Reconnaissance d’une maladie professionnelle : enjeux et procédures d’instruction

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Reconnaissance d’une maladie professionnelle : enjeux et procédures d’instruction

L’Essentiel : Mme [I], serveuse de direction chez Compass Group France depuis 2001, a déclaré une maladie professionnelle le 5 avril 2023, diagnostiquée comme une « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche ». La caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines a refusé sa prise en charge, la requalifiant en « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs ». Après un recours rejeté par la commission de recours amiable, Mme [I] a saisi le tribunal judiciaire de Versailles. Ce dernier a reconnu la pathologie comme hors tableau, renvoyant le dossier à la caisse pour une nouvelle instruction, tout en sursis à statuer sur la prise en charge.

Contexte Professionnel de Mme [I]

Mme [I] est serveuse de direction au sein de la société Compass Group France depuis le 2 janvier 2001.

Déclaration de Maladie Professionnelle

Le 5 avril 2023, elle a déclaré une maladie professionnelle pour une « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche », accompagnée d’un certificat médical daté du 31 mars 2023, mentionnant divers diagnostics, dont une capsulite rétractile.

Refus de Prise en Charge

Le 7 juillet 2023, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines a refusé la prise en charge de sa maladie, la qualifiant de « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche », en se basant sur le tableau 57 des maladies professionnelles.

Recours de Mme [I]

Mme [I] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable (CRA), qui a rejeté son recours lors de sa séance du 21 septembre 2023, confirmant le refus de prise en charge.

Action en Justice

Le 16 novembre 2023, Mme [I] a saisi le tribunal judiciaire de Versailles pour contester les décisions de la caisse et de la CRA concernant la reconnaissance de sa maladie professionnelle.

Demandes et Arguments des Parties

Lors de l’audience, Mme [I] a demandé la reconnaissance de sa maladie comme d’origine professionnelle, tandis que la caisse a maintenu son refus, arguant que la maladie ne correspondait pas aux critères du tableau 57.

Analyse Juridique

Le tribunal a examiné la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle selon l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, notant que la maladie de Mme [I] ne figurait pas dans le tableau des maladies professionnelles et devait être instruite comme une pathologie hors tableau.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré que la « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » était une pathologie hors tableau et a renvoyé le dossier à la caisse pour une nouvelle instruction, tout en sursis à statuer sur la demande de prise en charge jusqu’à cette décision.

Frais de Procès

Les dépens ont été réservés, la partie perdante étant généralement condamnée aux frais, mais l’instance n’étant pas terminée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la définition d’une maladie professionnelle selon le Code de la sécurité sociale ?

Selon l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut également être reconnue d’origine professionnelle une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès ou une incapacité permanente d’un taux déterminé.

Dans les cas mentionnés, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Quelles sont les conditions pour qu’une maladie soit reconnue hors tableau ?

L’article L.461-1 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale stipule que pour qu’une maladie soit reconnue hors tableau, il doit être établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Cela implique que la maladie ne doit pas figurer dans un tableau de maladies professionnelles, mais qu’il existe un lien direct entre la pathologie et les conditions de travail de l’assuré.

La caisse doit alors instruire la demande selon les règles applicables aux maladies hors tableau, ce qui inclut la possibilité de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles si nécessaire.

Il est important de noter que la reconnaissance d’une maladie hors tableau nécessite une évaluation rigoureuse des éléments médicaux et des conditions de travail.

Quels sont les effets d’une décision de refus de prise en charge d’une maladie professionnelle ?

La décision de refus de prise en charge d’une maladie professionnelle a pour effet de ne pas reconnaître l’origine professionnelle de la pathologie déclarée par l’assuré.

Cela signifie que l’assuré ne pourra pas bénéficier des prestations liées à la reconnaissance de la maladie professionnelle, telles que les indemnités journalières ou la prise en charge des frais médicaux.

En cas de contestation, l’assuré peut saisir la commission de recours amiable, comme cela a été fait par Mme [I], et si le recours est rejeté, il peut ensuite saisir le tribunal judiciaire.

Il est essentiel que l’assuré présente des éléments probants pour contester la décision de la caisse, notamment des certificats médicaux et des preuves de l’exposition aux risques professionnels.

Comment se déroule l’instruction d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle ?

L’instruction d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle se déroule en plusieurs étapes, conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale.

Tout d’abord, l’assuré doit déposer une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial. La caisse primaire d’assurance maladie examine cette déclaration et peut demander des informations complémentaires.

Si la maladie est inscrite dans un tableau, la caisse doit vérifier si les conditions d’application sont remplies. Si la maladie est hors tableau, la caisse doit instruire la demande selon les règles applicables aux maladies hors tableau.

En cas de doute ou de contestation, la caisse peut saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour obtenir un avis motivé sur l’origine professionnelle de la maladie.

Quelles sont les conséquences d’une décision de sursis à statuer sur une demande de prise en charge ?

Le sursis à statuer sur une demande de prise en charge signifie que le tribunal suspend sa décision jusqu’à ce que la caisse ait terminé l’instruction de la demande.

Cela permet d’éviter une décision prématurée qui pourrait être inappropriée si la caisse devait reconnaître l’origine professionnelle de la maladie après une nouvelle évaluation.

Le sursis à statuer est une mesure qui garantit que toutes les informations pertinentes sont prises en compte avant de rendre une décision définitive sur la prise en charge des frais médicaux et des indemnités.

Cette procédure assure également que les droits de l’assuré sont protégés et que la caisse respecte ses obligations d’instruction des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles.

Pôle social – N° RG 23/01238 – N° Portalis DB22-W-B7H-RSYM

Copies certifiées conformes et délivrées,
le :

à :
– Mme [J] [I]
– CPAM DES YVELINES
– Me Mylène BARRERE

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
POLE SOCIAL

CONTENTIEUX GENERAL DE SECURITE SOCIALE

JUGEMENT RENDU LE MARDI 14 JANVIER 2025

N° RG 23/01238 – N° Portalis DB22-W-B7H-RSYM
Code NAC : 89A

DEMANDEUR :

Madame [J] [I]
4 rue des Cornouillers
78920 ECQUEVILLY

DÉFENDEUR :

CPAM DES YVELINES
Département juridique
92 avenue de Paris
78085 VERSAILLES CEDEX 9

Représentée par maître Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Madame Béatrice THELLIER, Juge
Monsieur Alexandre VALLETTE, Représentant des employeurs et des travailleurs indépendants
Madame Yveline DARNEAU, Représentant des salariés

Madame Clara DULUC, Greffière

DEBATS : A l’audience publique tenue le 14 Novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 14 Janvier 2025.
Pôle social – N° RG 23/01238 – N° Portalis DB22-W-B7H-RSYM

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [I] exerce la profession de serveuse de direction au sein de la société Compass Group France depuis le 02 janvier 2001.

Le 05 avril 2023, elle a établi une déclaration de maladie professionnelle pour une « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche ». A cette déclaration a été joint le certificat médical initial en date du 31 mars 2023 ainsi rédigé : « impotence fonctionnelle du membre sup gauche, algies, échographie : tendinopathie calcifiante sus épineux et sub scapulaire gauches, bursite, tendinopathie d’insertion sous épineux. IRM : capsulite rétractile, infiltré 19/04/2022, kiné depuis » ».

Le 07 juillet 2023, après instruction de la demande, la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines (la caisse) a notifié à Mme [I] un refus de prise en charge de sa maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche » inscrites dans le « tableau 57 : affections périarticulaires provoquées par certains geste et postures de travail » au titre de la législation sur les risques professionnels.

Contestant cette décision, Mme [I] a saisi la commission de recours amiable (CRA) qui, dans sa séance du 21 septembre 2023, a rejeté son recours et confirmé le refus de prise en charge opposé par la caisse.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue au greffe le 16 novembre 2023, Mme [I] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles afin de contester les décisions de la caisse et de la CRA de refus de reconnaissance de sa maladie professionnelle.

Après mise en état de l’affaire, celle-ci a été évoquée à l’audience du 14 novembre 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’audience, Mme [I], comparante en personne, demande au tribunal de juger que sa maladie « une capsulite rétractive », selon elle, est d’origine professionnelle et d’ordonner sa prise en charge par la caisse. Elle explique qu’elle a une tendinopathie calcifiante du sus épineux et du sub-scapulaire mais qu’elle est également traitée pour une « capsulite rétractive ».

La caisse, représentée par son conseil, se réfère à ses prétentions contenues dans ses dernières conclusions et demande au tribunal de débouter Mme [I] de l’ensemble de ses demandes.

Elle fait valoir, au visa des articles L461-1 et L461-2 code de la sécurité sociale ainsi que du tableau 57 des maladies professionnelles, que le médecin conseil a confirmé le diagnostic du médecin de l’assurée figurant sur le certificat médical initial, à savoir une « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » au regard de l’IRM du 12 avril 2023, concluant ainsi que les conditions médicales du tableau n’étaient pas remplies. Elle précise que les tendinopathies calcifiantes ont été exclues du tableau 57 de reconnaissance des maladies professionnelles lors de la dernière mise à jour en date du 7 mai 2007 en raison du caractère non professionnelle des calcifications.

MOTIFS

– Sur la demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle
Aux termes de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis, sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L.315-1.

En l’espèce, Mme [I] a établi une déclaration de maladie professionnelle pour une « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » (pièce n°2 de la caisse) sur la base d’un certificat médical initial en date du 31 mars 2023 faisant mention d’une « impotence fonctionnelle du membre sup gauche, algies, échographie : tendinopathie calcifiante sus épineux et sub scapulaire gauches, bursite, tendinopathie d’insertion sous épineux. IRM : capsulite rétractile, infiltré 19/04/2022, kiné depuis » » (pièce n°3 de la caisse).

Il est constant que la caisse a instruit la déclaration de cette pathologie au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles (pièces n°1 et 5 de la caisse), ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas.

En principe pour qu’une maladie soit considérée comme figurant dans un tableau des maladies professionnelles, il est nécessaire qu’elle corresponde précisément à celle qui y est décrite.

Or, il convient de relever que le tableau 57 ne vise pas toutes les pathologies de l’épaule mais seulement certaines et en réalité, exclusivement les tendinopathies aigües et chronique, non rompues, non calcifiantes ainsi que la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs.

Telle n’est pas la maladie dont Mme [I] est atteinte à l’épaule.

Il en résulte que la « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » est une maladie caractérisée hors tableau qui aurait donc dû être instruite par la caisse selon les règles applicables aux maladies hors tableau.

C’est d’ailleurs la position qui a été retenue par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 10 novembre 2022 (n°21-12.209) aux termes duquel elle a confirmé l’obligation pour une caisse d’instruire une demande de prise en charge d’une maladie professionnelle selon les règles applicables aux maladies hors tableau lorsque la demande se réfère, pour partie, au libellé d’une affection figurant dans un tableau, s’agissant en l’occurrence d’une tendinopathie calcifiante instruit par la caisse au titre du tableau n°57.

Le présent tribunal ne saurait se substituer à la caisse dans l’instruction d’une déclaration de maladie professionnelle laquelle suppose notamment un préalable tenant, en fonction du taux d’IPP prévisible, à une éventuelle saisine d’un CRRMP.

Dès lors, il convient de renvoyer la caisse à reprendre l’instruction de la demande de Mme [I] sur le fondement de l’article L461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale applicable aux maladies hors tableau.

Il convient également de sursoir à statuer sur la demande de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » de Mme [I] jusqu’à la décision à venir de la caisse suite à la nouvelle instruction de cette pathologie.

– Sur les frais du procès
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’instance n’étant pas terminée, les dépens doivent être réservés.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement avant-dire droit contradictoire et en premier ressort,

DIT que la « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » dont est atteinte Mme [J] [I] et faisant l’objet de la déclaration de maladie professionnelle établie le 05 avril 2023 est une pathologie dite « hors tableau »,

RENVOIE, en conséquence, le dossier de maladie professionnelle de Mme [J] [I] afférent à cette pathologie à la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines afin que celle-ci l’instruise conformément aux dispositions de l’article L461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale applicables aux maladies hors tableau,

DIT que la notification du présent jugement vaudra point de départ du délai d’instruction de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines

SURSOIT à statuer sur la demande de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la « tendinopathie calcifiante du sus épineux et du subscapulaire gauche » de Mme [I] jusqu’à la décision à venir de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines à la suite de la nouvelle instruction de cette pathologie,

RESERVE les dépens.

La Greffière La Présidente

Madame Clara DULUC Madame Béatrice THELLIER


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