L’Essentiel : La société EUROSTOCK NORD, spécialisée dans l’entreposage de boissons alcoolisées, a été soumise à un contrôle des douanes en novembre 2015, entraînant une dette de 102.113 euros pour droits fraudés. Malgré ses contestations, l’administration des douanes a maintenu sa décision. En liquidation judiciaire, le liquidateur a demandé un remboursement, mais le tribunal a rejeté cette demande, concluant que la société n’avait pas respecté la réglementation et n’avait pas prouvé la livraison des marchandises. La SELARL Miquel a été condamnée à verser 3.000 euros pour frais de justice, et toutes les demandes supplémentaires ont été déboutées.
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Exposé du litigeLa société EUROSTOCK NORD, spécialisée dans l’entreposage de bières et de vins tranquilles, est soumise à la réglementation des contributions indirectes. Elle bénéficie du statut d’entrepositaire agréé, ce qui lui permet de gérer les droits d’accises sur les produits alcoolisés. Dans le cadre de son activité, elle peut soit mettre les biens à la consommation, soit les transférer vers un autre entrepôt en émettant un document d’accompagnement électronique (DAE). Les droits d’accises sont suspendus tant que les produits ne sont pas livrés au client final. Contrôle des douanesUn contrôle des douanes a été initié le 9 novembre 2015, aboutissant à un avis de taxation le 20 avril 2016. Les agents des douanes ont constaté des manquements à la réglementation, entraînant une dette de 102.113 euros pour droits fraudés. Malgré les observations de la société, l’administration des douanes a rejeté ses arguments le 28 juillet 2016. Un procès-verbal d’infractions a été dressé le 9 septembre 2016, notifiant les défauts de paiement et l’utilisation de DAE inapplicables. Liquidation judiciaire et demande de remboursementAprès avoir acquitté les droits dus, la société EUROSTOCK NORD a été placée en liquidation judiciaire. Le 29 décembre 2018, le liquidateur a demandé un remboursement à l’administration des douanes. En juin 2021, la SELARL Miquel, représentant le liquidateur, a assigné le comptable public pour annuler les avis de taxation et obtenir le remboursement des sommes versées. Prétentions des partiesLa SELARL Miquel a demandé l’annulation des avis de taxation et le remboursement des 102.113 euros, arguant que l’administration des douanes n’avait pas fourni les éléments justifiant sa décision. Elle a également soutenu que les DAE avaient été réglés par d’autres parties, et que l’administration avait procédé à une double taxation. De son côté, l’administration des douanes a demandé le rejet des demandes de la SELARL, affirmant que la société n’avait pas respecté la réglementation et que les droits avaient été correctement réclamés. Motifs de la décisionLe tribunal a examiné la régularité de la procédure de recouvrement, concluant que l’administration des douanes avait respecté les obligations d’information et d’échange contradictoire. Les arguments de la société concernant la non-transmission des éléments de décision n’ont pas été jugés suffisants. Sur le fond, le tribunal a constaté que la société n’avait pas pu prouver que les marchandises étaient arrivées à destination, justifiant ainsi la taxation. Décision finaleLe tribunal a débouté la SELARL Miquel de sa demande d’annulation des avis de taxation et de remboursement. Il a également condamné la SELARL à verser 3.000 euros à l’administration des douanes pour les frais de justice, tout en rejetant ses demandes accessoires. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’administration des douanes en matière de taxation selon l’article L80 M du livre des procédures fiscales ?L’article L80 M du livre des procédures fiscales stipule que toute constatation susceptible de conduire à une taxation doit donner lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l’administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l’administration. Il est invité à faire connaître ses observations. Lorsque l’échange contradictoire a lieu oralement, le contribuable est informé qu’il peut demander à bénéficier d’une communication écrite. La date, l’heure et le contenu de la communication orale sont consignés par l’administration, attestant que le contribuable a pu faire connaître ses observations. Si le contribuable demande une communication écrite, l’administration lui adresse une proposition de taxation motivée, lui permettant de formuler ses observations ou d’accepter. Le contribuable dispose d’un délai de trente jours pour répondre. Après cela, l’administration prend sa décision, et si elle rejette les observations, sa réponse doit être motivée. Ainsi, l’administration des douanes doit respecter ces procédures pour garantir les droits du contribuable lors de la taxation. Quels sont les critères de validité des DAE selon l’article 302 P II du Code général des impôts ?L’article 302 P II du Code général des impôts précise que l’entrepositaire agréé ou l’expéditeur enregistré qui expédie en suspension des droits doit produire un exemplaire du document d’accompagnement (DAE) rempli par le destinataire. Ce DAE doit comporter la certification par un bureau de douane du placement en régime suspensif ou de la sortie du territoire communautaire. Lorsque des produits sont expédiés en suspension des droits d’accise, l’entrepositaire doit obtenir un accusé de réception ou un rapport d’exportation pour se décharger de sa responsabilité. En cas de non-apurement dans les deux mois et demi suivant l’expédition, l’expéditeur doit informer l’administration. L’impôt devient exigible quatre mois après l’expédition, sauf preuve de régularité de l’opération ou si l’infraction a été commise hors de France. Si l’entrepositaire n’a pas eu connaissance que les produits ne sont pas arrivés à destination, il dispose d’un mois supplémentaire pour apporter cette preuve après notification de l’administration. Ainsi, la validité des DAE repose sur leur conformité aux exigences de l’article 302 P II, et leur non-respect peut entraîner des conséquences fiscales. Comment la société EUROSTOCK NORD a-t-elle justifié l’utilisation des DAE dans le cadre de son activité ?La société EUROSTOCK NORD a soutenu que les DAE stoppés ne pouvaient être apurés car ils ne figuraient plus en réception dans l’application EMCS-GAMMA. Elle a également affirmé que ces DAE avaient fait l’objet d’un contentieux, et que l’irrégularité avait été sanctionnée par un paiement. EUROSTOCK a contesté avoir commis des négligences, arguant que les fautes reprochées n’étaient pas de sa responsabilité. Elle a produit sa comptabilité matière pour démontrer les mouvements dans son stock d’entrepositaire, affirmant que chaque DAE correspondait à un numéro de Code de référence administratif (CRA) unique. Cependant, l’administration des douanes a relevé que les DAE avaient été utilisés de manière multiple, ce qui a conduit à la taxation. La société n’a pas pu prouver que les chargements étaient bien arrivés à destination, ce qui a justifié la décision de l’administration de procéder à la taxation. Quelles sont les conséquences de la non-justification de l’arrivée des marchandises à destination ?La non-justification de l’arrivée des marchandises à destination a des conséquences significatives en matière de taxation. Selon l’article 302 P II du Code général des impôts, l’entrepositaire agréé doit prouver que les produits expédiés en suspension des droits sont bien arrivés à destination pour se décharger de sa responsabilité. En l’absence de cette preuve, l’administration des douanes est en droit d’exiger le paiement des droits d’accises. Dans le cas de la société EUROSTOCK NORD, l’administration a constaté que les DAE étaient sous le statut « stoppé », indiquant que les marchandises n’étaient pas arrivées à destination. Cela a conduit à la taxation des droits d’accises, car la société n’a pas pu fournir les justificatifs requis. Ainsi, la non-justification de l’arrivée des marchandises entraîne une obligation de paiement des droits d’accises, renforçant l’importance de la documentation adéquate dans le cadre des opérations douanières. |
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Chambre 01
N° RG 21/03496 – N° Portalis DBZS-W-B7F-VLOH
JUGEMENT DU 10 JANVIER 2025
DEMANDERESSE:
S.E.L.A.R.L. MIQUEL, ARRAS & ASSOCIE,
Es qualité de mandataire à la liquidation de la société EUROSTOCK NORD
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas DRANCOURT, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE:
Madame, Monsieur le COMPTABLE PUBLIC,
domicilié à la La Direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 4],
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Aurore BONDUEL, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Claire LITAUDON, avocat au barreau de PARIS, plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,
Greffier : Benjamin LAPLUME,
DÉBATS
Vu l’ordonnance de clôture en date du 09 Novembre 2023.
A l’audience publique du 08 Octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 10 Janvier 2025.
Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Juliette BEUSCHAERT, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Janvier 2025 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
La société EUROSTOCK NORD exerce une activité d’entrepositaire agréé pour les bières et les vins tranquilles. Elle est assujettie à la réglementation des contributions indirectes et bénéficie du statut d’entrepositaire agréé tel que défini par l’article 302 G du Code général des impôts.
Dans le cadre de son activité, la société EUROSTOCK NORD :
– soit met les biens à la consommation lorsqu’elles les adresse à un opérateur localisé sur le territoire national et procède alors à la liquidation des droits d’accises ;
– soit les transfère vers un autre entrepôt suspensif de droits en les adressant à un autre entrepositaire agréé situé sur le territoire national ou dans un Etat membre de l’Union européenne en émettant un document d’accompagnement électronique (DAE).
Les droits d’accises sont les taxes qui sont perçues par l’administration des douanes lors de l’entrée sur le territoire de l’Union européenne des produits alcoolisés, dans la lignée de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008. Leur perception est suspendue jusqu’à leur mise en consommation lorsque les produits sont finalement livrés au client final sur le territoire français, l’entrepositaire assurant le paiement des accises auprès du bureau de douanes dont il dépend. Tant que les marchandises ne sont pas livrées au client final, notamment si elles sont transférées chez un autre entrepositaire, les accises demeurent suspendues. A l’occasion de ces transits entre entrepositaires sur le territoire de l’Union Européenne, le transporteur doit être en possession du DAE reprenant les caractéristiques essentielles du transfert, afin de permettre le suivi des marchandises sur le territoire communautaire.
Les agents des douanes ont débuté un contrôle des activités de la société EUROSTOCK NORD
le 9 novembre 2015.
Aux termes d’un avis préalable de taxation en date du 20 avril 2016, les agents des douanes ont informé la société EUROSTOCK NORD de leurs constatations relatives au non respect de la réglementation des contributions indirectes et lui ont indiqué que ces faits étaient susceptibles de générer une dette de 102.113 euros de droits fraudés au titre respectivement des droits spécifiques sur la bière (100.728 €) et des droits de circulation sur les vins et autres boissons fermentées (1.385 €).
Par application de l’article L 80 M du livret des procédures fiscales, le service a invité la société EUROSTOCK NORD à faire valoir ses observations.
Cette dernière a répondu le 19 mai 2016.
L’Administration des douanes a rejeté ces observations par courrier du 28 juillet 2016.
Un procès-verbal de notification d’infractions a ensuite été dressé à l’encontre de la société EUROSTOCK NORD le 9 septembre 2016 pour :
– défaut de paiement du droit spécifique sur les bières (article 520 A du Code général des impôts)
– défaut de paiement du droit de circulation sur les vins (article 438 du Code général des impôts),
– défaut de paiement du droit de circulation sur les autres boissons fermentées (article 438 du Code général des impôts),
– utilisation de titres de mouvement inapplicables (article 302 M et 614 A du Code général des impôts).
Aux termes de ce même procès-verbal, le montant des droits fraudés de 102.113 euros a été notifié à la société.
La société EUROSTOCK NORD s’est acquittée du paiement de ces droits.
Elle a été ensuite placée en liquidation judiciaire.
Le 29 décembre 2018, le conseil du liquidateur a adressé une demande de remboursement à l’administration des douanes.
Par acte en date du 14 juin 2021, la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société EUROSTOCK NORD, a fait assigner Monsieur le comptable public domicilié à la Direction régionale des douanes de [Localité 4], devant le tribunal judiciaire de Lille afin de voir annuler les avis de taxation provisoire et définitif et condamner l’administration des douanes à lui rembourser la somme acquittée.
Le défendeur a constitué avocat et les parties ont échangé leurs conclusions.
Le 7 juin 2022, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’administration des douanes.
La clôture de l’affaire a été ordonnée le 9 novembre 2023 et l’affaire fixée à plaider le 8 octobre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample de ses motifs, la SARL MIQUEL ARRAS ET ASSOCIES demande au tribunal de :
Vu les dispositions des articles 520A du code général des impôts 111H quater de l’annexe III du code général des impôts L. 80 M et R. 199-1 du livre des procédures fiscales ;
Vu la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 ;
Annuler l’avis préalable de taxation et l’avis définitif de taxation ;
Condamner le Comptable public à rembourser la somme de 102.113,00 € avec les intérêts moratoires à compter de la date de paiement ;
En toute hypothèse ;
Condamner le comptable public à régler aux demandeur la somme de 3.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner le Comptable Public aux entiers frais d’assignation, de notification de mémoire et de signification ;
Au soutien de sa demande d’annulation des avis de taxation, le requérant fait valoir que les douanes n’ont pas transmis à la société EUROSTOCK NORD les éléments sur lesquels elle fonde sa décision et n’a pas répondu aux observations de la société EUROSTOCK NORD, indiquant qu’elle ne répond qu’à la première observation de la société EUROSTOCK et ne répond pas aux autres, notamment sur le fait que la société n’a pas de responsabilité sur une utilisation frauduleuse d’un DAE par un transporteur.
Puis, sur le bien-fondé des sommes acquittées, il fait valoir que l’ensemble des documents administratifs électroniques en cause ont fait l’objet d’un contentieux douanier qui a été soldé par le paiement des droits et pénalités par le propriétaire des marchandises en cause ou par le transporteur, en sorte que l’administration des douanes n’est pas fondée à opérer une taxation supplémentaire. En réplique à l’administration des douanes, il ajoute que contrairement à ce qui est soutenu, l’ensemble des DAE ont été stoppés et ont donc fait l’objet d’un paiement des amendes et accises au profit de la douane ; qu’aucun DAE n’est demeuré en cours et sujet à une taxation distincte de celle déjà payée par les transporteurs, lesquels ont réglé les accises afférentes à la marchandise transportée.
Il en déduit que l’administration des douanes a ainsi épuisé sur un seul et même DAE et qu’elle a procédé à une double taxation infondée. Il souligne encore qu’il ressort des comptabilités matières de la société pour les exercices concernés qu’à chaque DAE correspond un numéro de Code de référence administratif (CRA), reproduit dans la pièce des douanes pour la même date et aucun autre transport, ce qui confirme la réalité d’une double taxation.
Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 juin 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample de ses motifs, Monsieur le comptable public domiciliée à la Direction régionale des douanes de [Localité 4] demande au tribunal de :
DEBOUTER la SELARL MIQUEL ARRAS & ASSOCIES de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER la SELARL MIQUEL ARRAS & ASSOCIES à verser à la recette interrégionale des douanes et des droits indirects de [Localité 4] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la SELARL MIQUEL ARRAS & ASSOCIES aux entiers dépens de l’instance. Sur la régularité de la procédure, l’administration des douanes fait valoir qu’elle a répondu précisément aux arguments de la société.
Sur le fond, elle explique que la société EUROSTOCK a fait circuler des marchandises en suspension de droits sous couvert d’un DAE valide, qui a donc permis aux marchandises de circuler sans que le chargement soit stoppé, de sorte que les marchandises devaient arriver à destination et les DAE devaient être apurés ; puis qu’elle a, dans un deuxième temps, fait circuler un autre chargement sous couvert du même DAE, déjà utilisé, qui a été stoppé et qui a fait l’objet d’un redressement des transporteurs, compte tenu de l’inapplicabilité des DAE présentés – pour avoir été déjà utilisé, ou reprendre une immatriculation différente ; que ce ne sont toutefois pas ces deuxièmes transports stoppés qui sont l’objet de la taxation contestée par la société EUROSTOCK laquelle est taxée pour ce qui concerne les DAE valides qui n’ont pas été apurés. Elle souligne que les droits n’ont donc pas été appelés deux fois pour des faits identiques, mais ont été mis en recouvrement auprès de la société EUROSTOCK parce qu’elle n’a pas respecté la réglementation applicable et plus particulièrement l’article 302 P II du Code général des impôts. Elle souligne qu’il importe peu de savoir si la société pouvait débloquer le statut en GAMMA mais qu’il importait surtout de justifier de ce que les marchandises étaient arrivées à destination ; qu’en l’espèce, les agents des douanes ont demandé à la société de leur remettre la preuve de l’arrivée à destination des marchandises, ce qu’elle n’a pas fait. Elle précise encore que dans la mesure où le même DAE a été utilisé deux fois, il est normal que les mêmes numéros de CRA qui constituent le code attribué lors de la validation électronique du DAE, figurent dans la comptabilité matière de la société et dans la pièce n°6 de l’administration.
Sur la régularité de la procédure de recouvrement
Selon l’article L80 M du livre des procédures fiscales, “I. – 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l’administration.
Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l’administration. Il est invité à faire connaître ses observations.
Lorsque l’échange contradictoire a lieu oralement, le contribuable est informé qu’il peut demander à bénéficier d’une communication écrite dans les conditions prévues au 2.
La date, l’heure et le contenu de la communication orale mentionnée à l’alinéa précédent sont consignés par l’administration. Cet enregistrement atteste, sauf preuve contraire, que l’administration a permis au contribuable concerné de faire connaître ses observations.
2. Si le contribuable demande à bénéficier d’une communication écrite, l’administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
Le contribuable dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation.
A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l’issue du délai de trente jours prévu à l’alinéa précédent, l’administration prend sa décision.
Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée.”
Dans son avis préalable de taxation, “ au paragraphe IV-1 : DAE stoppés”, l’administration des douanes relevait que la consultation de l’application EMCS-GAMMA permettant de retracer les flux de boissons émis et reçus par la société, faisait apparaître sous le statut “stoppé” des DAE émis par la société ; que ces DAE avaient tous fait l’objet d’un contentieux soit pour leur utilisation multiple soit pour immatriculations différentes entre celles mentionnées sur les DAE et celles constatées lors du contrôle par le service.
“Ainsi aucun de ces DAE n’a été apuré signifiant que les marchandises initialement couvertes par ces titres de mouvement ne sont pas arrivés à destination”.
Dans sa réponse du 19 mai 2016, la société EUROSTOCK formulait observations concernant ledit point “IV – 1 : DAE stoppés” de la manière suivante :
– les DAE stoppés ne peuvent être apurés, car ils ne figurent plus en réception dans l’application EMCS-GAMMA ;
– les DAE ont fait l’objet d’un contentieux et ont été clôturés, dès lors que l’irrégularité desdits DAE a été sanctionnée et a fait l’objet d’un paiement ;
– Elle conteste avoir commis des négligences, alors que les fautes reprochées sont sans lien avec elle ;
– Elle communique sa comptabilité matière, qui avait au demeurant fait l’objet d’un contrôle, pour démontrer les mouvements dans son stock d’entrepositaire.
Le 28 juillet 2016, l’administration des douanes a répondu à la société en :
– résumant la position de la société ;
– et faisant valoir que les services des brigades des douanes avaient sanctionné l’inapplicabilité des DAE présentés par les chauffeurs qui avaient déjà été utilisés ou reprenaient une immatriculation différente de celle du camion concerné par le contrôle, au sujet desquels aucune demande de paiement n’a été présentée à la société EUROSTOCK;
alors que le SRE de [Localité 4] a, pour sa part, sollicité le paiement des droits afférents aux marchandises qui ne sont jamais arrivées à destination bien qu’elles aient circulé avec un DAE valide ; qu’en effet concernant ces marchandises, rien n’empêchait que le chargement accompagné d’un DAE valide arrive à destination mais que la société n’a pas présenté d’élément pour en justifier ce qui a généré le présent contentieux.
Il ressort de cet échange qu’à la société qui soutenait que l’applicatif informatique ne permettait pas de faire basculer les DAE stoppés vers le statut “apurés” et que les dysfonctionnements imputables à des tiers avaient déjà été sanctionnés, l’administration a répondu en précisant la différence entre les deux contentieux, ce qui était précisément reproché à la société EUROSTOCK et le fait qu’elle ne produisait pas d’élément de preuve pour justifier de ce que le chargement était arrivé à destination.
Ce faisant, l’administration a répondu de façon complète et précise à la société, sans que celle-ci ne justifie d’un motif de nullité.
Puis, la requérante soutient dans ses écritures que l’administration “n’a pas transmis à la société EUROSTOCK les éléments sur lesquels elle fonde sa décision”. Néanmoins, elle ne développe pas ce moyen, ne précisant pas quels éléments auraient dû être transmis, alors que l’avis préalable de taxation est motivé en droit et en fait et accompagné des annexes une et deux visées.
La demande tendant à voir annuler les avis de taxation doit donc être rejetée.
Sur le bien fondé de la taxation
L’article 302 P II du Code général des impôts dispose :
« I. L’entrepositaire agréé ou l’expéditeur enregistré qui expédie en suspension des droits et sa caution solidaire sont déchargés de leur responsabilité par l’apurement du régime suspensif ; à cette fin, l’entrepositaire agréé ou l’expéditeur enregistré produit un exemplaire du document d’accompagnement rempli par le destinataire ou comportant la certification par un bureau de douane du placement en régime suspensif douanier ou de la sortie du territoire communautaire.
Lorsque des produits sont expédiés en suspension des droits d’accise par l’intermédiaire du service de suivi informatique des mouvements de marchandises soumises à accise, l’entrepositaire agréé ou l’expéditeur enregistré et leur caution solidaire sont déchargés de leur responsabilité par l’obtention de l’accusé de réception ou du rapport d’exportation établi dans les conditions et selon les modalités fixées par voie réglementaire.
II. A défaut d’apurement dans les deux mois et demi à compter de la date d’expédition, l’expéditeur en informe l’administration.
L’impôt est exigible au terme d’un délai de quatre mois à compter de la date d’expédition, sauf si la preuve est apportée dans ce même délai de la régularité de l’opération ou s’il est établi que l’infraction qui a entraîné la constatation de manquants a été commise hors de France. Si l’entrepositaire agréé ou l’expéditeur enregistré n’a pas eu ou a pu ne pas avoir connaissance du fait que les produits ne sont pas arrivés à destination, il dispose d’un délai d’un mois supplémentaire à compter de la communication de l’information qui lui a été notifiée par l’administration des douanes et droits indirects pour apporter cette preuve. Lorsque l’impôt est exigible, l’administration procède à la mise en recouvrement des droits à l’encontre du soumissionnaire et de sa caution. L’action de l’administration doit être intentée, sous peine de déchéance, dans un délai de trois ans à compter de la date d’expédition figurant sur le document d’accompagnement ».
Il ressort des constatations des douanes que la consultation de l’application ENCS-GAMMA a fait apparaître sous le statut “stoppé” des DAE émis par ladite société ; que ces DAE ont, en effet, fait l’objet d’un contentieux aux motifs de leur utilisation multiple, dans la mesure où un premier chargement était accompagné d’un DAE qui a également été utilisé pour un autre ensemble routier, ainsi que d’une immatriculation différente de celle indiquée sur le DAE.
La première taxation a donc concerné les chargements accompagnés d’un DAE non valide.
Or, le présent litige porte sur la taxation du premier chargement dans la mesure où la société n’a pu justifier de ce que ce chargement, certes accompagné d’un DAE valide et conforme, est parvenu à destination, et donc de ce que les droits d’accises ont été acquittés le concernant. Nonobstant les éventuelles contraintes alléguées de l’applicatif ENCS-GAMMA ne permettant pas de modifier informatiquement le statut des DAE, il est reproché à juste titre à la société EUROSTOCK NORD de ne pas être en mesure de produire tous justificatifs de la destination de ces chargements, alors que la demande a été expressément formulée auprès du directeur de la société pendant les opérations de contrôle.
S’il n’est pas discutable que tous les DAE ont tous été stoppés, ainsi que le souligne le requérant, cela résulte du contrôle douanier opéré sur le second chargement accompagné d’un DAE déjà utilisé et objet de la première taxation, et l’argumentation présentée par le requérant ne contredit pas utilement le fait qu’il n’est pas justifié de la destination des premiers chargements.
Il est soutenu sans être établi que le montant de la taxation imposée à la société EUROSTOCK NORD au titre du premier transport allégué est égal, à l’euro près, à celle payée par les transporteurs, alors que le tableau produit par les douanes fait apparaître des droits d’un montant différent.
Enfin, le requérant souligne qu’il produit sa comptabilité matières pour les exercices concernés, et soutient qu’il convient de le comparer avec la pièce 6 des douanes et qu’il est aisé de voir qu’à chaque DAE de sortie correspond un numéro de CRA dans la comptabilité matière, reproduit dans la pièce des douanes pour la même date et pour aucun autre transport.
Le requérant ne fait pas lui-même cette comparaison détaillée dans ses écritures ni ne se réfère à des éléments chiffrés ou des références pour permettre au tribunal de le réaliser, alors qu’il s’appuie sur des tableaux édités sur 178 pages non numérotées. Mais, en tout état de cause, quand bien même il résulterait de ces documents qu’à chaque DAE correspond informatiquement un seul CRA, cela n’exclut pas que ledit DAE ait été concrètement utilisé irrégulièrement pour plusieurs chargements différents.
Il n’est donc pas justifié de prétendre que les douanes opèrent une double taxation portant sur le même DAE, dès lors qu’il résulte de constatations des douanes que le même DAE a été utilisé à plusieurs reprises alors qu’auraient dû être émis plusieurs DAE. La société EUROSTOCK NORD n’ayant pas justifié de la destination des chargements accompagnés du DAE valide, l’administration des douanes était fondée à opérer taxation à son égard.
Il convient en conséquence, de rejeter la demande du requérant.
Sur les demandes accessoires
Le requérant succombant est condamné aux entiers dépens et condamnée à verser 3.000 euros à 1’Administration des douanes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Tribunal, par jugement rendu en premier ressort, contradictoire et mis à disposition au greffe,
Déboute la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société EUROSTOCK NORD de sa demande tendant à voir annuler l’avis préalable de taxation et l’avis définitif de taxation ;
Déboute la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société EUROSTOCK NORD de sa demande de remboursement de la somme de 102.113,00 € avec les intérêts moratoires à compter de la date de paiement
Condamne la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société EUROSTOCK NORD à payer la somme de 3.000 euros à Monsieur le comptable public domiciliée à la Direction régionale des douanes de [Localité 4] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SELARL Miquel, Arras et associé es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société EUROSTOCK NORD aux entiers dépens ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Benjamin LAPLUME Marie TERRIER
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