Reconnaissance de la maladie professionnelle et ses implications pour l’employeur

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Reconnaissance de la maladie professionnelle et ses implications pour l’employeur

L’Essentiel : M. [H] [C], employé par la société [9] de 1982 à 1989, est décédé le 6 avril 2018. Le 4 mai 2018, ses ayants droit ont déclaré un adénocarcinome bronchique à la CPAM, qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie et du décès en novembre 2018. La société [9] a contesté cette décision, arguant ne pas avoir reçu les notifications. La commission de recours amiable a rejeté son recours pour forclusion, décision confirmée par le tribunal d’Evry. En appel, la cour a jugé que la société n’avait pas été correctement informée, annulant les décisions de la CPAM.

Exposé du litige

M. [H] [C] a été employé par la société [9] de 1982 à 1989 et est décédé le 6 avril 2018. Le 4 mai 2018, la caisse primaire d’assurance maladie du Lot a reçu une déclaration de maladie professionnelle de ses ayants droit, mentionnant un adénocarcinome bronchique. La CPAM 47 a notifié la société [12] de cette déclaration le 28 mai 2018. Après plusieurs échanges, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de la maladie le 2 novembre 2018, suivie d’une reconnaissance du caractère professionnel du décès le 8 novembre 2018. La société [9] a contesté cette décision, affirmant ne pas avoir reçu les notifications de la CPAM.

Décision de la Commission de Recours Amiable

La commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [9] pour forclusion, considérant que le recours avait été introduit trop tard. Le tribunal judiciaire d’Evry a confirmé cette décision par un jugement du 23 février 2021, déclarant le recours irrecevable et condamnant la société aux dépens. Le tribunal a noté que la société [9] avait rempli un questionnaire employeur, mais n’avait pas contesté la dénomination utilisée par la CPAM.

Appel de la Société [9]

La société [9] a interjeté appel du jugement, soutenant que la CPAM ne l’avait pas informée correctement des décisions prises concernant la maladie et le décès de M. [H] [C]. Elle a affirmé que les courriers avaient été adressés à la société [12], qui n’était pas son employeur, et que cela constituait une violation de ses droits.

Arguments de la CPAM

La CPAM a soutenu que le recours de la société [9] était irrecevable en raison de la forclusion, arguant que toutes les notifications avaient été correctement adressées. Elle a également affirmé avoir respecté la procédure d’instruction et que la société [9] avait été informée des décisions prises.

Décision de la Cour

La cour a jugé que la société [9] n’avait pas été correctement informée des décisions de la CPAM, ce qui a entravé son droit à la défense. Elle a infirmé le jugement du tribunal d’Evry et la décision de la commission de recours amiable, déclarant que les décisions de la CPAM concernant la prise en charge de la maladie et du décès de M. [H] [C] étaient inopposables à la société [9]. La CPAM a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité du recours de la société [9] devant la Commission de Recours Amiable (CRA) ?

Le recours de la société [9] devant la Commission de Recours Amiable (CRA) est jugé recevable. En effet, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a notifié la décision de prise en charge de la maladie professionnelle le 6 novembre 2018, et les voies et délais de recours étaient indiqués dans ce courrier.

Selon l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale :

« La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail. »

La société [9] a contesté cette décision le 6 mars 2019, soit dans le délai de deux mois prévu par la loi.

Il est à noter que la CPAM n’a pas adressé à la société [9] le double de la déclaration de maladie professionnelle, ce qui constitue une violation de ses obligations d’information.

Ainsi, la cour a infirmé le jugement du tribunal judiciaire d’Evry, déclarant le recours de la société [9] recevable.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’information de la société [9] par la CPAM ?

L’absence d’information de la société [9] par la CPAM a des conséquences significatives sur l’opposabilité des décisions de prise en charge de la maladie professionnelle et du décès de [H] [C].

L’article R. 441-14 alinéa 3 du Code de la sécurité sociale stipule :

« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13. »

En l’espèce, la CPAM n’a pas adressé à la société [9] le double de la déclaration de maladie professionnelle, ni l’a informée de la clôture de l’instruction.

Cela signifie que la société [9] n’a pas été mise en mesure d’exercer ses droits, ce qui a conduit la cour à déclarer les décisions de la CPAM inopposables à la société.

Ainsi, la décision de la commission de recours amiable, qui avait déclaré ces décisions opposables, a été infirmée.

Quelles sont les implications de la décision de la cour sur les dépens ?

La décision de la cour a également des implications sur les dépens. En effet, la CPAM, qui a succombé dans ses prétentions, est condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Selon l’article 696 du Code de procédure civile :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. »

Cela signifie que la CPAM devra prendre en charge tous les frais liés à la procédure, y compris les frais d’avocat et les frais de justice.

La cour a donc décidé que la CPAM supportera l’intégralité des dépens, ce qui est une conséquence directe de sa défaite dans cette affaire.

En conclusion, la cour a infirmé le jugement du tribunal judiciaire d’Evry en toutes ses dispositions, et a déclaré que les décisions de la CPAM concernant la prise en charge de la maladie et du décès de [H] [C] sont inopposables à la société [9].

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 10 janvier 2025

(n° ,2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/03302 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPUQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2021 par le Pole social du TJ d’EVRY RG n° 19/01059

APPELANTE

S.A. [9]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Cédric PUTANIER, avocat au barreau de LYON, toque : 2051

INTIME

CPAM DU LOT

[Adresse 3]

[Localité 4] France

dispensé de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Juillet 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 27 septembre 2024, prorogé au 20 décembre 2024 et au 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Agnès IKLOUFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [C] a été salarié de la société [9] de 1982 à 1989. Il est décédé le 6 avril 2018.

Le 4 mai 2018, la caisse primaire d’assurance maladie du Lot (ci-après, la ‘Caisse’ ou la ‘CPAM 47’) a reçu une déclaration de maladie professionnelle formulée par les ayants droit de [H] [C] le 27 avril 2018, faisant état d’un adénocarcinome bronchique (tableau 30 des maladies professionnelles).

Le 28 mai 2018, la CPAM 47 a notifié à la société [12] la déclaration de maladie professionnelle.

Par courrier du 2 juillet 2018, cette société a retourné le ‘questionnaire employeur’ concernant son ancien salarié.

Le 3 août 2018, la CPAM 47 a informé la société [12] de la nécessité d’un délai complémentaire d’instruction.

Par courrier recommandé du 12 octobre 2018, accusé de réception signé en date du

16 octobre 2018, la Caisse a informé la société [12] de la clôture de l’instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier.

Par décision du 2 novembre 2018, notifiée à la société [12] le 6 novembre 2018, la Caisse a reconnu le caractère professionnel de la pathologie déclarée.

Parallèlement, la CPAM 47 a instruit un dossier d’imputabilité du décès de [H] [C] à la maladie professionnelle déclarée.

Par courrier recommandé du 19 octobre 2018, la Caisse a informé la société [12] de la clôture de l’instruction de ce second dossier et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier.

Par courrier recommandé du 8 novembre 2018, accusé de réception signé le 15 novembre 2018, la Caisse a notifié à la société [12] la reconnaissance du caractère professionnel du décès de [H] [C]

Par courrier du 6 mars 2019, la Société [9] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la Caisse (‘CRA’), faisant valoir qu’elle n’avait jamais reçu de courrier de la part de la Caisse et notamment pas le courrier de clôture de l’instruction menée par la Caisse, les courriers de celle-ci ayant été adressés à la société [12].

La CRA, en sa séance du 10 septembre 2019, a rejeté le recours de la Société [9] comme étant forclos, sa saisine datant de plus de deux mois après la notification et confirmé tant la décision de prise en charge de la pathologie déclarée que celle de reconnaissance du caractère professionnel du salarié.

La société a saisi le tribunal judiciaire d’Evry en contestation de cette décision.

Par jugement du 23 février 2021, ce tribunal a notamment :

– confirmé la décision de la commission de recours amiable déclarant irrecevable le recours de la société [9] relatif à la déclaration de maladie professionnel de M. [H] [C] ;

– débouté la société de son recours ;

– condamné la société aux dépens.

Pour se déterminer, le premier juge a retenu qu’il était constant que la Société [9] était l’employeur de [H] [C] ; que cette société et la société [12] sont situées à des adresses très voisines ; que la société [9] ne conteste pas l’existence d’un questionnaire employeur rempli par ses soins ; qu’elle a donc été touchée par ce courrier ‘questionnaire employeur’ et a considéré « qu’il s’adressait bien à elle puisqu’elle l’a rempli et retourné, sans émettre aucune remarque sur le libellé de la dénomination utilisée par la Caisse ‘[7]’ » ; que dans la lettre accompagnant le retour de ce questionnaire, l’en-tête est simplement [8], la dénomination exacte figurant en petits caractères en base de page, « ce qui amène à considérer que la dénomination précise de la société n’avait qu’une importance relative » ; que dès lors il convenait de considérer que « toutes les notifications adressées à l’employeur à l’adresse mentionnée par les ayants droits (…), dans la déclaration de maladie professionnelle, ont bien été réceptionnées par la société [9] ».

Ce jugement a été notifié par lettre recommandée, accusé de réception signé le

8 mars 2021.

Le 23 mars 2021, la Société a relevé appel de ce jugement.

L’affaire a été appelée à l’audience de la cour du 5 juillet 2024 puis mise en délibéré au

27 septembre 2024, délibéré finalement prorogé au 20 décembre 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions déposées le 5 juillet 2024 et soutenues à l’audience, la société [9] demande à la cour de :

– déclarer recevable son recours ;

– juger recevable le recours amiable formé par la société auprès de la Caisse ;

en conséquence,

– réformer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Evry en date du 23 février 2021 ;

et statuant à nouveau,

– annuler la décision de rejet rendue par la commission de recours amiable de la CPAM 47 à l’égard de la société [9] le 10 septembre 2019 ;

– prononcer dans les rapports entre la société et la Caisse, l’inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie dont a été victime [H] [C] le 5 avril 2018.

La Caisse avait adressé des conclusions à la cour, reçues au greffe le 30 juin 2023, avec un courrier sollicitant une dispense de comparution. Elle n’était ni présente ni représentée à l’audience du 5 juillet 2024.

Dans ses conclusions, elle sollicitait la cour de :

Au principal, dire et juger que la contestation de l’employeur est irrecevable pour cause de forclusion ;

A titre subsidiaire, dire et juger que :

– elle a strictement respecté la procédure d’instruction du dossier en reconnaissant de la maladie professionnelle de [H] [C] ;

– la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels est ainsi opposable à l’employeur ;

– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Evry en date du 23 février 2019 ;

– confirmer la décision rendue par la commission de recours amiable de la Caisse en date du 10 septembre 2019 ;

en conséquence, débouter la Société de l’ensemble de ses demandes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La CPAM 47 a été régulièrement convoquée et n’a pas comparu. Si elle n’a pas fait connaître les motifs de sa carence, il est juste de relever qu’elle avait expressément sollicité une dispense de comparution par courrier d’accompagnement des conclusions, daté du 23 juin 2023 mais que ce courrier, mal placé dans la correspondance de la Caisse, n’a été vu avant l’audience ni par le greffe ni par le magistrat rapporteur en charge du dossier.

La Caisse justifie, par copie d’un courriel adressé au conseil de la Société, en date du 23 juin 2023, de la communication de ses conclusions et pièces à sa contradictoire.

Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire à son égard et sur la base des conclusions et pièces de chacune des parties.

L’appel de la société [9] est recevable.

La société soutient, en particulier qu’aucune forclusion ne peut lui être opposée et que la CPAM 47 ne l’a nullement informée dans le cadre de l’instruction du caractère professionnel de la maladie de [H] [C]

La société [9] souligne qu’elle n’a pas la même adresse que la société [12], dont l’adresse est située à 450 mètres et que la circonstance que l’accusé de réception de la décision de prise en charge ait été retourné signé permet d’établir que la société [12] a été avisée mais « qu’il n’en a pas été de même pour la société [9] ».

Elle explique qu’elle a bien renseigné le questionnaire ’employeur’ envoyé par la caisse mais parce que la société [12] le lui avait « spontanément transmis », ce qu’elle n’a pas fait pour la décision de prise en charge. Elle fait valoir que sur ce questionnaire, la société [9] a d’ailleurs précisément indiqué sa dénomination sociale, son adresse, son numéro Siret et son tampon officiel.

La mention ‘[8]’ en en-tête du courrier correspond au logo de l’entreprise, l’identification précise figurant en bas de page, comme il est « d’usage dans le monde des affaires ».

Par ailleurs, elle soutient que la Caisse reconnaît ne jamais lui avoir adressé le double de la déclaration de maladie professionnelle , ni l’avoir informée de la clôture de l’instruction. La Caisse a donc manqué à son obligation d’information.

La CPAM 47 fait notamment valoir, pour sa part, que le recours intenté par la Société sur le non-respect du principe du contradictoire quant aux décisions de prise en charge de la pathologie déclarée puis du décès de [H] [C] au titre de la législation professionnelle est frappé de forclusion.

Elle prétend que la « première décision de la Caisse Primaire faisant grief à l’employeur », qui concerne la prise en charge de la maladie professionnelle, a été notifiée le 6 novembre 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception (‘LRAR’) et les voies et délais de recours étaient indiquées dans ce courrier, que l’employeur avait donc jusqu’au 6 janvier 2019 pour former un recours, qu’ il ne l’a fait que le 6 mars 2019.

La décision a été encore notifiée par LRAR également, AR signé le 15 novembre 2018. « l’employeur avait jusqu’au 06/01/2019 pour former un recours contre cette décision. Le recours a été formé le 06/03/2019, accusé de réception faisant foi », elle estime donc que l’action de la société est frappée de forclusion.

Elle fait valoir que si le nom de société auquel les courriers ont été adressés est erroné, l’adresse est exacte et que c’est celle qui figure sur la déclaration de maladie professionnelle.

La Caisse souligne qu’à aucun moment, la Société n’a « fait remonter dans le cadre de l’instruction, à travers notamment le renvoi des questionnaires, une quelconque erreur de la (Caisse) quant à l’adresse de la société [8] » (en gras et souligné dans les conclusions), que non seulement le questionnaire maladie professionnelle a été rempli et retourné par la Société mais l’avis du médecin du travail « a également reçu un retour favorable », de même que l’attestation salariale.

En outre, la société [12] n’a « jamais fait état de la nécessité d’envoyer ces mêmes notifications à la (Société) ».

Ce n’est que le 9 novembre 2018 que la Société a demandé à ce que l’adresse d’envoi des courriers soit modifiée.

La caisse soutient que par ailleurs, les courriers ayant été valablement adressés, la Caisse a respecté « chaque étape de la procédure de l’instruction ». Elle conclut que la Caisse justifiant de l’ensemble des courriers et accusés de réception afférents aux deux procédures, les arguments de la société sont inopérants pour retenir l’inopposabilité de la prise en charge.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions écrites de la Caisse reçues le 30 juin 2023 ainsi qu’aux conclusions écrites de la Société visées par le greffe le 5 juillet 2024.

SUR CE

Sur la recevabilité du recours de la Société devant la CRA

La Caisse ne conteste pas et elle a d’ailleurs considéré que [H] [C] était salarié de la société [11], laquelle était domiciliée au n°[Adresse 2] à [Localité 13].

Il est constant que la société [12] était domiciliée au n°[Adresse 5] de la même rue.

Il est également que ces deux sociétés sont distinctes, ayant un numéro SIRET différent.

Or tous les courriers de la Caisse ont été adressés à la société [12], au n°[Adresse 5] à [Localité 13], donc à un nom et à une adresse qui ne sont pas ceux de la société employeur.

La circonstance que les deux adresses soient proches est sans aucune conséquence sur la circonstance qu’il pourrait y avoir identité de destinataire ou certitude qu’un courrier adressé à l’une des sociétés serait, en cas d’erreur d’adressage, systématiquement transmis, et sans délai, à l’autre.

A supposer que cela soit, ce serait au demeurant à la Caisse, qui invoque cette circonstance, de le démontrer.

Or, c’est à tort que la Caisse tire argument de ce que c’est l’adresse du [Adresse 5] qui figure sur la déclaration de maladie professionnelle alors que, si c’est effectivement exact, cette déclaration a été remplie par les ayants droit de [H] [C] et non pas de la société [11].

La Caisse ne peut davantage s’appuyer sur la circonstance que le ‘questionnaire employeur’ relatif à la maladie professionnelle a été rempli par la société [11]. Si cela démontre que cette société a finalement reçu ce courrier que lui avait adressé la Caisse à cette fin, il n’en résulte aucunement que tous les courriers adressés par la Caisse relatifs au dossier de [H] [C] auraient été effectivement reçus par la société [11] qui est une entité juridique distincte de la société [12], ce que ne conteste pas la Caisse.

Il est également constant que ce questionnaire a été rempli, le 2 juillet 2018, par la Société, ainsi qu’en atteste le tampon apposé à côté de la date et de la signature, à la fin du questionnaire, qui mentionne en première page que la première constatation médicale est au 28 mai 2018 et que l’employeur de [H] [C] est la société [11].

Il en résulte deux conséquences :

– la Caisse ne peut prétendre avoir ignoré que l’adresse à laquelle elle adressait ses courriers était erronée, quand bien même le nom de la société [11] figure en petit caractère en bas de page. Outre que cela est d’usage pour les entreprises, la mention ‘[8]’ qui figure en haut de la page de couverture accompagnant le renvoi du questionnaire est sans conteste aucun un logo et non pas un tampon ou autre mention du nom et de l’adresse de la Société ;

– il y a une discordance entre la date de première constatation médicale figurant sur la lettre par laquelle la Caisse a adressé le questionnaire (28 mai 2018) et la date de première constatation figurant dans l’enquête administrative et reprise dans les conclusions de la Caisse (5 avril 2018); la cour relève en outre que la date du 28 mai 2018 ne fait aucun sens puisque la déclaration faite par les ayants droit de [H] [C] est antérieure, puisque du 27 avril 2018.

La Caisse ne peut davantage tirer argument de ce que le médecin du travail de la Société a rempli le questionnaire qu’elle lui avait adressé, puisque ce questionnaire rempli a été retourné par la société [11] en même temps que le questionnaire employeur, le 2 juillet 2018.

Enfin, la demande faite à la Caisse, le 9 novembre 2018, de rectifier le dossier assuré « car l’employeur est bien [10] (…) » est sans aucune incidence sur la certitude que la Société a bien été destinataire de l’ensemble des courriers adressés par la Caisse, puisque cette demande a été formulée, ainsi qu’il ressort du document produit par la Caisse, par la société [12] et non [10] .

De l’ensemble de ce qui précède, il résulte qu’il n’est pas possible de déterminer avec certitude la date à laquelle la Société a pu effectivement prendre connaissance des décisions de la CPAM 47 de prendre en charge la maladie puis le décès de [H] [C] au titre de la législation professionnelle.

Le recours formé par la Société devant la CRA le 6 mars 2019 est donc recevable et le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

La décision de la commission de recours amiable, en ce qu’elle a rejeté le recours de la Société pour forclusion sera infirmée en ce sens.

Sur l’opposabilité de la prise en charge de la pathologie et du décès de [H] [C] au titre de la législation professionnelle

Aux termes de l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale :

« La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L’employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail ».

L’article R. 441-14 alinéa 3 du même code dispose, quant à lui :

« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13 ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que la Caisse n’a pas adressé à la société [10] le double de la déclaration de maladie professionnelle.

En tout état de cause, pour les motifs qui précèdent, la Caisse n’est pas en mesure de démontrer qu’elle a informé la société [10] de la nécessité d’un délai complémentaire pour mener à bien son instruction ni de la clôture de celle-ci.

La Société [10] n’a donc pas été informée de la possibilité de consulter le dossier et n’a pas été mise en mesure d’exercer ses droits, ce qui est d’autant plus regrettable que, dans le questionnaire employeur qu’elle a rempli, elle avait répondu « OUI (potentiellement) » à la question de savoir si [H] [C] avait été exposé au risque, pour toutes les périodes d’emploi du 1er mars 1962 au 1er juin 1989.

Les décisions de la Caisse doivent donc être déclarées inopposables à la Société.

La décision de la commission de recours amiable, en ce qu’elle a déclaré ces décisions opposables, sera infirmée.

Sur les dépens

La Caisse, qui succombe, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire d’Evry en date du 23 février 2021 (RG 19/01059), en toutes ses dispositions ;

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

INFIRME la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie du Lot, en sa séance du 10 septembre 2019, en toutes ses dispositions ;

DÉCIDE que la décision de la caisse primaire d’assurance maladie du Lot de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la pathologie du tableau n°30 déclarée par les ayants droit de [H] [C], le 27 avril 2018, est inopposable à la société [11] ;

DÉCIDE que la décision de la caisse primaire d’assurance maladie du Lot de prendre en charge le décès de [H] [C] au titre de la législation professionnelle, est inopposable à la société [11] ;

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie du Lot aux entiers dépens ;

DÉBOUTE les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


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