L’Essentiel : M. [V] a déclaré une maladie professionnelle le 3 avril 2019, exposant des bruits lésionnels et des vapeurs toxiques. Son recours a été rejeté par la caisse et la commission de recours amiable. Le tribunal judiciaire d’Evry, dans son jugement du 4 mars 2021, a déclaré M. [V] recevable mais l’a débouté de sa demande. En appel, M. [V] a sollicité la reconnaissance de ses souffrances rachidiennes et le lien avec son activité professionnelle, soutenu par un avis médical. Cependant, la cour a confirmé que les critères pour une maladie professionnelle n’étaient pas remplis, déboutant M. [V] de sa demande.
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Déclaration de maladie professionnelleM. [V] a déclaré une maladie professionnelle le 3 avril 2019, affirmant avoir été exposé à des bruits lésionnels, des vapeurs toxiques, et à l’inhalation de silices. Il a également mentionné avoir effectué des manipulations répétées et porté des charges lourdes sans aide mécanique, en lien avec le tableau n°98 des affections chroniques du rachis lombaire. Refus de prise en chargeLe médecin conseil de la caisse a jugé que les conditions médicales pour la reconnaissance de la maladie n’étaient pas remplies, entraînant un refus de prise en charge. La commission de recours amiable a également rejeté le recours de M. [V], qui a alors saisi le tribunal compétent. Jugement du tribunal judiciaireLe tribunal judiciaire d’Evry a rendu un jugement le 4 mars 2021, déclarant M. [V] recevable dans sa demande, mais le déboutant de son recours et le condamnant aux dépens. M. [V] a interjeté appel de cette décision le 23 mars 2021. Demandes de M. [V] en appelLors de l’audience du 23 octobre 2024, M. [V] a demandé à la cour de reconnaître la recevabilité de sa requête, d’affirmer l’existence de souffrances rachidiennes importantes, et de confirmer le lien de causalité entre sa maladie et son activité professionnelle. Il a également produit un avis médical du professeur [E] soutenant sa position. Position de la Caisse Primaire d’Assurance MaladieLa Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Essonne a demandé à la cour de déclarer l’appel de M. [V] mal fondé, de confirmer le jugement du 4 mars 2021, et de rejeter toutes ses demandes. Analyse des conditions médicalesLa cour a rappelé que pour qu’une maladie soit reconnue d’origine professionnelle, elle doit répondre à des critères spécifiques. Dans le cas de M. [V], le certificat médical ne mentionnait pas l’atteinte radiculaire avec topographie concordante, élément essentiel pour la reconnaissance de la maladie au titre du tableau n°98. Conclusion de la courLa cour a confirmé que, bien que M. [V] souffre de sciatique par hernie discale, les éléments fournis ne permettaient pas de rattacher cette affection à la définition stricte de la maladie professionnelle du tableau 98. Par conséquent, M. [V] a été débouté de sa demande, et le jugement initial a été confirmé. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de reconnaissance d’une maladie professionnelle selon le Code de la sécurité sociale ?La reconnaissance d’une maladie professionnelle est régie par l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule : « Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d’origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident : 1° La date de la première constatation médicale de la maladie ; 2° Lorsqu’elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 461-5 ; 3° Pour l’application des règles de prescription de l’article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. » Il est également précisé que si certaines conditions ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Ainsi, pour que M. [V] puisse voir sa maladie reconnue comme professionnelle, il doit prouver que son affection est bien désignée dans le tableau n°98 et qu’elle répond aux critères médicaux requis. Quels sont les éléments médicaux nécessaires pour établir un lien de causalité entre la maladie et le travail ?Pour établir un lien de causalité entre la maladie et le travail, il est essentiel de se référer aux critères médicaux définis dans le tableau n°98. Ce tableau précise que pour une maladie à caractère professionnel, il faut démontrer : – La présence d’une atteinte radiculaire de topographie concordante, ce qui signifie que la douleur doit suivre un trajet spécifique lié à la racine nerveuse affectée. Dans le cas de M. [V], le certificat médical du 3 avril 2019 mentionne des « affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manipulation manuelle de charges lourdes », mais ne fait pas état de l’atteinte radiculaire avec topographie concordante. Le colloque médico-administratif a donc conclu que les conditions médicales n’étaient pas remplies, car il manquait cet élément crucial. Il est donc impératif que les documents médicaux fournis attestent de cette atteinte radiculaire pour que la maladie soit reconnue comme professionnelle. Quelles sont les conséquences juridiques d’un refus de reconnaissance de maladie professionnelle ?Le refus de reconnaissance d’une maladie professionnelle a plusieurs conséquences juridiques, notamment : 1. **Absence de prise en charge** : Si la maladie n’est pas reconnue comme professionnelle, la victime ne pourra pas bénéficier des prestations spécifiques liées aux maladies professionnelles, telles que les indemnités journalières ou les rentes d’incapacité. 2. **Recours limité** : En cas de refus, la victime peut saisir la commission de recours amiable, mais si celle-ci rejette le recours, comme dans le cas de M. [V], il ne reste que la possibilité de saisir le tribunal compétent. 3. **Dépens à la charge de la partie perdante** : Comme l’indique le jugement, M. [V] a été condamné aux dépens, ce qui signifie qu’il devra supporter les frais de justice liés à sa demande. En somme, le refus de reconnaissance d’une maladie professionnelle peut avoir des répercussions significatives sur les droits à indemnisation et sur la situation financière de la victime. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 10 JANVIER 2025
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/03198 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOXE
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2021 par le d’EVRY RG n° 21/00369
APPELANT
Monsieur [W] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne
INTIMEE
CPAM 91
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Rachel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Fabienne ROUGE, présidente de chambre
M Gilles REVELLES, conseiller
Mme Sophie COUPET, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 13 décembre 2024, puis prorogé au 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Fabienne ROUGE, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [V] d’un jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire d’Evry dans un litige l’opposant à Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Essonne.
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M.[V] a déclaré une maladie professionnelle en date du 3 avril 2019 indiquant avoir été exposé à des bruits lésionnels, à des vapeurs toxiques, à l’inhalation de silices et qu’il a été contraint d’effectuer de manière répétée des manipulations ainsi que des ports de charges lourdes sans aide mécanique, au titre du tableau n°98 affections chroniques du rachis lombaire provoqué par la manipulation manuelle de charges lourdes.
Le médecin conseil de la caisse a considéré que les conditions médicales n’étaient pas remplies , la caisse a donc notifié une décision de refus de prise en charge de cette maladie au titre de la législation sur les maladies professionnelles .
La commission de recours amiable ayant rejeté son recours, M. [V] a saisi le tribunal compétent.
Par jugement en date du 4 mars 2021 le tribunal judiciaire d’Evry a :
-déclaré M. [V] recevable ,
– débouté M. [V] de son recours
-condamné M. [V] aux dépens
M. [V] en a régulièrement interjeté appel, le 23 mars 2021, le jugement ayant été notifié le 10 mars 2021.
Par conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l’audience du 23 octobre 2024 M. [V] demande à la cour de:
– dire et juger recevable en sa requête,
-dire et juger que les états de suivi en médecine du travail confirment l’existence de souffrances rachidiennens importantes,
-dire et juger que le lien de causalité est évident et incontestable,
-dire et juger que l’avis du professeur [E] est incontestable,
-dire qu’il y a lieu de considérer le rapport du professeur [E] comme suffisamment complet objectif et valant expertise impartiale,
-dire et juger que cette reconnaissance en maladie professionnelle revêt un intérêt individuel mais aussi collectif,
-dire et juger que M.[V] relève des dispositions du livre IV de la sécurité sociale sur la prévention et la réparation des accidents du travail pour des lésions relatives au tableau n°97 et 98.
A l’appui de ses demandes, il expose qu’il a travaillé dans la société [5] en qualité d’agent de production dans la fabrique de dalles de béton qu’il devait manipuler et porter. Il souligne le poids des dalles de béton estimé entre 40 et 60 kg . Il indique n’avoir souffert d’aucune antériorité médicale . Il précise avoir été victime d’un accident du travail le 30 novembre 2010.
Il produit l’avis médical du professeur [E] qui mentionne que les images de l’IRM sont concordantes avec la tableau n°98.
Par conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l’audience du 23 octobre 2024 la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Essonne demande à la cour de :
-déclarer M. [V] mal fondé en son appel,
-confirmer le jugement du 4 mars 2021,
-rejeter toutes les demandes de M. [V]
A titre liminaire :
La cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’ ou
‘donner/prendre acte’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques et qu’il en est de même de celles tendant à ce qu’il soit ‘dit et jugé’ en ce qu’elles constituent des moyens et non des prétentions.
– Sur la maladie professionnelle :
L’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, prévoit :
‘Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d’origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident:
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu’elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 461-5 ;
3° Pour l’application des règles de prescription de l’article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée
dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.’
La désignation des maladies résultant du tableau n°98 :
-sciatique par hernie discale L4 L5 ou L5 S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante
– radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante .
La déclaration de maladie professionnelle mentionne: ‘sciatique par hernie discale avec atteinte radiculaire de topographie concordante’
Cependant le certificat médical en date du 3 avril 2019 mentionne tableau n°98 : ‘ affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manipulation manuelle de charges lourdes; exposition > à 5 ans travaux BTP sciatique par hernie discale S1 concordance entre la clinique et l’Irm du 29 août 2018″ mais ne mentionne pas l’atteinte radiculaire avec topographie concordante .
Le colloque médico administratif a considéré qu’il manquait l’atteinte radiculaire de topographie concordante et qu’ainsi les conditions médicales n’étaient pas remplies .
Il ne résulte pas de la lettre du professeur [E] que celui-ci ait relevé une atteinte radiculaire avec topographie concordante , en effet il mentionne :’ sur le plan rachidien j’ai tous les éléments en ma possession pour lui conseiller une déclaration de maladie professionnelle compte tenu de la sciatique persistante S1 droite concordante avec une IRM d’août dernier ( le compte rendu confirme le contact, j’ai regardé les images qui pour moi sont concordantes avec le tableau n°98 ) ».
Il sera observé que le compte rendu de l’IRM n’est pas versé aux débats et que le certificat médical ne mentionne pas non plus ‘ l’atteinte radiculaire de topographie concordante ‘ni dans aucun document médical postérieur , élément figurant dans la définition de cette maladie professionnelle du tableau 98 .
Le certificat médical n’évoque pas l’atteinte radiculaire ni le trajet de la douleur, il est donc impossible de dire s’il s’agit bien de la maladie professionnelle relevant dudit tableau .
Il sera en outre observé que dans se conclusions M. [V] sollicite la reconnaissance d’une autre maladie professionnelle relevant cette fois du tableau 97 qui n’a pas été précédemment sollicitée et qui est en conséquence irrecevable .
S’il n’est pas contesté que M. [V] souffre de sciatique par hernie discale, les éléments qu’il produit ne permettent pas de rattacher cette affection à la définition stricte de la maladie professionnelle relevant du tableau 98.
Il sera débouté de sa demande et le jugement critiqué sera confirmé .
LA COUR,
DIT l’appel de M. [V] recevable,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE M. [V] de ses demandes,
LAISSE les dépens à la charge de M. [V],
La greffière La présidente
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