L’Essentiel : La rentabilité d’une installation solaire ne fait pas automatiquement partie du contrat, car elle dépend de facteurs variables tels que l’ensoleillement et les conditions climatiques. M. [C] [I] a signé un bon de commande pour une installation solaire de 17.900 € en 2018, financée par un crédit. Suite à la liquidation de la société ECO-HABITAT.ENR, il a demandé la nullité des contrats, arguant de dol et d’irrégularités. Cependant, le tribunal a jugé que la rentabilité n’était pas garantie et a débouté M. [C] [I] de ses demandes, tout en prononçant la déchéance des intérêts sur le crédit.
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La rentabilité d’une installation solaire ou la publicité sur cette rentabilité ne peut être considérée comme faisant partie d’office du champ contractuel, alors que la rentabilité d’une telle installation dépend de facteurs variables comme l’exposition des panneaux à l’ensoleillement et des conditions climatiques, et que le choix de ce type d’installation peut être opéré pour des motifs philanthropiques liés au désir de participer à la production d’une énergie propre et renouvelable.
M. [C] [I] a signé un bon de commande le 24 juillet 2018 avec la société ECO-HABITAT.ENR pour l’achat et l’installation d’une installation solaire, d’un montant de 17.900 € TTC, financé par un crédit auprès de CA CONSUMER FINANCE. En décembre 2020, ECO-HABITAT.ENR a été placée en liquidation judiciaire. En juillet 2023, M. [C] [I] a cité le liquidateur et CA CONSUMER FINANCE devant le tribunal pour demander la nullité des contrats de vente et de prêt, arguant de dol et d’irrégularités dans le bon de commande. M. [C] [I] demande la nullité des contrats, le remboursement des sommes versées, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier. Il soutient que la banque a commis une faute en débloquant les fonds sans vérifier la validité du contrat principal. De son côté, CA CONSUMER FINANCE conteste les demandes, affirmant que M. [C] [I] n’a pas déclaré sa créance dans la liquidation, que le bon de commande est complet et que les allégations de dol ne sont pas fondées. Elle demande également des restitutions réciproques en cas de nullité et des dommages-intérêts. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 2 mai 2024. REPUBLIQUE FRANÇAISE 13 juin 2024 TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE JCP juge des contentieux de la protection JUGEMENT DU 13 JUIN 2024 N° RG 23/00321 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GQLD N° minute : 24/00205 Dans l’affaire entre : DEMANDEUR Monsieur [C] [I] représenté par Me Jérémie BOULAIRE avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Nelly LLOBET, substituée par Me Kathy BOZONNET, avocats au barreau de l’Ain et DEFENDERESSES S.A. CA CONSUMER FINANCE représentée la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de Lyon, substitué par Me Christelle RICORDEAU, avocat au barreau de l’Ain SELARL [X] [F] non comparante, ni représentée COMPOSITION DU TRIBUNAL Magistrat:Madame PONCET, Présidente Débats:en audience publique le 02 Mai 2024 copies délivrées le 13 JUIN 2024 à : formule(s) exécutoire(s) délivrée(s) le 13 JUIN 2024 à : M. [C] [I] a signé auprès de la société ECO-HABITAT.ENR un bon de commande pour l’achat et la pose d’une installation solaire le 24 juillet 2018 pour un montant total de 17.900 € TTC. L’opération a été financée par un crédit affecté du même montant auprès de la société CA CONSUMER FINANCE, remboursable en 168 mensualités de 158,60 € hors assurance facultative au taux nominal fixe de 5,708 % l’an. Par jugement du 16 décembre 2020, la société ECO-HABITAT.ENR a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon, laquelle est toujours en cours. Par actes de commissaire de justice des 4 et 5 juillet 2023, M. [C] [I] a fait citer la SELARL [X] [F], ès-qualités de liquidateur de la société ECO-HABITAT.ENR et la société CA CONSUMER FINANCE devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour l’audience du 7 décembre 2023 aux fins de solliciter la nullité du contrat de vente et du contrat de prêt. Après plusieurs renvois, l’affaire a été retenue à l’audience du 2 mai 2024. M. [C] [I], représenté par son conseil, se référant à ses écritures, demande au juge des contentieux de la protection, au visa des articles 1109 et 1116 du code civil devenus 1130 et 1137, de l’article 16 de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012, de l’article L 121-17 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344, désormais codifiée à l’article L 221-5 du même code, des articles L 221-5 et suivants du code de la consommation, de l’article L 111-1 du code de la consommation, de l’article R 111-1 du même code : Au soutien de ses demandes, M. [C] [I] fait valoir : Pour sa part, la société CA CONSUMER FINANCE, représentée par son conseil, demande au tribunal : La société CA CONSUMER FINANCE indique au soutien de ses demandes : I. Sur l’absence de déclaration de créance Aux termes de l’article L 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. En l’espèce, M. [I] ne forme pas de demandes de condamnation en paiement dirigée contre la société ECO-HABITAT.ENR, mais seulement une action en nullité. Par conséquent, son action, non soumise à l’obligation de déclaration de créance, est recevable. II. Sur la nullité du contrat principal a) fondée sur le dol Aux termes de l’article 1137 du code civil, applicable à la présente espèce, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Il en résulte que le dol est caractérisé par un élément matériel (les manœuvres ou les mensonges) et un élément moral (l’intention de tromper son cocontractant) Le dol doit également avoir été déterminant ce qui implique de démontrer que sans celui-ci, la partie demanderesse à l’annulation n’aurait pas contracté. En l’espèce le demandeur invoque un dol résultant de pratiques commerciales déloyales trompeuses ou agressives et affirme en particulier que la société ECO-HABITAT.ENR, par des documents publicitaires, lui avait assuré que l’installation serait autofinancée par le gain de production d’électricité, à savoir que les échéances du prêt souscrit seraient payées grâce au rendement de l’installation. Or, en l’espèce, le contrat produit ne contient aucun engagement sur la rentabilité de l’installation, et au contraire, mentionne que l’installation est financée au moyen d’un prêt. Aucune plaquette publicitaire n’est produite, par conséquent, les affirmations des demandeurs demeurent des allégations non prouvées, et le juge des contentieux de la protection ne peut se prononcer sur des pratiques commerciales trompeuses. Il ne peut être déduit du simple différé d’amortissement qu’une promesse de rentabilité était entrée dans le champ contractuel. D’autre part la rentabilité de l’opération ne peut être considérée comme faisant partie d’office du champ contractuel, alors que la rentabilité d’une telle installation dépend de facteurs variables comme l’exposition des panneaux à l’ensoleillement et des conditions climatiques, et que le choix de ce type d’installation peut être opéré pour des motifs philanthropiques liés au désir de participer à la production d’une énergie propre et renouvelable. En conclusion, M. [I] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un dol. M. [C] [I] sera donc débouté de sa demande d’annulation du contrat principal pour dol. b) fondée sur l’absence de certaines mentions obligatoires Aux termes de l’article L 221-5 du code de la consommation dans sa version applicable à l’espèce, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : L’article L 111-11 du code de la consommation dans sa version applicable dispose pour sa part que avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : Ces mentions sont prévues à peine de nullité en application des articles L 221-9 et L 242-1 du code de la consommation. Concernant tout d’abord les caractéristiques essentielles du bien, le bon de commande mentionne bien le nombre de micro-onduleurs (18), leur marque et leur modèle » Enphase M 250 « . Ces mentions sont suffisantes pour le consommateur car elles lui permettent d’identifier précisément le matériel qui sera posé et de retrouver le échéant ses caractéristiques secondaires (puissance, poids, dimension). Par conséquent, le grief n’est pas fondé. Pour ce qui est du prix, le code de la consommation n’exige pas que le prix soit ventilé et détaillé par matériel et main d’œuvre. Quoiqu’il en soit le bon de commande comporte un certain nombre de détails, la main d’œuvre faisant l’objet de postes distincts chiffrés indépendamment. Le grief tenant au prix unitaire n’est donc pas fondé. S’agissant du délai et des modalités de livraison, le bon de commande prévoit pour toute mention » délai de livraison et d’installation. 90 jours. Sous réserve des accords administratifs, techniques et de l’acceptation du financement « . Il est toutefois précisé dans les conditions générales de vente, au paragraphe 7 » La livraison s’entend du transfert au client de la possession physique et du contrôle des produits. L’installation s’entend de la prestation d’installation des produits et de leur raccordement aux panneaux existants (en cas de micro-onduleurs) ou de la demande de raccordement auprès d’ERDF (en cas de revente totale pour les panneaux photovoltaïques) et de la vérification de leur fonctionnement « . L’ensemble de ces dispositions est conforme aux prescriptions de l’article L 111-11 3°, qui n’impose pas de détailler le calendrier de chaque opération. Puisque le contrat portait sur des micro-onduleurs et que le raccordement était déjà effectué en vertu d’une précédente installation ( » désinstallation panneaux existant « ), le délai de 90 jours comprenait nécessairement la livraison, l’installation et le raccordement aux panneaux existants. M. [I] était ainsi suffisamment informé quant au délai de livraison et d’exécution du service. L’irrégularité alléguée ne peut donc être retenue. En définitive, les irrégularités alléguées ne sont pas établies. Par suite, le contrat principal n’est pas nul. Il convient de rejeter l’ensemble des demandes de M. [I] relative à la nullité des contrats de vente et de prêt et ses autres demandes en dommages-intérêts en découlant. III. Sur la déchéance du droit aux intérêts. Selon l’article L 312-14 du code de la consommation, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l’article L 312-12. Il attire l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Le manquement à cette obligation, aux termes de l’article L 341-2 du code de la consommation, est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts. En l’espèce, la société CA CONSUMER FINANCE produit comme tout élément d’étude de la situation de l’emprunteur la copie de son avis d’impôt 2017 sur les revenus 2016 ainsi qu’une fiche dialogue mentionnant les revenus mensuels du couple. L’établissement de crédit ne justifie pas de la fiche FIPEN. Par ailleurs il n’est pas démontré que la situation plus globale des époux [I] aurait été analysée, alors que cette exigence figure à l’article L 312-14 précité. En effet le crédit a été souscrit à hauteur du prix total de l’opération, alors que M. [I] avait peut-être la possibilité de financer son projet par de l’épargne, afin de diminuer le coût du crédit. En effet, hors assurance, le coût total du crédit s’élève à la somme de 11.752 € pour un achat initial de 17.900 €, ce qui est très coûteux. Il s’en déduit que le prêteur ne prouve pas avoir correctement rempli son devoir d’explication. Par suite, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens, ce manquement justifie de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts. IV. Sur les demandes accessoires Les deux parties succombant partiellement, elles seront toutes les deux condamnées à supporter les dépens par moitié. Chaque partie conservera à sa charge ses frais irrépétibles. Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire qui est de droit. Le juge des contentieux et de la protection, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort, Déclare les actions de M. [C] [I] recevables, Déboute M. [C] [I] de son action en nullité du contrat principal et du contrat de prêt, Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts concernant le crédit affecté souscrit par M. [C] [I] auprès de la société CA CONSUMER FINANCE le 24 juillet 2018, Ordonne en conséquence à la société CA CONSUMER FINANCE de communiquer à M. [C] [I] un nouveau tableau d’amortissement dans le mois de la présente décision, le total des versements des emprunteurs devant se limiter au capital emprunté soit la somme de 17.900 €, Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [C] [I] d’une part, et la société CA CONSUMER FINANCE, d’autre part, à payer chacun la moitié des dépens. Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit. Ainsi dit et jugé par mise à disposition au greffe les jours, mois et an susdits. LE GREFFIERLE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre M. [C] [I] et les sociétés ECO-HABITAT.ENR et CA CONSUMER FINANCE ?L’affaire concerne M. [C] [I], qui a signé un bon de commande le 24 juillet 2018 avec la société ECO-HABITAT.ENR pour l’achat et l’installation d’une installation solaire d’un montant de 17.900 € TTC. Ce montant a été financé par un crédit auprès de CA CONSUMER FINANCE. En décembre 2020, ECO-HABITAT.ENR a été placée en liquidation judiciaire. En juillet 2023, M. [C] [I] a cité le liquidateur et CA CONSUMER FINANCE devant le tribunal, demandant la nullité des contrats de vente et de prêt, en invoquant des dols et des irrégularités dans le bon de commande. M. [C] [I] réclame également le remboursement des sommes versées et des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, soutenant que la banque a commis une faute en débloquant les fonds sans vérifier la validité du contrat principal. Quelles sont les principales demandes de M. [C] [I] devant le tribunal ?M. [C] [I] demande plusieurs choses au tribunal, notamment : 1. La nullité du contrat de vente conclu avec ECO-HABITAT.ENR. M. [C] [I] soutient que la banque a commis une faute en débloquant les fonds sans s’assurer de la validité du contrat principal, ce qui a conduit à des pertes financières. Quelles sont les arguments de CA CONSUMER FINANCE en réponse aux demandes de M. [C] [I] ?CA CONSUMER FINANCE conteste les demandes de M. [C] [I] en avançant plusieurs arguments : 1. Elle affirme que M. [C] [I] n’a pas déclaré sa créance dans la liquidation de la société ECO-HABITAT.ENR, ce qui rend ses demandes irrecevables. En somme, CA CONSUMER FINANCE demande au tribunal de débouter M. [C] [I] de ses demandes et de le condamner à payer des dommages-intérêts. Quelles ont été les conclusions du tribunal concernant la nullité des contrats ?Le tribunal a conclu que les demandes de M. [C] [I] concernant la nullité des contrats de vente et de prêt ne pouvaient pas être acceptées. Il a statué que M. [C] [I] n’a pas prouvé l’existence d’un dol, car les allégations de pratiques commerciales trompeuses n’étaient pas étayées par des preuves concrètes. De plus, le tribunal a noté que la rentabilité d’une installation solaire dépend de facteurs variables, tels que l’ensoleillement et les conditions climatiques, et ne fait pas partie intégrante du contrat. Ainsi, M. [C] [I] a été débouté de sa demande d’annulation des contrats, tant pour dol que pour absence de mentions obligatoires. Quelles ont été les décisions du tribunal concernant le droit aux intérêts ?Le tribunal a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts concernant le crédit affecté souscrit par M. [C] [I] auprès de CA CONSUMER FINANCE. Il a constaté que la société de crédit n’avait pas correctement rempli son devoir d’explication concernant l’adéquation du contrat de crédit aux besoins et à la situation financière de M. [C] [I]. En conséquence, CA CONSUMER FINANCE a été ordonnée de communiquer à M. [C] [I] un nouveau tableau d’amortissement, limitant le total des versements au capital emprunté de 17.900 €. Cette décision a été prise sans qu’il soit nécessaire d’examiner d’autres moyens, en raison du manquement de la société à ses obligations. Quelles sont les conséquences financières pour les deux parties suite à la décision du tribunal ?Suite à la décision du tribunal, les deux parties ont été condamnées à supporter les dépens par moitié, ce qui signifie qu’elles doivent chacune payer une partie des frais de justice. Aucune des parties n’a été condamnée à verser des dommages-intérêts à l’autre, et chaque partie a conservé à sa charge ses frais irrépétibles. Le tribunal a également décidé qu’il n’y avait pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit, ce qui signifie que la décision est immédiatement applicable. En résumé, bien que M. [C] [I] ait été débouté de ses demandes principales, il a obtenu une réduction significative de ses obligations financières envers CA CONSUMER FINANCE en raison de la déchéance des intérêts. |
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