novembre 2024 aux termes desquelles M. [P] [W] demande au magistrat de la mise en état de’:
dire que l’employeur n’a pas déféré à l’obligation d’exécuter le jugement entrepris’;
dire qu’il reste devoir au 15 novembre 2024 la somme de 21’917,40’€’;
dire qu’il reste à lui verser les bulletins de salaires devant justifier des sommes reçues auprès des impôts’;
ordonner la radiation du rôle des appels de la procédure’;
condamner l’employeur à lui payer la somme de 4’000’€ au titre des frais irrépétibles’;
condamner l’employeur aux entiers dépens distraits au profit de Maître Juliette BOUZEREAU,
[5] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 18 novembre 2024 aux termes desquelles la SA SPL SUD PLAISANCE demande au conseiller de la mise en état de’:
débouter le salarié de sa demande de radiation de l’affaire du rôle’;
débouter le salarié de sa demande au titre de la remise des bulletins de salaires’;
condamner le salarié à lui payer la somme de 4’000’€ nets au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
1/ Sur l’exécution du jugement entrepris
[6] L’article 524 du code de procédure civile disposait dans sa version en vigueur du 1er’janvier’2020 au 1er septembre 2024, que’:
«’Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d’administration judiciaire.
La demande de radiation suspend les délais impartis à l’intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911.
Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.
La décision de radiation n’emporte pas suspension des délais impartis à l’appelant par les articles 905-2, 908 et 911. Elle interdit l’examen des appels principaux et incidents ou provoqués.
Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.
Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s’il constate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour sur justification de l’exécution de la décision attaquée.’»’
En appel, comme devant la Cour de cassation concernant les dispositions similaires qui lui sont applicables, ce texte doit être lu à la lumière de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge doit en conséquence se livrer à un examen des circonstances propres à l’espèce et apprécier si la radiation ne constitue pas une mesure disproportionnée eu égard aux buts poursuivis. Ainsi, la radiation doit-elle être refusée si l’inexécution n’est que très partielle ou les montants restant dus très faibles (Cass., ord. 1er prés., 6’juill. 1995, n° 94-18.310, Bull. civ. ord., n° 25′; Cass., ord. 1er’ prés., 23 avr. 2003, n° 02-12.181, Bull. civ. ord., n° 3).
[7] Le salarié reproche à l’employeur de ne pas lui avoir versé la somme de 10’000’€ due à titre de dommages et intérêts outre celle de 5’000’€ au titre des frais irrépétibles et de ne lui avoir remis qu’un bulletin de salaire global et non des bulletins de salaire mensuels. L’employeur produit en réponse le bulletin de salaire édité au titre de l’exécution du jugement comportant l’indemnité d’éviction du 4 mars 2022 au 4 avril 2024 pour un montant de 88’555,33’€ bruts, de laquelle sont prélevées les cotisations afférentes à hauteur de 17’673,16’€, soit une somme en net de 70’940,67’€, les dommages et intérêts pour préjudice moral pour un montant de 10’000’€ nets, ainsi que la somme de 5’000’€ nets au titre des frais irrépétibles, soit un montant net social de 83’377,29’€ duquel est déduit la somme de 6’739,36’€ au titre de l’impôt sur le revenu pour un virement de 76’637,93’€. L’employeur produit encore le justificatif de ce virement.
[8] La cour retient que l’employeur a exécuté totalement les condamnations pécuniaires et que son seul manquement tient à la remise d’un bulletin de salaire global alors que le jugement l’avait condamné à remettre plusieurs bulletins de paie. Il n’apparaît pas en l’espèce que la gravité de cette inexécution soit suffisante pour justifier la mesure de radiation qui constituerait une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge par rapport aux impératifs de célérité et de sécurité juridique poursuivis par les dispositions de l’article 524 du code de procédure civile. En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande de radiation.
2/ Sur les autres demandes
[9] Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés au titre de l’incident. Elles seront en conséquence déboutées de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le salarié supportera la charge des dépens de l’incident.
LE MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT,
Déboute M. [P] [W] de sa demande de radiation du rôle de l’affaire.
Déboute les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles.
Condamne M. [P] [W] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT
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