L’Essentiel : Mme [X] [C], préparatrice de commande à la SAS [5], a déclaré une tendinopathie et une épicondylite comme maladies professionnelles. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu ces affections le 5 janvier 2021, mais la société a contesté cette décision. Après un rejet par la commission de recours amiable, l’affaire a été portée devant le tribunal judiciaire de Nanterre. La SAS a soutenu que la maladie ne remplissait pas les critères de prise en charge, tandis que la caisse a affirmé que les conditions étaient satisfaites. Finalement, le tribunal a statué en faveur de la caisse, confirmant la prise en charge.
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Contexte de l’affaireMme [X] [C], salariée de la SAS [5] en tant que préparatrice de commande, a déclaré le 7 septembre 2020 à la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale qu’elle souffrait d’une « tendinopathie épaule droite + épicondylite latérale gauche », qu’elle souhaitait faire reconnaître comme maladie professionnelle. Elle a fourni un certificat médical initial daté du 28 mai 2020, mentionnant une « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs D ». Décision de la caisse primaire d’assurance maladieLa caisse primaire a reconnu la maladie comme d’origine professionnelle le 5 janvier 2021, en se basant sur le tableau n°57 des maladies professionnelles. Cependant, la SAS [5] a contesté cette décision, saisissant la commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande le 27 avril 2021. La société a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre le 25 juin 2021. Arguments de la SAS [5]La SAS [5] a demandé au tribunal de déclarer sa contestation recevable et fondée, arguant que la maladie déclarée par Mme [C] ne remplissait pas les conditions de prise en charge selon le tableau n°57. Elle a soutenu que la durée d’exposition au risque n’était pas suffisante et que la décision de la caisse était en violation des dispositions légales. Réponse de la caisse primaire d’assurance maladieEn réponse, la caisse primaire a demandé au tribunal de juger que la condition relative à la liste limitative des travaux était satisfaite et que la décision de prise en charge était opposable à la SAS [5]. Elle a également demandé le déboutement de la société de toutes ses prétentions. Enquête administrative et constatationsUne enquête administrative a été menée, révélant que Mme [C] conduisait un chariot élévateur pendant une moyenne de 4h30 par jour, réalisait des mouvements répétitifs et soulevait des charges lourdes. Les résultats de cette enquête ont corroboré les déclarations de la salariée concernant son exposition aux risques. Décision du tribunalLe tribunal a statué en faveur de la caisse primaire, déclarant la décision de prise en charge opposable à la SAS [5]. La société a été déboutée de son recours et condamnée aux dépens de l’instance. Le jugement a été signé par le Vice-Président et le Greffier présents lors du prononcé. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour rendre communes les opérations d’expertise selon l’article 145 du code de procédure civile ?L’article 145 du code de procédure civile stipule que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Ainsi, une ordonnance ayant désigné un expert peut être rendue commune à des tiers s’il existe un motif légitime qu’ils soient appelés aux opérations d’expertise, en considération de leur place probable dans le litige dont l’éventualité a justifié le prononcé de la mesure d’instruction. Dans l’affaire en question, il a été établi qu’il existait un motif légitime de rendre les opérations d’expertise communes à M. [B], car l’expert devait vérifier l’état des structures supports du plancher, ce qui est directement lié à la sécurité des occupants de l’immeuble. Les pièces versées aux débats ont donc caractérisé l’existence d’un tel motif légitime, justifiant la décision de rendre les opérations d’expertise communes. Quelles sont les conditions d’urgence pour ordonner des mesures en référé selon l’article 834 du code de procédure civile ?L’article 834 du code de procédure civile précise que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Dans le cas présent, Mme [O] a demandé l’autorisation d’accéder à l’appartement de M. [B] en cas de refus de sa part, mais elle n’a pas fourni de preuves suffisantes pour établir l’urgence de sa demande. Le seul document produit était un courriel de son conseil, indiquant que M. [B] était probablement hospitalisé, sans démontrer que l’expert avait tenté de prendre contact avec lui ou qu’il avait rencontré un refus. Ainsi, l’absence de preuve d’une urgence a conduit à la décision de ne pas donner suite à la demande de référé. Quelles sont les conséquences d’un refus d’accès à un appartement pour une expertise judiciaire ?En cas de refus d’accès à un appartement pour une expertise judiciaire, l’expert a la possibilité de saisir le juge chargé du contrôle des expertises pour faire face à cette difficulté. Cela signifie que même si M. [B] refuse d’accorder l’accès à son appartement, l’expert n’est pas sans recours et peut demander l’intervention du juge pour obtenir l’accès nécessaire à l’exécution de sa mission. Cette procédure permet de garantir que les expertises peuvent être menées de manière efficace et que les droits des parties sont respectés. Il est donc essentiel pour les parties de coopérer avec l’expert afin d’éviter des complications supplémentaires dans le cadre de la procédure judiciaire. Dans le cas présent, bien que la demande de Mme [O] ait été rejetée, l’expert conserve des voies de recours pour surmonter les obstacles à l’accès. |
DE NANTERRE
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PÔLE SOCIAL
Affaires de sécurité sociale et aide sociale
JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024
N° RG 21/01106 – N° Portalis DB3R-W-B7F-WYEQ
N° Minute : 24/01692
AFFAIRE
S.A.S. [5]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA CÔTE D’OPALE
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1406
substitué à l’audience par Me Amaria BELGACEM, avocate au barreau de PARIS
DEFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA CÔTE D’OPALE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Mme [M] [P], munie d’un pouvoir régulier
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L’affaire a été débattue le 15 Octobre 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Matthieu DANGLA, Vice-Président
François GUIDET, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Yoann VOULHOUX, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats et du prononcé : Stéphane DEMARI, Greffier.
JUGEMENT
Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Selon la déclaration du 7 septembre 2020, Mme [X] [C], salariée en qualité de préparatrice de commande au sein de la SAS [5], a indiqué à la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale, être atteinte d’une » tendinopathie épaule droite + épicondylite latérale gauche « , qu’elle a souhaité voir reconnaître au titre d’une maladie professionnelle.
Elle a joint un certificat médical initial transmis le 28 mai 2020 indiquant » tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs D (sus épineux D) – MP54-n°, ????? »
Ces éléments ont été transmis à la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale, qui a pris en charge la maladie le 5 janvier 2021 en indiquant que » la maladie tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite inscrite dans le tableau n°57 : affectations périarticulaires provoquées par certaines gestes et postures de travail est d’origine professionnelle « .
Contestant l’opposabilité de cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable le 5 mars 2020, laquelle a été rejetée par décision du 27 avril 2021.
La SAS [5] a alors saisi de sa contestation le tribunal judiciaire de Nanterre par requête du 25 juin 2021.
L’affaire a été appelée le 15 octobre 2024 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre à laquelle les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations.
Aux termes de ses conclusions, la SAS [5] demande au tribunal :
– de la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– de constater que la maladie du 29 février 2020 déclarée par Mme [C] ne remplissait pas l’ensemble des conditions relatives à sa prise en charge telles que prévues par le tableau n°57 des maladies professionnelles ;
– de constater que la condition tenant à la réalisation des travaux n’était pas remplie ;
– de constater que la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale a pris en charge la maladie déclarée par Mme [C] en violation des dispositions de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale ;
– de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale du 5 janvier 2021, au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles du 29 février 2020 déclarée par Mme [C], ainsi que toutes les conséquences financières y afférentes ;
– de débouter la caisse de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– de condamner la caisse aux entiers dépens.
En réplique, la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale demande au tribunal :
– de juger que la condition relative à la liste limitative des travaux est satisfaite ;
– de juger opposable à la société [5], la décision de prendre en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, la maladie du 20 février 2020, de Mme [C] ;
– de débouter la société [5] de l’ensemble de ses prétentions.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre à l’audience pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la condition de l’exposition au risque visée au tableau 57 A des maladies professionnelles
Selon l’article L461-1 du code de la sécurité sociale, » est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. »
Le tableau 57 A des maladies professionnelles vise notamment au titre des affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM.
Il indique comme liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces affections » des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé « .
En l’espèce, la société conteste la condition relative à la durée de l’exposition au risque pour considérer que la condition de la liste limitative des travaux n’est pas remplie. A ce titre, elle argue que les gestes sont bien effectués par la salariée mais pas dans la proportion indiquée par le tableau. Elle fait valoir que la caisse ne démontre pas que la durée d’exposition est remplie. Elle rappelle qu’elle a indiqué dans le cadre de l’instruction de la caisse, dans son questionnaire que » Mme [C] effectue des travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d’au moins 60°, sans soutien, moins d’une heure par jour et moins d’un jour par semaine.
Mme [C] effectue des travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d’au moins 90°, sans soutien, moins d’une heure par jour et moins d’un jour par semaine. »
La salariée avait pour sa part indiqué dans son questionnaire qu’elle était exposée à :
– des travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d’au moins 60°, sans soutien, plus de deux heures par jour et plus de 3 jours par semaine : à chaque montée dans le chariot, appui et étirement du bras car la poignée se trouvait à gauche ; donc elle utilisait le cadre du bodygard pour se glisser sur son siège. Elle montait également son bras , 20 cm au-dessus du bras pour activer le joystick, reliant également directement les robots qui amènent les palettes. Elle devait également tirer une corde qui déclenchait l’arrivée des palettes, provoquant également un étirement des bras ;
– des travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d’au moins 90°, sans soutien, plus de deux heures par jour et plus de 3 jours par semaine : lorsqu’elle roulait en marche arrière en chariot élévateur sur la longueur d’une allée (5 minutes), avec appui sur le bodygard de la main pour être soulagée de l’épaule ; à défaut, des crampes apparaissaient car son bras était toujours tendu pour atteindre une bonne position tout en continuant à appuyer sur la pédale du chariot.
La CPAM a poursuivi ses investigations en procédant à une enquête administrative, ayant conduit l’agent-enquêteur à établir un procès-verbal de constatation à la suite d’un appel téléphonique de Madame [C], dont il ressort notamment :
– que l’intéressée conduisait en moyenne 4h30 par jour un chariot CACES 1et 3, surdimensionné par rapport à sa taille d’1m67 ;
– qu’elle réalisait beaucoup de marches arrière avec son chariot ;
– qu’elle ramassait quotidiennement 18 sacs de 18 kg chacun ;
– qu’elle effectuait en moyenne 300 scans d’étiquettes par jour ;
– qu’elle devait tirer une corde fixée au plafond pour que les palettes arrivent, alors qu’elle était assise dans le chariot.
Force est ainsi de constater qu’il résulte de l’enquête administrative corroborée par les éléments du dossier et notamment par le questionnaire de la salariée que les conditions d’exposition sont remplies.
Dès lors, la décision de la caisse de prendre en charge l’affection au titre de la législation sur les risques professionnels sera déclarée opposable à la société.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la SAS [5] aux dépens de l’instance dès lors qu’elle succombe.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,
DÉBOUTE la SAS [5] de son recours ;
DÉCLARE opposable la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale de prise en charge de la maladie du 5 janvier 2021 de Mme [X] [C] au titre de la législation sur les risques professionnels ;
CONDAMNE la SAS [5] aux dépens ;
Et le présent jugement est signé par Matthieu DANGLA, Vice-Président et par Stéphane DEMARI, Greffier, présents lors du prononcé.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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