Régime juridique de l’oeuvre multimédia

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Régime juridique de l’oeuvre multimédia

Notion d’œuvre multimédia

Il n’existe pas de régime juridique unifié de l’oeuvre multimédia. L’œuvre multimédia i) réunit des éléments de genres différents (sons, textes, images fixes ou animées, programmes informatiques etc.) et ii) suppose une interactivité qui permet à l’utilisateur, par l’intermédiaire d’un logiciel, de naviguer de manière non linéaire à l’intérieur d’un programme dont il déclenche le choix du parcours.

Une œuvre multimédia peut être associée ou non à un programme multimédia, à savoir toute fixation ou tout programme qui, bien que ne constituant pas en lui-même un programme d’ordinateur, intègre, combine et actionne entre elles, grâce à un logiciel qui peut en permettre l’emploi interactif, des données qui constituent notamment des œuvres au sens de l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle, étant entendu que ces données doivent relever de genres différents et notamment musiques ou sons, textes, images animées ou fixes et ce quel qu’en soit le support ou le mode de transmission (hors ligne ou en ligne, connu ou inconnu à ce jour). Ne constitue pas une exploitation de programmes multimédias la radiodiffusion ou télédiffusion d’œuvres, même communiquées à la demande.

Propriété de l’œuvre multimédia

L’œuvre multimédia est soumise à la présomption de l’article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle : la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. En l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation de l’oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire du droit de propriété intellectuelle de l’auteur. En conséquence, la présomption de titularité des droits sera  acquise par la société qui a apposé sa dénomination ou son logo sur la jaquette (éditeur ou producteur).  La reproduction du logo de l’éditeur ainsi que l’utilisation de son numéro ISBN sur le carton du CD-Rom emportent présomption vis-à-vis des tiers que la société est l’éditrice de l’enregistrement (CA de Paris, 17/09/2009).

Les intervenants à l’œuvre multimédia

En cas de production d’une œuvre multimédia, il convient de bien distinguer l’auteur (avec qui conclure un contrat de cession de droits)  de l’exécutant (prestataire de service, freelance ou salarié). Pourraient donc revendiquer la qualité d’auteur, les intervenants occupant les fonctions suivantes :

La fonction de « réalisation » : la fonction de direction artistique de l’activité créative des équipes : il s’agit de garantir la qualité finale de l’œuvre dans son ensemble en sélectionnant les éléments artistiques du contenu, en supervisant les opérations de production jusqu’à la version définitive, en validant toutes les étapes de la création.

La fonction de création du scénario interactif : déterminer les séquences, l’arborescence, l’ensemble des fonctionnalités et des principes d’interactivité, à définir les composants visuels, sonores et textuels, les principes de l’interface graphique, des écrans types…

La fonction de conception graphique : l’élaboration de l’interface graphique, le choix et la définition des écrans type, la création des décors, des personnages, des illustrations et/ou animations…

La fonction de création de la composition musicale spécialement réalisée pour l’œuvre multimédia.

Deux conséquences principales sont attachées au statut d’auteur : i) le principe de la participation proportionnelle des auteurs de l’œuvre multimédia aux recettes (provenant de la vente ou de l’exploitation de l’œuvre, sauf évaluation forfaitaire dans les hypothèses de l’article L.132-6 du Code de la propriété intellectuelle ; ii) le respect du droit moral.

Qualifications juridiques multiples

Une œuvre multimédia peut, selon les circonstances, être :

– une œuvre collective

– une œuvre de collaboration

– l’œuvre d’un auteur unique

– une œuvre composite

– une œuvre adaptée

La qualification est d’importance dans la mesure où les règles de cession de droits et les barèmes de rémunération ne sont pas identiques. En effet, à titre d’exemple, la qualification d’une oeuvre en vue de son classement dans le barème des sociétés de gestion de droits, s’apprécie au regard des dispositions des articles L. 113-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, selon que l’oeuvre est simple, composite ou de collaboration, cette qualification entraînant des redevances différentes selon la qualification retenue (CC, 1ère ch. civ., 6 février 1996, pourvoi n° 94-12612).

Un site Internet a été qualifié d’œuvre multimédia (CA d’Aix, 2ème Chambre, 11/12/2008). L’originalité du site devra toutefois être établie pour bénéficier de la protection par les droits d’auteur (Cour de cassation, ch. civ.,12/05/2011).

Une œuvre multimédia a aussi été qualifiée d’oeuvre collective (visite virtuelle réalisée à partir d’un diaporama intégré à un CD Rom) dans la mesure où il s’agit d’une oeuvre créée à l’initiative d’une société, sous sa direction et en son nom et dans laquelle la contribution personnelle de l’auteur (qui avait par ailleurs sous-traité le développement des clichés) se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue (CA de Rennes, 7/09/2004).

L’œuvre multimédia (CD-Rom) n’est pas une oeuvre audiovisuelle en raison de l’absence d’un défilement linéaire des séquences, l’intervention toujours possible de l’utilisateur pour en modifier l’ordre, et la succession non de séquences animées d’images mais de séquences fixes pouvant contenir des images animées (Cour de cassation, ch. civ., 28/01/2003).

Un jeu vidéo est qualifiable d’œuvre multimédia dès lors qu’il s’agit « d’une oeuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature » (CC. 1ère ch. civ. 25 juin 2009, pourvoi n°07-20387)

L’œuvre multimédia peut faire l’objet de différents contrats :

– contrat d’édition “classique” avec clause de cession des droits d’adaptation multimédia

– contrat de coproduction

– contrat de commande et de cession de droits (textes, images …)

– contrat de travail

– contrats de prestations de services (pressage, graphisme, intégration, développement …)

L’auteur d’un CD Rom peut parfaitement céder ses droits par contrat d’édition (Cour de cassation, ch. civ., 28/01/2003).

Protection juridique multiple

L’œuvre multimédia est le plus souvent protégée en tant qu’œuvre originale de l’esprit (appréhendée globalement). Un film interactif intégré à un CD Rom a été considéré comme une œuvre protégée (affaire Cartier  CA de Paris, 27/09/2006). Par ailleurs, chaque composante de l’œuvre multimédia peut aussi être protégé à titre autonome, si elle est originale (textes, photographies, logiciel) et/ou soumise à une protection spécifique (droit sui generis d’une base de données consultable sur CD-Rom…).

Intégration de données protégées

L’intégration de données (originales) dans une œuvre multimédia doit donner lieu à une cession de droits d’auteur sous peine de contrefaçon. Toutes les données citées par l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle sont concernées, à savoir :

    Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;
    Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres oeuvres de même nature ;
    Les oeuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;
    Les oeuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en oeuvre est fixée par écrit ou autrement ;
    Les compositions musicales avec ou sans paroles ;
    Les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ;
    Les oeuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie;
    Les oeuvres graphiques et typographiques ;
    Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ;
    Les oeuvres des arts appliqués ;
    Les illustrations, les cartes géographiques ;
    Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences ;
    Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire.

    A titre d’exemple, une société a été condamnée pour contrefaçon pour avoir exploité dans une œuvre multimédia, de la documentation aéronautique. Même solution pour l’exploitation non autorisée du cliché « Ché au béret et à l’étoile » qui avait été reproduit à plusieurs reprises sur le carton de présentation, sur la jaquette ainsi que sur le disque et sur deux pages du CD Rom (TGI de Paris, 11/07/2007).

    Lorsque des auteurs créatifs ont contribué à la réalisation de l’œuvre multimédia, il convient d’apposer un crédit sur la jaquette ou dans le livret (exemple : « Directeur- rédacteur en chef : …. » ;  « Infographie, correction : …. » ;  « Conception et réalisation, mises en pages, infographies : …. » ; « Graphismes / Photographies : …… » (TGI de Paris, 16/01/2008).

    Chaque élément de l’œuvre multimédia se voit appliqué son propre régime juridique. Ainsi, les  compositions musicales incorporées dans les jeux vidéo émanant des d’adhérents de la SACEM sont soumises au droit de reproduction mécanique dont l’exercice et la gestion sont confiés à la SESAM (CC. 1ère ch. civ. 25 juin 2009, pourvoi n°07-20387)

Questions / Réponses juridiques

Qu’est-ce qu’une œuvre multimédia ?

Une œuvre multimédia est une création qui combine divers éléments de genres différents, tels que des sons, des textes, des images fixes ou animées, et des programmes informatiques.

Elle se caractérise également par son interactivité, permettant à l’utilisateur de naviguer de manière non linéaire à l’intérieur d’un programme. Cette interactivité est généralement facilitée par un logiciel qui permet à l’utilisateur de choisir son parcours à travers l’œuvre.

Il est important de noter qu’une œuvre multimédia peut être associée à un programme multimédia, qui intègre et combine ces différents éléments.

Ces éléments doivent provenir de genres variés, comme la musique, les sons, les textes, et les images, quel que soit le support ou le mode de transmission, qu’il soit en ligne ou hors ligne.

Comment est définie la propriété d’une œuvre multimédia ?

La propriété d’une œuvre multimédia est régie par l’article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve du contraire, à la personne sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

En l’absence de revendication explicite des auteurs, une personne morale qui exploite l’œuvre sous son nom est présumée titulaire des droits de propriété intellectuelle.

Cela signifie que si une société appose son logo ou son nom sur une œuvre, elle est considérée comme l’éditrice de cette œuvre, ce qui lui confère des droits sur celle-ci.

La reproduction du logo de l’éditeur et l’utilisation de son numéro ISBN sur le support de l’œuvre renforcent cette présomption de titularité des droits.

Qui sont les intervenants dans la création d’une œuvre multimédia ?

Dans la production d’une œuvre multimédia, il est déterminant de distinguer les différents intervenants. L’auteur, avec qui un contrat de cession de droits doit être conclu, est différent de l’exécutant, qui peut être un prestataire de service, un freelance ou un salarié.

Les intervenants qui peuvent revendiquer la qualité d’auteur incluent ceux occupant des fonctions telles que :

– **La réalisation** : Cette fonction implique la direction artistique et la supervision de la qualité finale de l’œuvre, en sélectionnant les éléments artistiques et en validant les étapes de production.

– **La création du scénario interactif** : Cela comprend la définition des séquences, de l’arborescence, et des fonctionnalités interactives, ainsi que des composants visuels, sonores et textuels.

– **La conception graphique** : Cette fonction concerne l’élaboration de l’interface graphique, le choix des écrans types, et la création des illustrations et animations.

– **La composition musicale** : Cela implique la création de la musique spécifiquement pour l’œuvre multimédia.

Ces rôles sont essentiels pour garantir que l’œuvre soit cohérente et de qualité.

Quelles sont les qualifications juridiques d’une œuvre multimédia ?

Une œuvre multimédia peut être classée sous plusieurs qualifications juridiques, selon les circonstances de sa création. Ces qualifications incluent :

– **Œuvre collective** : Créée à l’initiative d’une société, où la contribution personnelle de l’auteur se fond dans l’ensemble.

– **Œuvre de collaboration** : Impliquant plusieurs auteurs qui contribuent à la création.

– **Œuvre d’un auteur unique** : Créée par une seule personne.

– **Œuvre composite** : Combinant des éléments de plusieurs œuvres.

– **Œuvre adaptée** : Basée sur une œuvre préexistante.

La qualification d’une œuvre est déterminante car elle influence les règles de cession de droits et les barèmes de rémunération. Par exemple, les œuvres collectives et de collaboration peuvent avoir des redevances différentes selon leur classification.

Comment une œuvre multimédia est-elle protégée juridiquement ?

Une œuvre multimédia est généralement protégée en tant qu’œuvre originale de l’esprit, ce qui signifie qu’elle est considérée dans son ensemble. Par exemple, un film interactif intégré à un CD Rom a été reconnu comme une œuvre protégée.

Chaque composante de l’œuvre multimédia, comme les textes, les photographies ou les logiciels, peut également bénéficier d’une protection autonome si elle est originale.

De plus, certaines composantes peuvent être soumises à des protections spécifiques, comme le droit sui generis pour les bases de données. Cela signifie que chaque élément de l’œuvre peut avoir son propre régime juridique, ce qui renforce la protection des droits d’auteur.

Quelles sont les implications de l’intégration de données protégées dans une œuvre multimédia ?

L’intégration de données originales dans une œuvre multimédia nécessite une cession de droits d’auteur pour éviter la contrefaçon. Cela inclut toutes les données mentionnées dans l’article L 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, telles que :

– Les livres et autres écrits littéraires.
– Les œuvres dramatiques et musicales.
– Les œuvres audiovisuelles.
– Les œuvres graphiques et photographiques.
– Les logiciels.

Par exemple, une société a été condamnée pour avoir utilisé de la documentation aéronautique sans autorisation dans une œuvre multimédia.

Il est également essentiel d’apposer un crédit sur la jaquette ou dans le livret de l’œuvre pour reconnaître les contributions des auteurs créatifs, ce qui est une pratique courante dans l’industrie.


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