Réduction de créance en raison de la précarité financière d’une bénéficiaire

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Réduction de créance en raison de la précarité financière d’une bénéficiaire

L’Essentiel : Le 5 avril 2023, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a notifié à Mme [T] [W] un indu de 1.403,41 € pour un trop perçu de pension d’invalidité. Après le rejet de sa demande de remise de dette par la commission de recours amiable, elle a saisi le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse. Lors de l’audience, Mme [T] [W] a souligné ses difficultés financières, ne lui laissant qu’environ 438 € par mois après charges. Le tribunal a reconnu une précarité justifiant une réduction de la créance à 935,60 €, tout en condamnant Mme [T] [W] aux dépens.

Contexte de l’affaire

Le 5 avril 2023, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a notifié à Mme [T] [W] un indu de 1.403,41 € en raison d’un trop perçu de pension d’invalidité. En réponse, Mme [T] [W] a saisi la commission de recours amiable pour demander une remise de dette. Cependant, le 30 juin 2023, cette commission a rejeté sa demande, ce qui a conduit Mme [T] [W] à introduire un recours devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 6 juillet 2023.

Déroulement de la procédure

Les parties ont été convoquées pour une audience initiale le 23 septembre 2024, mais celle-ci a été renvoyée pour permettre des échanges de pièces. L’affaire a finalement été plaidée le 25 novembre 2024, avec une demande de dispense de comparution formulée par Mme [T] [W]. Elle a maintenu ses demandes, soulignant sa situation financière difficile, notamment après avoir retrouvé un emploi avec un salaire net de 1.500 € par mois.

Arguments de Mme [T] [W]

Mme [T] [W] a expliqué que, malgré son emploi, ses charges mensuelles laissaient un reste à vivre très limité. Après le paiement de ses charges, il lui restait environ 438 € par mois, montant qui devait encore être réduit par les dépenses liées à l’alimentation, à la cantine de ses enfants et aux frais de carburant. Elle a également mentionné être en cours de divorce et avoir des dettes antérieures envers la caisse primaire d’assurance maladie.

Position de la caisse primaire d’assurance maladie

La caisse primaire d’assurance maladie a contesté la demande de Mme [T] [W], arguant que sa situation de précarité n’était pas avérée et qu’elle pouvait rembourser la dette, même de manière échelonnée. Elle a avancé que les revenus du foyer s’élevaient à 2.858,87 €, ce qui contredisait les affirmations de Mme [T] [W].

Analyse du tribunal

Le tribunal a d’abord confirmé la recevabilité du recours, précisant que la commission de recours amiable avait été saisie dans les délais requis. Concernant la demande de remise de dette, le tribunal a noté que la situation financière de Mme [T] [W] avait évolué, justifiant une précarité qui ne permettait pas une suppression totale de la créance, mais plutôt une réduction.

Décision finale

En conséquence, le tribunal a décidé de réduire la créance de la caisse primaire d’assurance maladie à 935,60 €. Mme [T] [W] a été condamnée à payer les entiers dépens, et le jugement a été signé par la Présidente et le Greffier.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité du recours de Mme [T] [W] ?

Le recours de Mme [T] [W] est jugé recevable en vertu de l’article R 142-1 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que les réclamations formées contre les décisions des organismes de sécurité sociale doivent être soumises à une commission de recours amiable dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision contestée.

En l’espèce, Mme [T] [W] a bien saisi la commission de recours amiable avant d’introduire son recours devant le tribunal judiciaire.

Les articles R 142-1-A et R 142-10-1 précisent également que le tribunal doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission.

Aucun élément ne conteste le respect de ces délais dans le cas présent, ce qui confirme la recevabilité du recours.

Quelles sont les conditions pour obtenir une remise de dette selon le code de la sécurité sociale ?

L’article L 256-4 du code de la sécurité sociale établit que les créances issues de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur. Cette réduction doit être décidée par la caisse, sauf en cas de manœuvres frauduleuses ou de fausses déclarations.

Dans le cas de Mme [T] [W], la commission de recours amiable a initialement rejeté sa demande de remise de dette, considérant que ses ressources et charges ne justifiaient pas une telle mesure.

Cependant, la situation personnelle de Mme [T] [W] a évolué, et elle a présenté des éléments nouveaux concernant ses revenus et ses charges.

Le tribunal a donc reconnu une situation de précarité justifiant une réduction de la créance, plutôt qu’une remise totale.

Ainsi, la créance de la caisse primaire d’assurance maladie a été réduite à 935,60 €.

Comment le tribunal a-t-il évalué la situation financière de Mme [T] [W] ?

Le tribunal a pris en compte les déclarations de Mme [T] [W] concernant ses revenus et ses charges. Il a noté que, malgré une situation initiale où le foyer avait des ressources mensuelles de 2.855,84 €, la séparation et les nouvelles charges de loyer ont modifié sa situation financière.

Les charges mensuelles de Mme [T] [W] s’élevaient à environ 985 €, ce qui, après déduction de ses revenus, laissait un disponible d’environ 670 € pour elle et sa fille.

Le tribunal a également souligné que les dépenses non prioritaires, telles que les loisirs, ne pouvaient pas être prises en compte dans le calcul des charges.

Cette évaluation a permis de conclure à une situation de précarité justifiant une réduction de la créance, en tenant compte des changements significatifs dans la situation personnelle et professionnelle de Mme [T] [W].

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 20 Janvier 2025

Affaire :

Mme [T] [W]

contre :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN

Dossier : N° RG 23/00475 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GNZJ

Décision n°25/

Notifié le
à
– [T] [W]
– CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Nadège PONCET

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Baptiste BRAUD

ASSESSEUR SALARIÉ : Jean-Pierre DECROZE

GREFFIER : Ludivine MAUJOIN

PARTIES :

DEMANDEUR :

Madame [T] [W]
[Adresse 4]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée

DÉFENDEUR :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN
Pôle des affaires juridiques
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Madame [D] [C], dûment mandatée,

PROCEDURE :

Date du recours : 06 Juillet 2023
Plaidoirie : 25 Novembre 2024
Délibéré :20 Janvier 2025

EXPOSE DU LITIGE

Le 5 avril 2023, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a notifié à Mme [T] [W] un indu de 1.403,41 € au titre d’un trop perçu de pension d’invalidité.

Mme [T] [W] a saisi la commission de recours amiable d’une demande de remise de dette.

Par décision du 30 juin 2023, la commission de recours amiable a rejeté sa demande de remise de dette.

Par courrier du 6 juillet 2023, Mme [T] [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse d’un recours contre cette décision de rejet.

Les parties ont été convoquées pour l’audience du 23 septembre 2024. Un renvoi a été ordonné pour échanges de pièces.

L’affaire a été retenue et plaidée à l’audience du 25 novembre 2024, Mme [T] [W] ayant sollicité une dispense de comparution.

Mme [T] [W] maintient ses demandes dans son courrier.

Elle expose qu’elle vient juste de retrouver un emploi pour une rémunération nette de 1.500 € par mois. Elle explique qu’après paiement de ses charges il lui reste 438 € par mois en reste à vivre desquels il faut encore déduire l’alimentation, la cantine pour ses enfants et les frais de carburant. Elle indique qu’elle est en cours de divorce et remboursait jusque-là une précédente dette de la caisse primaire d’assurance maladie.

La caisse primaire d’assurance maladie conclut au rejet de la demande. Elle estime que la situation de précarité de Mme [T] [W] n’est pas avérée, et qu’elle est en capacité de rembourser cette dette, le cas échéant de manière fractionnée. Elle retient pour sa part des revenus pour le foyer d’un montant de 2.858,87 €.

MOTIFS

Sur la recevabilité du recours

L’article R 142-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les réclamations relevant de l’article L 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.

En application des articles R 142-1-A et R 142-10-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître du contentieux visé à l’article L 211-16 du COJ doit être saisi dans un délai de deux mois à compter soit de la date de notification de la décision de la commission de recours amiable, soit de l’expiration du délai de deux mois prévu par l’article R 142-6 du même code.

En l’espèce la commission de recours amiable a été saisie préalablement à la présente juridiction et les délais n’ont fait l’objet d’aucune critique.

Le recours est donc recevable.

Sur la demande de remise de dette

En application de l’article L 256-4 du code de la sécurité sociale, les créances nées de l’application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse, sauf en cas de manœuvre frauduleuses ou de fausses déclarations.

Au moment de son recours devant la commission de recours amiable et selon les déclarations mêmes de Mme [T] [W] concernant ses revenus et ses charges, il apparaissait que le foyer composé du couple et de leur fille de 11 ans avait des ressources mensuelles de 2.855,84 € et que les charges mensuelles s’élevaient à 1610,49 € soit un reste à vivre de 1.245,35 € par mois pour trois personnes ou encore 415,12 € par mois par personne.

C’est donc à bon droit que la commission de recours amiable a rejeté la demande de remise totale ou partielle de dette, indiquant qu’un échelonnement de règlement de la dette était possible.

Plus récemment, la situation personnelle de Mme [T] [W] a beaucoup évolué. Elle s’est séparée et expose des charges de loyer pour elle et sa fille. Elle perçoit l’allocation de soutien familial pour cette dernière. Bénéficiaire jusque-là de l’allocation adulte handicapé et d’indemnités chômage, elle a tenté de reprendre une activité professionnelle à plusieurs reprises, et a annoncé dernièrement bénéficier d’un salaire pour 1.500 € par mois ce qui constituera ses seuls revenus en complément de sa pension d’invalidité et le cas échéant de la prime d’activité. Ses charges de loyer, eau, électricité, téléphone et assurance représentent environ 985 € par mois. A cela s’ajoute des mensualités de crédit et des remboursements de dettes. En revanche les dépenses liées aux loisirs, à l’épargne ou au versement d’argent de poche ne peuvent être prises en compte au titre des charges dans le budget, n’étant pas prioritaires sur le règlement des dettes. Le disponible est donc pour elle et sa fille d’environ 670 €.

Compte tenu des changements de situation personnelle et professionnelle répétés, il est justifié d’une situation de précarité de nature à donner lieu non pas à une suppression mais à une réduction de la créance d’un tiers.

La créance de la caisse primaire d’assurance maladie sera donc réduite à hauteur de 935,60 €.

Mme [T] [W] qui succombe, sera condamnée à payer les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître du contentieux visé à l’article L 211-16 du COJ, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déclare l’action de Mme [T] [W] recevable,

Réduit la créance de Mme [T] [W] à l’égard de la caisse primaire d’assurance maladie d’un tiers soit une somme restante due de 935,60 €,

Condamne Mme [T] [W] aux entiers dépens.

En foi de quoi, la Présidente et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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