Rédacteur en chef : la question du conflit d’intérêts

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Rédacteur en chef : la question du conflit d’intérêts

Affaire Mondadori

Une rédactrice en chef licenciée pour faute grave pour avoir privilégié les intérêts de son conjoint (également salarié) a obtenu la condamnation de son employeur (groupe Mondadori) pour licenciement abusif. Il était reproché à la salariée d’avoir détourné les moyens financiers et éditoriaux du Magazine à des fins personnelles.

Faits fautifs établis

S’agissant des notes de frais prises en charge à tort par l’employeur, il apparaissait eu égard à la procédure de validation, qu’il appartenait à la rédactrice en chef, de valider les notes de frais de ses collaborateurs. Or, celle-ci avait validé, au profit de son conjoint, nombre d’entre elles alors qu’elles correspondaient à des achats sans rapport avec son activité journalistique (lampes torches, Magazines, cadres….), ce qu’elle ne pouvait ignorer, d’autant plus qu’elle en profitait parfois directement, notamment s’agissant des frais de restauration.

En outre, il était aussi établi que la rédactrice en chef avait permis à son conjoint d’utiliser le Magazine pour faire la publicité pour son travail de photographe et d’auteur. Compte tenu de la nature de ses missions lui faisant obligation de contrôler la ligne éditoriale du titre dont elle était rédactrice en chef, et de sa connaissance précise du travail fourni par son époux, elle ne pouvait ignorer cette situation, laquelle n’aurait, en outre, pas dû donner lieu à rémunération.

Toutefois, ces griefs n’ont pas été jugés suffisamment graves pour constituer une faute de nature à rendre la poursuite du contrat impossible pendant la période de préavis et privative d’indemnité de licenciement et de préavis. Pour rappel, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Question de la surfacturation des prestations

Concernant la surfacturation à l’employeur de prestations au bénéfice du conjoint de la rédactrice en chef (photographe), les juges ont considéré que si des factures au profit de son époux ont été établies, aucun élément n’établissait qu’elle était en charge de valider lesdites factures (pouvoir du service de la comptabilité). A défaut de produire un organigramme ou tout autre document interne à la Société faisant de la rédactrice en chef le supérieur hiérarchique de son époux, il ne pouvait être reproché à celle-ci d’avoir couvert des agissements frauduleux. Les juges ont donc déclaré nul le licenciement de la rédactrice en chef.

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Questions / Réponses juridiques

Quel était le motif du licenciement de la rédactrice en chef ?

Le licenciement de la rédactrice en chef a été motivé par des accusations de faute grave, notamment pour avoir favorisé les intérêts de son conjoint, qui était également salarié de l’entreprise.

Elle était accusée d’avoir détourné les ressources financières et éditoriales du magazine à des fins personnelles, en validant des notes de frais pour des achats sans lien avec son activité professionnelle.

Ces actes incluaient des dépenses pour des lampes torches, des magazines et des cadres, dont elle profitait parfois directement, notamment lors de repas.

Quelles étaient les conclusions des juges concernant les faits reprochés ?

Les juges ont conclu que, bien que les faits reprochés à la rédactrice en chef étaient établis, ils n’étaient pas suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave.

La faute grave est définie comme une violation des obligations contractuelles ou des relations de travail qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Dans ce cas, les juges ont estimé que les actes de la rédactrice en chef, bien que répréhensibles, ne constituaient pas une violation suffisamment sérieuse pour justifier la rupture immédiate de son contrat de travail.

Comment les juges ont-ils traité la question de la surfacturation des prestations ?

Concernant la surfacturation des prestations au bénéfice du conjoint de la rédactrice en chef, les juges ont noté qu’il n’y avait pas de preuve que celle-ci était responsable de la validation des factures.

Bien que des factures aient été établies au nom de son époux, l’absence d’un organigramme ou de documents internes prouvant qu’elle était son supérieur hiérarchique a joué en sa faveur.

Les juges ont donc conclu qu’il n’était pas justifié de lui reprocher d’avoir couvert des agissements frauduleux, ce qui a conduit à la nullité de son licenciement.

Quelles sont les implications de cette affaire pour les employeurs ?

Cette affaire souligne l’importance pour les employeurs de fournir des preuves solides lorsqu’ils invoquent une faute grave pour justifier un licenciement.

Il est essentiel de démontrer que le salarié a effectivement violé des obligations contractuelles d’une manière qui rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Les employeurs doivent également veiller à avoir des procédures claires en matière de validation des dépenses et des factures, afin d’éviter des situations similaires à l’avenir.

En l’absence de preuves claires et de documentation appropriée, les décisions de licenciement peuvent être contestées et déclarées nulles par les tribunaux.


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