Reconnaissance faciale des lycéens : illégale en l’état du droit

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Reconnaissance faciale des lycéens : illégale en l’état du droit

L’essentiel : Le déploiement de la reconnaissance faciale dans les lycées de la région PACA a été annulé par les juges administratifs, considérant que cette expérimentation excédait les compétences de la région. Les objectifs de sécurité avancés ne justifiaient pas l’utilisation de données biométriques, et le consentement des lycéens, obtenu par simple signature, ne garantissait pas une acceptation libre et éclairée. De plus, les finalités de fluidification et de sécurisation des contrôles d’accès n’étaient pas prouvées comme étant d’intérêt public, laissant entrevoir des alternatives moins intrusives, comme les contrôles par badge.

Le déploiement des dispositifs de reconnaissance faciale n’est qu’exceptionnellement autorisé et doit répondre à des besoins spécifiques et proportionnés.

Reconnaissance faciale en milieu scolaire

Les
juges administratifs ont annulé pour excès de pouvoir la délibération n° 18-893
du 14 décembre 2018 par laquelle le conseil régional de Provence-Alpes-Côte
d’Azur a approuvé l’expérimentation menée entre la région et Cisco relative d’un
contrôle d’accès par comparaison faciale et de suivi de trajectoire au sein des
lycées Ampère (Marseille) et Les Eucalyptus (Nice).

Expérimentation hors du champ de compétence de la région

Cette
expérimentation comportait, d’une part, un volet « contrôle d’accès
biométrique » concernant les personnes identifiées (lycéens) et, d’autre part,
un volet « suivi de trajectoire » concernant les personnes identifiées et non
identifiées (visiteurs occasionnels). Une telle expérimentation, dont l’un des
objectifs était le renforcement de la sécurité dans les établissements
scolaires, relevait ainsi non des missions d’accueil, d’hébergement ou
d’entretien des lycées, mais des missions d’encadrement et de surveillance des
élèves. En outre, contrairement à ce qu’elle fait valoir, la région PACA ne
s’est pas bornée à munir les lycées en cause des équipements de reconnaissance
faciale ou même à leur proposer l’adoption d’un dispositif expérimental de
reconnaissance faciale, mais a elle-même pris la décision d’initier cette
expérimentation. Dès lors, en engageant cette expérimentation, alors même
qu’elle s’inscrit dans les missions d’encadrement et de surveillance des élèves
qui ressortissent à la compétence des chefs d’établissements, la région PACA a
excédé les compétences qu’elle tient des dispositions précitées de l’article L.
214-6 du code de l’éducation, quand bien même les établissements scolaires
retenus auraient eu donné leur consentement. Par suite, la délibération était entachée
d’incompétence.

Atteinte aux données personnelles et consentement des élèves

En
second lieu, l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 pose qu’il est interdit de
traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier
une personne physique de manière unique. Les exceptions à l’interdiction sont
fixées dans les conditions prévues par le 2 de l’article 9 du règlement (UE)
2016/679 du 27 avril 2016 (RGDP). Aux termes de cet article, le traitement des
données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne
physique de manière unique, est autorisé si : a) la personne concernée a donné
son consentement explicite au traitement de ces données à caractère personnel
pour une ou plusieurs finalités spécifiques (…); g) le traitement est nécessaire pour des
motifs d’intérêt public important, sur la base du droit de l’Union ou du droit
d’un État membre qui doit être proportionné à l’objectif poursuivi, respecter
l’essence du droit à la protection des données et prévoir des mesures
appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des
intérêts de la personne concernée (…).

Le
11) de l’article 4 du RGDP définit le consentement comme « toute manifestation
de volonté, libre, spécifique, éclairé et univoque par laquelle la personne
concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des
données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».
En outre, l’article 7 du même règlement relatif aux conditions applicables au
consentement dispose que dans les cas où le traitement repose sur le
consentement, le responsable du traitement doit être en mesure de démontrer que
la personne concernée a donné son consentement au traitement de données à
caractère personnel la concernant. Si le
consentement de la personne concernée est donné dans le cadre d’une déclaration
écrite qui concerne également d’autres questions, la demande de consentement
est présentée sous une forme qui la distingue clairement de ces autres
questions, sous une forme compréhensible et aisément accessible, et formulée en
des termes clairs et simples. Aucune partie de cette déclaration qui constitue
une violation du présent règlement n’est contraignante. Au moment de déterminer
si le consentement est donné librement, il y a lieu de tenir le plus grand
compte de la question de savoir, entre autres, si l’exécution d’un contrat, y
compris la fourniture d’un service, est subordonnée au consentement au
traitement de données à caractère personnel qui n’est pas nécessaire à
l’exécution dudit contrat. 

La
région PACA a entendu justifier légalement le traitement de données
biométriques en cause par le consentement préalable des lycéens concernés ou,
dans le cas où ces derniers sont mineurs, par celui de leurs représentants
légaux. En se bornant toutefois à prévoir que ce consentement serait recueilli
par la seule signature d’un formulaire, alors que le public visé se trouve dans
une relation d’autorité à l’égard des responsables des établissements publics
d’enseignement concernés, la région ne justifie pas avoir prévue des garanties
suffisantes afin d’obtenir des lycéens ou de leurs représentants légaux qu’ils
donnent leur consentement à la collecte de leurs données personnelles de
manière libre et éclairée.

Par ailleurs, la région PACA n’établissait pas que les finalités poursuivies s’attachant à la fluidification et la sécurisation des contrôles à l’entrée des lycées concernés constituent un motif d’intérêt public ni même que ces finalités ne pourraient être atteintes de manière suffisamment efficace par des contrôles par badge, assortis, le cas échéant, de l’usage de la vidéosurveillance. Téléchargez la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les enjeux de la reconnaissance faciale en milieu scolaire ?

La reconnaissance faciale en milieu scolaire soulève des enjeux importants, notamment en matière de sécurité, de protection des données personnelles et de respect des droits des élèves.

D’une part, les dispositifs de reconnaissance faciale sont souvent justifiés par la nécessité de renforcer la sécurité dans les établissements scolaires. Cependant, cette justification doit être proportionnée et répondre à des besoins spécifiques.

D’autre part, l’utilisation de telles technologies pose des questions éthiques et juridiques, notamment en ce qui concerne le consentement des élèves et la protection de leurs données personnelles.

En effet, la loi interdit le traitement de données biométriques sans un consentement explicite, ce qui complique la mise en œuvre de ces dispositifs dans les écoles.

Pourquoi l’expérimentation de reconnaissance faciale par la région PACA a-t-elle été annulée ?

L’expérimentation de reconnaissance faciale menée par la région PACA a été annulée par les juges administratifs pour excès de pouvoir.

Cette décision repose sur plusieurs éléments. Tout d’abord, les juges ont estimé que la région avait outrepassé ses compétences en initiant une expérimentation qui relevait des missions d’encadrement et de surveillance des élèves, qui sont de la responsabilité des chefs d’établissements.

En outre, la délibération approuvant cette expérimentation a été jugée entachée d’incompétence, car elle ne relevait pas des missions d’accueil ou d’entretien des lycées.

Ainsi, même si les établissements scolaires avaient donné leur consentement, cela ne suffisait pas à justifier la légalité de l’expérimentation.

Quelles sont les implications légales concernant le consentement des élèves ?

Les implications légales concernant le consentement des élèves sont complexes et encadrées par des réglementations strictes.

Selon l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978, il est interdit de traiter des données biométriques pour identifier une personne de manière unique, sauf exceptions.

Ces exceptions incluent le consentement explicite de la personne concernée ou des motifs d’intérêt public. Le consentement doit être libre, spécifique, éclairé et univoque, ce qui signifie qu’il doit être donné de manière claire et distincte.

Dans le cas de la région PACA, le consentement des lycéens devait être recueilli, mais la méthode proposée, à savoir la simple signature d’un formulaire, a été jugée insuffisante.

Les juges ont souligné que les élèves se trouvaient dans une relation d’autorité vis-à-vis des responsables des établissements, ce qui remet en question la liberté de leur consentement.

Quelles alternatives à la reconnaissance faciale pourraient être envisagées ?

Des alternatives à la reconnaissance faciale peuvent être envisagées pour assurer la sécurité dans les établissements scolaires tout en respectant les droits des élèves.

Par exemple, l’utilisation de systèmes de contrôle d’accès par badge pourrait être une solution efficace. Ces systèmes permettent d’identifier les personnes autorisées à entrer dans l’établissement sans recourir à des technologies biométriques.

De plus, l’usage de la vidéosurveillance, lorsqu’il est encadré par des règles strictes, peut également contribuer à la sécurité sans porter atteinte à la vie privée des élèves.

Ces alternatives doivent être évaluées en termes d’efficacité et de respect des droits fondamentaux, afin de garantir un environnement scolaire sûr et respectueux des données personnelles.

En conclusion, la mise en œuvre de dispositifs de sécurité dans les écoles doit être soigneusement réfléchie et encadrée pour éviter des atteintes aux droits des élèves.


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