L’essentiel : La CJUE a statué que les États membres ne peuvent pas garantir aux individus le droit d’effacer leurs données personnelles inscrites dans le registre des sociétés après la dissolution de celles-ci. Ce traitement de données répond à un objectif légitime de publicité légale, essentiel pour informer les tiers sur les sociétés. La Directive 68/151 du 9 mars 1968 vise à protéger les intérêts des tiers en assurant la transparence des actes essentiels des sociétés. Même après dissolution, des données peuvent être nécessaires pour des litiges, justifiant ainsi leur conservation et leur publicité. |
La CJUE a considéré que les États membres ne peuvent pas garantir aux personnes physiques dont les données sont inscrites dans le registre des sociétés le droit d’obtenir, après un certain délai à compter de la dissolution de la société, l’effacement des données à caractère personnel les concernant. En effet, le traitement de ces données personnelles répond à un objectif légitime de publicité légale vis-à-vis des tiers. Objectifs de la Directive 68/151 du 9 mars 1968La Directive 68/151 du 9 mars 1968 qui met en place, en son article 3, les registres légaux de commerce (RCS) vise à protéger les intérêts des tiers par rapport aux sociétés par actions et aux sociétés à responsabilité limitée, dès lors qu’elles n’offrent comme garantie à l’égard des tiers que leur patrimoine social. À cette fin, la publicité légale doit permettre aux tiers de connaître les actes essentiels de la société concernée et certaines indications la concernant, notamment l’identité des personnes qui ont le pouvoir de l’engager. Le but de la Directive est d’assurer la sécurité juridique dans les rapports entre les sociétés et les tiers dans la perspective d’une intensification des courants d’affaires entre les États membres à la suite de la création du marché intérieur. Dans cette perspective, il importe que toute personne désireuse d’établir et de poursuivre des rapports d’affaires avec des sociétés situées dans d’autres États membres puisse aisément prendre connaissance des données essentielles relatives à la constitution des sociétés commerciales et aux pouvoirs des personnes chargées de les représenter, ce qui nécessite que toutes les données pertinentes figurent de manière explicite dans les registres légaux (CJUE, 12 novembre 1974, Haaga, 32/74). Données personnelles et post dissolution des sociétésMême après la dissolution d’une société, des droits et des relations juridiques relatifs à celle-ci peuvent subsister. Ainsi, en cas de litige, de nombreuses données consultables au RCS peuvent s’avérer nécessaires afin, notamment, de vérifier la légalité d’un acte effectué au nom de cette société au cours de la période de son activité ou pour que des tiers puissent engager une action contre les membres des organes ou contre les liquidateurs de celle-ci. En outre, en fonction notamment des délais de prescription applicables dans les différents États membres, des questions nécessitant de disposer de ces données peuvent surgir encore de nombreuses années après qu’une société a cessé d’exister. Il apparaît donc justifié que les personnes physiques choisissant de participer aux échanges économiques par l’intermédiaire d’une telle société soient obligées de rendre publiques les données tenant à leur identité et à leurs fonctions au sein de celle-ci, d’autant plus qu’elles sont conscientes de cette obligation au moment où elles décident de s’engager dans une telle activité. Cette ingérence dans les droits fondamentaux des personnes concernées (notamment le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel, garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union) n’est pas disproportionnée dans la mesure où i) seul un nombre limité de données à caractère personnel est inscrit dans le registre des sociétés et ii) il est justifié que les personnes physiques qui choisissent de participer aux échanges économiques par l’intermédiaire d’une société par actions ou d’une société à responsabilité limitée et qui n’offrent comme garantie à l’égard des tiers que le patrimoine de cette société soient obligées de rendre publiques les données tenant à leur identité et à leurs fonctions au sein de celle-ci. Attention : cette solution ne préjuge en rien du droit d’opposition contre les entités cessionnaires des données des registres légaux (exemple : annuaires de sociétés). |
Q/R juridiques soulevées : Quels sont les objectifs de la Directive 68/151 du 9 mars 1968 ?La Directive 68/151 du 9 mars 1968 a pour principal objectif de protéger les intérêts des tiers en ce qui concerne les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée. Cette protection est essentielle car ces sociétés n’offrent comme garantie à l’égard des tiers que leur patrimoine social. Pour ce faire, la directive impose une publicité légale qui permet aux tiers de connaître les actes essentiels de la société, ainsi que certaines informations clés, notamment l’identité des personnes habilitées à engager la société. En garantissant l’accès à ces informations, la directive vise à instaurer une sécurité juridique dans les relations entre les sociétés et les tiers. Cela est particulièrement pertinent dans le contexte de l’intensification des échanges commerciaux entre les États membres de l’Union européenne, suite à la création du marché intérieur. Ainsi, toute personne souhaitant établir des relations d’affaires avec des sociétés d’autres États membres doit pouvoir accéder facilement aux données essentielles concernant la constitution des sociétés commerciales et les pouvoirs des représentants de celles-ci.Comment les données personnelles sont-elles traitées après la dissolution d’une société ?Après la dissolution d’une société, il est important de noter que des droits et des relations juridiques peuvent encore subsister. Cela signifie que, même si la société n’existe plus, certaines données consultables au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) peuvent être nécessaires pour résoudre des litiges. Ces données peuvent être cruciales pour vérifier la légalité d’un acte effectué au nom de la société durant sa période d’activité. De plus, elles peuvent permettre à des tiers d’engager des actions contre les membres des organes de la société ou contre les liquidateurs. Les délais de prescription, qui varient selon les États membres, peuvent également prolonger la nécessité de disposer de ces données. Ainsi, des questions juridiques peuvent surgir de nombreuses années après la cessation d’activité d’une société. Il est donc justifié que les personnes physiques qui choisissent de participer à des échanges économiques via une société soient tenues de rendre publiques certaines données les concernant, notamment leur identité et leurs fonctions au sein de la société.Quelles sont les implications sur les droits fondamentaux des personnes concernées ?L’ingérence dans les droits fondamentaux des personnes, tels que le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données personnelles, est un sujet délicat. Ces droits sont garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cependant, cette ingérence est considérée comme non disproportionnée pour plusieurs raisons. Premièrement, seul un nombre limité de données personnelles est inscrit dans le registre des sociétés. Deuxièmement, il est justifié que les personnes qui choisissent de s’engager dans des activités économiques via une société par actions ou à responsabilité limitée rendent publiques certaines informations. Ces personnes sont conscientes de cette obligation au moment où elles décident de s’engager dans une telle activité. Ainsi, la transparence est jugée nécessaire pour protéger les intérêts des tiers, qui n’ont accès qu’au patrimoine de la société. Il est également important de noter que cette solution ne préjuge pas du droit d’opposition que peuvent avoir les personnes concernées contre les entités qui reçoivent ces données, comme les annuaires de sociétés. |
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