L’Essentiel : Dans le cadre d’un contrat de location signé le 9 juillet 2018, un propriétaire, représenté par un mandataire, a loué un immeuble à des locataires. En 2022, ces derniers ont reçu un décompte des charges indiquant un solde à percevoir et une augmentation de la provision. Le 3 juillet 2024, les locataires ont déposé une requête contre le mandataire, demandant des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral. Le mandataire a contesté ces demandes, affirmant que l’augmentation était justifiée. Le tribunal a finalement condamné le mandataire à verser une somme en dommages et intérêts pour préjudice moral.
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Contexte de l’affaireDans le cadre d’un contrat de location signé le 9 juillet 2018, un propriétaire, représenté par un mandataire, a loué un immeuble à usage d’habitation à des locataires, moyennant un loyer mensuel et une provision pour charges. En 2022, les locataires ont reçu un décompte des charges indiquant un solde à percevoir et une augmentation de la provision pour charges. Demande des locatairesLe 3 juillet 2024, les locataires ont déposé une requête contre le mandataire devant le juge des contentieux de la protection, demandant des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral, ainsi que le remboursement des frais de justice. Lors de l’audience, ils ont soutenu que le mandataire avait exigé une régularisation excessive des charges et avait injustement augmenté la provision. Arguments du mandataireLe mandataire a contesté les demandes des locataires, affirmant qu’il n’avait pas commis de faute dans sa gestion. Il a expliqué que l’augmentation de la provision était automatique et justifiée par la régularisation des charges de l’année précédente. De plus, il a précisé que le recours à un huissier était nécessaire pour récupérer les sommes dues. Analyse du tribunalLe tribunal a examiné la responsabilité du mandataire, notant qu’il ne pouvait être tenu responsable que pour une faute ayant causé un préjudice aux locataires. Il a constaté que les relevés de consommation d’eau étaient incomplets et que le mandataire avait agi en se basant sur les dernières données disponibles. Cependant, il a également relevé que l’augmentation de la provision pour charges avait été mal calculée. Décision du tribunalLe tribunal a condamné le mandataire à verser aux locataires une somme de 139,34 € en dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par l’intervention d’un huissier. Les locataires ont été déboutés de leurs autres demandes, et chaque partie a été condamnée à supporter la moitié des dépens. La décision a été assortie de l’exécution provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité du mandataire dans le cadre de la gestion locative ?La responsabilité du mandataire, en l’occurrence la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER, est régie par l’article 1992 du Code civil, qui stipule que « le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de restituer ce qu’il a reçu ». Dans le cadre de la gestion locative, la responsabilité du mandataire ne peut être engagée que pour une faute commise dans l’exercice de sa mission, ayant causé un préjudice aux locataires. En l’espèce, il a été établi que la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER a agi en tant que mandataire du propriétaire, mais il n’a pas été démontré qu’il y avait eu une faute dans la gestion des charges. Les locataires n’ont pas apporté d’éléments probants concernant la surconsommation d’eau, et le non-relevé des compteurs ne peut être reproché au mandataire, qui a agi sur la base des dernières consommations connues. Ainsi, la responsabilité du mandataire ne peut être engagée sans preuve d’une faute ayant causé un préjudice. Comment se justifie l’augmentation de la provision pour charges ?L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 précise que « le bailleur peut, à la fin de chaque exercice, ajuster le montant des provisions pour charges en fonction des dépenses réelles ». Dans le cas présent, la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER a justifié l’augmentation de la provision pour charges en se basant sur les charges de l’année précédente. Il a été constaté que le total des charges pour 2021 était de 1981,02 €, dont 1258,90 € pour l’eau froide. Les provisions pour charges étaient initialement de 124,00 € par mois, et l’augmentation à 175,00 € a été contestée par les locataires. Cependant, le tribunal a noté que le recalcul de la provision aurait dû être de 165,00 €, tenant compte de la régularisation exceptionnelle due à la non-facturation des consommations d’eau pendant deux ans. Ainsi, l’augmentation de la provision pour charges a été jugée excessive et injustifiée. Quel est le fondement des demandes en dommages et intérêts ?Les demandes en dommages et intérêts sont fondées sur l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans cette affaire, les locataires ont demandé des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral. Le tribunal a reconnu que le préjudice moral était lié à l’intervention d’un huissier de justice pour récupérer les provisions pour charges, malgré les contestations des locataires concernant le montant de la provision. Cependant, le tribunal a également noté que le préjudice économique n’était pas démontré, car l’excès des provisions avait été régularisé à la fin de l’année 2022. Finalement, le tribunal a condamné la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER à verser une somme limitée de 139,34 € pour le préjudice moral, en tenant compte de la situation dans son ensemble. Quelles sont les conséquences des décisions judiciaires sur les dépens ?L’article 696 du Code de procédure civile stipule que « les dépens sont à la charge de la partie qui succombe ». Dans cette affaire, le tribunal a décidé que chaque partie devait supporter la moitié des dépens, ce qui est conforme à la règle générale en matière de frais de justice. Cette décision reflète le principe selon lequel les dépens doivent être répartis équitablement entre les parties, en fonction de l’issue du litige. Ainsi, bien que la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER ait été condamnée à verser des dommages et intérêts, les locataires n’ont pas obtenu gain de cause sur l’ensemble de leurs demandes, ce qui justifie la répartition des dépens. En conséquence, chaque partie devra assumer une part des frais engagés dans le cadre de la procédure. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE de SAINT ETIENNE
N° RG 24/03060 – N° Portalis DBYQ-W-B7I-ILSD
4ème CHAMBRE CIVILE – POLE DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 03 Février 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Président : Monsieur Jean-Philippe BELPERRON, Juge chargé des contentieux de la protection assisté de Madame Sophie SIMEONE, greffière ;
DEBATS : à l’audience publique du 03 Décembre 2024
ENTRE :
Monsieur [H] [U]
demeurant [Adresse 1]
comparant
ET :
S.A.R.L. CITYA MONCHALIN IMMOBILIER
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représenté par Monsieur [Y] [I] (dirigeant)
JUGEMENT :
contradictoire et en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 03 Février 2025
Suivant contrat signé le 9 juillet 2018, Madame et Monsieur [R] ayant pour mandataire la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER ont donné en location à Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U], un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 2] à [Localité 4], moyennant un loyer mensuel révisable et une provision pour charge de 124,00 €.
Il n’est pas contesté qu’en 2022, Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U] ont reçu un décompte des charges mentionnant une somme restant à percevoir de 493,02 € et l’information que le montant des provisions passerait de 110,00 € à 175,00 €.
Le 3 juillet 2024, Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U] ont adressé une requête contre SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER devant le juge des contentieux de la protection de Saint-Etienne, aux fins de voir celui-ci condamné à :
1 757,49 € au titre de leur préjudice matériel,3240,00 € au titre de leur préjudice moralainsi qu’aux entiers dépens.
L’audience s’est tenue le 3 décembre 2024.
Lors de l’audience, Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U] ont expliqué au soutien des prétentions :
– que la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER avait brutalement demandé une importante régularisation de charge et avait augmenté sans raison le montant de la provision pour charge,
– que compte tenu des explications données par la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER, à savoir que les relevés de compteur d’eau n’avaient pas pu être fait et qu’une somme avait été pour les années précédentes forfaitairement fixée, et devait faire dès lors l’objet d’un rattrapage, ne constitue pas une justification, le retard leur étant imputable,
– que d’autre part l’augmentation de régularisation pour charge est injustifiée compte tenu que l’augmentation des charges était liée à un rattrapage et non à une réelle augmentation des charges,
– que la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER a refusé toute discussion sur le montant de la régularisation des charges, et leur a adressé un huissier de justice pour demander le paiement, alors que le loyer et le reste des charges a toujours été bien payés, ce qui leur a constitué un préjudice moral.
La SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER a conclu au débouté des prétentions adverses.
La SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER a expliqué au soutien de ses moyens de défense qu’il n’a pas commis de faute dans sa mission de mandataire du propriétaire. Sur la facturation des consommations d’eau en 2022, il ne peut être tenu du fait que le syndicat des copropriétaires ne lui a pas remis les consommations pour les années précédentes et ait indiqué uniquement une somme forfaitaire.
Sur l’augmentation du montant de la provision, celle-ci se fait de manière automatique et prenant en compte la régularisation pour charge de l’année précédente. Enfin sur le recours à un huissier, celui-ci est de leur responsabilité vis à vis de leur client, pour lequel ils doivent user de tous les moyens pour obtenir le paiement des sommes dues.
Sur la demande principale en dommages et intérêts,
Attendu que la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER agit en tant que mandataire du propriétaire, sa responsabilité ne peut être engagée que pour une faute commise dans le cadre de sa gestion ayant causé un préjudice aux locataires ;
qu’en l’espèce, il ressort des relevés de décompte de charges fournis qu’à la fin de l’année 2018, l’index de consommation de l’eau froide était de 4381, que pour les années 2019 et 2020 aucun index n’était relevé, et que l’index repris en début 2022 était le même que celui de la fin de 2018 ;
qu’il est à noter que la consommation pour l’année 2018, était de 19 m³ et celle pour les années 2019 à 2021 de 311 m³ soit une consommation annuelle moyenne de 103 m³, soit sensiblement plus que la consommation que pour 2018, même si les locataires sont entrés dans les lieux au mois de juillet ;
que toutefois il n’est pas apporté d’éléments concernant cette surconsommation d’eau, la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER invitait par ailleurs le locataire à vérifier l’absence de fuite ;
qu’il n’est pas apporté d’éléments permettant de caractériser une surconsommation d’eau ;
que le non relevé des compteurs d’eau ne peut être reproché à la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER, celle-ci s’est de façon régulière basée sur la dernière consommation connue pour facturer les sommes ;
qu’il n’est pas démontré que la hausse du tarif de l’eau ce qui est préjudiciable au locataire était telle qu’elle n’est pas compensée par le fait d’avoir bénéficié de fait d’un crédit, le coût de l’eau consommée n’étant pas immédiatement facturée ;
que sur ce premier point, il n’est démontré ni de préjudice ni de faute ;
que suite à la facturation de charges correspondant à la consommation d’eau, la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER a augmenté la provision pour charges, la faisant passer de 110,00 € à 175,00 € ;
qu’il n’est pas contesté qu’il appartient au propriétaire sur la base de l’exercice précédent, d’ajuster à la hausse comme à la baisse la provision pour charge afin que celle-ci corresponde à la réalité des charges finalement dues ;
qu’en l’espèce, il ressort du décompte de charges de 2021, que le total des charges était de 1981,02 € de charges, dont 1258,90 € d’eau froide (au lieu de 498,59), que les provisions pour charges étaient de 1488,00 € (ce qui fait 124,00 € par mois), alors qu’il est indiqué que la provision mensuelle était de 110,00 €, et un solde débiteur de 493,02 € ;
que la division de la somme de 493,02 € par 12 mois est égal à 41,08 €, que dès lors la provision pour charge aurait du être recalculée à 124,00 € + 41,08 €, soit la somme de 165,00 € ;
que c’est donc doublement à tort que le mandataire du bailleur a facturé la somme de 175,00€ au titre des appels de provision, d’une part en facturant de 10,00 € de plus les sommes facturées au titre des appels de provision, et d’autre part en ne tenant pas compte du caractère exceptionnel de régularisation, du fait de la non facturation pendant deux ans de la consommation d’eau ;
que la faute de la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER peut être directement retenue, celle-ci étant mandatée par le bailleur pour les aspects comptables de la location ;
que sur le préjudice économique de Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U], celui-ci n’est pas démontré compte tenu du fait que l’excès des provisions pour charges a fait l’objet d’une régularisation à la fin de l’année 2022 ;
que sur le préjudice moral, celui-ci résulte de l’intervention indue de l’huissier de justice ayant instrumenté au domicile de Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U] dans le but de la récupération des provisions pour charges, les locataires ayant averti le mandataire du bailleur du caractère inexact de la fixation de la provision pour charge ;
Notification le :
– CCC à :
– Copie exécutoire à :
– CCC au dossier
que le préjudice reste toutefois limité et pourra être fixé au montant du commandement d’huissier, soit la somme de 139,34€ ;
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner chaque partie à supporter la moitié des dépens.
L’exécution provisoire est de droit et est compatible avec la nature du litige.
Le Tribunal, statuant après débats publics, par décision contradictoire mise à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,
CONDAMNE la SAS CENTURY 21 FOCH IMMOBILIER à payer à Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U] la somme de 139,34 € de dommages et intérêts,
DEBOUTE Madame [G] [N] et Monsieur [H] [U] pour le surplus,
CONDAMNE chaque partie à supporter la moitié des dépens
RAPPELLE que la décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
LE PRESENT JUGEMENT A ETE SIGNE PAR LE JUGE ET LE GREFFIER PRESENTS LORS DU PRONONCE.
LE GREFFIER LE JUGE
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