L’Essentiel : La jurisprudence européenne « TofuTown » interdit l’utilisation de dénominations telles que « lait », « crème » ou « fromage » pour des produits purement végétaux. Cette décision vise à protéger les consommateurs contre la confusion et à garantir la qualité des produits laitiers d’origine animale. La CJUE a précisé que même des mentions explicatives comme « de soja » ne peuvent pas accompagner ces termes, car elles ne respectent pas les critères de modification autorisés. Les entreprises végétariennes doivent donc innover et créer leur propre vocabulaire pour désigner leurs produits, afin de se conformer à la réglementation en vigueur.
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Abus de langage, abus de dénominationCeux qui fréquentent assidûment les cafés Starbucks et les enseignes de la vague hipster, pourraient être surpris de voir disparaître certaines de leurs dénominations préférées (lait de soja, lait d’amende …). Selon la jurisprudence européenne « TofuTown », les produits purement végétaux ne peuvent pas, en principe, être commercialisés avec des dénominations qui, telles les dénominations « lait », « crème », « beurre », « fromage » ou « yoghourt », sont réservées par le droit de l’Union aux produits d’origine animale. Cela vaut également si ces dénominations sont complétées par des mentions explicatives ou descriptives indiquant l’origine végétale du produit en cause. Interdiction de certaines appellationsLa société allemande TofuTown fabrique et distribue des aliments végétariens et végétaliens. Elle promeut et distribue en particulier des produits purement végétaux sous les dénominations « Soyatoo beurre de tofu », « fromage végétal », « Veggie-Cheese », « cream » et d’autres dénominations similaires. Une association allemande qui a notamment pour mission de lutter contre la concurrence déloyale, a estimé à raison que cette promotion enfreint la réglementation de l’Union sur les dénominations pour le lait et les produits laitiers. La CJUE a jugé qu’au sens du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013, la dénomination « lait » peut être utilisée pour « le lait ayant subi un traitement n’entraînant aucune modification de sa composition ou pour le lait dont […] la teneur en matière grasse [a été standardisée]. Cette dénomination peut aussi être utilisée « conjointement avec un ou plusieurs termes pour désigner le type, la classe qualitative, l’origine et/ou l’utilisation envisagée du lait, ou pour décrire le traitement physique auquel il a été soumis ou les modifications qu’il a subies dans sa composition, à condition que ces modifications soient limitées à l’addition et/ou à la soustraction de ses constituants naturels ». Il ressort ainsi clairement du règlement européen que la dénomination « lait » ne saurait être légalement utilisée pour désigner un produit purement végétal, le lait étant, au sens de cette disposition, un produit d’origine animale, ce qui ressort également de l’annexe VII, partie III, point 4, du règlement no 1308/2013, qui prévoit que, en ce qui concerne le lait, les espèces animales dont le lait provient sont spécifiées. Sort des mentions complémentairesLes mentions explicatives ou descriptives visant à indiquer l’origine végétale du produit concerné, telles que « de soja » ou « de tofu », ne relèvent pas non plus des termes pouvant être utilisés conjointement avec la dénomination « lait », dès lors que les modifications de la composition du lait que des termes complémentaires peuvent désigner, en vertu de cette disposition, sont celles qui sont limitées à l’addition et/ou à la soustraction de ses constituants naturels, ce qui n’inclut pas un remplacement complet du lait par un produit purement végétal. Les « produits laitiers » sont « les produits dérivés exclusivement du lait, étant entendu que des substances nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées, pourvu que ces substances ne soient pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou partie, l’un quelconque des constituants du lait ». Sont réservées « uniquement aux produits laitiers », d’une part, les dénominations utilisées à tous les stades de la commercialisation (« lactosérum », « crème », « beurre », « babeurre », « fromage » et « yoghourt ») et, d’autre part, notamment, les dénominations utilisées pour les produits laitiers finis. En d’autres termes, un « produit laitier », étant dérivé exclusivement du lait, doit en contenir les constituants. À cet égard, la CJUE a déjà jugé qu’un produit laitier dans lequel un constituant quelconque du lait a été remplacé, ne fût-ce que partiellement, ne peut pas être désigné par l’une des dénominations du règlement no 1308/2013 (arrêt du 16 décembre 1999, UDL, C‑101/98). Il en va a fortiori de même, en principe, pour un produit purement végétal, dès lors qu’un tel produit ne contient, par définition, aucun constituant du lait. Sort des anglicismesPetite consolation, certains anglicismes pourraient échapper à l’interdiction légale. L’utilisation, dans la dénomination d’un produit, du terme « cream » avec un terme complémentaire est permise dans certaines conditions, notamment pour désigner des boissons spiritueuses ou des potages. De même, si l’utilisation du terme « creamed » avec la dénomination d’un produit végétal est permise, ce n’est que lorsque « le terme “creamed” désigne la texture caractéristique du produit. Notons enfin que cette interdiction légale vaut tant pour la commercialisation que pour la publicité des produits végétariens. Cette solution est conforme aux objectifs du législateur, admettre le contraire irait à l’encontre de la protection des consommateurs, du fait du risque de confusion qui serait créé. Cela irait également à l’encontre de l’objectif d’amélioration des conditions économiques de production et de commercialisation ainsi que de la qualité du « lait » et des « produits laitiers. Une voie s’offre donc aux industries végétariennes / végétaliennes : celle de créer leur propre vocable ! |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de la jurisprudence européenne « TofuTown » sur les dénominations des produits végétaux ?La jurisprudence européenne « TofuTown » a des implications significatives sur la commercialisation des produits végétaux. Selon cette décision, les dénominations telles que « lait », « crème », « beurre », « fromage » ou « yoghourt » sont réservées aux produits d’origine animale. Cela signifie que les produits purement végétaux ne peuvent pas utiliser ces termes, même s’ils sont accompagnés de mentions explicatives indiquant leur origine végétale. Par exemple, un produit à base de soja ne peut pas être appelé « lait de soja » car cela pourrait induire en erreur les consommateurs sur la nature du produit. Cette réglementation vise à protéger les consommateurs contre la confusion et à garantir que les dénominations des produits reflètent leur composition réelle. Quels types de produits sont concernés par l’interdiction des appellations ?L’interdiction des appellations concerne principalement les produits dérivés du lait et les produits végétaux qui tentent de se faire passer pour des produits laitiers. La CJUE a précisé que les dénominations réservées aux produits laitiers, comme « crème », « beurre » et « fromage », ne peuvent être utilisées que pour des produits contenant des constituants du lait. Ainsi, même si un produit végétal est enrichi ou modifié, il ne peut pas être désigné par ces termes. Cela inclut également les mentions explicatives qui pourraient indiquer que le produit est d’origine végétale, car cela ne change pas le fait qu’il ne contient pas de lait. Comment la CJUE définit-elle un produit laitier ?La CJUE définit un produit laitier comme un produit dérivé exclusivement du lait. Cela signifie qu’un produit doit contenir des constituants du lait pour être désigné comme tel. Les produits laitiers peuvent inclure des substances ajoutées, mais celles-ci ne doivent pas remplacer les constituants du lait. Par exemple, un produit qui remplace même partiellement un constituant du lait ne peut pas être qualifié de produit laitier. Cette définition stricte vise à maintenir la qualité et l’intégrité des produits laitiers sur le marché, en évitant toute confusion pour les consommateurs. Quelles sont les exceptions concernant l’utilisation d’anglicismes dans les dénominations de produits ?Certaines exceptions existent concernant l’utilisation d’anglicismes dans les dénominations de produits. Par exemple, le terme « cream » peut être utilisé dans certaines conditions, notamment pour désigner des boissons ou des potages. De plus, l’utilisation du terme « creamed » est permise si cela décrit la texture caractéristique du produit. Cependant, ces exceptions ne s’appliquent pas aux produits végétariens dans le cadre de la commercialisation ou de la publicité. Cela signifie que, bien que certains anglicismes puissent être utilisés, ils doivent respecter des critères spécifiques pour éviter toute confusion avec les produits laitiers d’origine animale. Quelle est la voie suggérée pour les industries végétariennes et végétaliennes ?Les industries végétariennes et végétaliennes sont encouragées à créer leur propre vocabulaire pour désigner leurs produits. Cette approche permettrait de contourner les restrictions imposées par la réglementation sur les dénominations des produits laitiers tout en évitant la confusion pour les consommateurs. En développant un langage distinct, ces industries peuvent mieux communiquer la nature de leurs produits et promouvoir leurs avantages sans enfreindre la législation en vigueur. Cela pourrait également contribuer à l’amélioration des conditions économiques de production et de commercialisation dans le secteur végétal. |
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