L’Essentiel : Dans une affaire portée devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, Madame [K] a assigné l’association D.E.F.I PRODUCTIONS pour obtenir des documents nécessaires à l’achèvement de ses films, ainsi qu’un relevé d’exploitation détaillé. Elle affirme n’avoir reçu aucun suivi d’exploitation ni droits d’auteur pour ses œuvres. L’association conteste, arguant que les films ont été réalisés sous contrat de commande, ce qui lui confère des droits. Le juge a ordonné la remise des documents demandés, soulignant que la contestation de la défenderesse sur la titularité des droits n’était pas sérieuse, et a condamné l’association à verser des dommages et intérêts.
|
Face à un défaut de communication d’une reddition des comptes sur un film, le référé s’avère efficace.
En la cause, la juridiction a ordonné la communication d’un relevé d’exploitation détaillé et un état des recettes d’exploitation des films “Les Splendides”, “Les Crapules” et “Les Apprentis “, certifié par expert-comptable, ainsi que la copie de tout contrat et de tout justificatif relatifs à l’exploitation de ces films. Résumé de l’affaireMadame [K] a assigné l’association D.E.F.I PRODUCTIONS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir la remise des documents nécessaires à l’achèvement de films, un relevé d’exploitation détaillé et des recettes d’exploitation, ainsi que des dommages et intérêts. Elle affirme ne pas avoir reçu de suivi d’exploitation ni de droits d’auteur pour les films qu’elle a réalisés. L’association conteste ces demandes, arguant notamment que les films ont été réalisés dans le cadre d’un contrat de commande et que la présomption de cession des droits d’auteur lui est favorable. L’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions et les parties ont maintenu leurs positions.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 24 juin 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux RG n° 24/00214 TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ 50B Minute n° 24/573 N° RG 24/00214 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YV3X 3 copies GROSSE délivrée Rendue le VINGT QUATRE JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE Après débats à l’audience publique du 27 Mai 2024 Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière. DEMANDERESSE Madame [L] [K] DÉFENDERESSE Association D.E.F.I PRODUCTIONS, prise en la personne de son représentant légal FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte du 23 janvier 2024, Madame [K] a fait assigner l’association D.E.F.I PRODUCTIONS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, au visa des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile, L.121-5 et L.132-28 du code de la propriété intellectuelle et L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, aux fins de voir : La demanderesse expose qu’elle est autrice-scénariste-réalisatrice de créations mettant en lumière l’invisible et les minorités ; que dans le cadre d’un projet auprès notamment des populations jeunes et discriminées, l’association D.E.F.I PRODUCTIONS a fait appel à elle pour l’écriture et la réalisation de courts-métrages ; qu’elle a ainsi écrit le scénario et réalisé seule en 2020 un court-métrage intitulé “Les Crapules” dont elle a cédé les droits par contrat du 02 juillet 2020 ; qu’elle n’a reçu aucun suivi d’exploitation ni perçu aucun droit d’auteur ; qu’elle a ensuite écrit le scénario et réalisé seule en 2021 le court-métrage “Les Splendides” dont elle a cédé les droits par contrat du 1er février 2021qui prévoyait une rémunération de la cession des droits d’auteur proportionnelle aux recettes générées par l’exploitation, et une obligation pour le producteur de tenir une comptabilité de production et d’exploitation ; que malgré le large succès du film, qui lui a permis d’acquérir une grande notoriété, elle n’a reçu là non plus aucun suivi d’exploitation ni perçu aucun droit d’auteur ; qu’enfin, elle a écrit en 2022-2023, sur commande de la défenderesse, les scénarii de deux courts- métrages intitulés “Les Apprentis” qui n’ont jamais été achevés en raison de désaccords opposant les parties, pour lesquels elle n’a pas davantage été informée des suites ni n’a perçu de droit d’auteur ; qu’elle a en outre, en l’absence de cession des droits d’auteur, été privée de l’accès aux rushs et sessions de montage qui ont été conservés par l’association oeuvres ; qu’elle est empêchée d’achever l’oeuvre alors que la défenderesse ne peut sans son consentement établir une version définitive ni procéder à son exploitation ; que ses tentatives de médiation se sont heurtées à une fin de non recevoir. L’affaire, appelée à l’audience du 29 avril 2024, a été renvoyée pour échanges et conclusions des parties à l’audience du 27 mai 2024. Les parties ont conclu pour la dernière fois : – la demanderesse, le 23 mai 2024, par des écritures aux termes desquelles elle sollicite le rejet des demandes formées en défense et maintient ses demandes ; – l’association D.E.F.I PRODUCTIONS, le 27 mai 2024, par des écritures aux termes desquelles elle conclut à l’incompétence du juge des référés en raison de l’existence d’une contestation sérieuse, demande qu’il soit dit n’y avoir lieu à référé, que Mme [K] soit déclarée irrecevable en ses demandes à défaut de justifier d’un intérêt légitime à agir, renvoyée à se pourvoir au fond et condamnée à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La présente décision se rapporte à ces écritures pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties. II – MOTIFS DE LA DÉCISION
sur les demandes principales : Aux termes des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. – sur la demande de remise sous astreinte de l’intégralité des documents et fichiers nécessaires à l’achèvement des films “Les Apprentis” : La défenderesse soutient que la demande se heurte à de nombreuses contestations sérieuses portant non seulement sur le statut d’”oeuvre de l’esprit” applicable à la création mais aussi sur la qualité d’auteur unique de Mme [K] et la titularité des droits sur l’oeuvre. Aux termes des dispositions de l’article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle, ont la qualité d’auteur d’une oeuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette oeuvre. La réalisation de ces courts-métrages (intitulés “Adnan” et “Jade”) a donné lieu à l’établissement de contrats de production (pièces 5 et 6 de la demanderesse) rédigés en des termes identiques à ceux des précédents contrats qui, bien que non signés par les parties, mentionnent d’une part que “l’auteure-réalisatrice a d’ores et déjà remis au producteur la version définitive du scénario, celle-ci ayant été acceptée par le producteur”, et que “le producteur accepte l’auteure [S] [D] [K] en qualité de réalisatrice “pour l’exécution de prestations diverses parmi lesquelles la réalisation, le découpage technique, la direction artistique, le montage et tous travaux de finition jusqu’à l’établissement de la version définitive. L’article 2 précise que la cession des droits intervient sous réserve de l’exécution intégrale du présent contrat. Ces contrats mentionnent par ailleurs à l’article 3 “Durée” : “au cas où dans un délai de six mois à compter de la signature des présentes, le film n’aurait pas été réalisé (…), le présent contrat sera résolu de plein droit par la simple arrivée du terme et sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure ou formalité judiciaire quelconque ; l’auteure réalisatrice reprendra alors la pleine et entière propriété de tous ses droits, les sommes déjà reçues lui restant, en tout état de cause définitivement acquises”. La teneur de ces contrats n’est pas remise en cause par la défenderesse qui fait grief au contraire à la demanderesse d’avoir refusé de les signer. Or il en ressort : Dans ces conditions, la demanderesse justifiant d’un intérêt légitime à former cette demande, et la contestation de la défenderesse sur la titularité des droits ne pouvant être qualifiée de sérieuse, il y lieu de faire droit à la demande comme étant bien fondée et de condamner l’association à remettre à Mme [K], dans des conditions d’astreinte précisées au dispositif, l’intégralité des documents et fichiers nécessaires à l’achèvement des films “Les Apprentis”. – sur la demande de communication d’un relevé d’exploitation détaillé et un état des recettes d’exploitation des films “Les Splendides”, “Les Crapules” et “Les Apprentis “, certifié par expert-comptable, ainsi que la copie de tout contrat et de tout justificatif relatifs à l’exploitation de ces films La défenderesse oppose à cette demande qu’elle n’est pas en mesure de produire d’éléments sur les courts-métrages “les Apprentis”, lesquels n’ont jamais été exploités faute d’être exploitables. Elle produit aux débats (ses pièces 11 et 12) des états des droits d’auteur 2020-2023 pour “Les Crapules” mentionnant des droits de diffusion nuls, et un état 2021-2023 pour “Les Splendides” dont il résulte que la demanderesse a perçu des redevances par virement bancaire. Pour succints qu’ils soient, ces états ne peuvent être suspectés d’incomplétude en l’absence de tout élément contraire. La demande à ce titre sera dès lors rejetée. sur les autres demandes Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elle dans le cadre de la présente instance. La défenderesse sera condamnée, outre les dépens, à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. III – DÉCISION Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d’appel; Vu les articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile, L.121-5 et L.132-28 du code de la propriété intellectuelle Ordonne à l’association D.E.F.I PRODUCTIONS de remettre à Madame [L] [K] l’intégralité des documents et fichiers nécessaires à l’achèvement des films “Les Apprentis”, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance et pendant une durée de 90 jours Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires Condamne l’association D.E.F.I PRODUCTIONS à payer à Madame [K] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile Condamne l’association D.E.F.I PRODUCTIONS aux dépens. La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière. Le Greffier,Le Président, |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre Madame [K] et l’association D.E.F.I PRODUCTIONS ?L’affaire concerne une demande de Madame [K], autrice-scénariste-réalisatrice, qui a assigné l’association D.E.F.I PRODUCTIONS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux. Elle cherche à obtenir des documents essentiels pour l’achèvement de ses films, notamment un relevé d’exploitation détaillé et des recettes d’exploitation, ainsi que des dommages et intérêts. Madame [K] affirme ne pas avoir reçu de suivi d’exploitation ni de droits d’auteur pour les films qu’elle a réalisés. En réponse, l’association conteste ces demandes, soutenant que les films ont été réalisés dans le cadre d’un contrat de commande, ce qui lui confère des droits sur les œuvres. L’affaire a été renvoyée pour échanges de conclusions, les deux parties maintenant leurs positions. Quelles sont les demandes spécifiques de Madame [K] dans cette affaire ?Madame [K] a formulé plusieurs demandes précises dans son assignation. Elle souhaite d’abord que l’association D.E.F.I PRODUCTIONS lui remette l’intégralité des documents et fichiers nécessaires à l’achèvement de ses films, sous astreinte de 50 euros par jour de retard après un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance. Ensuite, elle demande un relevé d’exploitation détaillé et un état des recettes d’exploitation des films “Les Splendides”, “Les Crapules” et “Les Apprentis”, certifié par un expert-comptable, ainsi que la copie de tout contrat et justificatif relatifs à l’exploitation de ces films, également sous astreinte. Enfin, elle réclame 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des dépens. Quelles sont les arguments de l’association D.E.F.I PRODUCTIONS en réponse aux demandes de Madame [K] ?L’association D.E.F.I PRODUCTIONS conteste les demandes de Madame [K] sur plusieurs points. Elle soutient que la demande de remise des documents se heurte à des contestations sérieuses concernant le statut d’œuvre de l’esprit et la qualité d’auteur unique de Madame [K]. Elle argue que les films ont été réalisés dans le cadre d’un contrat de commande, ce qui lui confère des droits d’exploitation. L’association affirme également que Madame [K] n’a pas justifié d’un intérêt légitime pour obtenir la restitution des documents, car elle aurait déjà accès aux comptes en tant qu’adhérente de l’association. De plus, elle produit des états des droits d’auteur pour les films, indiquant que Madame [K] n’a perçu aucun droit de diffusion pour “Les Crapules” et a reçu des redevances pour “Les Splendides”, ce qui remet en question la légitimité de ses demandes. Quelle a été la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux concernant cette affaire ?Le tribunal judiciaire de Bordeaux a rendu une ordonnance en faveur de Madame [K]. Il a ordonné à l’association D.E.F.I PRODUCTIONS de lui remettre l’intégralité des documents et fichiers nécessaires à l’achèvement des films “Les Apprentis”, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance. En revanche, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires. L’association a également été condamnée à verser à Madame [K] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. Cette décision souligne l’importance de la communication des documents dans le cadre de la réalisation cinématographique et la protection des droits des auteurs. |
Laisser un commentaire