Problématique de la qualité à agir en matière d’indivision successorale

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Problématique de la qualité à agir en matière d’indivision successorale

L’Essentiel : Dans cette affaire de succession, un terrain de 20.000 m², hérité de [Z] [B] [X] [A] et [V] [O] [Y], est au cœur d’un conflit. En février 2020, M. [U] [O] [Y], héritier présomptif, signe un bail avec M. [P] [C] [W], investissant 35.000 euros pour le nettoyage. Après le décès de [U] [O] [Y], Mme [R] [O] [Y] demande l’expulsion de M. [C] [W]. En mars 2022, Mme [O] [Y] l’assigne en justice, mais son action est déclarée irrecevable. En appel, la cour reconnaît finalement son droit à agir et condamne M. [C] [W] aux dépens.

Contexte de l’affaire

Il s’agit d’une affaire de succession concernant un terrain de 20.000 m2, situé à [Localité 9], appartenant à [Z] [B] [X] [A] et [V] [O] [Y]. [Z] [B] [X] [A] est décédée en 1995, tandis que [V] [O] [Y] est décédé en 1973. Un acte de notoriété a été établi par un notaire après le décès de [Z] [B] [X] [A].

Occupation du terrain

En février 2020, M. [U] [O] [Y], héritier présomptif, a signé un bail avec M. [P] [C] [W] pour le terrain, en y investissant 35.000 euros pour le nettoyage et en interdisant l’accès avec un panneau. Mme [R] [O] [Y], une autre héritière, a demandé l’expulsion de M. [C] [W] après avoir constaté son occupation.

Procédures judiciaires

Après le décès de [U] [O] [Y], les loyers ont été versés à sa famille. En mars 2022, Mme [O] [Y] a assigné M. [C] [W] pour expulsion et indemnités. M. [C] [W] a contesté la qualité à agir de Mme [O] [Y] et a demandé que tous les coindivisaires soient impliqués dans la procédure.

Décision du tribunal

Le 14 novembre 2023, le juge a déclaré l’action de Mme [O] [Y] irrecevable pour défaut de qualité à agir et l’a condamnée à payer des frais à M. [C] [W]. Mme [O] [Y] a interjeté appel de cette décision en décembre 2023.

Développements de l’appel

Les conclusions d’appel de Mme [O] [Y] ont été déposées en janvier 2024, et l’affaire a été fixée pour plaidoirie en septembre 2024. M. [C] [W] a également déposé ses conclusions en février 2024, contestant la qualité à agir de Mme [O] [Y].

Arguments des parties

Dans ses dernières conclusions, Mme [O] [Y] a demandé l’infirmation de l’ordonnance et la reconnaissance de son droit à expulser M. [C] [W]. M. [C] [W] a soutenu qu’il avait un contrat de location valide et a demandé le rejet des demandes de Mme [O] [Y].

Motifs de la décision de la cour

La cour a examiné la recevabilité des conclusions et a constaté que M. [C] [W] n’avait pas demandé la confirmation de l’ordonnance. Elle a également jugé que la demande de radiation de M. [C] [W] était irrecevable.

Conclusion de la cour

La cour a infirmé l’ordonnance du juge de première instance, a reconnu la qualité à agir de Mme [O] [Y], et a condamné M. [C] [W] aux dépens. Mme [O] [Y] a également obtenu des indemnités pour les frais de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la qualité à agir de Mme [O] [Y], épouse [S] dans le cadre de l’expulsion de M. [C] [W] ?

La qualité à agir est un élément fondamental en droit procédural, stipulée par l’article 31 du Code de procédure civile, qui dispose que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ».

Dans le cas présent, Mme [O] [Y], épouse [S], se prévaut de sa qualité d’indivisaire de la parcelle litigieuse, héritée de ses parents décédés.

L’article 724 alinéa 1er du Code civil précise que « les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ».

Ainsi, Mme [O] [Y] a la capacité d’agir seule pour demander l’expulsion de M. [C] [W], occupant sans droit ni titre de la parcelle.

Le juge de la mise en état a initialement retenu un défaut de qualité à agir, arguant que Mme [O] [Y] n’avait pas produit d’acte de notoriété postérieur au décès de son père. Cependant, il est établi que la preuve de la qualité d’héritier peut résulter d’un acte de notoriété dressé par un notaire, comme le stipule l’article 730-1 du Code civil.

En l’espèce, Mme [O] [Y] a produit des documents attestant de sa qualité d’héritière, notamment des déclarations de succession et un livret de famille.

Il en résulte que le juge a erré en déclarant irrecevable l’action de Mme [O] [Y] pour défaut de qualité à agir.

Quelles sont les conséquences de la fin de non-recevoir soulevée par M. [C] [W] ?

La fin de non-recevoir est un moyen procédural qui vise à déclarer une demande irrecevable sans examen au fond, comme le précise l’article 122 du Code de procédure civile.

Dans cette affaire, M. [C] [W] a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Mme [O] [Y].

L’article 31 du même code stipule que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ».

Si la fin de non-recevoir est accueillie, cela entraîne l’irrecevabilité de la demande de Mme [O] [Y], ce qui signifie qu’elle ne pourrait pas obtenir l’expulsion de M. [C] [W] et la remise en état de la parcelle.

Cependant, la cour a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, constatant que Mme [O] [Y] avait bien la qualité à agir.

Ainsi, la fin de non-recevoir soulevée par M. [C] [W] a été écartée, permettant à Mme [O] [Y] de poursuivre son action en expulsion.

Quels sont les articles du Code de procédure civile applicables à la demande d’indemnité d’occupation ?

La demande d’indemnité d’occupation est fondée sur les articles 123 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 123 stipule que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause », ce qui inclut la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En ce qui concerne l’indemnité d’occupation, elle est généralement demandée par le propriétaire d’un bien occupé sans droit ni titre.

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Dans le cas présent, Mme [O] [Y] a demandé une indemnité d’occupation à M. [C] [W] pour la période durant laquelle il a occupé la parcelle sans droit.

La cour a reconnu le droit de Mme [O] [Y] à cette indemnité, en se fondant sur les articles précités, et a condamné M. [C] [W] à lui verser des sommes pour couvrir cette occupation illégale.

Comment la cour a-t-elle statué sur les dépens et les frais irrépétibles ?

La cour a statué sur les dépens et les frais irrépétibles en se fondant sur les articles 700 et 123 du Code de procédure civile.

L’article 700 permet au juge d’accorder une somme à la partie qui a gagné le procès pour couvrir ses frais irrépétibles, c’est-à-dire les frais qui ne peuvent être récupérés, comme les honoraires d’avocat.

Dans cette affaire, la cour a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état et a condamné M. [C] [W] aux dépens de première instance et d’appel.

Elle a également accordé à Mme [O] [Y] la somme de 1.000 euros pour la procédure devant le juge de la mise en état et 2.500 euros pour la procédure d’appel, conformément aux dispositions de l’article 700.

Ainsi, la cour a veillé à ce que les frais engagés par Mme [O] [Y] soient compensés par une condamnation de M. [C] [W], qui a perdu le litige.

Arrêt N°

SP

R.G : N° RG 23/01728 – N° Portalis DBWB-V-B7H-F74V

[O] [Y] ÉPOUSE [S]

C/

[C] [W]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024

Chambre civile TGI

Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE SAINT-DENIS en date du 14 NOVEEMBRE 2023 suivant déclaration d’appel en date du 13 DECEMBRE 2023 rg n°: 22/00743

APPELANTE :

Madame [R] [O] [Y] ÉPOUSE [S]

[Adresse 4]

[Localité 13]

Représentant : Me Eric HAN KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIME :

Monsieur [P] [C] [W]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentant : Me Marceline AH-SOUNE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Clôture: 18 juin 2024

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Septembre 2024 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 26 Novembre 2024.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le  26 Novembre 2024.

Greffier : Mme Véronique FONTAINE

LA COUR

Il dépend de la succession d'[Z] [B] [X] [A], décédée le [Date décès 8] 1995 et de [V] [O] [Y], décédé le [Date décès 1] 1973, un terrain situé au lieudit [Adresse 11], [Localité 9], cadastré section AI n° [Cadastre 5], d’une superficie de 20.000 m2, dont l’adresse postale est [Adresse 7], [Localité 9].

L’acte de notoriété après le décès d'[Z] [B] [X] [A], veuve de [V] [O] [Y] a été dressé par Maître [T], notaire à [Localité 12], le 29 septembre 1995.

Le 12 février 2020, M. [U] [O] [Y], l’un des héritiers présomptifs, a consenti un bail à M. [P] [C] [W], portant sur ladite parcelle, moyennant un loyer mensuel de 600 euros. Il a fait nettoyer la parcelle pour un montant de 35.000 euros et y a apposé un panneau « propriété privée – défense d’entrer ».

Mme [R] [O] [Y], l’une des héritières présomptives, a constaté que M. [C] [W] occupait cette parcelle et a sollicité son expulsion.

Depuis le décès de [U] [O] [Y], les loyers sont réglés à la fille ou au gendre de celui-ci, à défaut d’indication du nom du notaire en charge du règlement de la succession [O] [Y]/[X] [A].

Par acte du 18 mars 2022, Mme [O] [Y], épouse [S], a fait assigner M. [C] [W] devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins d’expulsion, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamnation à la remise en état des lieux occupés illégalement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et condamnation à lui régler les sommes de 2.000 euros par mois au titre d’une indemnité d’occupation depuis la date de l’assignation introductive d’instance jusqu’à la libération complète des lieux à charge pour elle d’en rendre compte à l’indivision et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions d’incident notifiées le 30 août 2023, M. [C] [W] a soulevé la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Mme [O] [Y], épouse [S], et sollicité que l’ensemble des indivisaires soient attrait à la cause, ou, à tout le moins, qu’il soit ordonné à Mme [O] [Y], épouse [S], de lui communiquer le nom et |’adresse de tous les coindivisaires, outre une indemnité de procédure de 2.000 euros.

Mme [O] [Y], épouse [S], a conclu au débouté des prétentions de M. [C] [W] et réitéré ses demandes sans précision cette fois du montant de l’indemnité d’occupation, se prévalant du caractère conservatoire de son action et sollicité également une indemnité de procédure.

C’est dans ces conditions que, par ordonnance rendue le 14 novembre 2023, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a :

-Déclaré irrecevable la présente action pour défaut de qualité à agir de la demanderesse ;

-Condamné Mme [R] [O] [Y], épouse [S], au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à M. [P] [C] [W];

-Condamné Mme [R] [O] [Y], épouse [S], aux dépens de l’incident.

Par déclaration au greffe en date du 13 décembre 2023, Mme [O] [Y], épouse [S], a interjeté appel de cette décision.

Mme [O] [Y], épouse [S], a déposé ses premières conclusions d’appel par RPVA le 11 janvier 2024.

L’intimée s’est constituée par acte du 2 février 2024.

L’affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 5 février 2024.

M. [C] [W] a déposé ses conclusions d’intimée par RPVA le 8 février 2024.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 2024 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience de circuit court du 17 septembre 2024.

***

Dans ses dernières conclusions n° 2 transmises par voie électronique le 21 septembre 2024, Mme [O] [Y], épouse [S], demande à la cour de:

Vu l’article 815-2 alinéa 1 du code civil,

Vu les articles 123, 524, 724 alinéa 1, 789, 795, 905-2 et 910-1 du code de procédure civile ,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustifiées ou en tout cas mal fondées,

-Déclarer les conclusions produites et communiquées le 08/02/2024 par M. [C] [W] sollicitant la radiation de l’affaire pour non-exécution de l’ordonnance critiquée ;

-Constater que M. [C] [W] n’a ni produit ni communiqué les conclusions d’intimé exigées par l’article 905-2 du code de procédure civile;

-Constater que Mme [O] [Y], épouse [S], a exécuté l’ordonnance critiquée ;

En tout état de cause,

-Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’action de Mme [O] [Y], épouse [S], et en ce qu’elle a condamné cette dernière à payer à M. [C] [W] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

En conséquence,

-Déclarer l’action de Mme [O] [Y], épouse [S], tendant à l’expulsion de M. [C] [W], et de tout occupant de son chef, de la parcelle AI [Cadastre 5] sise lieudit [Adresse 11] sur la Commune de [Localité 14], propriété indivise de Mme [O] [Y], épouse [S], et à la remise en état de cette parcelle, l’ensemble sous astreinte, ainsi qu’au paiement d’une indemnité d’occupation à charge pour Mme [O] [Y], épouse [S], d’en rendre compte à l’indivision ;

-Condamner M. [C] [W] à payer à Mme [O] [Y], épouse [S], la somme de 3.000 euros au titre de l’article 123 du code de procédure civile ;

-Condamner M. [C] [W] à payer à Mme [O] [Y], épouse [S], la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles de la première instance ;

-Condamner M. [C] [W] à payer à Mme [O] [Y], épouse [S], la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure devant la cour ;

-Débouter M. [C] [W] de l’ensemble de ses demandes plus amples et contraires ;

-Condamner M. [C] [W] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

***

Dans ses dernières conclusions n° 2 transmises par voie électronique le 20 mai 2024, M. [C] [W] demande à la cour de :

A titre principal,

-Constater l’absence d’intérêt à agir et l’absence de qualité à agir de Mme [O] [Y], épouse [S], ;

-Constater que M. [C] [W] est titulaire d’un contrat de location valable pour occuper le terrain ;

-Rejeter les demandes de Mme [O] [Y], épouse [S], en les déclarant irrecevables, ou à tout le moins non fondées ;

Subsidiairement, s’il est fait droit à la demande d’expulsion,

-Condamner Mme [O] [Y], épouse [S], à rembourser au préalable à M. [C] [W] les frais de nettoyage du terrain s’élevant à 35.000 euros ;

Très subsidiairement, s’il est fait droit à la demande d’expulsion,

-Ordonner avant-dire droit à Mme [O] [Y], épouse [S], d’attraire dans la cause l’ensemble des coindivisaires ;

Dans tous les cas,

-Condamner Mme [O] [Y], épouse [S], à payer à M. [C] [W] la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

***

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

***

Suivant avis RPVA du 19 septembre 2024, la cour a invité les parties à faire toutes observations utiles, et ce, sous huitaine :

-d’une part, vu les article 16, 542 et 954 du code de procédure civile, sur l’absence, dans le dispositif des conclusions de l’intimé, d’une demande de confirmation ou d’infirmation de la décision

-d’autre part, vu les articles 905-2 et 524 du code de procédure civile, sur la recevabilité de la demande de radiation adressée à la cour d’appel.

Seul l’intimé a fait des observations, par RPVA du 30 septembre 2024

MOTIFS

A titre liminaire

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de  » constatations  » ou de  » dire et juger  » lorsqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser qu’il sera fait application des dispositions du code de procédure civile dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile qui entrera en vigueur le 1er septembre 2024 et ne sera applicable qu’aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.

Sur la recevabilité des conclusions de l’intimé du 8 février 2024 sollicitant la radiation de l’affaire pour non-exécution

1°) sur l’effet dévolutif

M. [C] [W] fait valoir qu’en demandant le rejet des demandes de Mme [S], il demande ainsi le rejet de la demande d’infirmation de l’ordonnance et, de facto, la confirmation de l’ordonnance sur les points d’infirmation soulevées par Mme [S]

Sur ce,

En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, et pour les instance introduites par une déclaration d’appel postérieur au 17 septembre 2020, ce qui est le cas en l’espèce, la partie appelante doit demander, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation ou l’annulation du jugement dont appel.

À défaut, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

L’appel incident n’étant pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet, les conclusions de l’appelant, qu’il soit principal ou incident, doivent déterminer l’objet du litige porté devant la cour d’appel.

L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’ appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l’article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954.

En l’espèce, dans ses conclusions d’intimé, M. [C] [W] ne sollicite ni infirmation ni confirmation.

Il s’ensuit que M. [C] [W] ne peut demander que la confirmation de l’ordonnance entreprise.

2°) Sur la radiation

Mme [S] soutient que, d’une part, les demandes de radiation adressées à la cour ou au conseiller de la mise en état sont irrecevables et que, d’autre part, dans la mesure où il n’existe pas de mise ne état et donc de conseiller de la mise en état dans le cadre des procédures relevant de l’article 905 du code de procédure civile, la demande de radiation doit être présentée au premier président dans le délai de l’article 905-2 du même code de procédure civile.

M. [C] [W] fait valoir que ses conclusions ont été faites au conseiller de la mise en état et que le message RPVA du 17 juin 2024 auquel était annexé le message RPVA du 16 mai 2024 mal orienté portait sur l’exécution de l’ordonnance par Mme [S]

Sur ce,

En vertu de l’article 905-2 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Conformément aux dispositions de l’article 517-1 (l’article 524 n’est plus en vigueur depuis le 1er janvier 2020),  » Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522 .  »

Il s’ensuit que la demande de radiation formée par M. [C] [W] est irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tirée de la tardiveté des conclusions.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la qualité à agir

Mme [S] soutient en substance qu’elle est indivisaire de la parcelle cadastrée section AI n° [Cadastre 5] en qualité d’héritière de ses parents décédés et qu’à ce titre, elle a la capacité d’agir seule en expulsion de M. [C] [W], occupant sans droit ni titre se sa parcelle.

Après avoir relevé que les articles 730-1 alinéa 1er et 730-3 alinéa 2 du code civil prévoyait que la preuve de la qualité d’héritier pouvait résulter d’un acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d’un ou plusieurs ayants droits et que celui qui se prévalait de l’acte de notoriété était présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion qui s’y trouve indiquée, le juge de la mise en état a retenu le défaut de qualité à agir de Mme [S] faute pour elle de produire un acte de notoriété après le décès de son père le [Date décès 6] 1973.

Sur ce,

Il résulte des dispositions des articles 122 et suivant du code procédure civile que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Selon l’article 31 du code de procédure civile que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé. »

L’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. Il doit être né et actuel au jour où l’action est exercée, indépendamment des événements postérieurs. Il doit également être légitime, personnel (« Nul ne plaide par procureur ») et direct. Il s’apprécie au jour de l’introduction de la demande.

Par ailleurs,

L’article 724 alinéa 1er du code civil dispose que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Il résulte des articles 730-1 et 730-3 que la preuve de la qualité d’héritier peut résulter d’un acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d’un ou plusieurs ayants droit et que l’acte de notoriété ainsi établi fait foi jusqu’à preuve contraire.

Pour autant, le principe est la liberté de la preuve, les héritiers étant déterminés par la loi en fonction de la parenté existant entre eux et le défunt, faits généralement constatés par des actes juridiques, tels déclaration à l’état civil, reconnaissance d’enfant, livret de famille.

En l’espèce, et pour rappel, [V] [O] [Y] est décédé le [Date décès 1] 1973 et son épouse [Z] [B] [X] [A] est décédée plus de 20 ans plus tard, le [Date décès 8] 1995.

Comme le relève à juste titre le juge de la mise en état, il résulte des documents produits que la pleine propriété du terrain situé à [Localité 14], lieudit  » [Localité 10]  » cadastré section AI n° [Cadastre 5] dépendait de la communauté ayant existé entre M. et Mme [O] [Y] / [X] [A].

S’il est vrai que Mme [S] ne produit pas d’acte de notoriété postérieur au décès de sa mère, elle verse néanmoins aux débats, outre le certificat de déclaration de succession de son père daté du 27 octobre 1974 et l’acte de notoriété daté des 1er et 15 février 1973 suite au décès de son père sur lesquels elle est mentionnée :

-le livret de famille de ses parents décédés sur lequel elle apparaît

-la déclaration de succession de sa mère établi par la SCP [P] [T] Rémy Lemaréchal Bernard Morel, notaires sur lequel elle figure en qualité d’héritière.

L’appelante verse aussi aux débats en appel la déclaration de succession de sa mère (pièce N° 8) qui établit à la fois sa qualité d’héritière et la présence de la parcelle litigeuse dans l’actif de la succession. Cette parcelle cadastrée Section AI n° [Cadastre 2] est en outre inscrite au service la publicité foncière (pièce n° 2)

Il s’ensuit que c’est à tort que le juge de la mise en état a déclaré irrecevable l’action de Mme [S] pour défaut de qualité à agir.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ou dilatoire

Sur le fondement de l’article 123 du code de procédure aux termes duquel :  » Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. « , Mme [S] sollicite la condamnation de M. [C] [W] à lui verser la somme de 3.000 euros. Elle soutient qu’après avoir perdu du temps en attendant une injonction de conclure, l’intimé a produit des conclusions sur incident et que ces dernières ont été déposées alors que l’affaire revenait pour ses conclusions sollicitant la clôture de la procédure. Elle fait valoir que cette communication tardive avait pour unique but de faire durer, dans le temps, la procédure afin de permettre à l’intimé de rester sur la parcelle litigieuse, lésant sont droit de propriété.

En l’espèce, compte tenu de la motivation retenue par le juge de la mise en état et de l’infirmation par la cour, il apparaît que l’argumentation de M. [C] [W], à défaut d’être bien fondée, méritait discussion et dès lors sa résistance ne peut être qualifiée d’abusive.

La demande de dommages et intérêts de Mme [S] sera donc rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de l’infirmation totale de l’ordonnance dont appel, il convient de condamner M. [C] [W] aux dépens de première instance et d’appel et de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel.

L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [S],il convient de lui accorder de ce chef la somme de 1.000 euros pour la procédure devant le juge de la mise en état et la somme de 2.500 euros pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Constate l’absence d’effet dévolutif de l’appel incident de M. [P] [C] [W] ;

Déclare irrecevable la demande de radiation formée par M. [P] [C] [W] ;

Infirme en toutes ses dispositions soumises à la cour l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le judiciaire de Saint-Denis de la Réunion;

Statuant à nouveau

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [S]

Écarte la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité à agir ;

Déclare recevable en son action de Mme [R] [O] [Y], épouse [S] ;

Y ajoutant

Condamne M. [P] [C] [W] aux dépens de première instance et d’appel ;

Déboute M. [P] [C] [W] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [C] [W] à payer à Mme [R] [O] [Y], épouse [S], la somme de 1.000 euros pour la procédure devant le juge de la mise en état et la somme de 2.500 euros pour la procédure d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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