L’Essentiel : En date du 6 juin 2017, M. [L] [B] a reconnu l’enfant [E] [B], né le [Date naissance 4] à [Localité 8]. Cependant, le procureur de la République a engagé une procédure judiciaire pour annuler cette reconnaissance, évoquant des fraudes potentielles. Un administrateur ad hoc a été désigné le 23 avril 2024 pour représenter l’enfant, plaidant en faveur de la recevabilité de l’action et d’une expertise biologique. Malgré l’absence de représentation légale des parents, le tribunal a finalement annulé la reconnaissance de paternité, stipulant que l’enfant porterait le nom de sa mère et ordonnant la transcription de ce jugement.
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Naissance et reconnaissance de l’enfant[K], [E] [B] est née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8] de Mme [J] [E] et de M. [L] [B], qui a reconnu l’enfant le 6 juin 2017 devant l’officier de l’état-civil de [Localité 7]. Procédure judiciaire engagéeLe procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a assigné Mme [J] [E] et M. [L] [B] pour annuler la reconnaissance de paternité, invoquant des éléments de fraude. Cette action a été motivée par des contradictions dans les auditions des parents, l’absence de vie commune, et le fait que M. [L] [B] aurait reconnu plusieurs enfants pour leur conférer la nationalité française. Désignation d’un administrateur ad hocLe 23 avril 2024, un administrateur ad hoc a été désigné pour représenter l’enfant. Dans ses conclusions, il a demandé que l’action en contestation de filiation soit déclarée recevable et a proposé une expertise biologique, tout en soutenant que la reconnaissance de paternité ne visait pas uniquement à frauder la loi. Arguments de l’administrateur ad hocL’administrateur a fait valoir que les parents avaient déclaré avoir eu des relations intimes, que l’enquête reposait sur leurs auditions sans vérifications supplémentaires, et que des preuves photographiques de M. [L] [B] avec l’enfant n’avaient pas été prises en compte. Il a également souligné l’importance de l’intérêt supérieur de l’enfant. Absence de représentation légaleM. [L] [B] et Mme [J] [E] n’ont pas constitué d’avocat malgré les convocations régulières. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 24 septembre 2024, avec une ordonnance de clôture rendue le 10 septembre 2024. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré recevable l’action du ministère public et a annulé la reconnaissance de paternité de M. [L] [B]. Il a ordonné la transcription de ce jugement sur l’acte de naissance de l’enfant, stipulant que l’enfant porterait le nom de sa mère et que toute mention de l’annulation devait figurer sur les actes délivrés. Conséquences financières et notificationM. [L] [B] a été condamné aux dépens, y compris les frais d’expertise. La décision a été notifiée par voie de signification extrajudiciaire et est susceptible d’appel dans le mois suivant la signification. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité de l’action en annulation de la reconnaissance de paternité ?L’action en annulation de la reconnaissance de paternité est régie par l’article 336 du Code civil, qui stipule que « la reconnaissance de paternité peut être contestée par le ministère public lorsque celle-ci a été faite dans des conditions de fraude ». Dans le cas présent, le tribunal a déclaré recevable l’action du ministère public, considérant que les éléments avancés par celui-ci, notamment les contradictions dans les auditions des intéressés et l’absence de preuve d’une contribution du père à la vie de l’enfant, justifiaient une telle action. Il est important de noter que l’article 311-14 du Code civil précise que « la filiation peut être contestée par toute personne qui a un intérêt à agir ». Cela signifie que le procureur de la République, en tant que représentant de l’intérêt général, a le droit d’agir pour protéger les droits de l’enfant. Ainsi, la recevabilité de l’action est fondée sur la possibilité pour le ministère public de contester une reconnaissance de paternité lorsqu’il existe des indices de fraude, ce qui a été établi dans cette affaire. Quelles sont les conséquences de l’annulation de la reconnaissance de paternité ?L’annulation de la reconnaissance de paternité a des conséquences significatives sur la filiation de l’enfant. Selon l’article 334 du Code civil, « l’annulation de la reconnaissance de paternité entraîne la disparition des effets de celle-ci ». Cela signifie que l’enfant ne sera plus considéré comme ayant pour père M. [L] [B], ce qui affecte ses droits en matière d’héritage, de nom et de nationalité. En effet, l’article 311-1 du Code civil stipule que « l’enfant a droit à un nom », et dans ce cas, il a été décidé que l’enfant portera le nom de sa mère. De plus, l’article 334-1 du Code civil précise que « lorsque la reconnaissance est annulée, l’acte de naissance de l’enfant doit être rectifié ». Le tribunal a ordonné la transcription de son jugement sur l’acte de naissance de l’enfant, ce qui est une procédure nécessaire pour mettre à jour les informations légales concernant la filiation. Enfin, l’article 455 du Code de procédure civile rappelle que « les décisions de justice doivent être motivées », ce qui a été respecté dans le jugement rendu, en exposant clairement les raisons de l’annulation. Quelles sont les implications de l’intérêt supérieur de l’enfant dans cette affaire ?L’intérêt supérieur de l’enfant est un principe fondamental en droit de la famille, inscrit dans l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Dans cette affaire, l’administrateur ad hoc a souligné que l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait justifier la réalisation d’une expertise biologique pour établir la filiation. Cependant, le tribunal a estimé que cette mesure était vouée à l’échec, car la mère n’avait pas pu être localisée. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale, est également pertinent ici. L’accès de l’enfant à la réalité de ses origines est un aspect crucial de son développement personnel et affectif. Ainsi, bien que l’intérêt supérieur de l’enfant ait été invoqué pour justifier une expertise, le tribunal a dû équilibrer cet intérêt avec les éléments de preuve présentés et a décidé que l’annulation de la reconnaissance de paternité était justifiée, tout en préservant les droits de l’enfant à l’avenir. |
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
Pôle Famille 2ème section
JUGEMENT RENDU LE
26 Novembre 2024
N° RG 24/00808
N° Portalis DB3R-W-B7I-ZEX5
N° Minute : 24/
AFFAIRE
M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/
[L] [B],
[J] [E]
Copies délivrées le :
DEMANDEUR
M. Le Procureur de la République
Tribunal Judiciaire de Nanterre
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Madame Marie-Emilie DELFOSSE, substitut du Procureur de la République
DEFENDEURS
Monsieur [L] [B]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Défaillant
Madame [J] [E]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante
AUTRE PARTIE
[K], [E] [B], née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8]
Ayant pour représentant légal Mme [Z] [Y], administrateur ad hoc et pour avocat Me Laurence JARRET, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, vestiaire PN752
L’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024 en chambre du conseil devant le tribunal composé de :
Monia TALEB, Vice-Présidente,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire,
magistrats chargés du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :
Monia TALEB, Vice-Présidente,
Cécile BAUDOT, Première Vice-Présidente adjointe,
Martine SERVAL, Magistrat à titre temporaire
qui en ont délibéré.
Albane SURVILLE, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
[K], [E] [B] est née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8] de Mme [J] [E] et de M. [L] [B], qui l’a reconnue le 6 juin 2017 devant l’officier de l’état-civil de [Localité 7].
Par actes de commissaire de justice en date des 24 janvier et 15 février 2024, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre a respectivement fait assigner Mme [J] [E], en personne et en qualité de représentante légale de l’enfant, et M. [L] [B] devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d’annuler la reconnaissance de l’enfant effectuée par celui-ci au visa des articles 311-14 et 336 du code civil.
Il fait valoir que la situation lui a été signalée par la préfecture de la Seine-Maritime le 30 septembre 2019, après qu’une demande de titre de séjour en qualité de parent d’enfant français a été déposée par Mme [J] [E], de nationalité nigériane. Il soutient que la fraude est établie par le fait que les auditions des intéressés sont contradictoires, que Mme [J] [E] et M. [L] [B] n’ont jamais vécu ensemble, qu’il n’existe aucune preuve d’une contribution matérielle ou affective du père à la vie de l’enfant et que M. [L] [B] a reconnu de multiples enfants dans le but de leur conférer la nationalité française.
Par ordonnance du 23 avril 2024, le juge de la mise en état a désigné un administrateur ad hoc pour représenter l’enfant.
Dans ses conclusions signifiées par la voie électronique le 9 septembre 2024, l’administrateur ad hoc de l’enfant demande au tribunal de bien vouloir :
dire l’action en contestation de filiation recevable, débouter le procureur de la République de ses demandes,subsidiairement, ordonner une expertise biologique aux frais avancés par le Trésor public, statuer ce que de droit sur les dépens.
Il estime que l’action du ministère public, formée sur le fondement de l’article 336 du code civil, est recevable et qu’il y a lieu d’appliquer la loi française.
Il fait valoir que les parents déclarent avoir eu des relations intimes ayant conduit à la naissance de l’enfant, que l’enquête se résume à leur seule audition, aucune vérification n’ayant été effectuée, notamment en ce qui concerne le paiement des frais de cantine de l’enfant par M. [L] [B]. Il ajoute que des photographies du père avec l’enfant ont été produites par Mme [J] [E] au cours de l’enquête mais n’ont pas été produites au dossier par le ministère public. Il considère que la reconnaissance par anticipation et l’absence de communauté de vie sont des phénomènes courants, qui ne suffisent pas à établir l’existence d’une fraude. Il estime qu’au vu des éléments avancés par les parties, il existe une filiation sociale de l’enfant à l’égard de M. [B], et qu’il n’est donc pas démontré que la reconnaissance ait eu pour objectif exclusif la fraude. Il soutient enfin que l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait justifier le prononcé d’une expertise, mais que cette mesure est en l’espèce vouée à l’échec dans la mesure où Mme [J] [E] n’a pu être localisée. Il précise que l’accès de l’enfant à la réalité de ses origines reste préservé à sa majorité.
Régulièrement cité par dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier, M. [L] [B] n’a pas constitué avocat.
Régulièrement citée à son dernier domicile connu selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, Mme [J] [E] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 24 septembre 2024.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
Le Tribunal, statuant publiquement, en matière civile, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, après débats en chambre du conseil,
DÉCLARE recevable l’action du ministère public en annulation de la reconnaissance de paternité souscrite par M. [L] [B] à l’égard de l’enfant [K], [E] [B] née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8] ;
ANNULE la reconnaissance de paternité effectuée par M. [L] [B] le 6 juin 2017 devant l’officier de l’état-civil de [Localité 7] (Hauts-de-Seine), à l’égard de l’enfant [K], [E] [B] née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8],
ORDONNE la transcription du présent jugement sur l’acte de naissance n°2314 de l’enfant [K], [E] [B] née le [Date naissance 4] 2017 à [Localité 8],
DIT que l’enfant portera le nom de sa mère [E],
DIT qu’aucun acte, extrait ou copie ne pourra être désormais délivré sans que la mention relative à l’annulation n’y figure,
CONDAMNE M. [L] [B] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,
DIT que la présente décision sera notifiée par voie de signification extrajudiciaire par la partie la plus diligente et qu’elle est susceptible d’appel dans le mois de la signification auprès du greffe de la cour d’appel de VERSAILLES,
RAPPELLE qu’à défaut d’avoir été signifiée dans les six mois de sa date, la présente décision est réputée non avenue,
signé le 26 novembre 2024 par Monia TALEB, Vice-Présidente et par Albane SURVILLE, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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