Réévaluation des mesures de protection des personnes vulnérables

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Réévaluation des mesures de protection des personnes vulnérables

L’Essentiel : Mme [M] a demandé la mainlevée de sa curatelle renforcée, arguant que la cour d’appel n’avait pas justifié son placement sous curatelle simple. Elle souligne que l’ouverture d’une telle mesure nécessite une constatation médicale de l’altération de ses facultés et un besoin d’assistance continue. La cour d’appel, s’appuyant sur un certificat médical, a décidé de la placer sous curatelle simple sans établir clairement l’altération de ses facultés ou la nécessité d’une assistance. Cette absence de justification a conduit à une décision jugée dépourvue de base légale, remettant en question la validité de la mesure.

Contexte de la demande

Mme [M] a introduit une requête le 10 avril 2019 auprès d’un juge des contentieux de la protection, demandant la mainlevée de la mesure de curatelle renforcée qui avait été prononcée à son égard par un jugement en date du 20 juillet 2017. Cette mesure concernait à la fois ses biens et sa personne.

Arguments de Mme [M]

Dans son appel, Mme [M] conteste la décision de la cour d’appel qui l’a placée sous curatelle simple tout en maintenant la durée de la mesure initiale et le mandataire désigné. Elle soutient que l’ouverture d’une mesure de curatelle nécessite la constatation d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, ainsi qu’un besoin d’assistance ou de contrôle continu dans les actes importants de sa vie civile. Elle argue que la cour n’a pas suffisamment justifié sa décision.

Exigences légales pour la curatelle

Selon les articles 425 et 440 du code civil, l’ouverture d’une mesure de curatelle requiert une constatation médicale de l’altération des facultés mentales ou corporelles de l’individu, ainsi que la nécessité d’une assistance ou d’un contrôle continu pour les actes importants de la vie civile. Ces éléments doivent être établis par les juges du fond.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a décidé de placer Mme [M] sous curatelle simple en se basant sur un certificat médical daté du 12 avril 2021, qui indiquait qu’elle pouvait être placée en curatelle allégée. Cependant, cette décision n’a pas été accompagnée d’une constatation claire de l’altération des facultés de Mme [M] ou de la nécessité d’une assistance continue.

Manque de base légale

La cour d’appel a été jugée comme ayant privé sa décision de base légale en ne constatant pas, à la date de son jugement, l’altération des facultés mentales ou corporelles de Mme [M]. De plus, elle n’a pas établi la nécessité d’une assistance ou d’un contrôle continu, ce qui est requis pour justifier une mesure de curatelle.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions nécessaires à l’ouverture d’une mesure de curatelle selon le code civil ?

La mesure de curatelle est régie par les articles 425 et 440 du code civil.

L’article 425, alinéa 1er, stipule que :

« La curatelle est une mesure de protection judiciaire destinée à protéger une personne majeure qui, en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, a besoin d’être assistée ou contrôlée dans les actes importants de la vie civile. »

Ainsi, l’ouverture d’une mesure de curatelle exige la constatation par les juges de deux éléments essentiels :

1. L’altération, médicalement constatée, soit des facultés mentales de l’intéressé, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

2. La nécessité pour l’intéressé d’être assisté ou contrôlé de manière continue dans les actes importants de la vie civile.

L’article 440, alinéa 1er, précise également que :

« La curatelle peut être simple ou renforcée, selon le degré d’assistance nécessaire. »

Ces articles établissent donc un cadre juridique strict pour l’ouverture d’une mesure de curatelle, qui doit être fondée sur des éléments médicaux et une évaluation des besoins de la personne concernée.

Quelles sont les conséquences d’une décision de la cour d’appel qui ne respecte pas ces conditions ?

Lorsque la cour d’appel ne respecte pas les conditions énoncées dans les articles 425 et 440 du code civil, sa décision peut être considérée comme dépourvue de base légale.

Dans le cas présent, la cour d’appel a décidé de placer Mme [M] sous le régime de la curatelle simple, en se basant sur un certificat médical qui indiquait qu’elle pouvait être placée en curatelle allégée.

Cependant, la cour n’a pas constaté, à la date de sa décision, l’altération des facultés mentales ou corporelles de Mme [M], ni la nécessité d’une assistance ou d’un contrôle continu dans les actes importants de sa vie civile.

Cette omission constitue une violation des exigences légales, car :

– L’absence de constatation médicale de l’altération des facultés de l’intéressée empêche de justifier la mesure de protection.

– La cour d’appel a ainsi privé sa décision de base légale, ce qui pourrait entraîner l’annulation de l’arrêt et la nécessité d’un nouvel examen de la situation de Mme [M] par les juges du fond.

En conséquence, il est crucial que les décisions judiciaires en matière de curatelle soient fondées sur des éléments factuels et médicaux clairs, afin de garantir le respect des droits de la personne protégée.

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2025

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 20 F-D

Pourvoi n° W 22-17.817

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 mars 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025

Mme [O] [V] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-17.817 contre l’arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d’appel de Montpellier (2e chambre de la famille), dans le litige l’opposant à l’association Geranto Sud, dont le siège est [Adresse 2], représentée par Mme [S] en qualité de mandataire judiciaire, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de l’association Geranto Sud, représentée par Mme [S] en qualité de mandataire judiciaire, et l’avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021) et les productions, par requête du 10 avril 2019, Mme [M] a saisi un juge des contentieux de la protection, statuant en qualité de juge des tutelles, d’une demande de mainlevée de la mesure de curatelle renforcée aux biens et à la personne prononcée à son égard par jugement du 20 juillet 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [M] fait grief à l’arrêt de la placer en curatelle simple et de maintenir la durée de la mesure initialement prévue et le mandataire désigné, alors « que l’ouverture d’une mesure de curatelle exige la constatation soit de l’altération des facultés mentales de l’intéressé, soit de l’altération de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, ainsi que la nécessité de l’assister ou le contrôler continuellement pour réaliser les actes importants de la vie civile ; qu’en se bornant à retenir qu’il résultait du certificat du docteur [X] que Mme [M] pouvait être placée sous curatelle allégée, sans caractériser, ni l’altération de ses facultés mentales ou celle de ses facultés corporelles de nature à l’empêcher d’exprimer sa volonté, ni son besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 425 et 440 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 425, alinéa 1er, et 440, alinéa 1er, du code civil :

3. Il résulte de ces textes que l’ouverture d’une mesure de curatelle exige la constatation par les juges du fond, d’une part, de l’altération, médicalement constatée, soit des facultés mentales de l’intéressé, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, et, d’autre part, de la nécessité pour celui-ci d’être assisté ou contrôlé de manière continue dans les actes importants de la vie civile.

4. Pour placer Mme [M] sous le régime de la curatelle simple et maintenir la durée de la mesure initialement prononcée et le mandataire désigné, l’arrêt retient qu’il résulte du certificat médical établi le 12 avril 2021 par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République que l’intéressée pouvait être placée en curatelle allégée.

5. En se déterminant ainsi, sans constater, à la date à laquelle elle statuait, l’altération, médicalement constatée, soit des facultés mentales de Mme [M], soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, et la nécessité pour celle-ci d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.


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