Droit au recours et limites de la révision pénale : enjeux constitutionnels en question.

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Droit au recours et limites de la révision pénale : enjeux constitutionnels en question.

L’Essentiel : La question prioritaire de constitutionnalité porte sur l’article 515 du code de procédure pénale, qui permet à la cour d’appel d’aggraver la peine en cas d’appel incident du ministère public. Cela soulève des inquiétudes quant au droit du prévenu à un recours effectif. La disposition contestée est applicable à la procédure en cours et n’a pas été déclarée conforme à la Constitution. Toutefois, la cour a jugé que la question ne présente pas de caractère sérieux, car l’appel permet un réexamen complet des dispositions pénales. Ainsi, la Cour de cassation a décidé de ne pas renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Question prioritaire de constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité soulevée concerne l’article 515 du code de procédure pénale. Elle interroge la légalité de la disposition qui permet à la cour d’appel, saisie d’un appel du prévenu, d’aggraver la peine en cas d’appel incident du ministère public. Cette situation pourrait dissuader le prévenu d’exercer son droit d’appel, ce qui soulève des préoccupations quant au droit à un recours juridictionnel effectif.

Applicabilité de la disposition législative

La disposition contestée est applicable à la procédure en cours et n’a pas été précédemment déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Cela signifie qu’elle est encore sujette à examen et que son application pourrait potentiellement être remise en question.

Caractère non nouveau de la question

La question posée ne concerne pas l’interprétation d’une disposition constitutionnelle que le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion d’appliquer. Par conséquent, elle est considérée comme non nouvelle, ce qui limite les possibilités de son examen.

Absence de caractère sérieux

La cour a jugé que la question ne présente pas de caractère sérieux. En effet, l’appel du ministère public, qu’il soit principal ou incident, permet à la cour d’appel de réexaminer toutes les dispositions pénales du jugement contesté. Cela signifie que la cour peut modifier la situation du prévenu, que ce soit en sa faveur ou non, sans qu’aucune règle constitutionnelle ne limite le droit de recours d’une partie.

Décision de la Cour de cassation

En conséquence, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. Cette décision a été prononcée en audience publique le huit janvier deux mille vingt-cinq par le président de la chambre criminelle.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la compétence exclusive du juge d’instruction dans le cadre d’une enquête pénale ?

La compétence exclusive du juge d’instruction est régie par l’article 80 du Code de procédure pénale, qui stipule que :

« Le juge d’instruction est seul compétent pour instruire les affaires qui lui sont soumises. »

Cette disposition établit que toute enquête ou investigation relative à des faits déjà saisis par un juge d’instruction doit être considérée comme irrégulière si elle est menée par un autre magistrat.

En effet, l’article 591 du même code précise que :

« Les actes d’instruction sont effectués par le juge d’instruction, qui est seul compétent pour procéder à l’instruction des affaires qui lui sont soumises. »

Ainsi, toute poursuite, qu’elle soit sous la forme d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, qui concerne des faits déjà en cours d’instruction, est susceptible d’être annulée pour excès de pouvoir.

Il est donc essentiel que les juges d’instruction respectent cette compétence exclusive pour garantir la régularité de la procédure pénale.

Comment la délimitation territoriale de la compétence des juges d’instruction influence-t-elle les enquêtes pénales ?

La délimitation territoriale de la compétence des juges d’instruction est également précisée dans l’article 593 du Code de procédure pénale, qui indique que :

« Le juge d’instruction est territorialement compétent en raison du lieu où les faits ont été commis. »

Dans le cas présent, la Chambre de l’instruction a affirmé que les réquisitoires introductifs des juges d’instruction de Lille et de Nancy ne visaient pas les mêmes faits, ce qui a conduit à un rejet de la demande d’annulation.

Cependant, il est crucial de noter que si les faits sont commis sur le territoire national, comme le stipule le réquisitoire lillois, cela peut impliquer une compétence partagée ou concurrente entre les deux juridictions.

La jurisprudence a souvent rappelé que la compétence territoriale doit être strictement respectée pour éviter toute confusion ou conflit entre les différentes juridictions, ce qui pourrait nuire à la régularité de la procédure.

Quelles sont les conséquences d’une violation du principe de compétence exclusive du juge d’instruction ?

La violation du principe de compétence exclusive du juge d’instruction entraîne des conséquences significatives, notamment l’annulation des actes de procédure.

L’article 80 du Code de procédure pénale, déjà cité, souligne que les actes réalisés en violation de ce principe doivent être annulés.

Cela signifie que si un autre magistrat mène une enquête sur des faits déjà en cours d’instruction, tous les actes effectués dans ce cadre peuvent être déclarés nuls.

Cette règle vise à protéger les droits des parties et à garantir l’intégrité de la procédure pénale.

Ainsi, dans le cas de M. [K] [Y], si les faits reprochés étaient effectivement couverts par la saisine du juge d’instruction de Lille, la Chambre de l’instruction aurait dû annuler les actes réalisés par d’autres magistrats, conformément aux articles 80, 591 et 593 du Code de procédure pénale.

N° G 24-83.915 F-D

N° 00126

8 JANVIER 2025

GM

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JANVIER 2025

M. [R] [U] a présenté, par mémoire spécial reçu le 11 octobre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi formé par lui contre l’arrêt de la cour d’appel de Douai,
4e chambre, en date du 6 juin 2024, qui, pour extorsion et vols aggravés en récidive, l’a condamné à neuf ans d’emprisonnement, l’interdiction définitive du territoire français, cinq ans d’interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, et une confiscation.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R] [U], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« En ne prévoyant pas que la cour d’appel saisie de l’appel du prévenu ne peut aggraver la peine prononcée à son encontre lorsque le ministère public a formé un appel incident, les dispositions de l’article 515 du code de procédure pénale, qui sont ainsi de nature à dissuader le prévenu d’exercer son droit d’appel, méconnaissent-elles le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

4. La question posée ne présente pas de caractère sérieux, dès lors que l’appel du ministère public, qu’il soit principal ou incident, lorsqu’il n’est pas limité, saisit la juridiction du second degré de toutes les dispositions pénales du jugement critiqué et permet à la cour d’appel de modifier le sort du prévenu dans un sens favorable ou défavorable, aucune règle de valeur constitutionnelle ne permettant de limiter l’étendue du droit au recours d’une partie, si ce recours est formé après celui introduit par une autre.

5. En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.


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