L’Essentiel : La cour a examiné les relations contractuelles entre la société et l’EARL, concluant à l’absence de lien de subordination. Les conventions établissaient une mise à disposition sans contrainte, et les témoignages ont confirmé l’autonomie de M. [N] dans l’exercice de ses missions. En conséquence, la cour a infirmé le jugement précédent, annulé le redressement de l’URSSAF et débouté cette dernière de toutes ses demandes. De plus, l’URSSAF a été condamnée à verser 1 500 euros à la société pour les frais irrépétibles, les dépens étant à sa charge pour ceux engagés après le 31 décembre 2018.
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Contexte du litigeA l’issue d’un contrôle de l’URSSAF, la société a reçu une lettre d’observations le 10 mars 2016, signalant une dissimulation d’emploi salarié pour la période de 2011 à 2015, entraînant un redressement de 39 866 euros. La société a contesté cette décision par courrier le 18 avril 2016, mais l’URSSAF a maintenu le redressement dans une réponse du 30 mai 2016. Une mise en demeure a été notifiée le 28 juin 2016, portant le montant total à 46 094 euros. Procédures de contestationLa société a contesté le redressement devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 27 avril 2017. Elle a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d’Armor le 24 juillet 2017. Le jugement du 3 décembre 2020 a confirmé le redressement et a condamné la société à verser 46 094 euros à l’URSSAF, tout en déboutant la société de ses demandes. Appel de la sociétéLa société a interjeté appel du jugement le 14 janvier 2021, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître la validité de ses arguments. Elle a également demandé le déboutement de l’URSSAF de sa demande de rappel de cotisations et des majorations de retard. Arguments de l’URSSAFL’URSSAF a soutenu que les relations entre la société et l’EARL [5] constituaient un contrat de travail déguisé, en raison d’un lien de subordination et de la nature des missions effectuées par M. [N]. Elle a demandé la confirmation du jugement initial et le maintien du redressement. Analyse des relations contractuellesLa cour a examiné les conventions entre la société et l’EARL, notant que celles-ci stipulaient une mise à disposition sans lien de subordination. Les témoignages de M. [N] et du gérant de la société ont mis en avant l’autonomie de M. [N] dans l’exercice de ses missions, sans contrainte de la part de la société. Décision de la courLa cour a conclu qu’il n’existait pas de lien de subordination entre la société et M. [N], et que les missions exercées relevaient d’un contrat de prestation de service. En conséquence, elle a infirmé le jugement précédent, annulé le redressement et débouté l’URSSAF de toutes ses demandes. Frais et dépensLa cour a également condamné l’URSSAF à verser 1 500 euros à la société au titre des frais irrépétibles, tout en précisant que les dépens seraient à la charge de l’URSSAF pour ceux exposés après le 31 décembre 2018. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte du litige entre la société et l’URSSAF ?A l’issue d’un contrôle de l’URSSAF, la société a reçu une lettre d’observations le 10 mars 2016, signalant une dissimulation d’emploi salarié pour la période de 2011 à 2015, entraînant un redressement de 39 866 euros. La société a contesté cette décision par courrier le 18 avril 2016, mais l’URSSAF a maintenu le redressement dans une réponse du 30 mai 2016. Une mise en demeure a été notifiée le 28 juin 2016, portant le montant total à 46 094 euros. Quelles procédures de contestation ont été engagées par la société ?La société a contesté le redressement devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 27 avril 2017. Elle a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d’Armor le 24 juillet 2017. Le jugement du 3 décembre 2020 a confirmé le redressement et a condamné la société à verser 46 094 euros à l’URSSAF, tout en déboutant la société de ses demandes. Quel a été l’objet de l’appel interjeté par la société ?La société a interjeté appel du jugement le 14 janvier 2021, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de reconnaître la validité de ses arguments. Elle a également demandé le déboutement de l’URSSAF de sa demande de rappel de cotisations et des majorations de retard. Quels arguments a avancés l’URSSAF dans cette affaire ?L’URSSAF a soutenu que les relations entre la société et l’EARL constituaient un contrat de travail déguisé, en raison d’un lien de subordination et de la nature des missions effectuées par M. [N]. Elle a demandé la confirmation du jugement initial et le maintien du redressement. Comment la cour a-t-elle analysé les relations contractuelles entre la société et l’EARL ?La cour a examiné les conventions entre la société et l’EARL, notant que celles-ci stipulaient une mise à disposition sans lien de subordination. Les témoignages de M. [N] et du gérant de la société ont mis en avant l’autonomie de M. [N] dans l’exercice de ses missions, sans contrainte de la part de la société. Quelle a été la décision finale de la cour ?La cour a conclu qu’il n’existait pas de lien de subordination entre la société et M. [N], et que les missions exercées relevaient d’un contrat de prestation de service. En conséquence, elle a infirmé le jugement précédent, annulé le redressement et débouté l’URSSAF de toutes ses demandes. Quels frais et dépens ont été décidés par la cour ?La cour a également condamné l’URSSAF à verser 1 500 euros à la société au titre des frais irrépétibles, tout en précisant que les dépens seraient à la charge de l’URSSAF pour ceux exposés après le 31 décembre 2018. Quelles sont les dispositions législatives pertinentes concernant le travail dissimulé ?Il ressort de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail. L’article L. 8221-1 du code du travail dispose que sont interdits le travail totalement ou partiellement dissimulé, ainsi que la publicité tendant à favoriser le travail dissimulé. Comment est défini le lien de subordination dans le cadre d’un contrat de travail ?Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. Quelles étaient les conventions conclues entre la société et l’EARL ?Les conventions conclues entre la société et l’EARL stipulaient que M. [N] était ‘mis à disposition de la société pour animer la gamme cheval’ et que cette mise à disposition ne constituait en aucun cas un contrat de travail entre M. [N] et la société. Les missions étaient réalisées dans le cadre d’un nombre déterminé de journées fixées à l’avance, et la facturation était établie mensuellement. Quelles différences existent entre un contrat de travail et un contrat de prestation de service ?Tout comme le contrat de travail, le contrat de prestation de service comprend l’exécution d’une prestation et une contrepartie financière, avec la différence que dans le contrat de prestation de service, il n’existe pas de lien de subordination entre le client et le prestataire. Quels éléments ont été pris en compte pour déterminer la nature de la relation entre M. [N] et la société ?La cour a pris en compte les témoignages de M. [N] et du gérant de la société, qui ont mis en avant l’autonomie de M. [N] dans l’exercice de ses missions. Il a été constaté que M. [N] ne participait pas aux réunions hebdomadaires de l’équipe commerciale et qu’il n’était pas soumis à des instructions de la part de la société. Quelles conclusions la cour a-t-elle tirées concernant l’existence d’un contrat de travail ?La cour a conclu que l’URSSAF n’avait pas établi l’existence d’un contrat de travail, car il n’y avait pas de lien de subordination ni de contrôle de la part de la société sur les méthodes de travail de M. [N]. Le simple contrôle de l’exécution de la prestation ne suffisait pas à caractériser le lien de subordination. Quelles sont les implications de la décision de la cour pour l’URSSAF ?L’URSSAF a échoué à démontrer l’existence d’un contrat de travail, ce qui a conduit à l’infirmation du jugement entrepris, à l’annulation du redressement et au déboutement de l’URSSAF de toutes ses demandes. Cela signifie que la société n’est pas tenue de payer les cotisations contestées. |
ARRÊT N°
N° RG 21/00293 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RIF6
Société [6]
C/
URSSAF BRETAGNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Octobre 2024
devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 03 Décembre 2020
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal Judiciaire de SAINT BRIEUC – Pôle Social
Références : 18/00954
****
APPELANTE :
La Société [6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent GERVAIS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Marion FEVE, avocat au barreau de NANTES
(et par Me Jean-David CHAUDET, avocat au barreau de RENNES)
INTIMÉE :
L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Madame [Y] [R] LEPAGE en vertu d’un pouvoir spécial
A l’issue d’un contrôle de recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé, réalisé par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne (l’URSSAF), la société [6] (la société) s’est vu notifier une lettre d’observations du 10 mars 2016 portant sur le chef de redressement ‘dissimulation d’emploi salarié, sans verbalisation : assiette réelle’ sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015, pour un montant total de cotisations et de contributions de 39 866 euros.
Par courrier du 18 avril 2016 la société a fait valoir ses observations.
En réponse, par courrier du 30 mai 2016, les inspecteurs ont maintenu le redressement tel que notifié dans la lettre d’observations.
L’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure du 28 juin 2016 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d’observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant total de 46 094 euros (39 866 + 6 228).
Le 8 juillet 2016, la société a contesté le redressement devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 27 avril
2017.
Elle a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d’Armor le 24 juillet 2017.
Par jugement du 3 décembre 2020, ce tribunal devenu pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, a :
– confirmé le redressement notifié par lettre d’observations en date du 10 mars 2016 ;
– confirmé la décision de la commission de recours amiable du 27 avril 2017 ;
– condamné la société à verser à l’URSSAF la somme globale de 46 094 euros, sans préjudice des majorations de retard complémentaires telles que prévues par l’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ;
– débouté la société de toutes ses demandes ;
– condamné la même aux dépens.
Par déclaration adressée le 14 janvier 2021 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 décembre 2020.
Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 16 décembre 2021, auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :
– de juger son appel recevable et bien fondé ;
– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
– d’infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF du 27 avril 2017 ainsi que la décision de redressement notifiée par mise en demeure en date du 28 juin 2016 ;
– de débouter l’URSSAF de sa demande de rappel de cotisations sociales et des majorations de retard afférents ;
– de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses écritures parvenues au greffe le 16 novembre 2021 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :
– confirmer le bien fondé du redressement opéré au titre du travail dissimulé notifié par lettre d’observations en date du 10 mars 2016 ;
– confirmer le jugement entrepris ;
– condamner la société à lui verser la somme globale de 46 094 euros (39 866 euros de cotisations, 6 228 euros de majorations de retard), sans préjudice des majorations de retard complémentaires telles que prévues par l’article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ;
– débouter la société de toutes ses demandes et prétentions ;
– délivrer un arrêt revêtu de la formule exécutoire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
Sur le redressement pour travail dissimulé
Il ressort de la lettre d’observations que l’inspecteur du recouvrement a relevé dans la comptabilité de la société le paiement de factures de prestation de service (avec frais kilométriques et repas) au bénéfice de l’EARL [5] ; des conventions de prestation de service ont alors été présentées à l’inspecteur, conclues pour une durée chacune de six mois entre les deux sociétés, dont la lecture couplée aux conditions d’activité de M.[N], gérant de l’EARL, a conduit l’inspecteur à retenir l’existence d’un lien de subordination dans le cadre d’un service organisé et, partant, à intégrer les sommes facturées et payées par la société au profit de M. [N] dans l’assiette de cotisations.
La société conteste tout contrat de travail en l’espèce et maintient que les relations avec l’EARL s’inscrivent pleinement dans le cadre de conventions de prestation de service assurant à ladite EARL une totale autonomie dans l’exercice de ses missions. C’est ainsi qu’elle fait valoir que cette EARL n’est soumise à aucune exclusivité, qu’elle dispose de la plus grande autonomie dans l’organisation de ses journées de prestation, que les revenus tirés de cette activité ne représentent que 50% de son revenu global, qu’elle n’est pas intégrée à la force commerciale de la société, qu’hormis un téléphone portable et des cartes de visite aucun matériel de la société n’est mis à sa disposition, qu’elle est par ailleurs rémunérée sur une base journalière comme la grande majorité des prestataires de services et ne bénéficie d’aucune rémunération variable fondée sur des objectifs à la différence de l’équipe commerciale de la société, qu’elle n’est enfin soumise à aucun pouvoir disciplinaire de la société.
L’URSSAF réplique qu’un contrat de mise à disposition comme tel qualifié par les parties en l’espèce s’analyse comme un contrat de travail au regard des articles L. 1251-42 et L. 1251-43 du code du travail ; que les mentions de ces contrats successifs, notamment concernant les missions confiées à l’EARL, renvoient également par leur contenu à un contrat de travail ; que M. [N] est seul représentant de la marque [4] sur la Bretagne; qu’il bénéficie de la mise à disposition d’un téléphone portable, d’un catalogue des produits avec les tarifs, de cartes de visite personnalisées comportant à la fois son nom et celui de la société, d’une rémunération garantie, dont le paiement est mensuel (et pas en fin de prestation) sur la base d’un prix de journée (et pas à la prestation) ; que les frais sont précisés dans le contrat alors qu’en cas de prestation de services les frais du prestataire sont compris dans le devis ; qu’en outre, le risque économique est absent ; qu’il existe par ailleurs un véritable lien de subordination entre la société et M. [N], caractérisé tant par un travail au sein d’un service organisé que par le pouvoir de contrôle, de direction et de sanction dont dispose la société. Elle maintient en conséquence que les rémunérations versées par la société à M. [N] doivent être soumises à cotisations.
Sur ce
Il résulte de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.
L’article L. 8221-1 du code du travail dispose :
‘Sont interdits :
1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ;
3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.’
L’article L. 8221-5 du code du travail précise :
‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
L’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle.
Si le lien de subordination est l’élément décisif et s’il appartient au juge de le détecter à la lumière des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction mis en oeuvre par l’employeur, la seule intégration à un service organisé est impropre à caractériser l’existence d’un lien de subordination s’il n’apparaît pas que le travailleur indépendant est soumis par ailleurs au pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’employeur prétendu.
Les conventions conclues entre la société et l’EARL [5] au cours de la période contrôlée, intitulées ‘convention de mise à disposition’ prévoient pour l’essentiel que :
‘ article 1er :
– M. [N], responsable de l’EARL est ‘mis à disposition de la société [6] pour animer la gamme cheval ‘[4] et les produits annexes s’y rattachant sur les zones définies par [6]’ ;
– durant cette mission, ‘il sera sous la responsabilité du responsable commercial de [7] (filiale de distribution de [6])’ ;
– ‘cette mise à disposition ne constitue en aucun cas un contrat de travail entre M. [P] [N] et la SA [6]’ ;
‘ article 2 :
– la mission sera réalisée dans le cadre d’un nombre déterminé mensuel de journées fixées à l’avance (10 jours en 2011, 12 jours à compter de 2014) ;
– ‘un point sur l’activité sera fait mensuellement à partir des rapports d’activité hebdomadaire réalisés par l’EARL’ ;
– la société mettra à la disposition de M. [N] un téléphone portable à usage strictement professionnel ;
‘ article 3 :
– ‘dans le cadre de sa mission pour [6], M. [N] sera amené à travailler sur les zones géographiques désignées par la société’ ;
‘ article 6 :
– la facturation sera établie mensuellement, basée sur le nombre de journées déterminé par mois précisé dans chaque convention ; les frais de déplacement seront pris en charge par la société à hauteur de montants spécifiés dans chaque convention ; le paiement de la prestation sera effectué mensuellement ;
‘ article 5 :
– ‘les parties s’engagent à se tenir informées régulièrement de l’état du marché équin, des souhaits de la clientèle et des actions de la concurrence ainsi que de toute autre information permettant d’améliorer l’efficacité de leur collaboration’ ;
‘ articles 4 et 8 :
– la convention, d’une durée de six mois, est susceptible d’être renouvelée par tacite reconduction par période d’une année ;
– si l’une des parties souhaite mettre fin au contrat, elle devra respecter un préavis de trois mois ; par ailleurs, le contrat pourra être dénoncé en cas de force majeure par l’une ou l’autre des parties avec un préavis d’un mois.
Si les conventions conclues entre les deux sociétés font effectivement référence à une mise à disposition et à des missions exercées sous la responsabilité du responsable commercial de la société [7], filiale de la société partie à l’instance, il s’agit de déterminer quelle a été la commune intention des parties et quelles étaient les conditions de fait dans lesquelles était exercée l’activité professionnelle de M. [N].
Il résulte des dispositions de l’article L. 1251-42 du code du travail cité par l’URSSAF que le contrat de mise à disposition est un contrat qui lie une entreprise de travail temporaire et une entreprise utilisatrice pour l’accomplissement d’une mission par un travailleur temporaire au profit de cette dernière. Tel n’est pas le cas en l’espèce, ne serait-ce que parce que l’EARL, qui a pour objet l’élevage de chevaux, n’est pas une entreprise de travail temporaire et qu’il n’est pas allégué ni établi que M. [N] serait son salarié.
La question est donc de déterminer si le contrat en litige est un contrat de prestation de service comme le soutient la société ou un contrat de travail comme le fait valoir l’URSSAF.
Il sera rappelé que tout comme le contrat de travail, le contrat de prestation de service comprend l’exécution d’une prestation et une contrepartie financière, avec cette différence néanmoins que dans le contrat de prestation de service, il n’existe pas de lien de subordination entre le client et le prestataire.
Au cours de son audition le 23 novembre 2015 par les inspecteurs du recouvrement (pièce n°10 de la société), M. [N], à la question ‘qui a choisi le statut sous lequel vous exercez cette activité », a répondu ‘Je ne voulais pas de contrainte. C’est d’un commun accord’.
Le gérant de la société a de son côté expliqué aux inspecteurs qu’il n’avait pas embauché M. [N] comme salarié au même titre que les autres salariés de l’entreprise parce qu’il le connaissait, qu’il était autonome, que cette relation n’aurait pas fonctionné s’il avait été salarié de l’entreprise et que ce ne sont pas ses qualités commerciales qui l’intéressaient mais ses connaissances du monde du cheval (pièce n°14 de la société).
S’agissant des missions exercées par M. [N] non explicitées dans le contrat évoquant simplement l’animation de la gamme cheval ‘[4]’ et les produits annexes s’y rattachant, l’intéressé a déclaré lors de son audition qu’il :
– assurait des relations commerciales et techniques auprès des clients de la société et réalisait la vente des produits aliments pour chevaux de la marque [4] pour toute la Bretagne ;
– prospectait à la suite des mailings adressés par la société, réalisait le suivi des clients fidélisés et assurait une mission de conseil auprès des clients ;
– assurait le suivi des impayés et les relances des paiements en retard ;
– se déplaçait chez les clients pour faire un suivi technique et commercial, à la suite duquel il pouvait adresser une proposition de commande ;
– réalisait parfois des études techniques du foin pour le compte de la société afin de résoudre d’éventuelles anomalies et ajuster l’alimentation en fonction des résultats ;
– téléphonait à la société pour l’informer que les clients souhaitaient passer commande ;
– disposait d’un catalogue et contactait M. [E], responsable commercial, en cas de remises exceptionnelles envisagées ;
– tenait parfois un stand dans des foires, pour le compte de la société ;
– avait la liste des clients et l’évolution de son chiffre d’affaires était analysée avec le tonnage de la semaine précédente ;
– faisait au début des rapports d’activité mais n’en établissait plus, la société se fiant à son chiffre d’affaires ;
– récapitulait tous les mois ses déplacements, ses frais de repas et d’hébergement et se voyait remboursé par la société selon le même barème que ses commerciaux ;
– passait au moins une fois par semaine dans les locaux de la société pour faire le point sur les commandes, les impayés et prendre des sacs de nourriture ;
– disposait d’un téléphone portable et de cartes de visite fournis par la société ;
– établissait des factures mensuelles avec les états kilométriques et les frais engagés ; en cas de frais complémentaires (invitation de clients, aménagement de stands d’exposition, etc.), il adressait la facture à la société qui en réglait le montant intégralement ;
– croisait les salariés lorsqu’il était dans les locaux de l’entreprise et avait avec eux ‘des relations de collègues’ ;
– ne travaillait pas pour d’autres entreprises, s’occupait de ses chevaux et effectuait des travaux d’entretien.
Il ajoutait in fine que les revenus procurés par ces missions représentaient 50% des revenus tirés de ses activités.
M. [U], dirigeant de la société, entendu par les inspecteurs de l’URSSAF le 3 décembre 2015, a quant à lui déclaré qu’il avait proposé à M. [N] de travailler avec lui lorsqu’il a cessé son activité d’élevage de lapins afin de bénéficier de ses connaissances du monde du cheval pour développer l’activité d’alimentation équine ; que le développement de l’activité a conduit à déterminer un volume de jour d’activité, réévalué en 2014 ; que M. [N] n’avait pas d’objectifs de vente ; qu’ils se voyaient une fois par an avec [4] pour réfléchir aux actions marketing futures ; qu’ils se fixaient des objectifs de marché, des challenges d’activité par exemple les chevaux de course ; qu’il n’y avait pas d’actions incitatives ; qu’il avait le tonnage mensuel des ventes ; qu’il prospectait les clients et jugeait de la fréquence des visites, sans instruction de visite ; qu’il disposait du catalogue des produits avec les prix et était autonome pour faire une action commerciale s’il le voulait, avec cette précision que les actions sortant de l’ordinaire étaient prises en concertation avec M. [E] ; qu’il n’établissait pas de rapport d’activité ; qu’il était mis à sa disposition un téléphone portable et le documents de vente ; qu’il ne participait pas à l’équipe commerciale, n’assistait pas aux réunions commerciales hebdomadaires et venait dans les locaux sans fréquence imposée.
Outre le fait que tant M. [N] que la société ont tenu à rappeler dans chacune des conventions conclues au cours de la période contrôlée qu’ils n’entendaient pas inscrire leurs relation contractuelle dans le cadre d’un contrat de travail et que leurs auditions respectives mettaient bien en évidence la volonté de M. [N] de travailler en autonomie, sans contrainte, la cour constate que cette autonomie revendiquée se retrouve dans les conditions d’exercice des missions de M. [N], qui ne se voit imposer aucun planning de prospections et d’interventions, aucun jour dédié à l’exécution de sa mission.
S’il dispose de la liste des clients de la société, il gère comme il veut les visites et ne se voit imposer aucune consigne sur ce point ; il peut accorder des remises même si les remises exceptionnelles doivent être discutées avec M. [E], responsable commercial auquel il est rattaché. Ce rattachement peut là encore s’expliquer au regard du domaine d’intervention de M. [N], sans qu’il en résulte la preuve ipso facto d’un lien de subordination ou d’un travail dans un service organisé.
A cet égard, il n’est pas contesté que M. [N] ne participait pas aux réunions hebdomadaires de l’équipe des commerciaux de la société, venant dans les locaux en fonction de ses disponibilités et n’assistant qu’à une seule réunion par an, consacrée spécifiquement à ses missions pour réfléchir aux actions marketing futures.
L’établissement d’un compte rendu d’activité n’est pas en soi significatif d’une relation salariée et peut tout à fait trouver sa place dans un contrat de prestation de service, étant observé qu’en l’espèce, ce type de rapport a rapidement été abandonné d’un commun accord, ce qui n’est pas contredit par l’URSSAF.
Les conventions ne comportaient par ailleurs aucune clause d’exclusivité et rien n’empêchait par conséquent M. [N] de travailler parallèlement avec un autre partenaire.
M. [N] ne bénéficiait d’aucun matériel mis à disposition par la société à l’exception des documents de vente, de cartes de visite et d’un téléphone portable.
La rémunération convenue, fixée de manière journalière, ne comporte aucune part variable reposant sur des objectifs.
Le remboursement par la société des frais exposés et refacturés par M.[N] dans l’exécution de ses missions n’est en rien exclusif d’un contrat de prestation de service.
Enfin, les conventions litigieuses se distinguent des contrats de travail conclus avec des salariés commerciaux (pièce n°3 de la société).
C’est ainsi que le contrat de travail conclu en décembre 2012 pour un emploi de technico-commercial au sein de la société [7] (filiale de la société) stipule que :
– le salarié travaille au service exclusif de l’employeur ;
– ledit salarié relèvera ‘hiérarchiquement’ du responsable commercial ;
– la société se réserve la faculté d’inclure d’autres produits dans les activités du salarié ;
– une période d’essai de trois mois renouvelable une fois s’appliquera ;
– les fonctions du salarié sont très précisément énoncées (principalement information, prospection, démonstration, suivi des relations commerciales), le tout réalisé ‘en étroite collaboration avec le responsable commercial’ ;
– le salarié ‘observera toutes les instructions générales et particulières qui lui seront données, notamment par le président de la société’ ;
– le salarié s’engage à recommander exclusivement les produits et les normes d’alimentation figurant dans les programmes diffusés par la société et à faire signer une décharge à l’éleveur souhaitant persister à utiliser des produits ou programmes différents de ceux préconisés ;
– le salarié adressera au responsable commercial les rapports nécessaires au suivi de son activité accompagné des pièces justificatives demandées ;
– il exercera ses activités dans le cadre d’un programme mensuel établi conjointement avec ses supérieurs hiérarchiques ;
– il devra assister aux réunions de formation, d’information ou d’étude organisées par la société au siège social ou tout autre lieu ;
– au cas où le salarié serait empêché d’accomplir ses fonctions, il sera tenu d’en informer la société sous 48 heures et de produire un certificat médical précisant la durée prévisible de son arrêt ;
– le salarié est tenu à une stricte obligation de discrétion et de non-concurrence, et ne pourra pas avoir d’autre activité rémunérée ni gérer personnellement aucune exploitation ;
– il percevra une rémunération brute mensuelle dont le montant est indiqué ainsi qu’un intéressement sur les ventes de son secteur et une prime sur objectifs définis chaque année ;
– il sera remboursé de ses frais professionnels dans les conditions applicables en interne et portées à sa connaissance ;
– un véhicule est mis à sa disposition par l’employeur pour ses déplacements professionnels ;
– le salarié sera tenu d’une obligation de non-concurrence à la cessation du contrat.
La convention rappelle enfin les avantages sociaux en faveur du salarié en terme de prévoyance et de retraite complémentaire.
Il en ressort que le salarié technico-commercial est soumis à des obligations auxquelles M. [N] n’était pas assujetti, en terme notamment de possibilité d’exercer d’autres activités, de présence aux réunions, de sujétions aux instructions de la hiérarchie. Par ailleurs, M. [N], comme indiqué ci-dessus, ne percevait aucune prime sur objectifs ni intéressement.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas établi par l’URSSAF que la société déterminait unilatéralement les conditions d’exécution du travail de M. [N] ni que celui-ci a travaillé au sein d’un service organisé, ni que la société ait donné des consignes ou instructions quelconques à celui-ci quant à l’exécution de ses missions ou quant à ses méthodes d’organisation ou de travail. Le simple contrôle, usuel, de l’exécution de la prestation contractuellement impartie à M. [N] ne suffit pas à caractériser le lien de subordination prétendu par l’URSSAF.
Enfin, l’URSSAF n’établit l’existence d’aucun pouvoir de sanction sur M. [N] dans l’exécution de sa mission. Le risque de voir son contrat de prestation non reconduit ou en cas de non-satisfaction quant à l’exécution des missions qui lui sont confiées ne constitue pas une sanction.
L’URSSAF échouant à démontrer l’existence d’un contrat de travail, il convient par voie d’infirmation du jugement entrepris, d’annuler le redressement et de débouter l’URSSAF de toutes ses demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n’apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles. L’URSSAF sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l’URSSAF qui succombe à l’instance.
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Annule le redressement notifié à la société [6] ;
Déboute l’URSSAF Bretagne de ses demandes ;
Condamne l’URSSAF Bretagne à payer à la société [6] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’URSSAF Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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