Reconnaissance de dette et obligations contractuelles : enjeux et conséquences

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Reconnaissance de dette et obligations contractuelles : enjeux et conséquences

L’Essentiel : Par un acte daté du 8 août 2017, Mme [X] [W] a reconnu une dette de 60 000 euros envers M. [D] [H]. Ce dernier a engagé une procédure judiciaire le 7 juin 2021 pour obtenir le remboursement. Dans ses conclusions du 9 janvier 2024, M. [D] [H] a demandé le remboursement de la somme, avec intérêts, ainsi qu’une indemnisation pour préjudice moral. En réponse, Mme [X] [W] a contesté la demande et réclamé des frais. Le tribunal a conclu que M. [D] [H] avait prouvé l’existence de la dette, condamnant Mme [X] [W] à rembourser la somme, mais a débouté la demande de préjudice moral.

Contexte de l’affaire

Par un acte sous seing privé daté du 8 août 2017, Mme [X] [W] a reconnu une dette de 60 000 euros envers M. [D] [H]. Ce dernier a ensuite engagé une procédure judiciaire le 7 juin 2021 pour obtenir le remboursement de cette somme.

Demandes de M. [D] [H]

Dans ses conclusions notifiées le 9 janvier 2024, M. [D] [H] a demandé au tribunal de condamner Mme [X] [W] à lui rembourser les 60 000 euros, avec intérêts à compter du 18 janvier 2021, ainsi qu’une indemnisation de 2 000 euros pour préjudice moral et 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponse de Mme [X] [W]

Mme [X] [W] a, dans ses conclusions du 20 décembre 2023, demandé le rejet des demandes de M. [D] [H] et a réclamé 3 000 euros pour ses propres frais, ainsi que le remboursement des dépens.

Éléments de preuve et qualification juridique

Le tribunal a examiné les éléments fournis par M. [D] [H], qui a prouvé l’existence d’un prêt par la reconnaissance de dette signée par Mme [X] [W]. Cette reconnaissance respectait les exigences légales, et Mme [X] [W] n’a pas contesté sa signature ni l’existence de la dette.

Arguments de Mme [X] [W]

Mme [X] [W] a soutenu qu’elle n’avait jamais contracté de prêt, affirmant que les 60 000 euros étaient un don pour l’achat d’un bien immobilier. Cependant, ses arguments ont été contredits par des messages qu’elle avait envoyés à M. [D] [H], indiquant son intention de rembourser la somme.

Décision sur le remboursement

Le tribunal a conclu que M. [D] [H] avait fourni une preuve suffisante de la dette de 60 000 euros, condamnant ainsi Mme [X] [W] à rembourser cette somme avec intérêts à partir du 18 janvier 2021.

Préjudice moral

Concernant la demande de M. [D] [H] pour préjudice moral, le tribunal a estimé qu’il n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour justifier cette demande, le déboutant ainsi de sa requête.

Frais et dépens

Le tribunal a décidé que Mme [X] [W] devait supporter l’intégralité des dépens de l’instance, tout en laissant à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu’elles avaient engagés.

Exécution provisoire

Il a été rappelé que l’exécution provisoire de la décision était de droit, permettant ainsi à M. [D] [H] de récupérer rapidement la somme due.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’existence d’un prêt d’argent et l’obligation de remboursement

La question de l’existence d’un prêt d’argent et de l’obligation de remboursement est régie par les articles 1359 et suivants du Code civil.

L’article 1359 stipule que : « Les actes portant sur une somme ou une valeur excédant 1500 euros doivent être prouvés par écrit sous signature privée ou authentique. »

De plus, l’article 1376 précise que : « L’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Dans cette affaire, M. [D] [H] a produit une reconnaissance de dette datée du 8 août 2017, qui respecte les exigences de l’article 1376.

Cette reconnaissance comporte la signature de Mme [X] [W] ainsi que la mention de la somme en toutes lettres et en chiffres.

Mme [X] [W] ne conteste pas l’existence de ce document, mais soutient qu’il s’agissait d’un don et non d’un prêt.

Cependant, les éléments de preuve fournis par M. [D] [H] démontrent l’existence d’un prêt d’argent, et Mme [X] [W] est donc condamnée à rembourser la somme de 60 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021.

Sur l’existence d’un préjudice moral

La question du préjudice moral est abordée dans le cadre de la réparation des dommages psychologiques, émotionnels ou affectifs.

Pour qu’un préjudice moral soit reconnu, il doit être prouvé par des éléments tangibles.

M. [D] [H] réclame 2000 euros pour son préjudice moral, mais il ne produit qu’une pièce médicale sans lien direct avec un préjudice avéré.

L’absence de témoignages ou de preuves solides concernant l’impact de ce préjudice sur sa vie quotidienne affaiblit sa demande.

En conséquence, le tribunal conclut qu’il n’y a pas de preuve suffisante pour justifier une indemnisation pour préjudice moral, et M. [D] [H] est débouté de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Les demandes accessoires, notamment les dépens et les frais irrépétibles, sont régies par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 stipule que : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. »

L’article 700 précise que : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, Mme [X] [W] ayant succombé, elle est condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Le tribunal décide également de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés, conformément aux principes d’équité.

Enfin, il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit, ce qui signifie que la décision peut être exécutée immédiatement, sans attendre l’éventuel appel.

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

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1

N° RG 21/02486 – N° Portalis DBYB-W-B7F-NGBT
Pôle Civil section 2

Date : 30 Janvier 2025
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER

Pôle Civil section 2

a rendu le jugement dont la teneur suit :

DEMANDEUR

Monsieur [D] [H]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Morad LAROUSSI ROBIO, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Sophie LIOTARD de la AD&L Avocats, avocats plaidants au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

Madame [X] [W]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Mélanie MARREC de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocats postulants au barreau de MONTPELLIER et Maître Carmelo VIALETTE, avocat plaidant au barreau de NÎMES

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : Florence LE GAL
Juge unique

assistée de Françoise CHAZAL greffier, lors des débats et du prononcé.

DEBATS : en audience publique du 21 Novembre 2024

MIS EN DELIBERE au 16 Janvier 2025 prorogé au 30 Janvier 2025

JUGEMENT : signé par le président et le greffier et mis à disposition le 30 Janvier 2025

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 8 août 2017, Mme [X] [W] a signé une reconnaissance de dette aux termes de laquelle elle s’engageait à rembourser la somme de 60 000 euros à M. [D] [H] qui le 7 juin 2021 l’a assignée devant le tribunal judiciaire de Montpellier afin d’obtenir sa condamnation à lui rembourser la somme prêtée.

Par ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2024, au visa des dispositions des articles 1892 à 1904 du code civil, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, M. [D] [H] a sollicité du tribunal de condamner Mme [X] [W] à lui payer :
– 60 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 18 janvier 2021,
– 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,
– 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions responsives notifiées le 20 décembre 2023, au visa des articles 894, 931 et 953 du code civil, Mme [X] [W] a réclamé du tribunal de débouter le requérant de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux dernières conclusions régulièrement notifiées par bulletin au R.P.V.A. par M. [D] [H] et celles régulièrement notifiées par bulletin au R.P.V.A. par Mme [X] [W].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2024 avec une audience de plaidoirie prévue le 21 novembre 2024. La décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2025 et prorogée au 30 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En liminaire : par application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Des conclusions des parties, des moyens de droit et en faits développés par M. [D] [H] qui a invoqué une obligation de restitution du fait de l’existence d’un contrat de prêt de consommation, il ressort qu’il a en réalité réclamé l’exécution d’une obligation dont il apporte la preuve, – article 1353 du code civil-, cette obligation prenant au vu de l’espèce la qualification de prêt sous seing privé manuscrit du 8 août 2017, intitulé en toutes lettres « Reconnaissance de dette », acte juridique portant sur une valeur supérieure à 1500 euros -valeur visée à l’article 1359 du code civil- dans le respect de l’exigence de toutes les mentions prescrites à l’article 1376 du même code, et ce en l’absence de toute intention libérale, ainsi que le plaide Mme [X] [W].
Il convient de viser en conséquence, non les dispositions légales de 1892 à 1904 du code civil, mais celles des articles 1359 à 1376 du même code.

Sur l’existence d’un prêt d’argent et l’obligation de remboursement

Aux termes des articles 1359 et suivants du code civil que les actes portant sur une somme ou une valeur excédant 1500 euros doivent être prouvés par écrit sous signature privée ou authentique.

L’article 1376 du code civil prescrit : « L’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Il incombe en conséquence à M. [D] [H] de justifier sa créance à hauteur de 60 000 euros aux termes d’un écrit sous signature privée ou authentique.
A cet effet, il produit sa pièce 2, preuve de la somme due par Mme [X] [W] aux termes d’une “Reconnaissance de dette” en date du 8 août 2017 qui porte toutes les mentions complètes et impératives visées à l’article 1376 du code civil, soient la signature de celle qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par elle-même, de la somme en toutes lettres et en chiffres.
Tel est bien le cas en l’espèce des éléments manuscrits par Mme [X] [W] qui ne dénie pas l’existence de cette reconnaissance de dette, ni de l’avoir rédigée ni de l’avoir signée.

Mme [X] [W] plaide toutefois qu’elle « n’a jamais contracté de prêt auprès de Monsieur [H] pour la bonne raison qu’elle aurait été insusceptible de lui rembourser » ; elle ajoute qu’il est constant qu’il existait entre M. [D] [H] et elle des liens affectifs tels qu’ils ont conduit ce dernier à lui faire le don de 60 000 euros au fins d’acquisition d’un bien immobilier – sa pièce 18, une attestation datée du 22 juin 2017 – et ainsi que cela transparaît selon elle par certaines de ses pièces produites aux débats -attestation d’amie, capture de sms entre cette amie et le requérant…-.

Mais force est de constater que ses arguments sont tous contrebattus par le message qu’elle ne dénie pas non plus avoir adressé au requérant à 13 heures 38, le 1er juillet 2020, aux termes duquel elle le rassure en l’informant sans ambiguité avoir bien réceptionné l’identité de son compte bancaire outre son intention de procéder au virement « dès que possible », et surtout au regard du fait que toute éventualité de donation doit être écartée, faute de paiement de droits de mutation et de respect des démarches d’enregistrement et de déclaration aux impôts, par l’intéressée.

Dans ces conditions, M. [D] [H] ayant fourni une preuve littérale de l’existence d’un prêt d’argent à Mme [X] [W], à hauteur de 60 000 euros, cette dernière est condamnée à la lui payer avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021, date de réception de la mise en demeure en paiement.

Sur l’existence d’un préjudice moral

Le préjudice moral consiste en la réparation d’un dommage psychologique, émotionnel ou affectif subi par une personne à la suite d’un événement. Ce type de préjudice doit être prouvé : plusieurs éléments probants pouvant être utilement produits pour appuyer cette demande, tels que
-le témoignage des personnes proches ou ayant été témoins de l’événement et qui peuvent attester des souffrances endurées par la victime,
– des correspondances -lettres, mails…- démontrant clairement l’impact du préjudice sur la vie quotidienne de la personne,
– des pièces médicales de nature à établir les conséquences psychologiques de l’événement et ainsi apporter la preuve de l’existence du préjudice moral.

M. [D] [H] réclame le paiement de la somme de 2000 euros en réparation de son préjudice moral.
A l’appui de sa prétention, il se contente de produire aux débats une unique pièce médicale portant sur des consultations dont il n’est pas rapporté d’indication sur la fréquence, sur une période de deux mois, début 2020, auprès d’un médecin psychiatre : une pièce impuissante à rapporter la preuve d’un retentissement psychologique qui aurait nui aux conditions de vie de l’intéressé, ensuite notamment du silence gardé par la défenderesse ou de l’emprunt études souscrit par un de ses enfants.

M. [D] [H] n’apporte pas la preuve de l’existence d’un quelconque préjudice moral. En conséquence de quoi, il est débouté de sa demande d’indemnisation de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
Il y a lieu de condamner Mme [X] [W] succombant aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.

En l’espèce, au vu de ce qui précède, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elles ont dû exposer.

Il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort, par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [X] [W] à payer 60 000 euros à M. [D] [H] avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2021,

DÉBOUTE M. [D] [H] de sa demande de dommages et intérêts afférentes à son préjudice moral,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE Mme [X] [W] aux entiers dépens de l’instance,

LAISSE à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe civil le 30 janvier 2025.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

Françoise CHAZAL Florence LE-GAL


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