L’Essentiel : En 2015, [A], [M], [Y], [T] [I] est née à [Localité 6] de Mme [X], [U], [L] [Z] et de M. [S] [I], qui a reconnu l’enfant par anticipation. Cependant, en août 2022, le procureur de la République a assigné les parents pour annuler cette reconnaissance, évoquant des contradictions dans leurs déclarations. Une enquête a révélé que M. [S] [I] avait agi pour des raisons administratives. Un administrateur ad hoc a été désigné pour représenter l’enfant. Le tribunal a finalement annulé la reconnaissance de paternité le 26 novembre 2024, ordonnant que l’enfant se nomme [Z].
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Naissance et reconnaissance de l’enfant[A], [M], [Y], [T] [I] est née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6] de Mme [X], [U], [L] [Z], et de M. [S] [I], qui a reconnu l’enfant par anticipation le 23 avril 2015. Assignation par le procureur de la RépubliqueLe 10 et le 30 août 2022, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a assigné Mme [X] [Z] et M. [S] [I] pour demander l’annulation de la reconnaissance de paternité, invoquant des articles du code civil et de procédure civile. Motifs de l’annulationLe procureur a été informé le 26 mai 2020 par la préfecture de la Marne de la situation de Mme [X] [Z], qui avait demandé un titre de séjour en tant que parent d’un enfant français. Une enquête a révélé des contradictions dans les déclarations des parties, M. [S] [I] ayant reconnu l’enfant pour des raisons administratives. Désignation d’un administrateur ad hocLe 13 décembre 2022, un administrateur ad hoc a été désigné pour représenter l’enfant [A] dans le cadre de la procédure judiciaire. Jugement du tribunal judiciaireLe 28 novembre 2023, le tribunal a déclaré l’action en annulation recevable et a ordonné une expertise avant de rendre sa décision. Conclusions du ministère publicDans ses conclusions du 7 mai 2024, le ministère public a demandé l’annulation de la reconnaissance de paternité, arguant que celle-ci était frauduleuse et que le refus de M. [I] de se soumettre à l’expertise renforçait cette demande. Réponse de Mme [X] [Z]Mme [X] [Z] a demandé le rejet de la demande du procureur, affirmant que M. [S] [I] avait agi en tant que père et que la seule carence à l’expertise ne suffisait pas à annuler la filiation de [A]. Position de l’administrateur ad hocL’administrateur ad hoc a soutenu que les discordances dans les déclarations n’étaient pas suffisantes pour prouver que la reconnaissance avait un but frauduleux et a demandé le déboutement du procureur. Clôture de l’affaire et décision finaleL’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024, et l’affaire a été mise en délibéré. Le tribunal a finalement annulé la reconnaissance de paternité le 26 novembre 2024, ordonnant que l’enfant se nomme [Z] et que la décision soit notifiée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour l’annulation de la reconnaissance de paternité ?L’annulation de la reconnaissance de paternité est régie par les articles 311-14 et 336 du Code civil. L’article 311-14 stipule que « la reconnaissance de paternité peut être annulée en cas de fraude ». Dans cette affaire, le ministère public a soutenu que la reconnaissance de M. [S] [I] était frauduleuse, car il aurait reconnu l’enfant uniquement pour permettre à Mme [X] [Z] de régulariser sa situation administrative. L’article 336 précise que « la reconnaissance peut être contestée par le ministère public ou par toute personne ayant un intérêt légitime ». Ainsi, le procureur de la République a agi dans le cadre de ses prérogatives pour demander l’annulation de la reconnaissance, en se fondant sur des éléments de preuve qui indiquent une intention frauduleuse. Quels sont les effets de l’annulation de la reconnaissance de paternité ?L’annulation de la reconnaissance de paternité a des conséquences juridiques significatives sur la filiation de l’enfant. Selon l’article 311-1 du Code civil, « la filiation est établie par la reconnaissance, par le mariage ou par la possession d’état ». En cas d’annulation, l’enfant perd le lien de filiation établi par la reconnaissance, ce qui implique qu’il ne pourra plus se prévaloir des droits et obligations qui en découlent, notamment en matière d’héritage et de pension alimentaire. De plus, l’article 334-1 précise que « l’enfant dont la filiation a été annulée ne peut plus porter le nom du parent dont la reconnaissance a été annulée ». Dans cette affaire, l’enfant [A] se nommera désormais [Z], conformément à la décision du tribunal. Quelles sont les implications de la carence de M. [S] [I] à l’expertise ?La carence de M. [S] [I] à l’expertise peut être interprétée comme un indice de mauvaise foi dans le cadre de la procédure. L’article 16 du Code de procédure civile impose aux parties de coopérer à la manifestation de la vérité. Le refus de se soumettre à l’expertise peut être considéré comme un manquement à cette obligation, renforçant ainsi les arguments du ministère public en faveur de l’annulation de la reconnaissance. Cependant, il est important de noter que la seule carence ne suffit pas à établir la fraude. L’administrateur ad hoc a souligné que la mère n’avait pas été confrontée aux déclarations de M. [S] [I], ce qui pourrait remettre en question la solidité des preuves présentées par le ministère public. Comment le tribunal a-t-il évalué la filiation sociale dans cette affaire ?Le tribunal a pris en compte la notion de filiation sociale, qui est reconnue par la jurisprudence et le Code civil. L’article 311-3 du Code civil stipule que « la filiation peut être établie par la possession d’état ». Dans cette affaire, l’administrateur ad hoc a fait valoir que l’enfant [A] avait été élevé par M. [S] [I] et qu’il le considérait comme son père, ce qui constitue un élément de filiation sociale. Le tribunal a donc dû évaluer si la reconnaissance de paternité avait été effectuée dans un but exclusivement étranger à l’établissement d’un lien de filiation. Les éléments de preuve présentés par Mme [X] [Z], tels que le jugement du juge aux affaires familiales, ont été pris en compte pour établir l’existence d’une filiation sociale, malgré les allégations de fraude. Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal sur les droits de l’enfant ?La décision du tribunal d’annuler la reconnaissance de paternité a des conséquences directes sur les droits de l’enfant. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit au respect de la vie familiale. L’annulation de la reconnaissance peut affecter la perception de l’enfant sur son identité et son lien avec M. [S] [I], qu’il a considéré comme son père. De plus, l’article 334-1 du Code civil, mentionné précédemment, stipule que l’enfant ne pourra plus porter le nom de M. [S] [I], ce qui peut avoir un impact sur son statut social et son intégration. Il est donc crucial que le tribunal prenne en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans sa décision, conformément à l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui impose que « dans toutes les décisions concernant les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». |
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
Pôle Famille 2ème section
JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024
N° RG 22/06214
N° Portalis DB3R-W-B7G-XXDX
N° Minute : 24/
AFFAIRE
M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/
[S] [I], [X], [U], [L] [Z]
Copies délivrées le :
DEMANDEUR
Monsieur le Procureur de la République
Tribunal Judiciaire de Nanterre
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Madame Marie-Emilie DELFOSSE, substitut du Procureur de la République
DEFENDEURS
Monsieur [S] [I]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Défaillant
Madame [X], [U], [L] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Isabel FERNANDES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 513
AUTRE PARTIE
[A], [M], [Y], [T] [I], née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6]
Ayant pour représentant légal Mme [N] [H], administratuer ad hoc et pour avocat Maître Laurence JARRET de la SCP LC2J, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 752
L’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024 en chambre du conseil devant le tribunal composé de :
Monia TALEB, Vice-Présidente,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
magistrats chargés du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :
Monia TALEB, Vice-Présidente
Cécile BAUDOT, Première Vice-Présidente Adjointe
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
qui en ont délibéré.
Albane SURVILLE, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
[A], [M], [Y], [T] [I] est née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6] de Mme [X], [U], [L] [Z], et de M. [S] [I], qui l’a reconnue par anticipation le 23 avril 2015 à [Localité 6].
Par exploits des 10 août et 30 août 2022, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a respectivement fait assigner Mme [X] [Z], en personne et en qualité de représentante légale de l’enfant, et M. [S] [I] devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Il sollicite, au visa des articles 311-14, 336 du code civil, et 42 du code de procédure civile, l’annulation de la reconnaissance effectuée par ce dernier.
Au soutien de sa demande, il expose avoir été avisé le 26 mai 2020 par la préfecture de la Marne de la situation de Mme [X] [Z], qui venait de solliciter l’obtention d’un titre de séjour en qualité de parent d’un enfant français. Il indique que l’enquête diligentée à sa demande a mis en évidence des versions contradictoires des faits, Mme [X] [Z] affirmant que M. [S] [I], qu’elle avait rencontré sur internet en 2013, était le père biologique de l’enfant, tandis que M. [S] [I] admettait avoir connu Mme [X] [Z] alors qu’elle était déjà enceinte et reconnu l’enfant [A] dans le seul but de lui permettre de régulariser sa situation administrative. Le ministère public précise que M. [S] [I] a reconnu quatre enfants issus de mères différentes dans le même but.
Par ordonnance du 13 décembre 2022, le juge de la mise en état a désigné un administrateur ad hoc pour représenter l’enfant [A].
Par jugement en date du 28 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré l’action en annulation de la reconnaissance introduite par le ministère public recevable et ordonné une expertise avant dire droit.
L’expert a déposé son rapport de carence au greffe le 3 avril 2024.
Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 7 mai 2024, le ministère public demande au tribunal de bien vouloir :
annuler la reconnaissance de l’enfant à laquelle M. [S] [I] a procédé,dire que M. [S] [I] n’est pas le père de l’enfant, dire que l’enfant ne pourra pas se nommer [I],ordonner la transcription du dispositif de la décision en marge de son acte de naissance, statuer ce que de droit sur les dépens.
Il réitère les moyens déjà développés dans son assignation au soutien de l’annulation de la reconnaissance, qu’il considère comme étant frauduleuse. Il ajoute que le refus de M. [I] de se soumettre à l’expertise constitue un indice supplémentaire au soutien de cette annulation.
Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 7 mai 2024, Mme [X] [Z] demande au tribunal de rejeter la demande et de statuer sur les dépens comme en matière d’aide juridictionnelle.
Elle réitère le fait qu’elle a rencontré M. [S] [I] sur les réseaux sociaux en 2013 et qu’elle a rejoint la France en 2014. Elle dit avoir entretenu avec M. [S] [I] une relation sentimentale, en parallèle de relations sexuelles avec d’autres hommes, et affirme avoir découvert sa grossesse après leur séparation. Elle soutient avoir eu la conviction que M. [I] était le père de l’enfant, et affirme qu’il s’est comporté comme tel depuis lors. Elle souligne plus particulièrement qu’une décision a été rendue par le juge aux affaires familiales, prévoyant un exercice conjoint de l’autorité parentale et le versement d’une pension alimentaire par le père. Elle considère que la seule carence de M. [I] à l’expertise ne peut suffire à annuler la filiation de [A] qui, âgée de bientôt neuf ans, considère M. [I] comme son père.
Dans ses dernières conclusions régulièrement signifiées par voie électronique le 5 juin 2024, l’administrateur ad hoc de l’enfant demande au tribunal de débouter le procureur de la République de ses demandes et de statuer ce que de droit sur les dépens.
Il souligne que le dossier est constitué des seules auditions des parties et du rapport de la préfecture, et que s’il existe des discordances entre les déclarations des parties, Mme [X] [Z] toutefois n’a pas été confrontée aux déclarations de M. [S] [I] ni mise en mesure de produire des pièces pour attester de ses dires. Il ajoute que les pièces désormais produites aux débats par la mère (jugement du juge aux affaires familiales, attestations), permettent d’établir l’existence d’une filiation sociale et qu’il n’est donc pas établi que la reconnaissance ait eu pour un but exclusivement étranger à l’établissement d’un lien de filiation. Il ajoute que l’expertise n’apporte aucun éclairage mais qu’il convient de relever que la mère s’y est présentée avec l’enfant, ce qui confirme sa bonne foi.
Régulièrement cité par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier, M. [S] [I] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024 et l’affaire fixée à l’audience du 24 septembre 2024.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Le Tribunal, statuant publiquement, en matière civile, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, après débats en chambre du conseil,
ANNULE la reconnaissance de paternité effectuée par M. [S] [I] le 23 avril 2015 devant l’officier de l’état civil de la mairie de [Localité 6] à l’égard de l’enfant [A], [M], [Y], [T] [I], née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6],
DIT que l’enfant se nommera [Z],
ORDONNE la transcription du dispositif du présent jugement sur l’acte de naissance n° 1786 de l’enfant [A], [M], [Y], [T] [I], née le [Date naissance 1] 2015 à [Localité 6],
DIT qu’aucun acte, extrait ou copie ne pourra être désormais délivré sans que la mention relative à l’annulation n’y figure,
CONDAMNE M. [S] [I] aux dépens,
DIT que la présente décision sera notifiée par voie de signification extrajudiciaire par la partie la plus diligente et qu’elle sera susceptible d’appel dans le mois de la signification auprès du greffe de la cour d’appel de Versailles ;
signé le 26 novemebre 2024 par Monia TALEB, Vice-Présidente et par Albane SURVILLE, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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