L’Essentiel : Le 06 septembre 2018, Monsieur [K] [U] a subi un accident du travail en ratant une marche d’escalier, entraînant des douleurs aux cuisses et des lésions aux tendons quadricipitaux, confirmées par un certificat médical. Malgré les réserves de la société [4] sur le caractère professionnel de l’accident, la CPAM a pris en charge les soins. En janvier 2019, la société a contesté cette décision, entraînant une procédure judiciaire. Le tribunal a finalement conclu que la CPAM avait respecté le principe du contradictoire et a rejeté les arguments de la société, confirmant la prise en charge des soins.
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Contexte de l’accidentLe 06 septembre 2018, la société [4] a enregistré un accident du travail impliquant son salarié, Monsieur [K] [U]. Selon la déclaration, l’accident s’est produit lorsque Monsieur [K] a raté une marche en descendant un escalier, entraînant des douleurs aiguës aux cuisses. Un certificat médical du 04 septembre 2018 a confirmé des lésions aux tendons quadricipitaux des deux jambes. Réserves de l’employeurLe 14 septembre 2018, la société [4] a émis des réserves concernant le caractère professionnel de l’accident, arguant qu’un témoin n’avait pas observé l’accident mais avait seulement constaté que le salarié se plaignait de douleurs. Malgré ces réserves, la CPAM des Bouches-du-Rhône a décidé, le 03 décembre 2018, de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Indemnisation et contestationMonsieur [K] a perçu des indemnités journalières jusqu’au 05 février 2019 et a reçu des soins jusqu’à sa guérison déclarée le 26 septembre 2020. En janvier 2019, la société [4] a contesté la décision de la CPAM, ce qui a conduit à une procédure judiciaire. Procédure judiciaireLa société [4] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille en avril 2019, contestant la décision de la CPAM. La commission de recours amiable a rejeté la contestation le 24 septembre 2019. Lors de l’audience du 24 septembre 2024, la société a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de la CPAM et d’ordonner une expertise médicale. Arguments de la société [4]La société [4] a soutenu que la CPAM avait violé le principe du contradictoire en ne fournissant pas les pièces du dossier d’instruction. Elle a également contesté la matérialité de l’accident, affirmant que les douleurs pouvaient être liées à un état antérieur. De plus, elle a demandé une expertise médicale pour clarifier les lésions. Position de la CPAMLa CPAM a demandé le rejet des demandes de la société [4], affirmant que le principe du contradictoire avait été respecté. Elle a soutenu que l’accident s’était produit sur le lieu et pendant le temps de travail, justifiant ainsi la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que la CPAM avait respecté le principe du contradictoire et que la matérialité de l’accident était établie. Il a rejeté les arguments de la société [4] concernant l’inopposabilité de la décision de la CPAM et a déclaré opposable la prise en charge des soins et arrêts de travail. La société [4] a été condamnée aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur le principe du contradictoireLa société [4] soutient que la CPAM des Bouches-du-Rhône a violé le principe du contradictoire en ne répondant pas à sa demande de mise à disposition des pièces du dossier d’instruction. Cependant, selon l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, il est stipulé que : « III. — En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ». De plus, l’article R. 441-14 du même code précise que : « Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13 ». En l’espèce, la CPAM a bien respecté ces dispositions en envoyant un questionnaire et en mettant à disposition les pièces du dossier. Ainsi, le tribunal conclut que le principe du contradictoire a été respecté, et rejette le moyen soulevé par la société [4]. Sur la matérialité de l’accidentLa société [4] conteste la matérialité de l’accident en arguant qu’aucun témoin n’a vu l’accident se produire. Cependant, l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale stipule que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». La jurisprudence précise que pour qu’un événement soit qualifié d’accident du travail, il doit y avoir un fait accidentel survenu sur le temps et le lieu de travail, entraînant une lésion corporelle. Dans ce cas, la déclaration d’accident mentionne que Monsieur [K] [U] a raté une marche en descendant un escalier, ce qui a entraîné des douleurs aux cuisses. Le témoignage de Monsieur [J] [F], bien qu’il n’ait pas vu l’accident, confirme que l’accident a eu lieu sur le lieu de travail et que la victime était dans l’incapacité de se relever. Ainsi, le tribunal conclut que la matérialité de l’accident est établie et que la présomption d’imputabilité s’applique. Sur la contestation de la durée des arrêts de travail et de soinsLa société [4] conteste la durée des arrêts de travail et des soins, arguant que la présomption d’imputabilité ne couvre pas les lésions survenues postérieurement à l’accident. Cependant, la jurisprudence indique que la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité de travail, tant que l’arrêt de travail est prescrit. L’article 455 du Code de procédure civile précise que : « Le juge doit, dans ses décisions, répondre aux moyens des parties, même si ces moyens ne sont pas expressément énoncés dans les conclusions ». En l’espèce, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l’accident et a pris en charge les soins jusqu’à la guérison de Monsieur [K] [U] le 26 septembre 2020. La société [4] n’a pas apporté de preuve d’une pathologie antérieure évoluant pour son propre compte. Ainsi, le tribunal déboute la société [4] de sa demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail. Sur la demande d’expertise médicale judiciaireLa société [4] sollicite une expertise médicale judiciaire, arguant qu’elle ignore les lésions imputées au sinistre. Cependant, selon l’article 146 alinéa 2 du Code de procédure civile : « En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve ». La demande d’expertise ne repose que sur des allégations sans éléments probants. La société [4] n’a pas démontré l’existence d’une cause distincte de l’accident. Par conséquent, le tribunal déboute la société [4] de sa demande d’expertise médicale judiciaire. Sur les dépensConformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante supporte les dépens de l’instance. En l’espèce, la société [4] a été déboutée de l’ensemble de ses demandes. Ainsi, elle sera condamnée à payer les dépens de l’instance. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
JUGEMENT N° 25/00448 du 30 Janvier 2025
Numéro de recours: N° RG 19/03272 – N° Portalis DBW3-W-B7D-WIBQ
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A. [4]
AEROPORT INTERNATIONAL [6]
[Localité 3]
représentée par Me Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laura MONTES, avocat au barreau de PARIS
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
représentée par Mme [W] [B] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 24 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : PFISTER Laurent
ZERGUA Malek
Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 30 Janvier 2025
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Le 06 septembre 2018, la société [4] a établi pour son salarié, Monsieur [K] [U], une déclaration d’accident du travail qui mentionne les circonstances suivantes : « En descendant un escalier du bât T 10 la personne aurait raté une marche : vive douleur, avec craquement, ressentie au niveau de la cuisse Gauche puis voulant se rattraper sur l’autre jambe aurait ressenti la même douleur à droite ».
Le certificat médical initial établi le 04 septembre 2018 par le Docteur [Z] [I] mentionne les lésions suivantes : « douleur cuisses, lésion des deux tendons quadricipitaux ».
Par courrier en date du 14 septembre 2018, la société [4] a émis des réserves sur le caractère professionnel de cet accident. Elle indiquait que le témoin mentionné dans la déclaration d’accident du travail n’avait pas vu de fait accidentel mais avait seulement constaté que le salarié se plaignait de douleurs dans les jambes.
A l’issue d’une phase d’instruction, par courrier en date du 03 décembre 2018, la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPAM ou la Caisse) a notifié à la société [4] sa décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident du 04 septembre 2018.
Monsieur [K] [U] a perçu des indemnités journalières au titre de cet accident du travail jusqu’au 05 février 2019 et a bénéficié de soins jusqu’à ce que son état de santé soit déclaré guéri à la date du 26 septembre 2020.
Par courrier en date du 31 janvier 2019, la société [4] a saisi la commission de recours amiable d’une contestation de la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône en date du 03 décembre 2018.
Par requête expédiée le 09 avril 2019, la société [4] a, par l’intermédiaire de son avocat, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône.
Par décision en date du 24 septembre 2019, la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône a rendu une décision explicite de rejet de la contestation de la société [4].
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 24 septembre 2024.
La société [4], représentée par son conseil, réitère oralement les termes de sa requête, et demande au tribunal :
– A titre principal, de lui déclarer inopposable la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident de son salarié du 04 septembre 2018 ;
– A titre subsidiaire, de lui déclarer inopposables les soins et arrêts de travail rattachés à l’accident de son salarié du 04 septembre 2018 ;
– A titre encore plus subsidiaire, d’ordonner une expertise médicale judiciaire selon mission décrite dans la requête introductive d’instance ;
A l’appui de sa demande à titre principal, elle soutient que la CPAM des Bouches-du-Rhône a violé le principe du contradictoire en ne répondant pas à sa demande de mise à disposition des pièces du dossier d’instruction de la demande de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident litigieux.
Elle soutient également que la matérialité de l’accident du travail n’est pas établie faute de témoin du fait accidentel et que les douleurs déclarées pouvaient résulter d’un état antérieur sans lien avec l’activité professionnelle.
A l’appui de sa demande à titre subsidiaire, elle soutient que la présomption d’imputabilité de l’accident au travail ne couvre pas les lésions apparues postérieurement à l’accident et qu’en l’espèce la CPAM des Bouches-du-Rhône ne lui a transmis aucune information sur la nature des lésions et leur prise en charge.
Enfin, elle justifie sa demande d’expertise médicale judiciaire par le fait qu’elle ignore les lésions imputées au sinistre et qu’elle considère que le salarié souffrait déjà des deux genoux et avait repoussé à plusieurs reprises une intervention chirurgicale.
La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, demande au tribunal :
– A titre principal, de rejeter toutes les demandes de la société [4], y compris la demande d’expertise, et de dire opposable à cette société l’ensemble des soins et arrêts de travail subséquents à l’accident du travail de Monsieur [K] [U] ;
– A titre subsidiaire, si une expertise devait être ordonnée, dire que la mission de l’expert ne pourra porter que sur l’imputabilité des arrêts de travail et soins de Monsieur [K] [U] à l’accident du 04 septembre 2018 ;
– En tout état de cause, condamner la société [4] aux dépens.
Elle soutient que le principe du contradictoire a été respecté durant toute la phase d’instruction de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 04 septembre 2018, et en particulier que contrairement à ce que soutient la société [4] le dossier d’instruction a été mis à sa disposition selon les modalités définies avec elle mais qu’elle ne l’a pas consulté.
Elle soutient également que l’accident s’étant déroulé sur le temps de travail et sur le lieu de travail, elle bénéficie de la présomption d’imputabilité de l’ensemble des soins et arrêts de travail à l’accident qui s’applique pour toute la durée d’incapacité de travail précédant la date de guérison et que la matérialité de l’accident est avérée par le témoignage d’un autre salarié.
Elle ajoute que l’employeur ne renverse pas cette présomption d’imputabilité car il se contente d’affirmer l’existence d’un état préexistant ou indépendant évoluant pour son propre compte sans en rapporter la preuve et qu’une expertise ne saurait être ordonné pour pallier la carence de l’employeur en la matière.
En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
L’affaire est mise en délibéré au 30 janvier 2025.
Sur le principe du contradictoire
Le dernier alinéa de l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :
« III. — En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».
L’article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l’accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n’est pas reconnu, ou à l’employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief ».
En l’espèce, la CPAM des Bouches-du-Rhône a bien adressé au salarié et à la société [4] un questionnaire, conformément aux dispositions de l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale.
Par courrier en date du 12 novembre 2018, envoyé en lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 14 novembre 2018, la CPAM des Bouches-du-Rhône a informé la société [4] que la décision sur le caractère professionnel de l’accident de Monsieur [K] [U] serait prise le 03 décembre 2018 et que préalablement à la prise de décision, elle avait la possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier.
En outre, suite à la demande de société [4] adressée par fax le 16 novembre 2018, conformément à la convention d’échanges de données dématérialisées conclu entre la Caisse et la société requise, les pièces du dossier ont été mis à la disposition de six salariés de la société [4], dont Monsieur [M] [D] qui occupe le poste de responsable santé sécurité environnement France, sur une plateforme d’échanges de données dématérialisées du 16 novembre 2016 à 11h32 au 27 novembre 2018 à minuit.
La CPAM des Bouches-du-Rhône a donc respecté les dispositions de l’article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale en mettant à la disposition de la société [4] les pièces du dossier d’instruction pendant un délai de 10 jours francs avant la prise de décision.
La CPAM des Bouches-du-Rhône rapporte également la preuve qu’elle a informé la société [4] de sa décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident survenu à Monsieur [K] [U] le 04 septembre 2024 par courrier en date du 03 décembre 2018, envoyé en lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue par la société [4] le 05 décembre 2023.
Il résulte de ces constatations que la CPAM des Bouches-du-Rhône a respecté le principe du contradictoire tout au long de la phase d’instruction de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du travail de Monsieur [K] [U] du 04 septembre 2018.
Il convient donc de rejeter le moyen soulevé à ce titre par la société [4].
Sur la matérialité de l’accident
L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
En application de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, la jurisprudence considère que constitue un accident du travail un événement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.
Dans les rapports caisse de sécurité sociale / employeur, la présomption d’imputabilité de l’accident au travail profite à la caisse de sécurité sociale à la condition toutefois que soit établi la survenance d’un fait accidentel soudain sur le temps et au lieu du travail et qu’il soit apparu une lésion en relation avec ce fait accidentel.
Afin de renverser la présomption d’imputabilité, l’employeur doit rapporter la preuve que la cause de l’accident est totalement étrangère au travail ou de l’existence d’une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte ou du fait que le salarié s’était soustrait à son autorité au moment où est survenu l’accident.
En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail établie par la société [4] les informations suivantes :
• Date de l’accident : le 04 septembre 2018 à 16 h 45 sur le lieu de travail habituel ;
• Horaire de travail de la victime : de 08h21 à 16h45 ;
• Nature de l’accident : En descendant un escalier du bât T 10 la personne aurait raté une marche : vive douleur, avec craquement, ressentie au niveau de la cuisse Gauche puis voulant se rattraper sur l’autre jambe aurait ressenti la même douleur à droite ;
• Siège et nature des lésions : douleur à la cuisse des deux cotés ;
• Accident connu par l’employeur le 04 septembre 2018 à 17h00 ;
• Un témoin : Monsieur [J] [F].
Les lésions mentionnées dans le certificat médical initial constatées le jour de l’accident par le Docteur [Z] [I], soit « douleur cuisses, lésion des deux tendons quadricipitaux », sont concordantes avec celles mentionnées dans la déclaration d’accident du travail.
La CPAM des Bouches-du-Rhône a tenu compte du courrier de réserves de la société [4] en date du 14 septembre 2018 en procédant à l’envoi de questionnaires au salarié, à l’employeur et à Monsieur [J] [F], cité comme témoin dans la déclaration d’accident du travail.
Si Monsieur [J] [F] a répondu dans le questionnaire que lui a adressé la CPAM des Bouches-du-Rhône qu’il n’avait pas vu personnellement l’accident se produire, il confirme toutefois que l’accident s’est produit sur le lieu de travail, que l’accident a eu lieu alors que la victime descendait un escalier et avoir constaté personnellement que la victime était dans l’impossibilité de se relever et faisait état de douleurs dans les deux jambes.
Ce témoignage établi donc le lien entre les lésions mentionnées dans la déclaration d’accident du travail et dans le certificat médical initial et le travail de la victime.
Eu égard à ces éléments, il convient de faire application de la présomption d’imputabilité au travail des lésions médicalement constatées et de l’ensemble des arrêts de travail et soins apparues à la suite de l’accident du 04 septembre 2018.
Afin de combattre cette présomption d’imputabilité, la société [4] soutient que personne n’a vu l’accident se produire et que les douleurs déclarées par le salarié pouvaient résulter d’un état antérieur s’étant manifesté pour son propre compte car le salarié aurait mentionné souffrir des deux genoux avant l’accident et avoir retardé à plusieurs reprises une intervention chirurgicale.
Cependant, la CPAM des Bouches-du-Rhône disposait d’un faisceau d’éléments suffisamment précis et concordants pour reconnaitre le caractère professionnel de l’accident alors que l’allégation de la société [4] d’une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte n’est étayée par aucun élément de preuve.
Il convient donc de débouter la société [4] de sa demande d’inopposabilité de la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident dont a été victime le 04 septembre 2018 Monsieur [K] [U].
Sur la contestation de la durée des arrêts de travail et de soins
La société [4] conteste la durée des arrêts de travail et de soins. Elle soutient que la présomption d’imputabilité ne couvre pas les lésions survenues postérieurement à l’accident du travail et que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne rapporte pas la preuve d’une continuité de symptômes et de soins.
Toutefois, il est de jurisprudence constante que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime et qu’il appartient à l’employeur qui entend contester cette présomption d’apporter la preuve contraire.
La Cour de cassation a jugé que l’absence de continuité des symptômes et des soins est impropre à écarter la présomption d’imputabilité (Cass. 2e civ., 12 mai 2022, n° 20-20.655).
En l’espèce, la présomption d’imputabilité s’applique donc jusqu’à la date de guérison le 26 septembre 2020.
En outre, la durée des arrêts de travail et de soins n’est pas de nature à laisser présumer un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, peu importe que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne verse pas les arrêts de travail de prolongation ni ne justifie de la nature des soins dont a bénéficié Monsieur [K] [U] jusqu’à la date de guérison.
En l’absence d’élément démontrant l’existence d’une pathologie antérieure à l’accident évoluant pour son propre compte, il convient de débouter la société [4] de sa demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail en lien avec l’accident du travail du 04 septembre 2018.
Sur la demande d’expertise médicale judiciaire
A titre très subsidiaire, la société [4] sollicite la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire.
Si la présomption d’imputabilité ne fait pas obstacle à ce qu’une mesure d’expertise soit ordonnée, il appartient à l’employeur qui sollicite une telle mesure d’apporter au soutien de sa demande des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause distincte de l’accident professionnel et qui serait à l’origine exclusive de cet accident et des soins et arrêts de travail qui en découlent.
En effet, conformément aux dispositions de l’article 146 alinéa 2 du Code de procédure civile, en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
Or, en l’espèce, la demande d’expertise de la société [4] ne repose que sur le constat que Monsieur [K] [U] a bénéficié de 155 jours d’arrêts de travail et sur l’allégation selon laquelle il existait une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte, sans toutefois produire le moindre élément de nature à accréditer cette allégation.
En conséquence, il convient de débouter la société [4] de sa demande d’expertise médicale judiciaire.
Sur les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société [4], partie perdante, supportera les dépens de l’instance.
Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire rendu en premier ressort mis à disposition au greffe,
DÉBOUTE la société [4] de l’ensemble de ses demandes ;
DÉCLARE opposable à la société [4] la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône du 3 décembre 2018 au titre de la législation professionnelle de l’accident du travail et dès lors de l’ensemble des soins et arrêts de travail consécutifs, dont Monsieur [K] [U] a été victime le 04 septembre 2018 ;
CONDAMNE la société [4] aux entiers dépens de l’instance ;
DIT que tout appel de la présente décision, doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.
Notifié le :
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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