Pour faire l’objet d’un certificat complémentaire de protection (CCP) concernant un médicament, le produit, c’est-à-dire le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament, doit être protégé par un brevet de base en vigueur et avoir obtenu, en tant que médicament, une AMM en cours de validité, celle-ci devant être la première pour le produit.
Dans l’arrêt Pharmacia Italia SpA, la CJUE a considéré que « le critère déterminant pour la délivrance du certificat n’est pas la destination du médicament et que l’objet de la protection conférée par le certificat concerne toute utilisation du produit, en tant que médicament, sans qu’il y ait lieu de distinguer l’utilisation du produit en tant que médicament à usage humain de celle à usage vétérinaire ;». Eu égard à la teneur de la question de droit posée à la CJUE dans cette affaire, l’INPI a pu sans encourir de critique, se référer à cette décision à laquelle la CJUE a d’ailleurs elle-même renvoyé ultérieurement, notamment dans l’arrêt Santen. De même sont indifférentes la modification du règlement régissant les AMM humaines sur l’application du règlement n°469/2009 sur les CCP et/ou les différences de faits invoquées par la société Boehringer. C’est donc sans excéder ses pouvoirs, que l’INPI a recherché la première AMM pour le principe actif invoqué. La Cour de justice, dans l’arrêt Pharmacia Italia SpA du 19 octobre 2004 (C-31/03) rappelle que « s’il est exact que le règlement fait référence à son article 1er aux maladies humaines ou animales et à ses articles 2, 3, sous b), 8, paragraphe 1, sous b), et 14, sous d), aux directives 65/65 et 81/851, il n’en découle pas pour autant que le règlement établit une distinction de principe entre les AMM délivrées pour des médicaments à usage humain et celles délivrées pour les médicaments à usage vétérinaire, avec les conséquences évoquées (‘) . En effet, la notion de médicament définie à l’article 1er, sous ;a), du règlement fait référence indistinctement aux maladies humaines et animales. De même, les articles 2, 3, sous b), 8, paragraphe 1, sous b), et 14, sous d), ne distinguent pas les différentes procédures d’autorisation des médicaments vétérinaires de celles des médicaments à usage humain. Ces dispositions font référence uniquement, dans des contextes différents, aux procédures d’AMM «en vertu de» la directive 65/65 ou de la directive 81/851 et aux AMM octroyées ou retirées «conformément» à ces directives ;» (point 18). La Cour a alors dit pour droit que « Le fait qu’un produit a obtenu dans un État membre une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament à usage vétérinaire avant la date fixée à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments fait obstacle à ce qu’un certificat complémentaire de protection soit délivré dans un autre État membre de la Communauté sur la base d’un médicament à usage humain autorisé dans cet État membre ». La CJUE, par les arrêts Abraxis et Santen a précisé la notion de ‘première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament’ qui conditionne, au sens de l’article 3 d) du règlement, l’obtention d’un CCP pour ce produit. Dans l’arrêt Abraxis du 21 mars 2019 (C-443/17) qui posait la question de savoir si une AMM invoquée à l’appui d’une demande de CCP portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien peut être considérée comme étant la première AMM du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM en tant que tel, la CJUE indique que « à la lumière de la définition de la notion de ‘produit’ telle qu’elle ressort de la jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement n°469/2009 suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principe actif en cause. Selon une telle interprétation, seule peut être considérée comme étant la première AMM d’un produit en tant que médicament, au sens de l’article 3 sous d) du règlement n°469/2009, l’AMM correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant le produit concerné répondant à la définition de l’article 1er sous b), dudit règlement. Il convient d’ajouter que, s’agissant de l’objectif du règlement n°469/2009, il ressort des termes des considérants 3 à 5 et 9 de celui-ci, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, que le régime du CCP a pour objectif de pallier l’insuffisance de la protection conférée par le brevet à amortir les investissements effectués dans la recherche de nouveaux médicaments et, partant, d’encourager cette recherche. Toutefois, il résulte du considérant 10 dudit règlement que le législateur a entendu réaliser cet objectif de manière à tenir compte de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique. Ce constat, qui vient au soutien d’une interprétation stricte de l’article 3, sous d), du règlement n° 469/2009, est confirmé par l’exposé des motifs de la proposition de règlement du 11 avril 1990, mentionné au point 26 du présent arrêt, dont il résulte, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 52 à 55, 66 et 69 de ses conclusions, que le législateur a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament. (points 34, 35, 36 et 37 de l’arrêt). La Cour a alors dit pour droit que « ;l’article 3, sous d), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de certificat complémentaire de protection portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel ;». Dans l’arrêt Santen du 9 juillet 2020 (C-673/18) qui portait sur la question de savoir si l’article 3, sous d) du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une AMM peut être considérée comme étant la première AMM, au sens de cette disposition, lorsque celle-ci concerne une nouvelle application thérapeutique d’un principe actif, ou d’une combinaison de principes actifs, qui a déjà fait l’objet d’une AMM pour une autre application thérapeutique, la CJUE rappelle que la notion de « ;produit ;» au sens de l’article 1er, sous b) doit être définie strictement (points 40 à 45) et que « ;l’analyse des termes de l’article 3, sous d), de ce règlement suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Abraxis Bioscience, C-443/17, EU:C:2019:238, point 34), et ce quelle qu’ait été l’application thérapeutique de ce principe actif, ou de cette combinaison de principes actifs, pour laquelle cette AMM a été obtenue ;» (point 51). La Cour reprend également au point 55 de l’arrêt la formule selon laquelle « ;il résulte du point 11 de l’exposé des motifs visé au point 45 du présent arrêt que le législateur de l’Union a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Abraxis Bioscience, C-443/17, EU:C:2019:238, point 37) ;». La CJUE a alors dit pour droit que « l’article 3, sous d), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’une autorisation de mise sur le marché ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché, au sens de cette disposition, lorsque celle-ci porte sur une nouvelle application thérapeutique d’un principe actif, ou d’une combinaison de principes actifs, qui a déjà fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché pour une autre application thérapeutique». Il a été dit que dans l’arrêt Santen du 9 juillet 2020, la CJUE rappelle que la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b) doit être définie strictement (points 40 à 45). Se référant à l’arrêt Pharmacia Italia du 19 octobre 2004 précité, la Cour indique que « ;selon ledit article ;4, la protection conférée au produit par le CCP, si elle ne s’étend qu’au seul produit couvert par l’AMM, vaut en revanche pour toute utilisation de ce produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du CCP ;» pour en déduire que « la notion de « produit », au sens du règlement no ;469/2009, n’est pas dépendante de la manière dont ce produit est utilisé et que la destination du médicament ne constitue pas un critère déterminant pour la délivrance d’un CCP ;» (point 44) . Aux points 46 et 47 de l’arrêt, la Cour ajoute que « cette conception stricte de la notion de « produit » s’est matérialisée à l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009, lequel définit ladite notion par référence à un principe actif ou à une composition de principes actifs et non pas à l’application thérapeutique d’un principe actif protégé par le brevet de base ou d’une combinaison de principes actifs protégée par ledit brevet ;» et que « ;l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un principe actif, ou une combinaison de principes actifs, soit utilisé aux fins d’une nouvelle application thérapeutique ne lui confère pas la qualité de produit distinct dès lors que le même principe actif, ou la même combinaison de principes actifs, a été utilisé aux fins d’une autre application thérapeutique déjà connue ;». Se référant à l’arrêt Abraxis du 21 mars 2019 précité, la CJUE rappelle également dans l’arrêt Santen que « l’analyse des termes de l’article 3, sous d) de ce règlement suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause et ce quelle qu’ait été l’application thérapeutique de ce principe actif, ou de cette combinaison de principes actifs, pour laquelle cette AMM a été obtenue ;» (point 51). Si l’objectif du règlement n°469/2009 est d’encourager la recherche dans le secteur pharmaceutique de nouveaux médicaments, la CJUE a rappelé également (arrêt Abraxis C- 443/17 points 37 et 36) que le législateur (de l’Union) a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament, et qu’il convient de tenir compte de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique. En l’espèce, il a été dit que la demande de CCP n°20C1026 fait référence à une autorisation de mise sur le marché communautaire, ayant effet en France, octroyée le 28 janvier 2020 par l’agence européenne des médicaments et notifiée le 30 janvier 2020 sous le n°EU/2/19/249 pour la spécialité pharmaceutique Aservo EquiHaler, ayant comme principe actif le «ciclésonide» et que cette AMM a été octroyée suite à une procédure administrative en vertu de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires. Cependant cette AMM n’est pas la première pour le produit tel que ci-dessus défini puisque plusieurs AMM antérieures pour des traitements de l’asthme persistant chez l’homme, ayant comme principe actif la « ciclésonide », ont été délivrées par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) le 23 février 2009 pour les spécialité Alvesco 40, Alvesco 80 et Alvesco 160. Ces AMM antérieures constituent donc bien les premières AMM pour le principe actif en cause. En conséquence l’INPI, qui n’est pas lié par la décision de l’Agence Européenne de Médicament qui a qualifié de nouvelle substance active le ciclésonide, a donc décidé à juste titre, que les conditions fixées à l’article 3 d) du Règlement précité, qui sont d’interprétation stricte, ne sont pas réunies. Pour rappel, l’article 3 du règlement (CE) n°469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, intitulé ‘Conditions d’obtention du certificat’ dispose que :« Le certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande: a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ; b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité (…) ; d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament ;». L’article 7 intitulé ‘Demande de certificat’ dudit règlement précise que 1. La demande de certificat doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le produit, en tant que médicament, a obtenu l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article 3, point b) ;». Préalablement, l’article 1 de ce règlement précise, sous l’intitulé ‘Définitions’: ‘Aux fins du présent règlement on entend par : a) ‘médicament’ : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ; b) ‘produit’: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ; c) ‘brevet de base’ : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat (CCP); Aux termes de l’article 4 du même règlement, ‘ Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat (CCP)’. |
L’Essentiel : Le 14 mars 2023, l’INPI a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection (CCP) de Boehringer Ingelheim pour le ciclésonide, invoquant le règlement (CE) n°469/2009. En réponse, Boehringer a formé un recours le 12 juillet 2023, demandant l’annulation de cette décision et un renvoi à la CJUE sur l’interprétation des termes « autorisation valide » et « première autorisation ». L’INPI a soutenu que la demande ne respectait pas l’article 3d) du règlement, l’AMM invoquée n’étant pas la première pour le produit. La cour a finalement rejeté la demande de CCP, confirmant la décision de l’INPI.
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Résumé de l’affaire :
Décision de l’INPILe 14 mars 2023, le directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) a rejeté la demande n°20C1026 de la société Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, visant à obtenir un certificat complémentaire de protection (CCP) pour le produit ‘Ciclésonide ou un sel pharmaceutiquement acceptable de celui-ci’, en se basant sur le règlement (CE) n°469/2009. Recours de la société BoehringerLa société Boehringer a formé un recours contre cette décision le 12 juillet 2023, demandant à la cour d’annuler la décision de l’INPI et de rejeter certaines pièces versées par l’INPI. Elle a également sollicité un renvoi à la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) pour une question préjudicielle concernant l’interprétation des termes « autorisation valide » et « première autorisation » dans le cadre des CCP. Observations de l’INPIL’INPI a déposé des observations écrites le 26 mars 2024 et le 11 septembre 2024, soutenant que la décision de rejet était fondée, car la demande de CCP ne répondait pas aux exigences de l’article 3d) du règlement (CE) n°469/2009, en raison de l’absence d’une première autorisation de mise sur le marché pour le produit concerné. Audience et observations oralesLe ministère public a été informé de l’audience prévue le 24 octobre 2024, où les conseils de la société Boehringer et de l’INPI ont présenté leurs observations orales, reprenant les arguments de leurs écritures respectives. Contexte de la demande de CCPLa société Boehringer a déposé sa demande de CCP le 26 juin 2020, se basant sur le brevet européen n°EP 13811924.3 et une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire pour le médicament vétérinaire Aservo EquiHaler, obtenue le 28 janvier 2020. L’INPI a rejeté la demande en considérant que l’AMM invoquée n’était pas la première pour le produit ‘Ciclésonide’. Arguments de la société BoehringerBoehringer a contesté la décision de l’INPI, arguant que l’INPI avait outrepassé ses compétences et que l’AMM Aservo EquiHaler devait être considérée comme une première AMM. Elle a également soutenu que l’INPI avait mal interprété la jurisprudence de la CJUE, notamment l’arrêt Santen, et que le refus de CCP était contraire à l’esprit du règlement. Position de l’INPIL’INPI a rappelé la jurisprudence européenne, affirmant que la décision de refus était justifiée, car l’AMM pour le produit ‘Ciclésonide’ n’était pas la première AMM. Il a également souligné que la qualification de ‘nouvelle substance active’ par l’Agence Européenne du Médicament ne liait pas l’INPI. Rejet des pièces nouvellesLa cour a statué que le recours contre une décision de l’INPI ne permet pas de prendre en compte des pièces nouvelles produites en appel, écartant ainsi les pièces versées pour la première fois par l’INPI. Conditions d’obtention du CCPSelon le règlement (CE) n°469/2009, pour obtenir un CCP, le produit doit être protégé par un brevet en vigueur et avoir obtenu une AMM en cours de validité, cette AMM devant être la première pour le produit. La cour a rappelé que la jurisprudence de la CJUE précise que la première AMM doit être celle d’un médicament incorporant le principe actif concerné. Décision finaleLa cour a conclu que l’AMM n°EU/2/19/249 pour Aservo EquiHaler ne pouvait pas être considérée comme la première AMM pour le ciclésonide, car plusieurs AMM antérieures avaient été délivrées pour des traitements chez l’homme. En conséquence, la demande de CCP a été rejetée, et la société Boehringer a été déboutée de sa demande d’annulation de la décision de l’INPI. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’obtention d’un certificat complémentaire de protection (CCP) selon le règlement (CE) n°469/2009 ?Le règlement (CE) n°469/2009 du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, établit plusieurs conditions d’obtention d’un CCP. L’article 3 de ce règlement stipule que : « Le certificat est délivré si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande : a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ; b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité ; c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat ; d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament. » Ainsi, pour qu’un CCP soit délivré, il est impératif que le produit soit protégé par un brevet valide, qu’il ait obtenu une AMM valide, qu’il n’ait pas déjà été certifié et que l’AMM soit la première pour ce produit. Comment la notion de « première autorisation de mise sur le marché » est-elle interprétée dans le cadre du CCP ?La notion de « première autorisation de mise sur le marché » est cruciale pour l’obtention d’un CCP. Selon l’article 3, point d) du règlement (CE) n°469/2009, cette autorisation doit être la première pour le produit en tant que médicament. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé dans l’arrêt Abraxis du 21 mars 2019 (C-443/17) que : « l’article 3, sous d), du règlement n°469/2009 doit être interprété en ce sens que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause. » Cela signifie que même si un principe actif a été utilisé dans plusieurs médicaments, seule la première AMM pour ce principe actif sera prise en compte pour l’octroi d’un CCP. Quelles sont les implications de la jurisprudence de la CJUE sur la décision de l’INPI concernant la demande de CCP de Boehringer ?La décision de l’INPI de rejeter la demande de CCP de Boehringer repose sur l’interprétation des arrêts de la CJUE, notamment Pharmacia Italia SpA, Abraxis et Santen. Dans l’arrêt Santen du 9 juillet 2020 (C-673/18), la CJUE a réaffirmé que : « l’analyse des termes de l’article 3, sous d), de ce règlement suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause. » Ainsi, l’INPI a conclu que l’AMM pour le produit « Ciclésonide » délivrée pour la spécialité Aservo EquiHaler ne pouvait pas être considérée comme la première AMM, car plusieurs AMM antérieures avaient été délivrées pour le même principe actif dans d’autres spécialités. Quels articles du Code de la propriété intellectuelle sont pertinents dans le cadre du recours contre la décision de l’INPI ?Le recours contre une décision du directeur général de l’INPI est régi par l’article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que : « La cour d’appel, saisie d’un recours en annulation d’une décision du directeur général de l’INPI, doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise et ne peut prendre en compte les pièces nouvelles produites devant elle. » Cela signifie que la cour doit examiner le recours en se basant uniquement sur les éléments qui étaient disponibles au moment de la décision de l’INPI, sans tenir compte des nouvelles pièces présentées en appel. Cette règle vise à garantir la sécurité juridique et à éviter que des éléments nouveaux ne viennent influencer la décision de la cour. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 17 JANVIER 2025
(n°5, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 23/13461 – n° Portalis 35L7-V-B7H-CICXM
Décision déférée à la Cour : décision du 14 avril 2023 – Institut National de la Propriété Industrielle – décision de rejet de la demande de certificat complémentaire de protection n°20C1026
REQUERANTE
Société BOEHRINGER INGELHEIM VETMEDICA GmbH, société de droit allemand, agissant en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
ALLEMAGNE
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018
Assistée de Me Raphaëlle DEQUIRÉ-PORTIER plaidant pour l’AARPI GIDE – LOYRETTE – NOUEL, avocate au barreau de PARIS, toque T 03
EN PRESENCE DE
MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE (INPI)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Mme Virginie LANDAIS, Chargée de mission
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, en présence de Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
Mmes Véronique RENARD et Marie SALORD ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente
Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
Mme Brigitte CHOKRON, Magistrate honoraire ayant des fonctions juridictionnelles
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
Le Ministère public a été avisé de la date d’audience
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le recours contre cette décision formé le 12 juillet 2023 par la société Boehringer,
Vu les conclusions (n°3) déposées le 23 septembre 2024 par la société Boehringer qui demande à la cour de :
A titre principal,
– rejeter les pièces 10, 11 et 12 versées par l’INPI pour la première fois devant la cour d’appel,
– annuler la décision du 14 avril 2023 par laquelle le directeur général de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection n° 20C1026 déposée le 26 juin 2020 par la société Boehringer,
A titre subsidiaire,
– renvoyer à la cour de justice de l’Union Européenne la question préjudicielle suivante :
« ;Aux fins de l’art. 3 (b) et (d) du règlement sur les CCP, lorsqu’une demande de CCP repose sur l’AMM d’un médicament vétérinaire et que le principe actif utilisé dans ce médicament a été classé comme « ;nouvelle substance active ;» conformément à l’article 3, 2. a) du règlement (CE) 726/2004 du 31 mars 2004, les termes « ;autorisation valide ;» et « ;première autorisation ;» doivent-ils être interprétés de telle sorte que seule une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée conformément à la directive 2001/82/CE peut être prise en compte ;»,
-sursoir à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne.
Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI reçues au greffe le 26 mars 2024 et le 11 septembre 2024 tendant, dans leur dernier état, au rejet du recours, la décision attaquée étant selon lui bien fondée en ce qu’elle a refusé de faire droit à la demande de CCP faute pour celle-ci de répondre aux exigences de l’article 3d) du règlement (CE) n°469/2009,
Le ministère public a été avisé de la date de l’audience du 24 octobre 2024 au cours de laquelle le conseil de la société Boehringer ainsi que la représentante de l’INPI ont été entendus en leurs observations orales reprenant leurs écritures.
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées de la requérante et du directeur général de l’INPI.
Il sera simplement rappelé que la société Boehringer a déposé le 26 juin 2020 une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n°20C1026 portant sur le produit « ;Ciclésonide ou un sel pharmaceutiquement acceptable de celui-ci ;» sur le fondement du règlement CE n°469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
Cette demande a été faite sur la base du brevet européen n°EP 13811924.3 déposé le 18 décembre 2013, publié sous le n° EP 2 ;934 ;479 et délivré le 19 septembre 2018 , sous le titre ‘ Ciclésonide pour le traitement de maladies respiratoires chez les chevaux ;».
La demande de CCP fait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire ayant effet en France octroyée le 28 janvier 2020 par l’agence européenne du médicament et notifiée le 30 janvier 2020 sous le n° EU/2/19/249 pour la spécialité pharmaceutique Aservo EquiHaler ayant comme principe actif le « ;Ciclésonide ;».
La procédure d’examen engagée par l’INPI a abouti à une décision de rejet de la demande de CCP en date du 14 avril 2023 au motif que l’AMM communautaire EU/2/19/249 invoquée n’était pas la première autorisation de mise sur le marché du produit « ;Ciclésonide ou un sel pharmaceutiquement acceptable de celui-ci ;».
La requérante conteste cette décision qu’elle demande à la cour d’annuler à titre principal.
Au soutien de son recours elle fait valoir en premier lieu que l’INPI a agi en dehors de son champ de compétence administrative et a commis un excès de pouvoir dès lors que dans le cadre de la procédure d’octroi de l’AMM de l’Aservo EquiHaler, le Comité des médicaments à usage vétérinaire a qualifié le ciclésonide de ;nouvelle substance active ; au sens de l’article 3, 2 (a) du Règlement AMM, que l’Agence Européenne du Médicament a expressément décidé que ce principe actif n’avait pas été approuvé au sens de ces dispositions et que l’AMM Aservo EquiHaler était une première AMM, que cette décision a été approuvée par la Commission européenne, que cette qualification de « ;première AMM ;» au sens de la règlementation sur les médicaments étant de la compétence exclusive des autorités en charge de l’octroi des AMM, il n’appartient pas à l’INPI de substituer son appréciation à celle de l’Agence Européenne du Médicament.
Elle ajoute que l’INPI fonde sa décision sur une interprétation erronée de la décision Santen de la CJUE du 9 juillet 2020 dès lors que selon la Cour, une AMM humaine portant sur une nouvelle application thérapeutique d’un principe actif ayant déjà fait l’objet d’une autorisation dans le domaine thérapeutique humain ne peut être considérée comme une première AMM au sens de l’article 3 d) du Règlement CCP et que cette décision ne concerne pas l’hypothèse d’AMM successives dans des domaines thérapeutiques différents, humain et vétérinaire, et ne remet pas en cause l’arrêt Neurim du 19 juillet 2012.
Elle soutient enfin que la position de l’INPI est contraire à l’esprit du Règlement CCP qui a été mis en place pour compenser les inconvénients dus à la longueur des essais cliniques nécessaires à la mise sur le marché d’une spécialité pharmaceutique venant restreindre la période de commercialisation pendant laquelle le fabricant est couvert par le monopole d’exploitation conféré par le brevet, qu’en l’espèce le brevet de base EP 479 a été déposé le 18 décembre 2013 et l’autorisation de commercialisation du médicament vétérinaire Aservo EquiHaler obtenue le 28 janvier 2020, soit plus de six ans après, que de plus l’AMM humaine sur la spécialité Alvesco a été délivrée au laboratoire Takeda et qu’elle n’a donc pas été compensée de ses investissements au titre des essais cliniques par l’octroi d’un CCP.
Elle ajoute que l’arrêt Pharmacia Italia SpA invoqué par l’INPI n’est pas applicable au cas d’espèce et que l’Institut ne tire aucune conséquence de l’exigence d’interprétation harmonisée des dispositions réglementaires. Elle en conclut que le refus par l’INPI d’octroyer le CCP est infondé.
L’INPI rappelle la jurisprudence européenne et en particulier les arrêts Pharmacia Italia SpA du 19 octobre 2004 (C-31/03), Abraxis du 21 mars 2019 ( C-443/17) et Santen du 9 juillet 2020 (C-673/18) pour considérer que la décision de refus de délivrance du CCP n°20C1026 qui a constaté que l’AMM visée pour le produit « ;Ciclésonide ;» n’est pas la première AMM pour ce produit est bien fondée.
Sur le rejet des pièces
Il est constant que le recours contre une décision du directeur général de l’INPI est un recours en annulation qui n’emporte pas effet dévolutif et il résulte de l’article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle que la cour d’appel, saisie d’un recours en annulation d’une décision du directeur général de l’INPI, doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise et ne peut prendre en compte les pièces nouvelles produites devant elle.
Par conséquent, la cour doit statuer en l’état des moyens soulevés et des pièces produites dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l’INPI et les parties, tout comme l’INPI, ne sont pas autorisées à produire devant elle des pièces nouvelles.
En l’espèce, la cour écartera donc des débats les pièces 10, 11 et 12 produites pour la première fois en cause d’appel par l’INPI conformément à la demande de la société Boehringer. De même, la cour ne peut donc pas se fonder sur les pièces nouvelles produites par la société Boehringer, soit ses pièces 19 à 29.
Sur le fond
Il convient de rappeler que l’article 3 du règlement (CE) n°469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, intitulé ‘Conditions d’obtention du certificat’ dispose que :
« ;Le certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande:
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;
b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité (…) ;
c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat ;
d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament ;».
L’article 7 intitulé ‘Demande de certificat’ dudit règlement précise que :
« ;1. La demande de certificat doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le produit, en tant que médicament, a obtenu l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article 3, point b) ;».
Préalablement, l’article 1 de ce règlement précise, sous l’intitulé ‘Définitions’: ‘Aux fins du présent règlement on entend par :
a) ‘médicament’ : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ;
b) ‘produit’: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ;
c) ‘brevet de base’ : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat (CCP);
(…)’ .
Aux termes de l’article 4 du même règlement, ‘ Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat (CCP)’.
Il résulte de ces dispositions que, pour faire l’objet d’un CCP, le produit, c’est-à-dire le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament, doit être protégé par un brevet de base en vigueur et avoir obtenu, en tant que médicament, une AMM en cours de validité, celle-ci devant être la première pour le produit.
La Cour de justice indique dans l’arrêt Pharmacia Italia SpA du 19 octobre 2004 (C-31/03) que « ;le critère déterminant pour la délivrance du certificat n’est pas la destination du médicament (‘) que l’objet de la protection conférée par le certificat concerne toute utilisation du produit, en tant que médicament, sans qu’il y ait lieu de distinguer l’utilisation du produit en tant que médicament à usage humain de celle à usage vétérinaire ;» (point 20) . Elle précise au point 15 que « ;La question posée porte sur l’interprétation de la deuxième de ces conditions. Plus précisément, elle vise à savoir si, s’agissant d’une demande de délivrance d’un certificat pour un produit ayant obtenu une AMM en tant que médicament à usage humain dans l’État membre dans lequel la demande est faite, la première AMM dans la Communauté visée par l’article 19 du règlement doit être une AMM délivrée pour un médicament à usage humain, (‘), ou si elle peut être également une AMM délivrée pour un médicament à usage vétérinaire (‘.) ;». Elle rappelle que « ;s’il est exact (‘) que le règlement fait référence à son article 1er aux maladies humaines ou animales et à ses articles 2, 3, sous b), 8, paragraphe 1, sous b), et 14, sous d), aux directives 65/65 et 81/851, il n’en découle pas pour autant que le règlement établit une distinction de principe entre les AMM délivrées pour des médicaments à usage humain et celles délivrées pour les médicaments à usage vétérinaire, avec les conséquences évoquées (‘) . En effet, la notion de médicament définie à l’article 1er, sous ;a), du règlement fait référence indistinctement aux maladies humaines et animales. De même, les articles 2, 3, sous b), 8, paragraphe 1, sous b), et 14, sous d), ne distinguent pas les différentes procédures d’autorisation des médicaments vétérinaires de celles des médicaments à usage humain. Ces dispositions font référence uniquement, dans des contextes différents, aux procédures d’AMM «en vertu de» la directive 65/65 ou de la directive 81/851 et aux AMM octroyées ou retirées «conformément» à ces directives ;» (point 18). La Cour a alors dit pour droit que « ;Le fait qu’un produit a obtenu dans un État membre une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament à usage vétérinaire avant la date fixée à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments fait obstacle à ce qu’un certificat complémentaire de protection soit délivré dans un autre État membre de la Communauté sur la base d’un médicament à usage humain autorisé dans cet État membre ;».
La CJUE, par les arrêts Abraxis et Santen également invoqués dans le cadre du présent recours, a précisé la notion de ‘première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament’ qui conditionne, au sens de l’article 3 d) du règlement, l’obtention d’un CCP pour ce produit.
Dans l’arrêt Abraxis du 21 mars 2019 (C-443/17) qui posait la question de savoir si une AMM invoquée à l’appui d’une demande de CCP portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien peut être considérée comme étant la première AMM du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM en tant que tel, la CJUE indique que « ;à la lumière de la définition de la notion de ‘produit’ telle qu’elle ressort de la jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement n°469/2009 suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principe actif en cause. Selon une telle interprétation, seule peut être considérée comme étant la première AMM d’un produit en tant que médicament, au sens de l’article 3 sous d) du règlement n°469/2009, l’AMM correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant le produit concerné répondant à la définition de l’article 1er sous b), dudit règlement. Il convient d’ajouter que, s’agissant de l’objectif du règlement n°469/2009, il ressort des termes des considérants 3 à 5 et 9 de celui-ci, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, que le régime du CCP a pour objectif de pallier l’insuffisance de la protection conférée par le brevet à amortir les investissements effectués dans la recherche de nouveaux médicaments et, partant, d’encourager cette recherche. Toutefois, il résulte du considérant 10 dudit règlement que le législateur a entendu réaliser cet objectif de manière à tenir compte de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique.
Ce constat, qui vient au soutien d’une interprétation stricte de l’article 3, sous d), du règlement n° 469/2009, est confirmé par l’exposé des motifs de la proposition de règlement du 11 avril 1990, mentionné au point 26 du présent arrêt, dont il résulte, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 52 à 55, 66 et 69 de ses conclusions, que le législateur a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament. (points 34, 35, 36 et 37 de l’arrêt). La Cour a alors dit pour droit que « ;l’article 3, sous d), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de certificat complémentaire de protection portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel ;».
Dans l’arrêt Santen du 9 juillet 2020 (C-673/18) qui portait sur la question de savoir si l’article 3, sous d) du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une AMM peut être considérée comme étant la première AMM, au sens de cette disposition, lorsque celle-ci concerne une nouvelle application thérapeutique d’un principe actif, ou d’une combinaison de principes actifs, qui a déjà fait l’objet d’une AMM pour une autre application thérapeutique, la CJUE rappelle que la notion de « ;produit ;» au sens de l’article 1er, sous b) doit être définie strictement (points 40 à 45) et que « ;l’analyse des termes de l’article 3, sous d), de ce règlement suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Abraxis Bioscience, C-443/17, EU:C:2019:238, point 34), et ce quelle qu’ait été l’application thérapeutique de ce principe actif, ou de cette combinaison de principes actifs, pour laquelle cette AMM a été obtenue ;» (point 51).
La Cour reprend également au point 55 de l’arrêt la formule selon laquelle « ;il résulte du point 11 de l’exposé des motifs visé au point 45 du présent arrêt que le législateur de l’Union a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Abraxis Bioscience, C-443/17, EU:C:2019:238, point 37) ;». La CJUE a alors dit pour droit que « ;l’article 3, sous d), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’une autorisation de mise sur le marché ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché, au sens de cette disposition, lorsque celle-ci porte sur une nouvelle application thérapeutique d’un principe actif, ou d’une combinaison de principes actifs, qui a déjà fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché pour une autre application thérapeutique ;».
Selon la décision contestée, le directeur général de l’INPI a considéré, au visa de l’article 3 d) du Règlement CE 469/2009 et de la jurisprudence de la CJUE, notamment des décisions Pharmacia Italia SpA, Abraxis et Santen susvisées, que l’AMM n°EU/2/19/249 pour la spécialité pharmaceutique Aservo EquiHaler ne peut pas être considérée comme la première AMM pour le principe actif le « ;Ciclésonide ;», la première étant l’AMM délivrée par l’ANSM pour les spécialités pharmaceutiques ;« ; Alvesco ;» en date du 23 février 2009.
La demande de CCP n°20C1026 déposée le 26 juin 2020 vise une AMM communautaire ayant effet en France octroyée le 28 janvier 2020 par l’agence européenne du médicament sous le n° EU/2/19/249 pour la spécialité pharmaceutique Aservo EquiHaler ayant comme principe actif le « ;Ciclésonide ;». Plusieurs AMM ont été délivrées par l’ANSM le 23 février 2009 pour le produit « ;Ciclésonide ;», à savoir ;:
– une AMM n°34009 390 028 2 8, 34009 390 029 9 6 et 34009 390 030 7 8 pour la spécialité Alvesco 160 microgrammes/dose,
– une AMM 34009 390 024 7 7, 34009 390 025 3 8 et 34009 390 027 6 7 pour la spécialité Alvesco 80 microgrammes/dose,
– une AMM 34009 390 021 8 7, 34009 390 022 4 8 et 34009 390 023 0 9 pour la spécialité Alvesco 40 microgrammes/dose.
La société requérante se prévaut néanmoins de l’AMM n°EU/2/19/249 délivrée par décision de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) du 28 janvier 2020 pour le médicament Aservo EquiHaler suite à une procédure administrative initiée en vertu de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires. Elle expose que la décision de délivrance de cette AMM vétérinaire indique qu’il s’agit d’une première AMM pour un médicament à usage vétérinaire et que cette qualification s’impose à l’INPI.
Toutefois le Comité des médicaments vétérinaires ne se prononce qu’ au regard de la règlementation sur les médicaments à usage vétérinaire et n’a pas vocation à connaitre des médicaments à usage humain. En conséquence, seul l’INPI doit en l’espèce rechercher la première AMM pour le principe actif invoqué.
A cet égard la Cour de justice, dans l’arrêt Pharmacia Italia SpA susvisé, a considéré que « ;le critère déterminant pour la délivrance du certificat n’est pas la destination du médicament ‘ que l’objet de la protection conférée par le certificat concerne toute utilisation du produit, en tant que médicament, sans qu’il y ait lieu de distinguer l’utilisation du produit en tant que médicament à usage humain de celle à usage vétérinaire ;». Eu égard à la teneur de la question de droit posée à la CJUE dans cette affaire, l’INPI a pu sans encourir de critique, se référer à cette décision à laquelle la CJUE a d’ailleurs elle-même renvoyé ultérieurement, notamment dans l’arrêt Santen. De même sont indifférentes la modification du règlement régissant les AMM humaines sur l’application du règlement n°469/2009 sur les CCP et/ou les différences de faits invoquées par la société Boehringer.
C’est donc sans excéder ses pouvoirs, que l’INPI a recherché la première AMM pour le principe actif invoqué.
Il a été dit que dans l’arrêt Santen du 9 juillet 2020, la CJUE rappelle que la notion de « ;produit ;» au sens de l’article 1er, sous b) doit être définie strictement (points 40 à 45). Se référant à l’arrêt Pharmacia Italia du 19 octobre 2004 précité, la Cour indique que « ;selon ledit article ;4, la protection conférée au produit par le CCP, si elle ne s’étend qu’au seul produit couvert par l’AMM, vaut en revanche pour toute utilisation de ce produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du CCP ;» pour en déduire que « la notion de « ;produit ;», au sens du règlement no ;469/2009, n’est pas dépendante de la manière dont ce produit est utilisé et que la destination du médicament ne constitue pas un critère déterminant pour la délivrance d’un CCP ;» (point 44) . Aux points 46 et 47 de l’arrêt, la Cour ajoute que « ;cette conception stricte de la notion de « produit » s’est matérialisée à l’article 1er, sous b), du règlement n° 469/2009, lequel définit ladite notion par référence à un principe actif ou à une composition de principes actifs et non pas à l’application thérapeutique d’un principe actif protégé par le brevet de base ou d’une combinaison de principes actifs protégée par ledit brevet ;» et que « ;l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens que le fait qu’un principe actif, ou une combinaison de principes actifs, soit utilisé aux fins d’une nouvelle application thérapeutique ne lui confère pas la qualité de produit distinct dès lors que le même principe actif, ou la même combinaison de principes actifs, a été utilisé aux fins d’une autre application thérapeutique déjà connue ;».
Si comme le soutient la société Boehringer, cette décision Santen vise l’hypothèse de deux AMM successives portant sur le même principe actif dans le même domaine thérapeutique humain, ne se différenciant que par leurs applications thérapeutiques, la Cour s’est néanmoins prononcée sur la définition à donner du produit au sens de l’article 1er, sous b) du Règlement.
Se référant à l’arrêt Abraxis du 21 mars 2019 précité, la CJUE rappelle également dans l’arrêt Santen que « ;l’analyse des termes de l’article 3, sous d) de ce règlement suppose que la première AMM du produit en tant que médicament, au sens de cette disposition, désigne la première AMM d’un médicament incorporant le principe actif ou la combinaison de principes actifs en cause et ce quelle qu’ait été l’application thérapeutique de ce principe actif, ou de cette combinaison de principes actifs, pour laquelle cette AMM a été obtenue ;» (point 51).
Si l’objectif du règlement n°469/2009 est d’encourager la recherche dans le secteur pharmaceutique de nouveaux médicaments, la CJUE a rappelé également (arrêt Abraxis C- 443/17 points 37 et 36) que le législateur (de l’Union) a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament, et qu’il convient de tenir compte de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique.
En l’espèce, il a été dit que ;la demande de CCP n°20C1026 fait référence à une autorisation de mise sur le marché communautaire, ayant effet en France, octroyée le 28 janvier 2020 par l’agence européenne des médicaments et notifiée le 30 janvier 2020 sous le n°EU/2/19/249 pour la spécialité pharmaceutique Aservo EquiHaler, ayant comme principe actif le «ciclésonide» et que cette AMM a été octroyée suite à une procédure administrative en vertu de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
Cependant cette AMM n’est pas la première pour le produit tel que ci-dessus défini puisque plusieurs AMM antérieures pour des traitements de l’asthme persistant chez l’homme, ayant comme principe actif la « ciclésonide », ont été délivrées par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) le 23 février 2009 pour les spécialité Alvesco 40, Alvesco 80 et Alvesco 160.
Ces AMM antérieures constituent donc bien les premières AMM pour le principe actif en cause.
En conséquence l’INPI, qui n’est pas lié par la décision de l’Agence Européenne de Médicament qui a qualifié de nouvelle substance active le ciclésonide, a donc décidé à juste titre, que les conditions fixées à l’article 3 d) du Règlement précité, qui sont d’interprétation stricte, ne sont pas réunies.
C’est donc sans méconnaître les objectifs du règlement n° 469/2009 que le directeur général de l’INPI a rejeté la demande de CCP n°20C1026 déposée le 26 juin 2020 au motif que l’AMM n°EU/2/19/249 pour la spécialité pharmaceutique Aservo EquiHaler ne peut pas être considérée comme la première AMM pour le principe actif le « ;Ciclésonide ;», la première étant l’AMM délivrée par l’ANSM pour les spécialités pharmaceutiques ;« ;Alvesco ;» en date du 23 février 2009.
La société Boehringer sera en conséuence déboutée de sa demande d’annulation de la décision du directeur général de l’INPI du 14 avril 2023 qui a rejeté la demande de CCP n°20C1026.
En l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne sur la question soulevée, il n’y a pas lieu de saisir la CJUE d’une question préjudicielle, la demande étant en tout état de cause présentée à titre subsidiaire.
Ecarte des débats les pièces 10, 11 et 12 produites pour la première fois en cause d’appel par l’Institut National de la Propriété Industrielle.
Rejette le recours formé par la société Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH à l’encontre de la décision rendue le 14 avril 2023 par le directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle.
Dit que la présente décision sera notifiée, par lettre recommandée avec accusé de réception et par les soins du greffe, à la société Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH ainsi qu’au directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle.
La Greffière La Présidente
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