Rachat de cotisations : conditions d’éligibilité et discrimination nationale.

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Rachat de cotisations : conditions d’éligibilité et discrimination nationale.

L’Essentiel : M. [O] [Z] a contesté le rejet de sa demande de rachat de cotisations par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, concernant une période de travail en Algérie. Le tribunal a rejeté sa demande le 25 juillet 2017, constatant l’absence de M. [O] [Z] à l’audience. Après son décès, sa veuve, Mme [T] [Z], a poursuivi l’affaire, arguant que l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale ne limitait pas le rachat aux seuls travailleurs français. La Caisse a soutenu que M. [O] [Z], de nationalité algérienne, ne pouvait bénéficier de ce droit, et la cour a finalement confirmé le jugement initial.

Contexte de l’affaire

M. [O] [Z] a introduit un recours contre la décision de la commission de recours amiable de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui avait rejeté sa demande de rachat de cotisations pour une période de travail en Algérie entre 1954 et 1962. Ce recours a été porté devant une juridiction spécialisée dans le contentieux de la sécurité sociale.

Jugement du tribunal

Le tribunal a rendu son jugement le 25 juillet 2017, constatant le respect des formalités de notification et l’absence de M. [O] [Z] à l’audience. En conséquence, il a rejeté la demande de rachat de cotisations, ainsi que toutes autres demandes connexes.

Appel et succession

Le jugement a été notifié à M. [O] [Z] en septembre 2017, qui a interjeté appel en novembre 2017. Cependant, M. [O] [Z] est décédé pendant la procédure, et sa veuve, Mme [T] [Z], a repris l’affaire en tant que représentante des héritiers.

Arguments de Mme [T] [Z]

Mme [T] [Z] a demandé à la cour d’infirmer le jugement du tribunal et de faire droit à la demande de rachat de cotisations, arguant que l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale ne limite pas ce droit aux seuls travailleurs français. Elle a affirmé que M. [O] [Z] avait un numéro de sécurité sociale français, prouvant ainsi qu’il avait validé ses périodes de travail en France.

Position de la Caisse nationale d’assurance vieillesse

La Caisse nationale d’assurance vieillesse a demandé la confirmation du jugement initial, soutenant que le rachat de cotisations ne s’applique qu’aux salariés de nationalité française, réfugiés ou apatrides. Elle a également souligné que M. [O] [Z] étant de nationalité algérienne, il ne pouvait pas bénéficier de ce dispositif et n’a pas prouvé son activité salariée en France.

Analyse juridique

L’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale stipule que seuls certains travailleurs peuvent acquérir des droits à l’assurance vieillesse pour des périodes de travail à l’étranger. La cour a noté que la disposition pourrait constituer une discrimination, mais a également précisé que M. [O] [Z] devait prouver qu’il avait travaillé en dehors de l’Algérie et qu’il n’avait pas de droits à pension dans son pays.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale, concluant que Mme [T] [Z] n’avait pas démontré que M. [O] [Z] avait travaillé en dehors de l’Algérie. Elle a également condamné Mme [T] [Z] aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale concernant le rachat de cotisations ?

L’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, stipule que :

« Les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 742-1 qui adhèrent à l’assurance volontaire peuvent, pour les périodes durant lesquelles ils ont exercé, depuis le 1er juillet 1930, une activité salariée hors du territoire français, acquérir des droits à l’assurance vieillesse moyennant le versement des cotisations afférentes à ces périodes.

La même faculté est offerte, dans les mêmes conditions, aux personnes de nationalité française qui ont exercé leur activité hors du territoire français et au conjoint survivant des salariés qui auraient pu bénéficier du présent article. »

Cet article établit donc un cadre pour le rachat de cotisations, mais il est limité aux travailleurs de nationalité française, aux réfugiés, et aux apatrides, ce qui exclut M. [O] [Z] de son bénéfice en raison de sa nationalité algérienne.

Il est important de noter que le rachat de cotisations est conditionné à l’exercice d’une activité salariée hors du territoire français et à l’absence de droits à pension au titre de cette période d’activité.

Ainsi, pour que Mme [T] [Z] puisse revendiquer le rachat des cotisations, elle doit prouver que M. [O] [Z] a effectivement travaillé en dehors de l’Algérie et qu’il ne bénéficie d’aucun droit à pension pour cette période.

Quelles sont les implications de la nationalité sur le droit au rachat de cotisations ?

L’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale précise que le droit au rachat de cotisations est réservé aux travailleurs de nationalité française, aux réfugiés, et aux apatrides.

Cela signifie que M. [O] [Z], de nationalité algérienne, ne peut pas bénéficier de ce dispositif.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse a donc correctement soutenu que M. [O] [Z] ne remplit pas les conditions requises pour le rachat de cotisations, en raison de sa nationalité.

De plus, l’article L. 742-1 alinéa 3 du même code renforce cette restriction en précisant que les droits au risque vieillesse ne s’appliquent qu’aux personnes de nationalité française salariées ou assimilées travaillant hors du territoire français.

Il est également pertinent de mentionner que la jurisprudence a établi que la faculté de rachat des cotisations constitue un bien au sens de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ainsi, la restriction d’accès au rachat de cotisations pour les non-nationaux pourrait être considérée comme une discrimination, mais dans ce cas précis, la nationalité de M. [O] [Z] l’exclut clairement du bénéfice de cette disposition.

Quels éléments de preuve sont nécessaires pour justifier une demande de rachat de cotisations ?

Pour qu’une demande de rachat de cotisations soit recevable, il est impératif que le demandeur prouve qu’il a exercé une activité salariée en dehors du territoire français et qu’il ne bénéficie d’aucun droit à pension au titre de cette période d’activité.

Dans le cas de M. [O] [Z], il a affirmé avoir travaillé en Algérie de 1954 à 1962, mais il n’a pas produit de bulletins de salaire ou d’autres documents probants pour justifier de cette activité.

Le jugement a souligné que les attestations fournies ne permettaient pas de prouver l’existence d’une activité salariée en France durant la période concernée.

De plus, le fait de disposer d’un numéro de sécurité sociale français ne constitue pas une preuve suffisante d’une activité salariée en dehors de l’Algérie.

Il est donc essentiel pour Mme [T] [Z] de démontrer que M. [O] [Z] a effectivement travaillé à l’étranger et qu’il n’a pas de droits à pension en Algérie pour cette période, afin de satisfaire aux exigences posées par l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale.

Sans ces éléments de preuve, la demande de rachat de cotisations ne pourra pas être validée.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 10 Janvier 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/02220 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5BLJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juillet 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/05229

APPELANTS

Monsieur M. [O] [Z] décédé

[Adresse 7]

[Localité 3] ALGERIE

Madame [Z] épouse [U]

[Adresse 2]

[Localité 5]

comparante en personne, assistée de Me Myriam MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E2134 substituée par Me Christophe MARTIN LAVIOLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B204

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/012692 du 16/06/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par M. [R] [Y] en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Sophie COUPET, Conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Sophie COUPET, Conseillère

Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, prévu le vendredi 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [O] [Z] d’un jugement rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l’opposant à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (la CNAV)

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que M. [O] [Z] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ayant rejeté sa demande de rachat de cotisations pour une période d’activité de salariat qu’il aurait effectué de 1954 à 1962 en Algérie.

Par jugement en date du 25 juillet 2017, le tribunal a :

constaté le respect du formalisme prévu par les articles 683 et suivants du code de procédure civile pour les notifications des actes l’étranger ;

constaté l’absence à l’audience du demandeur, M. [O] [Z] ;

rejeté la demande non soutenue oralement par M. [O] [Z] ;

rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 20 septembre 2017 en Algérie à M. [O] [Z] qui en a interjeté appel par courrier reçu le 8 novembre 2017 et par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée le 16 janvier 2018.

M. [O] [Z] étant décédé en cours d’instance, Mme [T] [Z] l’a reprise.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, Mme [T] [Z] demande à la cour de :

infirmer le jugement du 25 juillet 2017 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris

en conséquence :

faire droit à la demande de Mme [T] [Z], représentant les héritiers de M. [O] [Z], en ce qu’elle sollicite le bénéfice d’un rachat de cotisations pour une période d’activité de salariat effectué par ce dernier de 1954 à 1962.

Mme [T] [Z] expose que l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale de limite pas au travailleur français, apatrides, réfugiés ressortissants de l’union européenne le droit de demander le rachat de cotisations pour les périodes de travail ayant donné lieu à cotisations à une caisse de sécurité sociale française ; qu’il bénéficiait d’un numéro de sécurité sociale français, de telle sorte qu’il est démontré qu’il avait validé les périodes de salariat au titre de la sécurité sociale française.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, la Caisse nationale d’assurance vieillesse demande à la cour de :

confirmer dans son ensemble le jugement rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;

débouter M. [O] [Z] de ses demandes, fins et conclusions.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse expose que le dispositif de rachat prévu à l’article L. 742 -2 du code de la sécurité sociale ne s’applique qu’aux salariés de nationalité française, aux réfugiés et apatrides et aux ressortissants de la communauté européenne, ce, sous certaines conditions ; que M. [O] [Z] et de nationalité algérienne de sorte qu’il ne peut profiter de ce dispositif ; qu’en tout état de cause, il ne rapporte pas la preuve de l’activité dont il fait part, les attestations déposées ne permettant pas de justifier de l’existence d’une activité salariée en France sur la période considérée et alors même qu’il aurait travaillé en Algérie sur la même période ; qu’en tout état de cause, il a cotisé en Algérie à la caisse d’assurance vieillesse créée par le décret du 29 avril 1953 homologuant la décision adoptée par l’assemblée algérienne créant l’origine assurance vieillesse algérien.

SUR CE

L’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, applicable au litige, dispose que :

« Les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 742-1 qui adhèrent à l’assurance volontaire peuvent, pour les périodes durant lesquelles ils ont exercé, depuis le 1er juillet 1930, une activité salariée hors du territoire français, acquérir des droits à l’assurance vieillesse moyennant le versement des cotisations afférentes à ces périodes.

La même faculté est offerte, dans les mêmes conditions, aux personnes de nationalité française qui ont exercé leur activité hors du territoire français et au conjoint survivant des salariés qui auraient pu bénéficier du présent article. »

L’article L. 742-1 alinéa 3 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, applicable au litige, dispose que :

« Il en est de même pour le risque vieillesse en ce qui concerne :

1°) les personnes de nationalité française salariées ou assimilées travaillant hors du territoire français;

2°) Le parent ou le parent chargé de famille résidant en France ainsi que le parent ou le parent chargé de famille de nationalité française, résidant hors du territoire français qui ne relève pas, à titre personnel, d’un régime obligatoire d’assurance vieillesse et qui satisfait à des conditions fixées par décret, notamment en ce qui concerne la situation de famille. »

Il résulte de la combinaison des articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n°1 à cette Convention du 20 mars 1952, tels qu’interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme, que les Etats signataires reconnaissent et assurent à toute personne relevant de leur juridiction la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention, sans distinction aucune, fondée notamment sur l’origine nationale.

La faculté de rachat des cotisations d’assurance vieillesse afférentes à certaines périodes d’activité ouverte par l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale constitue un bien au sens de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En réservant aux seuls nationaux le bénéfice du rachat des cotisations afférentes à des périodes d’exercice d’une activité salariée ou assimilée en dehors du territoire français, l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale est constitutif d’une discrimination qui ne repose sur aucune justification objective et raisonnable.

L’attribution du droit revendiqué suppose néanmoins l’exercice d’une activité salariée sur un autre territoire que celui où demeure l’intéressé à la date de sa demande et est subordonné à l’absence de droit à pension au titre de cette période d’activité (2e Civ., 18 juin 2015, pourvoi n° 14-18.031).

Mme [T] [Z], venant aux droits de [O] [Z] doit donc démontrer que ce dernier a travaillé en dehors du territoire Algérien et ne bénéficie d’aucun droit à une retraite au titre de sa période d’activité au titre de la législation de son pays.

Or, au jour de sa demande, M. [O] [Z] indique avoir travaillé auprès de l’entreprise [6] à [Localité 8] en Algérie de 1954 à 1962, sans produire de bulletins de salaire. Il ne démontre donc pas avoir travaillé sur un autre territoire que celui où il demeure la date de sa demande.

Au surplus, par décret du 29 avril 1953, le gouvernement a homologué la décision adoptée par l’assemblée algérienne fixant les modalités d’un régime d’assurance vieillesse en Algérie, créé depuis le 1er avril 1953 et ayant donné lieu à un remboursement du fond algérien des assurances sociales pour couvrir la période du 1er avril 1953 au 30 mars 1954.

Le fait de disposer d’un numéro de sécurité sociale français ne justifie aucunement d’une activité salariée en dehors du territoire algérien ayant donné lieu à cotisations au régime général français.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

Mme [T] [Z], qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de M. [O] [Z], aux droits duquel se trouve Mme [T] [Z] ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 25 juillet 2017 ;

CONDAMNE Mme [T] [Z] aux dépens d’appel.

La greffière Le président


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