Refus d’enregistrement de nationalité française pour absence de preuves d’état civil fiables

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Refus d’enregistrement de nationalité française pour absence de preuves d’état civil fiables

L’Essentiel : Monsieur [I] [O], né le 31 décembre 2003 au Mali, a vu sa demande de nationalité française rejetée le 27 janvier 2022 en raison de l’absence de mentions sur ses parents et du non-respect du contradictoire. Le 2 février 2023, il a contesté cette décision, invoquant son statut de mineur isolé en France depuis 2018 et présentant des documents attestant de son état civil. Cependant, le 4 octobre 2024, le Procureur a demandé le rejet de sa requête, soulignant l’absence de documents conformes. Le tribunal, le 16 janvier 2025, a finalement débouté Monsieur [I] [O] de ses demandes.

Contexte de la demande

Monsieur [I] [O], né le 31 décembre 2003 à [Localité 3] (Mali), a vu sa déclaration de nationalité française refusée le 27 janvier 2022 par la directrice de greffe du tribunal judiciaire de Marseille. Le refus était motivé par l’absence de mentions substantielles concernant les parents dans le jugement et le non-respect du principe du contradictoire.

Actions en justice

Le 2 février 2023, Monsieur [I] [O] a introduit une demande auprès du tribunal pour annuler la décision de refus et obtenir l’enregistrement de sa déclaration de nationalité. Il a également demandé à être reconnu comme de nationalité française, en se basant sur l’article 21-12 du Code civil, et a sollicité la délivrance d’un acte de naissance mentionnant ce jugement.

Arguments de Monsieur [I] [O]

Monsieur [I] [O] a soutenu qu’il est entré en France en novembre 2018 en tant que mineur étranger isolé et a été placé sous la protection de l’Aide Sociale à l’Enfance. Il a présenté des documents attestant de son état civil, y compris une carte consulaire malienne et un titre de séjour français, affirmant que ces documents sont fiables et authentiques.

Position du Procureur de la République

Le 4 octobre 2024, le Procureur de la République a demandé le rejet des demandes de Monsieur [I] [O], arguant qu’il n’a pas fourni les documents requis en original ou en copie certifiée conforme. Il a également souligné que le jugement supplétif n’était pas motivé et ne justifiait pas un état civil fiable.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué le 16 janvier 2025, déboutant Monsieur [I] [O] de ses demandes et déclarant qu’il n’est pas de nationalité française. Le tribunal a ordonné la mention prévue à l’article 28 du Code civil et a laissé les dépens à sa charge, à recouvrer selon les règles d’aide juridictionnelle.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la preuve requise pour revendiquer la nationalité française selon l’article 30 du Code civil ?

Pour revendiquer la nationalité française, l’article 30 du Code civil stipule que « celui qui revendique la nationalité française doit en rapporter la preuve lorsqu’il n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française délivré à son nom. »

Cette disposition impose donc au demandeur de fournir des éléments probants pour établir sa nationalité française, notamment en l’absence d’un certificat officiel.

Il est essentiel que le demandeur présente des documents qui attestent de son état civil et de sa situation, car la nationalité française ne peut être acquise que par la preuve de l’identité et de la filiation.

En conséquence, le tribunal doit examiner attentivement les documents fournis pour s’assurer qu’ils répondent aux exigences légales.

Quelles sont les exigences relatives à l’état civil selon l’article 47 du Code civil ?

L’article 47 du Code civil précise que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

Cela signifie que pour qu’un acte d’état civil soit reconnu, il doit être conforme aux normes en vigueur dans le pays où il a été établi.

De plus, si des doutes subsistent quant à la validité de cet acte, le tribunal peut exiger des vérifications supplémentaires pour établir la véracité des informations fournies.

Ainsi, le demandeur doit s’assurer que son état civil est probant et fiable, conformément aux exigences de la loi française.

Quelles sont les pièces nécessaires pour la déclaration de nationalité selon le décret n°93-1362 ?

Le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993, notamment son article 9, énonce que « les pièces nécessaires à la preuve de la recevabilité de la déclaration répondent aux exigences suivantes : »

1. Elles sont produites en original ;
2. Les actes de l’état civil sont produits en copie intégrale ; les copies des actes établis par les autorités françaises datent de moins de trois mois ; les copies des actes étrangers sont accompagnées, le cas échéant, d’une copie de la décision en exécution de laquelle ils ont été dressés, rectifiés ou modifiés ;
3. Les décisions des autorités judiciaires ou administratives et les actes émanant de ces autorités sont produits sous forme d’expédition et accompagnés, s’il y a lieu, d’un certificat de non recours ;
4. Les actes publics étrangers sont légalisés sauf apostille, dispense conventionnelle ou prévue par le droit de l’Union européenne ;
5. Les documents rédigés en langue étrangère sont accompagnés de leur traduction par un traducteur agréé ou habilité à intervenir auprès des autorités judiciaires ou administratives d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Suisse ;
6. Le document officiel exigé pour justifier de l’identité d’une personne s’entend de tout document délivré par une administration publique comportant les nom, prénoms, date et lieu de naissance de cette personne, sa photographie et sa signature, ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance.

Ces exigences sont cruciales pour garantir que la déclaration de nationalité soit fondée sur des documents authentiques et vérifiables.

Quelles sont les conséquences d’un jugement supplétif non motivé selon la jurisprudence ?

Un jugement supplétif non motivé peut avoir des conséquences significatives sur la recevabilité d’une demande de nationalité. En effet, le tribunal a constaté que « le jugement supplétif du 1er novembre 2021 ne porte pas mention de l’avis du Parquet ; il n’est pas motivé. »

Cela signifie que l’absence de motivation et de justification dans le jugement peut entraîner un manque de crédibilité des documents présentés par le demandeur.

La jurisprudence exige que les décisions judiciaires soient motivées pour garantir la transparence et la légitimité des actes. Un jugement non motivé peut être considéré comme insuffisant pour établir un état civil fiable, ce qui peut conduire à un rejet de la demande de nationalité.

Ainsi, le demandeur doit veiller à ce que tous les documents judiciaires soient complets et conformes aux exigences légales pour éviter des complications dans sa demande.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°25/33 du 16 Janvier 2025

Enrôlement : N° RG 23/01435 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3AEJ

AFFAIRE : M. [I] [O]( Maître Anaïs LEONHARDT de la SCP SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l’audience Publique du 14 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur
BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Janvier 2025

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [I] [O]
né le 31 Décembre 2003 à [Localité 3] (MALI), demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 13055/001/2022/013537 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représenté par Maître Anaïs LEONHARDT de la SCP SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT, avocats au barreau de MARSEILLE,

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [I] [O] se disant né le 31 décembre 2003 à [Localité 3] (Mali) s’est vu refusé l’enregistrement de sa déclaration de nationalité souscrite en application de l’article 21-12 du code civil le 27 janvier 2022, par la directrice de greffe du tribunal judiciaire de Marseille aux motifs que « le jugement n’indique ni les dates et lieux de naissance des parents bien que cela reste des mentions substantielles de l’acte. La requête n’a pas été communiquée au Ministère public pour ses conclusions, le jugement supplétif viole donc aussi le principe du contradictoire ».

Par exploit en date du 02 février 2023, Monsieur [I] [O] demande au tribunal de :
– ANNULER la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française du 27/01/2022 ;
– ORDONNER l’enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 15/12/2021 auprès du Tribunal Judiciaire de Marseille ;
– DIRE ET JUGER qu’il est de nationalité française sur le fondement de l’article 21-12 du Code civil ;
– ORDONNER la mention prévue à l’article 28 du Code civil ;
– ORDONNER au Service Central d’État Civil du Ministère des Affaires Étrangères de lui établir un acte de naissance mentionnant le jugement constatant sa nationalité française ;
– CONDAMNER le Trésor Public aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 05 septembre 2024, Monsieur [I] [O] maintient ses demandes.

Il fait valoir que, né au Mali le 31/12/2003, il est entré en France en novembre 2018, sans représentants légaux ; qu’eu égard à sa qualité de mineur étranger isolé sur le territoire français, il a été confié à compter du 12/12/2018 par Ordonnance aux fins de placement provisoire prise par le Juge des Enfants près le Tribunal Judiciaire de Marseille aux services de l’Aide Sociale à l’Enfance des Bouches du Rhône ; que son placement a été confirmé et renouvelé par jugements rendus en assistance éducative par le Juge des enfants en date des 27/06/2019 et 16/06/2020 jusqu’à sa majorité ; qu’il a ainsi été pris en charge par les services de l’A.S.E avant l’âge de 15 ans.
Il fait valoir qu’il justifie d’un état civil fiable ; qu’il s’est vu délivrer par les autorités maliennes sa carte consulaire et a obtenu son titre de séjour délivré par les autorités françaises, de sorte que tant pour les autorités de son pays d’origine que pour l’administration française, il n’y a pas de doute sur son état civil et l’authenticité de ces actes ; que la circonstance que la référence au jugement supplétif n’ait pas été inscrite au verso pour tenir lieu de mention marginale n’entache pas la validité de l’acte d’état civil étant souligné qu’elle figure bien au recto en rubrique « déclarant » n°20/21.

Par conclusions signifiées le 04 octobre 2024, le Procureur de la République demande au tribunal de :
– débouter M.[I] [O] se disant né le 31 décembre 2003 à [Localité 3] (Mali) de ses demandes ;
– dire que M.[I] [O] n’est pas de nationalité française ;
– ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central au ministère des affaires étrangères.

Il fait valoir que M.[O] produit :
– le volet n°3 d’un acte de naissance n°877/R17 dressé le 3 novembre 2021 au centre d’état civil de [Localité 3] en exécution d’un jugement supplétif N°1722 du tribunal de [Localité 3] du 1er novembre 2021, disant M.[I] [O] né le 31 décembre 2003 à [Localité 3] de [S] [O], commerçant et de [X] [O], ménagère, tous deux de nationalité malienne et domiciliés à [Localité 2].
– une copie authentique délivrée le 5 novembre 2021 du jugement supplétif d’acte de naissance rendu le 1er novembre 2021 par le tribunal de grande instance de [Localité 3] disant [I] [O] né le 31 décembre 2003 à [Localité 3] de [S] [O] et de [X] [O] ;
Il indique qu’il lui appartenait de produire une expédition certifiée conforme du jugement supplétif d’acte de naissance et non une simple “copie authentique” et de justifier du caractère définitif de cette décision ; que le jugement supplétif n’est pas motivé ; qu’il ne justifie pas d’un état civil fiable et certain.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2024 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie du 14 novembre 2024.

MOTIFS :

En application de l’article 30 du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d’en rapporter la preuve lorsqu’il n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française délivré à son nom.
Afin de pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l’article 21-12, le demandeur doit en premier lieu justifier d’un état civil probant et fiable au sens de l’article 47 du Code civil qui dispose que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
De plus, l’article 9 du décret N°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dispose que les pièces nécessaires à la preuve de la recevabilité de la déclaration répondent aux exigences suivantes :

1° Elles sont produites en original ;
2° Les actes de l’état civil sont produits en copie intégrale ; les copies des actes établis par les autorités françaises datent de moins de trois mois ; les copies des actes étrangers sont accompagnées, le cas échéant, d’une copie de la décision en exécution de laquelle ils ont été dressés, rectifiés ou modifiés ;
3° Les décisions des autorités judiciaires ou administratives et les actes émanant de ces autorités sont produits sous forme d’expédition et accompagnés, s’il y a lieu, d’un certificat de non recours ;
4° Les actes publics étrangers sont légalisés sauf apostille, dispense conventionnelle ou prévue par le droit de l’Union européenne ;
5° Les documents rédigés en langue étrangère sont accompagnés de leur traduction par un traducteur agréé ou habilité à intervenir auprès des autorités judiciaires ou administratives d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Suisse ;
6° Le document officiel exigé pour justifier de l’identité d’une personne s’entend de tout document délivré par une administration publique comportant les nom, prénoms, date et lieu de naissance de cette personne, sa photographie et sa signature, ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance.
L’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 tel que modifié par les dispositions du décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019 prévoit :
« Pour souscrire la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil, le déclarant fournit:
1° Son acte de naissance ;
2° Un document officiel d’identité, ainsi qu’une photographie d’identité récente ; (…)
5° Lorsqu’il est un enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance :
-tous documents justifiant qu’il réside en France ;
-les décisions de justice, en cas de mesure judiciaire, ou tous documents administratifs, en cas de mesure extra-judiciaire, indiquant qu’il est confié à ce service depuis au moins trois années.»
En l’espèce, le jugement supplétif du 1er novembre 2021 ne porte pas mention de l’avis du Parquet ; il n’est pas motivé ; de plus, il n’est pas communiqué en copie certifiée conforme à l’original et n’est pas légalisé.
L’acte de naissance dressé le 03 novembre 2021, qui n’est communiqué ni en original ni en copie certifiée conforme comme le jugement supplétif, ne porte pas mention de l’âge des parents ; la copie de l’acte de naissance indique leurs professions respectives et leur domicile alors que la copie du jugement supplétif ne les mentionne pas.
Monsieur [I] [O] ne justifie pas d’un état civil probant et fiable, et sera en conséquence, débouté de sa demande.
Il convient dès lors de dire qu’il n’est pas français.

La mention prévue à l’article 28 du Code civil sera ordonnée.

Les dépens de la procédure seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [I] [O] de ses demandes ;

DIT que Monsieur [I] [O] se disant né le 31 décembre 2003 à [Localité 3] (MALI) n’est pas de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue à l’article 28 du Code civil ;

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [I] [O] qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 16 Janvier 2025

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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