Reconnaissance de paternité : enjeux de preuve et de légitimité familiale

·

·

Reconnaissance de paternité : enjeux de preuve et de légitimité familiale

L’Essentiel : Monsieur [H] [R], né en 1995 au Congo, a reconnu la paternité de l’enfant de Madame [X] [L] en janvier 2019, bien après la naissance en 2016. La préfecture a signalé une suspicion de fraude à visée migratoire, entraînant une enquête. Le Procureur a contesté cette reconnaissance, soulignant l’absence de Monsieur [H] lors de la naissance et ses tentatives infructueuses d’obtenir un titre de séjour. Madame [X] a admis que Monsieur [H] n’était pas le père biologique et a mentionné le véritable père. Le tribunal a finalement annulé la reconnaissance de paternité le 6 janvier 2025.

Présentation des parties

[M], [W] [X] est née le [Date naissance 1] 2016 à [Localité 12] de Madame [X] [L], [P] née le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 12]. Monsieur [H] [R], né le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 13] (Congo), a reconnu la paternité de l’enfant le 30 janvier 2019 à la mairie d'[Localité 12].

Signalement et enquête

La préfecture de Saint-Germain-en-Laye a signalé une suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité à visée migratoire, entraînant une enquête. Le Procureur de la République a assigné Monsieur [H] [R] et Madame [X] [L] devant le tribunal judiciaire de Versailles pour annuler la reconnaissance de paternité et établir que Monsieur [H] [R] n’est pas le père de l’enfant.

Arguments du Procureur

Le Procureur a mis en avant que la reconnaissance de paternité a été faite presque trois ans après la naissance de l’enfant. Monsieur [H] [R] n’était pas présent lors de la naissance et ne peut prouver sa présence en France avant janvier 2017. De plus, il a tenté d’obtenir un titre de séjour en tant que parent de l’enfant, mais sa demande a été refusée. Il a également modifié sa date d’entrée en France pour coïncider avec la grossesse de la mère.

Déclarations des parties

Madame [X] [L] a reconnu que Monsieur [H] [R] n’était pas le père biologique de l’enfant et qu’elle avait permis la reconnaissance de paternité en le considérant comme un ami. Elle a également mentionné le nom du véritable père de l’enfant. Monsieur [H] [R] a accepté de se soumettre à un prélèvement ADN, tandis que Madame [X] [L] a refusé pour l’enfant sans justification.

Assignation et procédure judiciaire

Madame [X] a été assignée par acte de commissaire de justice le 10 octobre 2023, et Monsieur [H] par acte le 24 octobre 2023. Aucun des deux n’a constitué avocat. L’ordonnance de clôture a fixé les plaidoiries au 12 novembre 2024.

Décision du tribunal

Le tribunal a annulé la reconnaissance de paternité de Monsieur [H] [R] et a déclaré qu’il n’est pas le père de l’enfant. Il a ordonné la transcription de cette décision sur les registres de l’état civil et a condamné Monsieur [H] [R] et Madame [L] [P] [X] aux entiers dépens. Le jugement a été prononcé le 06 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour annuler une reconnaissance de paternité ?

La reconnaissance de paternité peut être annulée sur la base de l’article 316 du Code civil, qui stipule que « la reconnaissance de paternité peut être contestée par toute personne ayant un intérêt à agir, notamment lorsque la reconnaissance a été obtenue par fraude ou erreur ».

Dans le cas présent, le Procureur de la République a soulevé des éléments indiquant que la reconnaissance de paternité de Monsieur [H] [R] était suspecte, notamment en raison de la présence tardive de ce dernier en France et de l’absence de preuves d’une relation avec la mère de l’enfant au moment de la conception.

De plus, l’article 317 du même code précise que « la reconnaissance de paternité est nulle si elle a été faite sous l’influence d’une erreur sur la personne du père ou sur la nature de la filiation ».

Ainsi, les éléments de fraude et d’erreur sur la filiation justifient l’annulation de la reconnaissance de paternité.

Quelles sont les conséquences de l’annulation de la reconnaissance de paternité ?

L’annulation de la reconnaissance de paternité entraîne plusieurs conséquences, notamment en vertu de l’article 318 du Code civil, qui dispose que « l’annulation de la reconnaissance de paternité a pour effet de rétablir la situation antérieure à la reconnaissance ».

Cela signifie que l’enfant [M], [W] [X] ne sera plus considéré comme l’enfant de Monsieur [H] [R] sur le plan juridique.

En outre, l’article 320 du Code civil précise que « la décision d’annulation doit être transcrite en marge de l’acte de naissance de l’enfant ».

Dans ce cas, le tribunal a ordonné la transcription de la décision sur les registres de l’état civil, ce qui est conforme à la législation en vigueur.

Quels sont les droits de l’enfant en matière de filiation ?

Les droits de l’enfant en matière de filiation sont protégés par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule que « l’enfant a le droit de connaître ses parents et d’obtenir leur soin ».

En France, le Code civil, à travers l’article 311-1, affirme que « l’enfant a droit à une filiation légalement établie ».

Dans cette affaire, l’annulation de la reconnaissance de paternité de Monsieur [H] [R] ne prive pas l’enfant de ses droits, mais rétablit la vérité biologique et juridique concernant sa filiation.

Il est également important de noter que l’article 334-1 du Code civil permet à l’enfant de demander une action en recherche de paternité, ce qui pourrait être envisagé si la mère souhaite établir la filiation avec un autre père.

Quelles sont les implications de la fraude sur la reconnaissance de paternité ?

La fraude dans la reconnaissance de paternité est un élément central dans cette affaire. Selon l’article 313 du Code civil, « la reconnaissance de paternité est nulle si elle a été faite sous l’influence d’une fraude ».

Dans ce cas, les éléments de preuve indiquent que Monsieur [H] [R] a pu agir dans un but migratoire, ce qui constitue une fraude à la reconnaissance de paternité.

L’article 316-1 du Code civil précise que « la reconnaissance de paternité peut être annulée si elle a été obtenue par des moyens frauduleux ».

Ainsi, la fraude a des conséquences juridiques significatives, permettant au tribunal d’annuler la reconnaissance et de protéger les droits de l’enfant ainsi que l’intégrité du système juridique.

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
06 JANVIER 2025

N° RG 23/05741 – N° Portalis DB22-W-B7H-RUH5
Code NAC : 2AV

DEMANDERESSE :

MADAME LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Tribunal judiciaire de Versailles
[Adresse 7]
[Localité 9]
dispensée du ministère d’avocat

DEFENDEURS :

Monsieur [H] [R] tant en son nom personnel que comme représentant légal de l’enfant mineur [M], [W] [X] née le [Date naissance 3] 2016 à [Localité 12] (95)
né le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 13] (REP DEM CONGO)
demeurant Chez M. [S]
[Adresse 6]
[Localité 10]
défaillant

Madame [X] [L], [P] tant en son nom personnel que comme représentante légale de l’enfant mineur [M], [W] [X] née le [Date naissance 3] 2016 à [Localité 12] (95)
née le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 12] (95)
demeurant [Adresse 8]
[Localité 11]
défaillante

ACTE INITIAL du 10 Octobre 2023 reçu au greffe le 19 Octobre 2023.

DÉBATS : A l’audience tenue en chambre du conseil le 12 Novembre 2024, Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, siégeant en qualité de juge rapporteur avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 06 Janvier 2025.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame LE BIDEAU, Vice Présidente
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge

EXPOSE DU LITIGE

[M], [W] [X] est née le [Date naissance 1] 2016 à [Localité 12] de Madame [X] [L], [P] née le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 12].

Le 30 janvier 2019, Monsieur [H] [R], né le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 13] (Congo) a effectué une reconnaissance de paternité de l’enfant à la mairie d'[Localité 12].

Suite au signalement de la préfecture de Saint-Germain-en-Laye de suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité à visée migratoire et enquête, le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Versailles a fait assigner Monsieur [H] [R] et Madame [X] [L] devant le tribunal judiciaire de Versailles, tant en leur nom personnel que comme représentants légaux de l’enfant [M] [X], aux fins de voir :
-annuler la reconnaissance de [M], [W] [X] née le [Date naissance 3] 2016 à [Localité 12] (95) par [R] [H] né le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 13] (R. D CONGO), le [Date naissance 5] 2019 à [Localité 12] (95);
– dire que [R] [H] n’est pas le père de l’enfant [M], [W] [X] née le [Date naissance 3] 2016 à [Localité 12] (FRANCE);
– ordonner la transcription du jugement en marge des actes dont s’agit ;
– condamner solidairement [R] [H] et [L], [P] [X] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Madame le Procureur de la République expose qu’il ressort de l’enquête diligentée le 29 septembre 2022, des auditions du père putatif le 14 novembre 2022 et de la mère le 27 avril 2023, que la reconnaissance de paternité a été réalisée tardivement soit presque trois ans après la naissance de l’enfant ; que Monsieur [H] [R] n’était pas présent au moment de la naissance, ayant déclaré être entré en France le 8 novembre 2016 soit 7 mois après ; qu’il ne peut attester de sa présence effective en France qu’à partir de janvier 2017 et ne peut justifier, ni d’un voyage en France durant l’année de la conception de l’enfant, tout comme la mère ne peut justifier d’un voyage au Congo durant cette même période, ni d’une quelconque relation sentimentale avec Madame [X] [L] avant et après janvier 2019 ; que par ailleurs, Monsieur [H] [R] a réalisé une demande de titre en qualité de parent de l’enfant français [M], [W] [X] qui a fait l’objet d’un refus de séjour assorti d’une OQTF le 30 décembre 2020 ; qu’il s’est maintenu illégalement sur le territoire français jusqu’au 30 mai 2022 et qu’il a reformulé une demande similaire auprès d’une préfecture différente, en veillant à modifier sa date d’entrée sur le territoire français, passant du 8 novembre 2016 à avril 2015, date coïncidant dès lors avec le début de grossesse de la mère de l’enfant ; qu’enfin, alors que Monsieur [H] [R] a maintenu avoir fréquenté la mère en 2015 tout en n’apprenant sa paternité que trois ans plus tard, Madame [X] [L] a reconnu que Monsieur [H] [R] n’était pas le père biologique de [M] et qu’elle l’avait autorisé à effectuer cette reconnaissance considérant ce dernier comme un ami ; qu’elle a donné le nom du père de sa fille ; qu’enfin, Monsieur [H] [R] a accepté de se soumettre à un prélèvement ADN qui a été effectué, alors que Madame [X] [L] a refusé qu’il en soit ainsi pour l’enfant sans justifier d’aucun motif apparent.

Madame [X], assignée par acte de commissaire de justice remis à personne le 10 octobre 2023, et Monsieur [H], assigné par acte de commissaire de justice remis à l’étude le 24 octobre 2023, n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture en date du 02 mai 2024 a fixé les plaidoiries au 12 novembre 2024.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil, par jugement réputé contradictoire, et en premier ressort,

Annule la reconnaissance de [M], [W] [X] née le [Date naissance 3] 2016 à [Localité 12] (95) par [R] [H] né le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 13] (R. D CONGO), le [Date naissance 5] 2019 à [Localité 12] (95) ;

Dit que [R] [H] n’est pas le père de l’enfant [M], [W] [X] née le [Date naissance 3] 2016 à [Localité 12] (95) ;

Ordonne la transcription de la présente décision sur les registres de l’état civil et en marge de l’acte de naissance de l’enfant n° 000752/2016 établi par l’officier d’état civil de la mairie d’[Localité 12] (95) ;

Condamne in solidum Monsieur [R] [H] et Madame [L], [P] [X] aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 JANVIER 2025 par Madame LE BIDEAU, Vice Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon