Reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail malgré des contestations sur la formalisation.

·

·

Reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail malgré des contestations sur la formalisation.

L’Essentiel : Mme [F] a reçu une promesse d’embauche de M. [M] pour le poste de directrice générale, avec une prise de fonction prévue le 13 mars 2017. Cependant, le 2 mai 2017, elle a commencé des démarches pour devenir auto-entrepreneur et a facturé des services à la société. Suite à l’acquisition de Cogefim Fouque par Foncia Méditerranée en mars 2021, Mme [F] a saisi le tribunal prud’homal pour faire reconnaître son statut de salariée. La Cour a constaté que, bien qu’un accord de rupture ait été convenu, les conditions d’une rupture conventionnelle n’étaient pas remplies, entraînant une violation des textes applicables.

Promesse d’embauche

M. [M], gérant de la société Cogefim Fouque, a envoyé le 8 mars 2017 une promesse d’embauche à Mme [F] pour le poste de directrice générale, avec une date de prise de fonction fixée au 13 mars 2017.

Démarches de Mme [F]

Le 2 mai 2017, Mme [F] a commencé des démarches pour s’inscrire en tant qu’auto-entrepreneur au répertoire SIRENE et a ensuite émis des factures de services à la société Cogefim Fouque.

Changement de société

La société Foncia Méditerranée a acquis les droits de la société Cogefim Fouque le 16 mars 2021.

Saisine des prud’hommes

Mme [F] a saisi le tribunal prud’homal pour faire reconnaître son statut de salariée et demander le paiement de diverses sommes dues en vertu de son contrat de travail et suite à sa rupture.

Argumentation de Mme [F]

Mme [F] conteste l’arrêt qui a déclaré recevable l’exception d’incompétence soulevée par la société, affirmant qu’elle n’a jamais été salariée et que le conseil de prud’hommes n’était pas compétent pour traiter le litige, au profit du tribunal de commerce.

Réponse de la Cour

La société a contesté la recevabilité du moyen, arguant qu’il était nouveau et mélangeait faits et droit, mais la Cour a jugé le moyen recevable, car la question de la rupture d’un commun accord n’avait pas été soulevée par les parties.

Analyse du contrat de travail

La Cour a rappelé que le contrat de travail se forme dès l’acceptation d’une offre précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction, et qu’une fois formé, il ne peut être rompu que selon les conditions prévues par le code du travail.

Constatations de la Cour

L’arrêt a constaté que la société avait adressé une promesse d’embauche à Mme [F], dont l’acceptation était démontrée par le début d’activité. Il a également noté que les parties avaient discuté des modalités du contrat et qu’un contrat amendé avait été convenu le 19 avril 2017.

Conclusion de la Cour

La Cour a conclu que, bien que les parties aient convenu d’un commun accord de mettre fin à la relation de travail, elle n’avait pas constaté que les conditions pour une rupture conventionnelle étaient réunies, ce qui a conduit à une violation des textes applicables.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la promesse d’embauche et ses effets juridiques ?

La promesse d’embauche est un acte juridique par lequel un employeur propose à un candidat un emploi, précisant les éléments essentiels du contrat de travail, tels que l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction.

Selon l’article 1113 du Code civil, « une offre est la manifestation de volonté par laquelle une personne propose à une autre de conclure un contrat ».

L’article 1114 précise que « l’offre doit être suffisamment précise et comporter les éléments essentiels du contrat envisagé ».

Ainsi, dans le cas présent, la promesse d’embauche faite par M. [M] à Mme [F] le 8 mars 2017, qui stipule un poste de directrice générale adjointe avec une rémunération de 60 000 euros et une date d’entrée en fonction au 13 mars 2017, répond à ces exigences.

L’acceptation de cette offre, qui peut être explicite ou tacite, est confirmée par le début d’activité de Mme [F] le 13 mars 2017, ce qui constitue une acceptation tacite de la promesse d’embauche.

Quelles sont les conditions de rupture d’un contrat de travail ?

Le contrat de travail, une fois formé, ne peut être rompu que dans le respect des dispositions légales.

L’article L. 1237-11 du Code du travail stipule que « la rupture d’un commun accord du contrat de travail est constatée par écrit et doit être signée par les deux parties ».

Cela signifie qu’une rupture conventionnelle, qui est une forme de rupture d’un commun accord, nécessite un accord écrit et formel entre l’employeur et le salarié.

Dans le cas présent, la cour d’appel a constaté que les parties avaient convenu d’un commun accord de mettre fin à la relation de travail, mais sans établir que les conditions de la rupture conventionnelle étaient réunies.

En effet, aucune preuve d’un accord écrit n’a été produite, ce qui constitue une violation des articles précités.

Le conseil de prud’hommes est-il compétent pour connaître du litige ?

La compétence du conseil de prud’hommes est déterminée par la nature du litige, qui doit concerner un contrat de travail.

L’article L. 1411-1 du Code du travail dispose que « le conseil de prud’hommes connaît des litiges qui peuvent s’élever à l’occasion d’un contrat de travail ».

Dans cette affaire, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître sa qualité de salariée et demander le paiement de sommes dues en vertu de son contrat de travail.

Cependant, la cour d’appel a déclaré le conseil de prud’hommes incompétent, arguant que les parties avaient convenu d’une rupture d’un commun accord et que le litige relevait du tribunal de commerce.

Cette décision semble contestable, car la cour n’a pas établi que les conditions de la rupture conventionnelle étaient respectées, ce qui aurait maintenu la compétence du conseil de prud’hommes.

Quelles sont les implications de l’inscription de Mme [F] en tant qu’auto-entrepreneur ?

L’inscription de Mme [F] en tant qu’auto-entrepreneur au répertoire SIRENE a des implications significatives sur la nature de sa relation avec la société Cogefim Fouque.

L’article L. 1231-1 du Code du travail précise que « le contrat de travail est un contrat par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre, sous l’autorité de celle-ci, moyennant une rémunération ».

En s’inscrivant comme auto-entrepreneur, Mme [F] a manifesté son intention de travailler de manière indépendante, ce qui pourrait être interprété comme une renonciation à son statut de salariée.

Cependant, cette inscription ne peut pas, à elle seule, mettre fin à un contrat de travail déjà formé, sauf si les conditions de rupture conventionnelle sont respectées.

La cour d’appel a donc commis une erreur en considérant que cette inscription suffisait à établir l’absence de lien de subordination, sans prouver que le contrat de travail avait été valablement rompu.

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 61 F-D

Pourvoi n° X 23-22.445

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025

Mme [O] [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-22.445 contre l’arrêt rendu le 20 octobre 2023 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l’opposant à la société Foncia Méditerranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Cogefim Fouque, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [F], de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société Foncia Méditerranée, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 octobre 2023), M. [M], gérant de la société Cogefim Fouque a adressé le 8 mars 2017 à Mme [F] une promesse d’embauche au poste de directrice générale avec une date de prise de fonction fixée au 13 mars 2017.

2. L’intéressée a entrepris le 2 mai 2017 des démarches pour inscrire au répertoire SIRENE une société en qualité d’auto-entrepreneur. Elle a ensuite adressé des factures de prestations de services à la société Cogefim Fouque.

3. La société Foncia Méditerranée (la société) est venue aux droits de la société Cogefim Fouque le 16 mars 2021.

4. Mme [F] a saisi la juridiction prud’homale pour faire reconnaître sa qualité de salariée et demander le paiement de diverses sommes en exécution du contrat de travail et en conséquence de sa rupture.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [F] fait grief à l’arrêt de déclarer recevable et fondée l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par la société, de constater qu’elle n’a jamais eu la qualité de salariée de la société, de déclarer le conseil de prud’hommes matériellement incompétent pour connaître du litige qui lui était soumis au profit du tribunal de commerce et de la débouter du surplus de ses demandes, alors « que le contrat de travail est formé dès l’acceptation par le salarié d’une offre d’embauche précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction ; qu’une fois formé, le contrat ne peut être rompu d’un commun accord des parties que dans le cadre d’une rupture conventionnelle aux conditions prévues par l’article L. 1237-11 du code du travail ; qu’en l’espèce, les parties au litige s’accordaient sur le fait que le gérant de la société avait adressé à Mme [F] par un mail en date du 8 mars 2017 une proposition de l’embaucher sur un poste de directrice générale adjointe, pour une rémunération brute de 60 000 euros, et précisé que l’entrée en fonctions pourrait se faire le lundi 13 mars 2017, la société se bornant à soutenir que les parties n’avaient pas  »signé » ce courrier et à contester l’existence d’un lien de subordination juridique ; que la cour d’appel a admis que  »l’acceptation » de cette  »promesse d’embauche » résultait  »du début d’activité dûment démontré (…) » par les pièces 4 et 5 de Mme [F], soit en l’occurrence le 13 mars 2017 ; qu’en affirmant qu’un  »contrat amodié » [lire amendé] avait été conclu le 19 avril 2017 au terme de nouvelles discussions sur les modalités du contrat puis qu’  »il ne fait pas de doute au vu de la pièce 8 de l’intéressée que les parties ont convenu d’y mettre fin à compter de début 2017, l’intéressée entreprenant alors des démarches pour réinscrire son entreprise individuelle au répertoire SIRENE et s’immatriculer en qualité d’auto-entrepreneur relevant du RSI », lorsque de telles circonstances ne pouvaient avoir pour effet de mettre fin au contrat de travail déjà formé à la date de prise de fonctions en l’absence de toute rupture conventionnelle alléguée par les parties au litige, la cour d’appel a violé l’article les articles 1113, 1114 et 1121 du code civil et l’article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l’article L. 1237-11 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société conteste la recevabilité du moyen pris en sa première branche. Elle soutient que le moyen est nouveau mélangé de fait et de droit au motif que l’intéressée soutenait devant les juges du fond qu’elle avait été licenciée et qu’elle ne sollicitait pas qu’il soit constaté l’existence d’une rupture conventionnelle.

7. Cependant, le grief est né de l’arrêt dans la mesure où la constatation d’une rupture d’un commun accord n’était alléguée par aucune des parties devant la cour d’appel et que la demanderesse au pourvoi critique l’arrêt d’avoir retenu l’existence d’une rupture d’un commun accord.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1113, 1114 et 1121 du code civil et L. 1221-1 et L. 1237-11 du code du travail :

9. Il résulte de ces textes que le contrat de travail est formé dès l’acceptation par le salarié d’une offre de contrat précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction, cette acceptation pouvant être tacite et résulter d’un commencement d’exécution. Une fois formé, le contrat de travail ne peut être rompu d’un commun accord par les parties que dans les conditions prévues par l’article L. 1237-11 du code du travail.

10. Pour dire que le conseil des prud’hommes n’était pas compétent, l’arrêt constate d’abord, que la société a adressé à l’intéressée, qui n’avait pas qualité d’associée dans cette société, une promesse d’embauche au poste de directrice générale adjointe le 8 mars 2017 dont l’acceptation résulte du début d’activité dûment démontré par les pièces produites.

11. Il relève, ensuite que les parties ont poursuivi une discussion sur les modalités du contrat de travail et qu’un contrat amendé, non produit aux débats, a fait l’objet d’un accord le 19 avril 2017.

12. Il retient enfin qu’il ne fait pas de doute que les parties ont toutefois convenu d’un commun accord d’y mettre fin à compter de début mai 2017, Mme [F] entreprenant alors des démarches pour réinscrire son entreprise individuelle au répertoire SIRENE et s’immatriculer en qualité d’auto-entrepreneur relevant du RSI, de sorte qu’il lui appartient de démontrer que contrairement à cette inscription, elle a exercé les fonctions de directrice générale sous la subordination de M. [M].

13. En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu l’existence d’un contrat de travail, sans constater que les conditions prévues pour la rupture conventionnelle étaient réunies, la cour d’appel a violé les textes susvisés.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon