Redressement des cotisations : la primauté du contrat de travail sur les erreurs administratives

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Redressement des cotisations : la primauté du contrat de travail sur les erreurs administratives

L’Essentiel : Suite à un contrôle de l’URSSAF, une société a été redressée pour un montant de 24 440 euros, contestation rejetée par la commission de recours amiable. Le tribunal judiciaire a validé le redressement, mais la société a interjeté appel. Elle a soutenu que l’avenant à son contrat de travail était opposable et contesté la classification de son salarié. L’URSSAF a défendu son redressement par des anomalies dans la convention collective. La cour a finalement infirmé le jugement initial, annulé le redressement et condamné l’URSSAF à verser 3 000 euros à la société pour ses frais de justice.

Contexte du litige

A l’issue d’un contrôle de l’URSSAF sur l’application des législations de sécurité sociale et d’allocations familiales, une société a reçu une notification de redressement pour un montant total de 22 507 euros, couvrant la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. Après des échanges, la mise en demeure a été portée à 24 440 euros, incluant des majorations. La contestation de la société a été rejetée par la commission de recours amiable, entraînant une saisine du tribunal de grande instance.

Décision du tribunal

Le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a rejeté toutes les demandes de la société, validant le redressement et la mise en demeure, et a condamné la société à payer 24 440 euros à l’URSSAF. La société a ensuite interjeté appel de cette décision.

Arguments de la cotisante

La société a soutenu que l’avenant au contrat de travail de son salarié, daté du 7 juin 2016, était opposable à l’URSSAF et justifiait l’annulation du redressement. Elle a également contesté la classification professionnelle de son salarié, arguant que celle-ci ne correspondait pas aux fonctions réellement exercées. La cotisante a demandé l’infirmation du jugement et la condamnation de l’URSSAF à lui verser des frais.

Réponse de l’URSSAF

L’URSSAF a répliqué en affirmant que le redressement était justifié par des anomalies dans l’application de la convention collective, notamment en ce qui concerne la rémunération du salarié. Elle a soutenu que les bulletins de paie indiquaient une classification qui devait être respectée et que le redressement était fondé sur des différences de rémunération.

Analyse de la cour

La cour a examiné les éléments de preuve, notamment les contrats de travail et les bulletins de paie, et a constaté que les erreurs dans la classification du salarié ne justifiaient pas le redressement. Elle a souligné que l’URSSAF ne pouvait pas remettre en cause la classification conventionnelle d’un salarié sans preuve d’une convention de forfait jours.

Décision finale de la cour

La cour a infirmé le jugement initial, annulé le redressement et la mise en demeure, et a débouté l’URSSAF de toutes ses demandes. Elle a également condamné l’URSSAF à verser 3 000 euros à la société pour couvrir ses frais de justice, ainsi qu’aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la classification professionnelle sur le calcul des cotisations sociales ?

La classification professionnelle d’un salarié a un impact direct sur le montant des cotisations sociales à verser. Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, les primes, gratifications et tous autres avantages en argent.

En effet, l’article R.242-1 du même code précise que les cotisations de sécurité sociale sont calculées sur l’ensemble des rémunérations, sans pouvoir être inférieures au montant cumulé du salaire minimum de croissance et des indemnités ou primes s’y ajoutant.

Ainsi, si un salarié est classé dans une catégorie professionnelle supérieure, cela peut entraîner une augmentation de son salaire minimum conventionnel, ce qui, à son tour, augmentera la base de calcul des cotisations sociales.

Il est donc crucial que l’employeur respecte la classification professionnelle applicable, car toute erreur dans cette classification peut entraîner un redressement par l’URSSAF, comme cela a été le cas dans l’affaire examinée.

Quel est le rôle de l’URSSAF dans le contrôle des cotisations sociales ?

L’URSSAF a pour mission de veiller à la bonne application des législations relatives aux cotisations sociales. Selon l’article L.243-1 du code de la sécurité sociale, l’URSSAF est chargée de contrôler le respect des obligations déclaratives et de paiement des cotisations et contributions sociales.

Lors d’un contrôle, l’URSSAF peut procéder à des vérifications sur les bulletins de paie, les contrats de travail et les avenants pour s’assurer que les rémunérations déclarées correspondent bien aux obligations légales et conventionnelles.

Dans le cas présent, l’URSSAF a constaté des anomalies dans la classification professionnelle du salarié, ce qui a conduit à un redressement. Toutefois, il est important de noter que l’URSSAF ne peut pas remettre en cause la classification d’un salarié à l’insu de ce dernier, comme le stipule l’article 1200 du code civil, qui impose aux tiers de respecter la situation juridique créée par un contrat.

Comment l’avenant au contrat de travail influence-t-il la situation juridique entre l’employeur et l’URSSAF ?

L’avenant au contrat de travail joue un rôle crucial dans la détermination des droits et obligations des parties. Selon l’article 1200 du code civil, les tiers doivent respecter la situation juridique créée par un contrat. Cela signifie que l’URSSAF doit tenir compte des modifications apportées par l’avenant au contrat de travail.

Dans l’affaire examinée, l’avenant du 7 juin 2016 a modifié la classification du salarié, ce qui a été contesté par l’URSSAF. Cependant, la cour a jugé que l’URSSAF ne pouvait pas ignorer cet avenant, même s’il avait été communiqué après le contrôle, car il faisait partie des échanges d’observations.

Ainsi, l’avenant a été considéré comme opposable à l’URSSAF, ce qui a conduit à l’annulation du redressement et de la mise en demeure. Cela souligne l’importance de la documentation contractuelle dans les relations de travail et les obligations sociales.

Quelles sont les implications de la décision de la commission de recours amiable ?

La décision de la commission de recours amiable a des implications significatives pour le recours judiciaire. Selon l’article L.243-7 du code de la sécurité sociale, la décision de la commission de recours amiable est un préalable nécessaire avant de saisir le tribunal.

Dans le cas présent, la cotisante a saisi le tribunal après le rejet de sa contestation par la commission de recours amiable. La cour a confirmé que la décision de cette commission n’avait pas à être annulée, car elle n’était qu’une étape dans le processus de contestation.

Il est important de noter que la décision de la commission de recours amiable n’empêche pas le tribunal de réexaminer les faits et de rendre une décision différente, comme cela a été le cas ici, où le tribunal a infirmé le jugement initial et a annulé le redressement.

Quels sont les critères de classification professionnelle selon la convention collective applicable ?

Les critères de classification professionnelle sont définis par la convention collective applicable. Dans le cas de la convention collective nationale des services de l’automobile, l’article 5.02 d) précise que chaque niveau de classement est doté de trois degrés de progression, basés sur des critères tels que la responsabilité, l’autonomie, l’expérience et l’autorité.

L’article 5.03 de cette même convention précise que le niveau IV concerne les cadres de direction et ceux ayant une importante délégation de pouvoir. Cela signifie que pour qu’un salarié soit classé à ce niveau, il doit disposer d’une autonomie significative dans l’organisation de son travail et avoir des responsabilités importantes.

Dans l’affaire examinée, la cour a constaté que le salarié n’avait pas de délégation de pouvoir et que son autonomie était limitée, ce qui a conduit à la conclusion qu’il ne pouvait pas être classé au niveau IV, justifiant ainsi l’annulation du redressement.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2025

N°2025/33

RG 22/10226

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJYGV

S.A.R.L. [2]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le 31 janvier 2025 à :

-Me Franck MILLIAS, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE

– URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de DIGNE-LES-BAINS en date du 22 Juin 2022, enregistré au répertoire général sous le n° 19/00408.

APPELANTE

S.A.R.L. [2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Franck MILLIAS, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE substitué par Me Axel PITTAVINO, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [N] [D] en vertu d’un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2025

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

A l’issue d’un contrôle portant sur l’application des législations de sécurité sociale et d’allocations familiales, d’assurance chômage et garantie des salaires au sein de la société [2] [la cotisante], et sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur [l’URSSAF] lui a notifié une lettre d’observations datée du 21 janvier 2019 comportant un chef de redressement pour un montant total de 22 507 euros.

Après échanges d’observations, l’URSSAF lui a ensuite notifié une mise en demeure datée du 12 mars 2019, portant sur un montant total de 24 440 euros (soit 22 507 euros en cotisations et 1 933 euros en majorations).

Après rejet le 25 septembre 2019 de sa contestation par la commission de recours amiable, la cotisante a saisi le 3 novembre 2019 le pôle social d’un tribunal de grande instance.

Par jugement en date du 22 juin 2022, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains, pôle social, a:

* rejeté toutes les demandes de la cotisante,

* validé le redressement opéré, la mise en demeure et la décision de la commission de recours amiable du 25 septembre 2019,

* condamné la cotisante à payer à l’URSSAF la somme de 24 440 euros,

* rejeté les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la cotisante aux dépens.

La cotisante en a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions n°2 réceptionnées par le greffe le 15 novembre 2024, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la cotisante sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de:

* ‘constater’ l’opposabilité à l’URSSAF de l’avenant au contrat de travail du 7 juin 2016, conclu avec son salarié,

* réformer la commission de recours amiable du 25 septembre 2016,

* annuler la mise en demeure du 12 mars 2019 et le redressement,

* condamner l’URSSAF à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, ces derniers distraits au profit de Me Romain Cherfils, membre de la Selarl [3], sur son offre de droit.

Par conclusions visées par le greffier le 20 novembre 2024, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, l’URSSAF sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de débouter la cotisante de son appel et de l’ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

MOTIFS

Pour valider le redressement, les premiers juges ont retenu que:

* tant le contrat de travail initial de M. [V] que les bulletins de paie versés aux débats indiquent que ce salarié relevait de la catégorie cadre, responsable d’exploitation, niveau IV échelon 1er,

* s’il résulte de l’avenant du 7 juin 2016 au contrat de travail du 8 janvier 2015 que le salarié a un statut cadre intégré, niveau II, échelon A et percevra une rémunération brute mensuelle de 2 625 euros pour un horaire de 35 heures par semaine, les clauses de cet avenant relatives à sa classification professionnelle entrent en contradiction avec les mentions des bulletins de paie,

* l’inspecteur du recouvrement a observé que l’emploi réel du salarié consistait en la gestion d’un site sous le contrôle de M. [E],

* l’emploi réellement exercé par le salarié correspond à la catégorie professionnelle qui lui était attribuée tant par son contrat de travail initial que par les bulletins de paie.

Exposé des moyens des parties

La cotisante argue avoir demandé à son cabinet d’expertise comptable de l’époque la rédaction du contrat de travail de M. [V], que le contrat ainsi préparé était truffé d’erreurs dont les parties ont convenu ce qui a conduit à l’avenant régularisé le 7 juin 2016, avec rectification de la classification du salarié en conformité avec les dispositions de la convention collective applicable et une durée du travail sur la base d’un horaire mensuel de 151 heures 67, et que cet avenant est opposable à l’URSSAF pour soutenir que le redressement doit être annulé, l’URSSAF n’ayant pas qualité pour se substituer aux parties au contrat de travail, rappelant qu’en vertu de l’article 1200 du code civil les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat.

Elle ajoute que la classification professionnelle doit correspondre aux fonctions effectivement exercées par le salarié, se prévalant à cet égard de l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2017 (Soc., 30 mai 2007, n°05-45.583).

Elle souligne que dans le contrat de travail initial il était mentionné un statut cadre, niveau IV, échelon I, coefficient 255, lequel ne correspond, comme l’échelon I, à aucune classification conventionnelle, que la classification cadre niveau IV implique une très grande autonomie dans l’exercice des fonctions que n’avait pas M. [V], pour exercer ses fonctions sous la direction et le contrôle permanent du gérant, qu’il n’avait pas non plus de délégation de pouvoirs, et que le contrat de travail initial stipulait que le temps de travail était organisé en fonction de l’accord de l’entreprise, alors qu’il n’y a jamais eu d’accord dans la société sur la mise en place du forfait jours, le temps de travail ayant toujours été décompté sur la base de 151.67 heures à l’instar des autres salariés de la société.

L’URSSAF réplique qu’elle est parfaitement fondée à rétablir l’assiette des cotisations au niveau du salaire minimum conventionnel découlant d’une convention collective étendue (Soc., 13 février 1974, n°73-11.133) et que la Cour de cassation substitue ainsi au salaire minimum de croissance, retenu comme assiette minimale de cotisations par l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, un second minimum qui est le salaire minimal de la catégorie professionnelle résultant de la convention collective étendue lorsqu’une telle convention régit l’entreprise (Soc., 21 juillet 1986, n°84-15.445, Soc., 8 juin 1988, n°85-17.757).

Elle argue outre, en se prévalant d’un arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2011 (Soc., 9 mars 2011, n°09-67.063), que dés lors les bulletins de paie délivrés au salarié portent la mention de la qualification, l’employeur a exprimé sa volonté de reconnaître celle-ci au salarié et de l’arrêt du 28 mars 2001 (Soc., n°99-40.604), pour soutenir que dés lors que le coefficient correspondant à la classification du salarié figure sur les bulletins de salaire, ce dernier doit être appliqué par l’employeur.

Elle argue que la convention collective nationale de l’automobile s’applique à l’activité de la cotisante et que lors du contrôle, il a été constaté diverses erreurs dans l’application de cette convention collective par la cotisante, notamment en ce qui concerne M. [V], responsable d’exploitation dont la rémunération qui devait lui être versée ne correspondait pas aux stipulations de la convention collective et de son contrat de travail, pour soutenir que le rappel de cotisations de sécurité sociale et d’assurance chômage portant sur la différence entre les rémunérations qui auraient dû être versées et celles qui l’ont été, est justifié.

Elle ajoute que l’avenant au contrat de travail n’a été communiqué que postérieurement au contrôle, que l’inspecteur du recouvrement a relevé que les bulletins de salaires respectent certaines stipulations du contrat initial, que les décomptes de temps de travail relevés lors de la vérification sur les bulletins de paie ne se font pas en heures sur cette période contrôlée mais en jours laissant apparaître au passage des durées dépassant 218 jours annuels et son incrément de manière mensuelle au regard de l’activité du mois ‘ce qui laisse observer’ que des décomptes journaliers sont réalisés tous les mois et ce même après la modification du contrat de travail, pour soutenir que le nombre de jours de dépassement devait donner lieu à rémunération et majorations au titre du temps supplémentaire réalisé par rapport à la durée conventionnelle de 218 jours (sic).

Tout en reconnaissant que ‘la référence à un coefficient (255) dans les éléments conventionnels est inexistante’, elle argue qu’il existe un niveau IV échelon A, et tire argument de ce que le gérant dirige plusieurs sociétés, dont certaines plus importantes, et n’est pas présent de manière permanente sur le site, pour considérer que M. [V] possède une autonomie dans la gestion de l’activité et le suivi des salariés.

Arguant que M. [V] relève du statut cadre en forfait jours, et qu’il n’est pas soumis à l’horaire collectif et dispose d’une autonomie dans l’organisation de son emploi du temps conformément aux termes de la convention collective nationale des services de l’automobile, elle soutient qu’il doit être ‘classifié responsable d’exploitation niveau IV échelon 1 et coefficient 255″ et que ‘bénéficiant d’un forfait de 218 jours de travail à l’année’ il devait bénéficier d’une majoration de 25% de sa rémunération.

Réponse de la cour

Selon l’article R.242-1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction issue du décret 2016-1567 en date du 21 novembre 2016, les cotisations de sécurité sociale sont calculées, pour chaque période de travail, sur l’ensemble des rémunérations définies à l’article L.242-1, dans les conditions prévues au II. (…)

Le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d’une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n°70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d’autre part, des indemnités, primes

ou majorations s’ajoutant audit salaire minimum en vertu d’une disposition législative ou d’une disposition réglementaire. (…)

L’article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d’une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu’elle prenne la forme, notamment, d’un complément différentiel de salaire ou d’une hausse du taux de salaire horaire.

Selon l’article L.3121-63 du code du travail, dont les dispositions sont d’ordre public, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

En l’espèce, il résulte de la lettre d’observations du 21 janvier 2019 que l’inspecteur du recouvrement a constaté que la cotisante relève au regard de son code APE ‘4532Z-commerce de détail d’équipements automobiles’ de la convention collective nationale des services de l’automobile, ainsi que plusieurs anomalies, seules celles concernant M. [V] ont donné lieu au redressement objet du présent litige.

L’inspecteur du recouvrement a relevé que ce salarié, embauché le 15 janvier 2016 en tant que cadre responsable d’exploitation niveau IV échelon I coefficient 255, est rémunéré 2 623.03 euros par mois ‘pour un forfait annuel de 218 jours de travail’ et a considéré qu’au ‘regard de son statut cadre en forfaits jours, il n’est pas soumis à l’horaire collectif et dispose d’une autonomie de son emploi du temps’.

Se fondant sur l’article 5.03 de la convention collective précitée, il a considéré que ses rémunérations devaient être à minima pour le niveau IV échelon A en 2015 de 3 935 euros, en 2016 de 3 659 euros et en 2017 de 3 991 euros, et se fondant ensuite sur l’article 1 de l’avenant de cette convention collective n°70 du 3 juillet 2014′ relatif aux conventions de forfait en jours, en retenant que M. [V] bénéficiait d’un forfait de 218 jours de travail à l’année, qu’il devait bénéficier d’une majoration de 25%’ la rémunération conventionnelle applicable étant de 4 918.75 euros en 2015, de 4 948.75 euros en 2016 et de 4 988.75 euros en 2017.

Il a procédé au redressement sur la différence entre les rémunérations qui auraient dû être versées et celles qui l’ont été.

L’avenant n°70 du 3 juillet 2014 relatif aux conventions de forfait en jours de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, article 1er, stipule que:

‘1- Salariés visés:

Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure une convention de forfait en jours, dont les modalités doivent être indiquées dans le contrat de travail ou un avenant à celui-ci.

2. Nombre de jours de travail

La convention de forfait en jours détermine une durée annuelle du travail calculée en jours. Elle s’applique en principe aux contrats de travail à durée indéterminée. Le contrat de travail détermine le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini. Une fois déduits du nombre total des jours de l’année les jours de repos hebdomadaires, les jours de congé légaux et conventionnels auxquels le salarié peut prétendre et les jours de réduction d’horaire, le nombre de jours travaillés sur la base duquel le forfait est défini ne peut excéder 218 jours. Pour les salariés ne bénéficiant pas d’un congé annuel complet, le nombre de jours de travail est augmenté à concurrence du nombre de jours de congés légaux et conventionnels auxquels ils ne peuvent prétendre.

La convention de forfait indique la période annuelle sur laquelle elle s’applique, qui peut être l’année calendaire ou bien la période de référence pour les congés payés visée à l’article 1.15 b, ou toute autre période définie par un accord d’entreprise ou d’établissement (…)’

Il résulte donc de ces dispositions conventionnelles qu’une convention de forfait jours ne peut résulter des seules mentions sur des bulletins de paye d’un ‘forfait 218 jours’ ou sur le contrat de travail d’un ‘ forfait annuel de 218 jours de travail’.

Il résulte de l’article 5.03 de la convention collective nationale des services de l’automobile que le niveau I de la catégorie cadre, qui comporte ‘trois degrés concerne :

‘ les cadres débutants diplômés, pour une durée maximale de 18 mois, cette durée devant être appréciée comme un cumul des présences dans les entreprises de la profession après obtention du diplôme ;

‘ les salariés de l’entreprise promus en catégorie cadres ;

‘ les cadres techniques qui sont occupés selon l’horaire collectif applicable au sein du service ou de l’équipe auxquels ils sont intégrés ;

‘ les cadres commerciaux qui disposent en application de leur contrat de travail d’une liberté reconnue dans l’organisation de leur emploi du temps’,

et que le niveau IV, ‘comportant trois degrés concerne les cadres de direction et plus généralement les cadres titulaires d’une importante délégation de pouvoir, nécessitée par l’obligation de coordonner plusieurs services ou établissements’.

Par ailleurs l’article 5.02 d) de cette convention collective précise que ‘chacun des quatre premiers niveaux de classement définis à l’article 5.03 est doté de trois degrés de progression: A, B et C. L’employeur détermine pour chaque cadre le degré qui lui est attribué, par application combinée des quatre critères ci-dessous, les trois degrés permettent normalement une progression au sein du niveau considéré en fonction notamment de l’accroissement des compétences dans le temps et du positionnement de l’intéressé par rapport aux autres cadres, lorsqu’il en existe:

‘ la responsabilité conférée pour former, animer et motiver le personnel placé sous sa subordination,

‘ l’autonomie, qui est un degré de liberté reconnu au cadre, lui permettant de déterminer plus ou moins librement les méthodes appropriées pour atteindre les objectifs recherchés,

‘ l’expérience, qui est l’élargissement ou l’enrichissement des connaissances et des aptitudes par la pratique professionnelle,

‘ l’autorité : considération particulière qui s’attache à la personne du cadre qui réussit à susciter respect et confiance dans l’exercice de ses activités professionnelles’.

La cotisante justifie du contrat de travail à durée indéterminée daté du ’08/01/2015″ mentionnant une embauche au 15/01/2016 conclu avec M. [S] [V], pour exercer suivant l’article 2 de ce contrat les fonctions de ‘responsable d’exploitation, statut cadre, niveau IV, échelon 1, coefficient 255″. L’article 5 de ce contrat de travail mentionne que la rémunération annuelle brute est de 31 296 euros ‘soit une rémunération versée en douze mensualités d’un montant forfaitaire brut de 2 608 euros’ en précisant que ‘cette rémunération revêt un caractère forfaitaire et prend en considération tout dépassement que vous serez amené à réaliser à votre initiative’ et l’article 6, précise que la durée du travail est fonction de l’accord dans l’entreprise.

L’avenant au contrat de travail daté du 7 juin 2016, adressé le 5 février 2019 à l’inspecteur du recouvrement en réponse à la lettre d’observations, mentionne en préambule que ‘suite au changement de gestionnaire de paie, il a été soulevé une faute de plume concernant le coefficient affecté qui ne correspond ni aux prérogatives de M. [V] [S], ni à un coefficient 255″ et qu’afin de rectifier cette erreur il est convenu que les articles 2 et 5 du contrat de travail sont modifiés, et que:

‘* article 2: les fonctions exercées sont celles de responsable d’exploitation sous la direction et le contrôle permanent du gérant, le salarié ayant le ‘statut cadre intégré, niveau II, échelon A’ et est ‘soumis à la même législation que les salariés non cadre sur la durée de travail’,

* article 3: la ‘rémunération mensuelle brute sera de 2 625 euros pour un horaire de 151.67 h (35 heures par semaine). A ce salaire s’ajouteront, le cas échéant, les primes et indemnités prévues par la convention collective’.

S’il est reconnu que le contrat de travail daté du ’08/01/2015″ comporte de multiples erreurs évidentes, de surcroît reprises sur les bulletins de paye (que ce soit sur la classification ‘niveau IV échelon 1 coefficient 255″ ou sur ‘le forfait annuel de 218 jours’) pour autant aucun élément de ce contrat de travail et surtout aucune constatation de l’inspecteur du recouvrement, qui se fonde pourtant sur les dispositions conventionnelles, ne lui permettent de retenir que ce salarié était un ‘cadre de direction’, d’autant que le contrat de travail ne fait nullement mention d’une quelconque délégation de pouvoir et que l’inspecteur du recouvrement n’a pas davantage procédé à une quelconque constatation sur l’existence dans cette entreprise d’une convention de forfait jours.

Les mentions des bulletins de paye sur le salaire ‘de base’ de 2 623.03 euros de février 2016 à avril 2016, de 2 625.11 euros de mai 2016 à décembre 2016, de 2 627.95 euros de janvier 2017 à mars 2017, de 2 634.12 euros d’avril 2017 à décembre 2017 ne sont pas, par contre, en contradiction avec les salaires mentionnés sur l’avenant du 7 juin 2016.

Par conséquent, et bien que l’avenant au contrat de travail n’ait été transmis à l’inspecteur du recouvrement qu’en réponse à la lettre d’observations, cette communication l’a été dans le cadre de la phase amiable du contrôle, par une lettre signée non seulement par le gérant et son associé, mais aussi par M. [V].

Adressée ainsi dans le cadre des échanges d’observations, cette lettre comporte des précisions notables de nature à remettre en cause les affirmations de l’inspecteur du recouvrement relatives à la fois au niveau de classification de ce salarié retenu pour le redressement et à la circonstance qu’il n’est pas soumis à l’horaire collectif et dispose d’une autonomie de son emploi du temps, en ce qu’il y est précisé notamment, que ‘M. [V] a la responsabilité de la gestion de la clientèle, et de la réception de celle-ci. Il s’occupe seulement de nos deux manutentionnaires, en terme de production (…) Il a pour des raisons d’organisation et de confiance les clés du site. Sur tous les autres plans de gestion, il n’en n’a pas la charge. Il n’a pas la signatue bancaire, ne s’occupe aucunement de la gestion administrative au nom et pour le compte de la société (si ce n’est recevoir les encaissements des clients quand il les reçoit), il ne prend aucune décision en terme de ressources humaines ou de management, il ne prend aucune décision de direction (…) Il a des responsabilités et une certaine autonomie en ce qui concerne les clients et rien d’autre’.

L’inspecteur ne pouvait donc en réponse à ces observations refuser de les prendre en considération pour le seul motif de la subsistance d’erreurs dans les bulletins de paye faisant toujours mention, après l’avenant, du ‘niveau IV échelon 1 coefficient 255″, alors que:

* le coefficient 255 n’existe pas dans cette convention collective,

* le contrat de travail (ainsi que l’avenant) ne mentionne aucune délégation de pouvoir, dont l’inspecteur du recouvrement n’a pas davantage constaté l’existence,

* l’existence d’une convention de forfait jours n’a pas davantage été constatée alors que la convention collective ne fait qu’en prévoir la possibilité, et définit, si elle est conclue, les modalités sur lesquelles elle doit porter.

Il résulte effectivement de l’article 1200 du code civil que les tiers doivent respecter la situation juridique crée par un contrat.

Si dans le cadre d’un contrôle d’assiette, l’URSSAF doit vérifier que celle des cotisations et contributions sociales a été respectée, pour autant il ne lui appartient pas de remettre en cause la classification conventionnelle d’un salarié, de surcroît à l’insu de ce dernier, ni d’extrapoler en déduisant d’erreurs matérielles manifestes sur les bulletins de paye l’existence d’une convention forfait jours dont il n’a pas vérifié l’existence.

Il s’ensuit que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, le redressement n’est pas justifié.

Il doit être annulé ainsi que la mise en demeure subséquente.

La décision de la commission de recours amiable d’un organisme social émane de celui-ci.

Il s’ensuit que sa décision de rejet, implicite ou explicite de la décision initiale de l’organisme a pour unique conséquence d’ouvrir la voie du recours judiciaire.

Il n’y a donc pas lieu d’annuler la décision de la commission de recours amiable du 25 septembre 2019, le présent arrêt faisant obstacle à la poursuite par l’URSSAF de son action en recouvrement sur ses bases.

Succombant en cause d’appel, l’URSSAF doit être condamnée aux entiers dépens et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la cotisante les frais qu’elle a été contrainte d’exposer pour sa défense ce qui conduit la cour à condamner l’URSSAF à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

– Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

– Annule le redressement et la mise en demeure du 12 mars 2019,

– Déboute l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur de l’ensemble de ses demandes et prétentions,

– Condamne l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur aux entiers dépens, ces derniers distraits au profit de Me Romain Cherfils, membre de la Selarl [3].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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