Reconnaissance de la faute inexcusable et majoration de rente pour un accident du travail

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Reconnaissance de la faute inexcusable et majoration de rente pour un accident du travail

L’Essentiel : Le 21 octobre 2016, un salarié de la société par action simplifiée unipersonnelle, occupant les fonctions d’ouvrier trieur puis de conducteur d’engin, a été victime d’un grave accident de travail. Il a été percuté par un tombereau en recul dans la zone de vidage. Les blessures graves ont été reconnues comme professionnelles, avec un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 93 %. Suite à cela, le salarié a saisi le tribunal judiciaire pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Le tribunal a finalement ordonné la majoration de la rente à son taux maximum, condamnant l’employeur à verser une indemnité de procédure.

Contexte de l’accident

Le 21 octobre 2016, un salarié de la société par action simplifiée unipersonnelle, occupant les fonctions d’ouvrier trieur puis de conducteur d’engin, a été victime d’un grave accident de travail. Selon la déclaration de l’employeur, le salarié a été percuté par un tombereau qui reculait dans la zone de vidage, alors qu’il était en train de charger et décharger un tas de mâchefer.

Conséquences médicales de l’accident

Le certificat médical établi le jour de l’accident a révélé des blessures graves, incluant un traumatisme avec délabrements, une fracture et luxation de l’avant-bras gauche, une quasi-amputation de la jambe gauche, ainsi qu’un traumatisme thoracique avec hémopneumothorax et multiples fractures de côtes. La caisse primaire centrale d’assurance maladie (CPCAM) a reconnu le caractère professionnel de cet accident et a fixé le taux d’incapacité permanente partielle du salarié à 93 %.

Procédures judiciaires engagées

Suite à l’accident, le salarié a saisi le tribunal judiciaire de Marseille pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Par un jugement du 21 juin 2024, le tribunal a reconnu cette faute et a ordonné la réouverture des débats pour examiner la demande de majoration de la rente.

Demande de majoration de la rente

Lors de l’audience de plaidoirie du 4 décembre 2024, le salarié a demandé la majoration de sa rente à son taux maximum, en soutenant que certains préjudices n’avaient pas été indemnisés par une transaction antérieure. L’employeur, quant à lui, a contesté la recevabilité de cette demande, arguant que les préjudices avaient déjà été indemnisés.

Position de la CPCAM

La CPCAM, dispensée de comparaître, a indiqué qu’elle s’en remettait à la décision du tribunal concernant la majoration de la rente et a demandé le remboursement des sommes avancées à l’assuré.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré la demande de majoration de la rente recevable et fondée, ordonnant la majoration à son taux maximum. Il a également précisé que la CPCAM pourrait récupérer le montant de cette majoration auprès de l’employeur. De plus, l’employeur a été condamné à verser une indemnité de procédure au salarié et à supporter les dépens de l’instance.

Conclusion

Le tribunal a statué en faveur du salarié, reconnaissant la faute inexcusable de l’employeur et ordonnant la majoration de la rente, tout en précisant les modalités de remboursement pour la CPCAM. L’affaire souligne l’importance de la protection des droits des travailleurs victimes d’accidents du travail.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a des conséquences significatives sur les droits de l’assuré victime d’un accident du travail.

Selon l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, « la reconnaissance de la faute inexcusable ouvre droit à la majoration de la rente ou au doublement du capital versé par l’organisme social à l’assuré victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ».

Cela signifie que lorsque la faute inexcusable est établie, la victime peut prétendre à une augmentation de sa rente, ce qui vise à garantir une réparation intégrale de son préjudice.

La jurisprudence a également précisé que la rente versée par la caisse de sécurité sociale n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, mais couvre les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité.

Ainsi, dans le cas présent, la demande de majoration de la rente formulée par la victime est recevable et fondée, car elle est justifiée par la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Comment la CPCAM peut-elle exercer son action subrogatoire ?

L’action subrogatoire de la caisse primaire centrale d’assurance maladie (CPCAM) est régie par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que « la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».

Cela signifie que la CPCAM, après avoir versé des indemnités à la victime, a le droit de se retourner contre l’employeur pour récupérer les sommes versées.

Dans le cas présent, la CPCAM des Bouches-du-Rhône pourra donc récupérer le montant de la majoration de la rente accordée à la victime auprès de la société responsable de l’accident.

Cette action subrogatoire permet à la CPCAM de garantir le remboursement des sommes qu’elle a dû avancer, tout en assurant que la victime reçoit l’indemnisation à laquelle elle a droit.

Quelles sont les implications des dépens et des frais irrépétibles dans cette affaire ?

Les dépens et les frais irrépétibles sont des éléments importants dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, « la partie qui succombe est condamnée aux dépens de l’instance ».

Dans cette affaire, la société responsable de l’accident a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure.

De plus, l’article 700 du code de procédure civile prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Ainsi, la société a été condamnée à verser une somme de 2.500 euros à la victime, ce qui vise à compenser les frais engagés par celle-ci pour faire valoir ses droits.

Ces dispositions garantissent que la victime ne supporte pas le coût de la procédure, renforçant ainsi l’accès à la justice.

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]

JUGEMENT N°25/00645 du 05 Février 2025

Numéro de recours: N° RG 20/01567 – N° Portalis DBW3-W-B7E-XTFG

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [Y] [L]
né le 18 Décembre 1956 à [Localité 8] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représenté par Me Olivier TARI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A.S.U. [11]
[Adresse 10]
[Localité 1]
représentée par Me Florian GROBON, avocat au barreau de LYON

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 3]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l’audience publique du 04 Décembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : JAUBERT Caroline
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 05 Février 2025

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 21 octobre 2016, Monsieur [Y] [L], salarié de la société par action simplifiée unipersonnelle [11] depuis le 27 novembre 2006, d’abord en qualité d’ouvrier trieur puis de conducteur d’engin, a été victime d’un accident sur le lieu de son travail, décrit par son employeur dans la déclaration qu’il a établie le 25 octobre 2016 comme suit :  » M. [Y] [L] s’est fait percuté par un tombereau qui reculait vers la zone de vidage. Ce tombereau intervenait depuis le matin pour charger/décharger un tas de mâchefer stocké près de la zone de vidage « .

Le certificat médical initial établi le jour de l’accident par un médecin du département d’anesthésie-réanimation du centre hospitalier universitaire [9] a constaté un  » traumatisme avec délabrements, fracture et luxation avant-bras gauche, un délabrement, quasi amputation de la jambe gauche, un traumatisme thoracique avec hémopneumothorax gauche et multiples fractures de côtes, fracture scapula gauche « .

La caisse primaire centrale d’assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a reconnu le caractère professionnel de cet accident par décision en date du 7 novembre 2016, et dit que l’état de santé de Monsieur [Y] [L] était consolidé au 21 avril 2019 en fixant son taux d’incapacité permanent partielle à 93 %.

À l’issue d’une information judiciaire, par jugement en date du 12 septembre 2023, la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a déclaré la société [11] coupable des chefs de blessures involontaires par personne morale ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 3 mois dans le cadre du travail, et l’a condamnée au paiement d’une amende de 30.000 euros.

Selon lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 12 juin 2020 et reçue le 15 juin 2020, Monsieur [Y] [L], ne parvenant pas à concilier avec la société [11], a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’une requête aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable commise par l’employeur.

Par jugement mixte du 21 juin 2024, ce tribunal a dit que l’accident du travail dont Monsieur [Y] [L] a été victime le 21 octobre 2016 a été causé par la faute inexcusable de son employeur, et ordonné la réouverture des débats afin que Monsieur [Y] [L] justifie la recevabilité de sa demande de majoration de rente.

L’affaire est revenue à l’audience de plaidoirie du 4 décembre 2024.

Monsieur [Y] [L], représenté par son conseil, aux termes de conclusions oralement soutenues, demande au tribunal d’ordonner la majoration de la rente à son taux maximum, et de condamner la société [11] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que les postes de préjudice pris en charge par la rente n’ont pas été indemnisés par la transaction du 20 octobre 2021, et produit le procès-verbal de transaction pour en justifier.

La société [11], représentée par son conseil développant ses écritures, demande au tribunal de déclarer la demande de majoration de rente irrecevable et fait valoir que l’incidence professionnelle a d’ores et déjà été indemnisée dans le cadre de la transaction.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, indique par le biais d’écritures régulièrement communiquées aux parties avant l’audience qu’elle s’en rapporte à droit quant à la majoration de la rente servie à Monsieur [Y] [L], et demande au tribunal de condamner la société [11] à lui rembourser les sommes dont elle serait tenue d’assurer par avance le paiement.

L’affaire est mise en délibéré au 5 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la majoration de la rente

Selon l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance de la faute inexcusable ouvre droit à la majoration de la rente ou au doublement du capital versé par l’organisme social à l’assuré victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

La Cour de cassation s’est expressément prononcée en faveur du caractère indemnitaire de la rente et de sa majoration. Le bénéfice de la majoration de rente obéit dès lors au principe général de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

En outre, la Cour de cassation a précisé au fil du temps les postes de préjudice pris en charge par la rente. Au dernier état de l’évolution jurisprudentielle marquée par deux arrêts rendus par le 20 janvier 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent.
Il en résulte désormais que la rente prend en charge les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité.

En l’espèce, Monsieur [Y] [L] a conclu une transaction avec l’assureur de la société [5], tiers responsable de l’accident, pour l’indemnisation de ses préjudices résultant de l’accident du travail du 21 octobre 2016.

Il produit le procès-verbal de transaction définitive en date du 20 octobre 2021 duquel il résulte, d’une part, que les pertes de gains professionnels, qui ne sont pas mentionnées, n’ont pas été indemnisées lors de la transaction et, d’autre part que l’incidence professionnelle de l’incapacité, qui a été évaluée à 15.000 euros, n’a pas non plus été indemnisée puisqu’il est expressément indiqué que ce poste de préjudice est  » couvert par la rente AT « .

L’addition de tous les postes de préjudice indemnisés permet d’ailleurs de vérifier que l’incidence professionnelle n’a pas été indemnisée dans le cadre de la transaction.

Il en résulte que la demande de Monsieur [Y] [L] tendant à la majoration de sa rente est recevable.

Compte-tenu de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, cette demande est également bien fondée.

Il y a lieu donc d’ordonner sur le principe la majoration de la rente perçue par Monsieur [Y] [L] à son taux maximum et de dire que celle-ci devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente en cas d’aggravation.

Sur l’action subrogatoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône

En application des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale qui dispose que la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, dans le cadre de son action subrogatoire, sera habilitée à récupérer le montant de la majoration de la rente de Monsieur [Y] [L] auprès de la société [11].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société [11], qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.

L’équité commande d’allouer à Monsieur [Y] [L] l’intégralité de l’indemnité de procédure qu’il sollicite. La société [11] sera dès lors condamnée à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE recevable et bien fondée la demande de Monsieur [Y] [L] tendant à la majoration de sa rente ;

ORDONNE la majoration de la rente servie Monsieur [Y] [L] à son montant maximum ;

DIT que la majoration de la rente servie à Monsieur [Y] [L] suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité attribué ;

DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône pourra recouvrer le montant de la majoration accordée à Monsieur [Y] [L] à l’encontre de la société [11] et CONDAMNE cette dernière à ce titre ;

CONDAMNE la société [11] à verser la somme de 2.500 euros à Monsieur [Y] [L] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [11] aux dépens de l’instance;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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