Reconnaissance de paternité : enjeux de fraude et régularisation migratoire

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Reconnaissance de paternité : enjeux de fraude et régularisation migratoire

L’Essentiel : Le 08 décembre 2017, [A], [W], [S] [Y] a reconnu anticipativement sa paternité à la mairie de [Localité 16]. Cependant, le 18 octobre 2023, le Procureur de la République a assigné [Y] et [C] devant le tribunal de Versailles, suspectant une reconnaissance frauduleuse à visée migratoire. L’enquête a révélé que Madame [C] cherchait à régulariser sa situation irrégulière depuis 2019. Le tribunal a finalement annulé la reconnaissance de paternité, déclarant que [Y] n’est pas le père de l’enfant, et a ordonné que l’enfant porte le nom de sa mère.

Présentation des parties

[F], [X], [G] [Y] est née le [Date naissance 5] 2018 à [Localité 14] de Madame [H], [D] [C] née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 13] (Côte d’Ivoire).

Reconnaissance de paternité

Le 08 décembre 2017, [A], [W], [S] [Y] né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15] (Haute-Volta) a effectué une reconnaissance anticipée de paternité de l’enfant à la mairie de [Localité 16].

Procédure judiciaire

Le 18 octobre 2023, le Procureur de la République a assigné Monsieur [Y] [A] et Madame [C] [H] devant le tribunal judiciaire de Versailles, en raison de soupçons de reconnaissance frauduleuse de paternité à visée migratoire. Les demandes incluent l’annulation de la reconnaissance de paternité, la déclaration que [Y] n’est pas le père de l’enfant, et la transcription du jugement en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

Enquête et éléments de suspicion

L’enquête a révélé que la reconnaissance de paternité pourrait avoir été réalisée pour permettre à Madame [C] d’obtenir des documents français pour son enfant, afin de régulariser sa propre situation. Madame [C] est en situation irrégulière depuis 2019, et Monsieur [Y] est marié depuis 2012, avec un enfant né en 2011. Des éléments tels que l’absence de preuve de vie commune et une demande de titre français pour l’enfant déposée un mois après sa naissance ont été notés.

Assignation et absence de représentation légale

Madame [C] a été assignée par acte de commissaire de justice, tandis que Monsieur [Y] a été assigné par acte remis à l’étude. Aucun des deux n’a constitué avocat pour se défendre dans cette affaire.

Décision du tribunal

Le tribunal a annulé la reconnaissance de paternité, a déclaré que [Y] n’est pas le père de l’enfant, et a ordonné que l’enfant porte désormais le nom de sa mère. La décision a été transcrite sur les registres de l’état civil, et Monsieur [Y] et Madame [C] ont été condamnés aux dépens.

Prononcé du jugement

Le jugement a été prononcé le 06 janvier 2025 par Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la reconnaissance de paternité et ses implications juridiques ?

La reconnaissance de paternité est un acte par lequel un homme déclare être le père d’un enfant. En France, cette reconnaissance est régie par les articles 316 et suivants du Code civil.

L’article 316 du Code civil stipule :

« La filiation est établie à l’égard de l’enfant par la reconnaissance de paternité. La reconnaissance peut être faite par un acte sous seing privé ou par un acte authentique. »

Cette reconnaissance a des conséquences juridiques importantes, notamment en ce qui concerne les droits et obligations du père envers l’enfant, tels que le droit à l’entretien et à l’éducation.

En cas de contestation de la reconnaissance, comme dans le litige présenté, le tribunal peut annuler cette reconnaissance si des éléments de fraude ou de mauvaise foi sont établis.

L’article 317 du Code civil précise que :

« La reconnaissance peut être contestée par toute personne ayant un intérêt légitime. »

Dans ce cas, le Procureur de la République a agi pour contester la reconnaissance, arguant qu’elle avait été réalisée dans un but frauduleux, ce qui a conduit à l’annulation de la reconnaissance de paternité.

Quelles sont les conséquences de l’annulation de la reconnaissance de paternité ?

L’annulation de la reconnaissance de paternité entraîne plusieurs conséquences juridiques, notamment en ce qui concerne le nom de l’enfant et ses droits successoraux.

Selon l’article 311-1 du Code civil :

« L’enfant a droit à un nom. Le nom de l’enfant est celui de son père et de sa mère. »

Dans le cas présent, le tribunal a décidé que l’enfant porterait désormais le nom de sa mère, ce qui est conforme à l’article 311-1.

De plus, l’article 318 du Code civil stipule que :

« La filiation paternelle peut être contestée par le père lui-même ou par toute personne ayant un intérêt légitime. »

L’annulation de la reconnaissance signifie également que l’enfant ne pourra plus revendiquer des droits liés à la filiation paternelle, tels que des droits d’héritage ou d’autres droits successoraux.

Quelles sont les implications de la situation irrégulière de la mère sur la reconnaissance de paternité ?

La situation irrégulière de la mère peut avoir des implications sur la reconnaissance de paternité, notamment en ce qui concerne les motivations derrière cette reconnaissance.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Cependant, la reconnaissance de paternité ne doit pas être utilisée comme un moyen d’obtenir des avantages migratoires.

Dans ce cas, le Procureur a soulevé des doutes quant à la sincérité de la reconnaissance, arguant qu’elle avait été réalisée dans le but d’obtenir des documents français pour l’enfant et de régulariser la situation de la mère.

L’article 226-13 du Code pénal, qui traite de la fraude, peut également être pertinent ici, car il stipule que :

« La fraude est constituée par l’utilisation d’un acte ou d’une déclaration mensongère dans le but d’obtenir un avantage. »

Ainsi, si la reconnaissance de paternité est prouvée comme étant frauduleuse, cela peut justifier son annulation par le tribunal.

Quelles sont les procédures à suivre pour contester une reconnaissance de paternité ?

La contestation d’une reconnaissance de paternité doit suivre une procédure judiciaire spécifique, comme le stipule l’article 317 du Code civil.

Cet article précise que :

« La reconnaissance peut être contestée par toute personne ayant un intérêt légitime. »

La contestation doit être introduite devant le tribunal judiciaire, et il est nécessaire de fournir des preuves suffisantes pour étayer les allégations de fraude ou de mauvaise foi.

Dans le cas présent, le Procureur a initié une action en justice après avoir mené une enquête, ce qui est une étape cruciale dans la procédure de contestation.

L’article 659 du Code de procédure civile permet également d’assigner les parties concernées, même en cas de difficultés à les localiser, ce qui a été appliqué dans cette affaire.

Enfin, le tribunal rendra une décision qui pourra être contestée en appel, conformément aux dispositions des articles 500 et suivants du Code de procédure civile.

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
06 JANVIER 2025

N° RG 23/06513 – N° Portalis DB22-W-B7H-RW6K
Code NAC : 2AP

DEMANDERESSE :

MADAME LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 6]
[Localité 7]
dispensée du ministère d’avocat

DEFENDEURS :

Monsieur [A], [W], [S] [Y], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de l’enfant mineur [F], [X], [G] [Y] née le [Date naissance 5] 2018 au [Localité 14] (78)
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15] (HAUTE-VOLTA)
demeurant Chez M.[B] [R]
[Adresse 2]
[Localité 8]
défaillant

Madame [H], [D] [C], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de l’enfant mineur [F], [X], [G] [Y] née le [Date naissance 5] 2018 au [Localité 14] (78)
née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 13] (COTE D’IVOIRE)
demeurant [Adresse 10]
[Localité 11]
défaillante

ACTE INITIAL du 18 Octobre 2023 reçu au greffe le 23 Novembre 2023.

DÉBATS : A l’audience tenue en chambre du conseil le 12 Novembre 2024, Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Mme BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 06 Janvier 2025.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LE BIDEAU, Vice Présidente
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge

EXPOSE DU LITIGE

[F], [X], [G] [Y] est née le [Date naissance 5] 2018 au [Localité 14] de Madame [H], [D] [C] née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 13] (Côte d’Ivoire).

Le 08 décembre 2017, [A], [W], [S] [Y] né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15] (Haute-Volta) a effectué une reconnaissance anticipée de paternité de l’enfant à la mairie de [Localité 16].

Par acte de commissaire de justice en date du 18 octobre 2023, suite au signalement de la préfecture des Yvelines en suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité à visée migratoire et après enquête, le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Versailles a fait assigner Monsieur [Y] [A] et Madame [C] [H] devant le tribunal judiciaire de Versailles, tant en leur nom personnel que comme représentants légaux de l’enfant [F], [X], [G] [Y], aux fins de voir :
– annuler la reconnaissance de [Y] [F], [X], [G] née le [Date naissance 5]/2018 à [Localité 14] (78) souscrite par [Y] [A], [W], [S] le [Date naissance 9] 2017 à [Localité 16] (78) ;
– dire que [Y] [A], [W], [S] n’est pas le père de l’enfant ;
– en déduire toute conséquence quant au nom de l’enfant ;
– ordonner la transcription du jugement en marge de l’acte de naissance de [Y] [F], [X], [G] ;
– condamner solidairement Monsieur [Y] et Madame [C] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Madame le Procureur de la République expose qu’il ressort de l’enquête diligentée le 19 juin 2018, des auditions de Monsieur [Y] le 12 mars 2019 et de Madame [C] le 13 mars 2019, que divers éléments laissent penser que la reconnaissance de paternité a été réalisée dans l’unique but de permettre à Madame [C] d’obtenir des documents français pour son enfant et ainsi régulariser sa propre situation qu’ainsi, il est relevé que Madame [C] est entrée en France le 18 mars 2013 et se trouve en situation irrégulière depuis l’expiration de son dernier titre de séjour en 2019 ; que Monsieur [Y] est marié à [T] [V] depuis le [Date mariage 3] 2012 et a eu un enfant en 2011 à [Localité 12] ; qu’il présente une différence d’âge de 13 ans avec Madame [C] et qu’il n’y a aucune preuve ni de vie commune ni de relation avec l’enfant ; que par ailleurs, une demande de titre français pour le compte de l’enfant a été déposée un mois après sa naissance, le 26 avril 2018 ; que les deux protagonistes ont nié toute reconnaissance frauduleuse mais ont tous deux refusé la réalisation d’un prélèvement ADN ; qu’enfin, la date de conception a été estimée au 4 juillet 2017, alors que le 30 juin 2017 Madame [C] avait quitté la France pour rejoindre la Côte d’Ivoire.

Madame [C], assignée par acte de commissaire de justice du 27 octobre 2023 converti en procès-verbal de recherches infructueuses conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, et Monsieur [Y], assigné par acte remis à l’étude le 19 octobre 2023 n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture en date du 02 mai 2024 a fixé les plaidoiries au 12 novembre 2024.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, par jugement réputé contradictoire, et en premier ressort,

Annule la reconnaissance de [Y] [F], [X], [G] née le [Date naissance 5]/2018 à [Localité 14] (78) souscrite par [Y] [A], [W], [S] le 8 décembre 2017 à [Localité 16] (78) ;

Dit que [A] [Y] n’est pas le père de l’enfant [Y] [F], [X], [G] née le [Date naissance 5]/2018 à [Localité 14] (78) ;

Dit que l’enfant [Y] [F], [X], [G] née le [Date naissance 5]/2018 à [Localité 14] (78) portera désormais le nom de patronymique de sa mère, soit [C] et non plus le nom de [Y] ;

Ordonne la transcription de la présente décision sur les registres de l’état civil et en marge de l’acte de naissance de l’enfant n° 000898/2018 établi par l’officier d’état civil de la mairie de [Localité 14] (78) ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] et Madame [C] aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 JANVIER 2025 par Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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