Publier une ordonnance sur Facebook : risque maximal

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Publier une ordonnance sur Facebook : risque maximal

L’essentiel : La publication d’ordonnances médicales sur les réseaux sociaux par une salariée, secrétaire paramédicale, a conduit à son licenciement pour violation de l’obligation de discrétion. Bien que les publications aient été partiellement masquées, elles contenaient des informations identifiables sur les médecins et les prescriptions. Les juges ont souligné que l’activation d’un paramètre de diffusion restreinte ne garantissait pas un cercle privé, car l’audience pouvait atteindre jusqu’à 469 personnes. Cette divulgation, effectuée durant les heures de travail, a été considérée comme une faute grave, justifiant ainsi le licenciement.

Une ordonnance est une donnée médicale, sa publication sur les réseaux sociaux par une profession soumise à une obligation de confidentialité / discrétion peut donner lieu à un licenciement.

Usage des réseaux sociaux par le salarié

Si un motif commis en dehors de l’exécution du contrat de
travail ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, il en va
autrement s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation
découlant de son contrat de travail ou s’il se rattache à sa vie
professionnelle. En l’occurrence, une salariée a été licenciée pour avoir pris,
sur son lieu de travail, des photographies d’ordonnances dont elle a eu
connaissance à l’occasion de ses fonctions de secrétaire paramédicale, en vue
de les publier, dans un but humoristique, sur divers réseaux sociaux.

Mode de preuve recevable

Le premier vice-président du TGI avait fait droit, par
ordonnance, à la requête de l’employeur aux fins de constat et a désigné un
huissier de justice avec mission de se faire ouvrir les comptes Twitter et
Facebook de la salariée et de constater la présence d’information sur
l’activité professionnelle de son employeur.

Obligation de discrétion du salarié

Le contrat de travail de la salariée comportait une
obligation de discrétion : «Durant le présent contrat, la salariée est
tenue, indépendamment d’une obligation de réserve générale et de secret
professionnel, à une obligation de discrétion absolue sur tous les faits
qu’elle peut apprendre, en raison de ses fonctions ou de son appartenance à
l’entreprise et qui concernent tant sa gestion et son fonctionnement que sa
situation et ses projets».

Publication publique

Les juges ont relevé que la seule activation d’un paramètre
personnalisé de diffusion n’est pas de nature à établir que l’usager de
Facebook a réduit l’audience de ses publications à un nombre particulièrement
restreint de personnes. En effet, il est par exemple possible de personnaliser
la diffusion d’une publication en excluant seulement un contact de la liste des
personnes agréées à voir la publication. Dès lors, la simple circonstance que
la salariée ait eu recours, pour chacune des publications litigieuses, à un
paramètre personnalisé de diffusion ne permet pas de conclure à l’existence
d’un cercle privé englobant un nombre restreint de ses contacts. L’audience des
publications pouvait s’élever jusqu’à 469 personnes, ce qui ne s’apparente pas
à une conversation de nature privée.

En tout état de cause, quel que soit le nombre de personnes
ayant pu avoir accès aux publications sur Facebook, les publications de la
salariée sur son mur Facebook comportaient des documents de nature médicale, en
l’espèce, des ordonnances. Même en prenant en considération le fait que le nom
du patient n’était pas identifiable ou était partiellement masqué, il n’en
reste pas moins que pouvaient être identifiés, tant sur les diffusions Facebook
que Twitter, les noms des médecins travaillant avec l’employeur et lui
adressant des patients, ainsi que la nature et l’objet des prescriptions. Ces
divulgations réitérées effectuées à partir de l’outil professionnel pendant les
heures de travail, à destination de tiers extérieurs au cabinet,
caractérisaient des violations flagrantes de l’obligation de ‘discrétion
absolue » résultant du contrat de travail (faute grave établie).

Pour rappel, la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve. Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la publication d’ordonnances sur les réseaux sociaux par un salarié ?

La publication d’ordonnances sur les réseaux sociaux par un salarié, en particulier dans le cadre d’une profession soumise à une obligation de confidentialité, peut entraîner des conséquences graves, y compris un licenciement.

Dans le cas d’une salariée qui a pris des photographies d’ordonnances sur son lieu de travail pour les publier sur des réseaux sociaux à des fins humoristiques, cela a été considéré comme un manquement à ses obligations professionnelles.

Ce comportement a été jugé suffisamment sérieux pour justifier un licenciement, car il a violé l’obligation de discrétion qui découle de son contrat de travail.

En effet, la divulgation d’informations médicales, même sans identifier le patient, peut compromettre la confiance entre le professionnel de santé et ses patients, ainsi que la réputation de l’employeur.

Quel est le rôle de l’employeur dans la preuve d’une faute grave ?

L’employeur a la responsabilité de prouver la faute grave d’un salarié pour justifier un licenciement. Cela implique de démontrer que le salarié a commis un acte qui constitue une violation significative de ses obligations contractuelles.

Dans le cas mentionné, l’employeur a demandé une ordonnance au tribunal pour faire constater la présence d’informations sur l’activité professionnelle de la salariée sur ses comptes de réseaux sociaux.

Cette démarche a permis de recueillir des preuves tangibles des violations commises par la salariée, notamment la publication d’ordonnances médicales.

La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il est donc crucial pour l’employeur de documenter ces violations de manière précise et rigoureuse.

Quelles sont les obligations de discrétion d’un salarié dans le secteur médical ?

Les obligations de discrétion d’un salarié dans le secteur médical sont particulièrement strictes en raison de la nature sensible des informations traitées.

Dans le cas de la salariée, son contrat de travail stipulait une obligation de discrétion absolue concernant tous les faits qu’elle pouvait apprendre dans le cadre de ses fonctions.

Cela inclut non seulement les informations sur les patients, mais aussi celles concernant la gestion et le fonctionnement de l’entreprise.

La violation de cette obligation peut avoir des conséquences juridiques et professionnelles graves, y compris la perte d’emploi.

Les professionnels de santé doivent donc être conscients de l’importance de protéger la confidentialité des informations médicales et de respecter les normes éthiques de leur profession.

Comment les juges évaluent-ils la portée des publications sur les réseaux sociaux ?

Les juges évaluent la portée des publications sur les réseaux sociaux en tenant compte de plusieurs facteurs, notamment le nombre de personnes pouvant accéder à ces publications.

Dans le cas de la salariée, il a été constaté que même si elle avait utilisé des paramètres de diffusion personnalisés, cela ne suffisait pas à établir que ses publications étaient privées.

En effet, les publications pouvaient atteindre un large public, ce qui les rendait susceptibles d’être vues par des personnes extérieures à son cercle professionnel.

De plus, le contenu des publications, qui incluait des documents médicaux, était en soi une violation des obligations de discrétion.

Ainsi, même si le nom du patient n’était pas identifiable, d’autres informations sensibles pouvaient être divulguées, ce qui a conduit à la conclusion que les publications constituaient une faute grave.

Les juges prennent donc en compte à la fois le contenu et l’audience des publications pour évaluer leur impact sur la relation de travail.


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