L’Essentiel : Le 11 octobre 2021, M. [K] [W], né en Guinée, a vu sa demande d’enregistrement de nationalité française rejetée par le Tribunal judiciaire de Lille, en raison de l’absence de documents conformes. En réponse, il a assigné le Procureur le 7 octobre 2022, demandant la reconnaissance de sa nationalité. L’instruction a été clôturée le 9 février 2024, avec une audience prévue pour le 8 octobre 2024. Dans ses écritures, M. [W] a contesté le refus, tandis que le ministère public a soulevé des doutes sur la régularité de son jugement supplétif. Finalement, le tribunal a débouté M. [W] de sa demande.
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Refus d’enregistrement de la nationalitéLe 11 octobre 2021, M. [K] [W], né le 2 décembre 2003 à Dabola en Guinée, a vu sa demande d’enregistrement de nationalité française rejetée par la Directrice du service de la nationalité du Tribunal judiciaire de Lille. Le refus était fondé sur l’absence de documents probants, notamment un jugement supplétif et un extrait d’état civil, jugés non conformes aux exigences de l’article 47 du code civil français. Assignation en justiceEn réponse à ce refus, M. [W] a assigné le Procureur près le tribunal judiciaire de Lille par acte d’huissier le 7 octobre 2022, demandant à être reconnu comme français. Un récépissé a été délivré par le ministère de la justice, et les parties ont échangé leurs écritures. L’instruction a été clôturée le 9 février 2024, avec une audience prévue pour le 8 octobre 2024, suivie d’une mise en délibéré au 10 janvier 2025. Arguments de M. [W]Dans ses écritures du 22 juin 2023, M. [W] a demandé au tribunal de reconnaître sa nationalité française, en se basant sur plusieurs articles du Code Civil. Il a soutenu que le ministère public ne justifiait pas son affirmation selon laquelle le jugement supplétif manquait de motivation, arguant que les textes guinéens ne requièrent pas de précisions sur les témoins ou les parents dans ce type de jugement. Position du ministère publicLe 9 novembre 2023, le ministère public a contesté la recevabilité de la déclaration de nationalité de M. [W]. Il a demandé au tribunal de déclarer que les conditions de recevabilité n’étaient pas remplies et que M. [K] [W] n’était pas français. Le ministère public a soulevé des doutes sur la régularité internationale du jugement supplétif, citant des défauts de motivation et des irrégularités dans le processus. Décision du tribunalLe tribunal a statué publiquement, après délibérations, en déboutant M. [K] [W] de sa demande d’enregistrement de nationalité française. Il a déclaré que M. [K] [W] n’était pas français et a ordonné les mentions prévues par l’article 28 du code civil, laissant les dépens à sa charge. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 47 du Code civil concernant la preuve de l’état civil ?L’article 47 du Code civil stipule que : « Les actes de l’état civil, qui sont dressés par les officiers de l’état civil, font foi jusqu’à preuve du contraire. Toutefois, les actes étrangers doivent être légalisés pour être opposables en France. » Dans le cas présent, M. [K] [W] a vu sa demande de nationalité française rejetée en raison de l’absence de documents probants au sens de cet article. En effet, le tribunal a considéré que le jugement supplétif et les extraits d’état civil fournis n’étaient pas suffisamment légalisés, ce qui a conduit à la non-recevabilité de sa demande. Il est donc essentiel que les documents présentés soient conformes aux exigences de légalité pour être acceptés comme preuve de l’état civil en France. Cette exigence de légalité vise à garantir l’authenticité des documents et à prévenir les fraudes. Quelles sont les implications des articles 21-12 et 21-27 du Code civil sur la nationalité française ?L’article 21-12 du Code civil précise que : « La nationalité française est attribuée à l’enfant dont l’un des parents est français. » L’article 21-27, quant à lui, indique que : « L’enfant né en France de parents étrangers peut acquérir la nationalité française à sa majorité, sous certaines conditions. » Dans le cas de M. [K] [W], il se revendique de nationalité française en raison de sa naissance, mais le tribunal a jugé que les documents fournis ne prouvaient pas son état civil. Ainsi, même si les articles précités établissent des principes clairs concernant l’attribution de la nationalité, leur application dépend de la présentation de preuves valides et légales. Le refus d’enregistrement de sa déclaration de nationalité repose donc sur l’absence de documents probants, ce qui empêche l’application de ces articles en l’espèce. Comment l’article 28 du Code civil s’applique-t-il dans le cadre de la décision du tribunal ?L’article 28 du Code civil stipule que : « Les mentions de l’état civil sont effectuées sur les actes de l’état civil, et toute modification doit être inscrite. » Dans le jugement rendu, le tribunal a ordonné les mentions prévues par cet article, ce qui signifie qu’il a reconnu la nécessité d’officialiser certaines informations relatives à l’état civil de M. [K] [W]. Cependant, cela ne signifie pas que sa demande de nationalité a été acceptée. Au contraire, le tribunal a clairement indiqué que M. [K] [W] n’était pas français, mais a néanmoins ordonné que les mentions nécessaires soient effectuées pour clarifier sa situation administrative. Cette décision souligne l’importance de l’exactitude des informations dans les actes de l’état civil, même lorsque la nationalité est contestée. Quelles sont les conséquences de l’article 1040 du Code de procédure civile sur la régularité de la procédure ?L’article 1040 du Code de procédure civile dispose que : « La procédure est régulière si elle respecte les formes et délais prévus par la loi. » Le ministère public a soulevé la question de la régularité de la procédure, affirmant que les conditions de recevabilité de la déclaration de nationalité n’étaient pas remplies. Cela implique que le tribunal a dû examiner si toutes les étapes procédurales avaient été suivies conformément à la loi. Dans ce contexte, la régularité de la procédure est cruciale pour garantir que les droits de toutes les parties soient respectés. Si des irrégularités sont constatées, cela peut entraîner l’annulation de la décision ou la nécessité de recommencer la procédure. Ainsi, l’article 1040 joue un rôle fondamental dans la protection des droits des individus dans le cadre des procédures judiciaires. |
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Chambre 01
N° RG 22/06338 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WQLY
JUGEMENT DU 10 JANVIER 2025
DEMANDEUR:
M. [K] [W]
se disant né le 2 décembre 2003 à [Localité 5] (Guinée)
domicilié : [Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Eurielle RIVIERE, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/5237 du 12/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LILLE)
DÉFENDERESSE:
Mme LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 1]
[Localité 3]
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,
Greffier : Benjamin LAPLUME,
DÉBATS
Vu l’ordonnance de clôture en date du 09 Février 2024.
A l’audience en chambre du conseil du 08 Octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 10 Janvier 2025.
Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Juliette BEUSCHAERT, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Janvier 2025 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
Le 11 octobre 2021, M. [K] [W], se disant né le 2 décembre 2003 à Dabola (Guinée) s’est vu refuser l’enregistrement de sa déclaration par la Directrice du service de la nationalité du Tribunal judiciaire de Lille au motif suivant :
“ le jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance n°234/JP/DLA/2021 du 11 juin 2020 rendu par la Justice de Paix de Dabola et l’extrait du registre de l’état civil (Naissance) n° non renseigné du Registre n°001/SEC/CU/DLA en date du 21/06/2020 et l’acte de naissance (copie intégrale) n°128 du Registre n°001/SEC/CU/DLA en date du 21/06/2020 que vous produiser ne sont pas probants au sens de l’article 47 du code civil faute de légalisations conformes et ne peuvent, en conséquence, être opposables en France. Ne justifiant pas d’un état civil probant au sens de l’article 47 du code civil, votre demande d’acquisition de la nationalité française n’est de ce fait pas recevable”.
Par acte d’huissier du 7 octobre 20222, M. [W] [K] a fait assigner Madame le Procureur près le tribunal judiciaire de Lille afin de voir dire qu’il est français.
Récépissé en a été délivré par le ministère de la justice.
Les parties ont échangé leurs écritures. La clôture de l’instruction a été ordonnée à la date du 09 février 2024 et l’affaire fixée à plaider à l’audience du 8 octobre 2024 prise à juge rapporteur. Elle a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 22 juin 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé plus complet de ses moyens, M. [W] demande au tribunal de :
Vu les dispositions des articles 21-12, 21-27, 26, et 47 du Code Civil,
DIRE que Monsieur [W] né le 2 décembre 2003 à [Localité 5] (GUINEE) est de nationalité française ;
D’ORDONNER l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 2 août 2021 par devant le greffier en chef du Tribunal de proximité de Lille par Monsieur [W] né le 2 décembre 2003 à Dabola (GUINEE) ;
LAISSER les dépens à la charge du Trésor Public.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que le ministère public ne se fonde sur aucun texte guinéen pour affirmer que le jugement supplétif ne serait pas motivé ; que le jugement est motivé, même synthétiquement ; qu’aucun texte guinéen ne prévoit de préciser les liens avec les témoins ; qu’aucun texte guinéen n’interdit qu’une décision de justice soit prise le lendemain de la requête ; n’impose la mention de la date et du lieu de naissance des parents dans le jugement supplétif.
Il considère que les faits à l’origine des jurisprudences invoquées par le ministère public ne sont pas similaires et se revendique de jurisprudences administratives.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 9 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé plus complet de ses moyens, le ministère public demande au tribunal de :
DIRE la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile ;
DIRE ET JUGER que les conditions de recevabilité de la déclaration souscrite le 02 août 2021 ne sont pas remplies ;
DIRE ET JUGER que Monsieur [K] [W], se disant né le 2 décembre 2003 à [Localité 5] (Guinée), n’est pas français ;
ORDONNER la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
STATUER ce que de droit quant aux dépens.
Il conteste la régularité internationale du jugement supplétif, au motif de son défaut de motivation, du non respect du contradictoire relativement au ministère public. Il soulève également les défauts suivants du même jugement : précision à deux reprises de “République de Guinée” sans justification ; un jugement rendu le lendemain de la requête; l’absence de mentions substantielles concernant les dates et lieux de naissance des parents; une transcription ordonnée dans le registre de l’année 2003 et pas dans celui de l’année en cours, l’ensemble faisant douter de l’authenticité des pièces produites.
Le tribunal, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE M. [K] [W], se disant né le 2 décembre 2003 à [Localité 5] (Guinée) de sa demande d’enregistrement de sa demande de nationalité française ;
DIT que M. [K] [W], se disant né le 2 décembre 2003 à [Localité 5] (Guinée) n’est pas français ;
ORDONNE en tant que de besoin les mentions prévues à l’article 28 du code civil ;
LAISSE les dépens à la charge de M. [K] [W] ;
DEBOUTE M. [K] [W] de toutes ses demandes.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Benjamin LAPLUME Marie TERRIER
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