Publicité engagée : les marques bénéficient de la liberté d’expression

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Publicité engagée : les marques bénéficient de la liberté d’expression

L’Essentiel : La campagne publicitaire « Les Magasins U disent bye-bye au phénoxyéthanol » a été défendue par la Coopérative U Enseigne face à une action en justice de la Fédération des Entreprises de la Beauté. La juridiction a statué que cette publicité, bien qu’elle critique une substance controversée, s’inscrit dans un débat d’intérêt général et repose sur des recommandations des autorités sanitaires. Le ton humoristique du message, qui ne qualifie pas le phénoxyéthanol de toxique, respecte les limites de la liberté d’expression. Ainsi, aucune faute de dénigrement n’a été retenue contre la campagne.

Une publicité engagée, y compris lorsqu’elle est faite pour le compte d’un annonceur privé (et non un organisme à but non lucratif) peut bénéficier de la liberté d’expression, sans encourir le dénigrement.

Les Magasins U contre le phénoxyéthanol

La Fédération des Entreprises de la Beauté a assigné sans succès la COOPÉRATIVE U ENSEIGNE pour faire interdire la campagne publicitaire « Les Magasins U disent bye-bye au phénoxyéthanol ».  Le film publicitaire en question prend la forme d’une scénette entre personnages en images de synthèse, dont l’un d’eux symbolise le phénoxyéthanol et est représenté comme un personnage intrusif et nocif.

La FEBEA est une fédération professionnelle réunissant les syndicats des entreprises cosmétiques. Elle a pour objet de représenter, en France et à l’étranger, les intérêts communs de ses adhérents. Le groupement Système U est un groupement coopératif de commerçants indépendants. Il exploite des magasins aux enseignes Hyper U, Super U, Marché U et U express. La Coopérative U Enseigne est la centrale de services et de référencement du groupe Système U. Elle est en charge de la communication nationale et du développement des produits marques de distributeur (MDD).

Recevabilité de l’action de la FEBEA

L’article L.2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Parmi les adhérents de la FEBEA, figurent des entreprises qui commercialisent des produits contenant du phénoxyéthanol, des entreprises qui n’en commercialisent pas et communiquent en ce sens et des entreprises qui commercialisent les deux types de produits, parfois sous des marques différentes. Il s’ensuit qu’il est de l’intérêt collectif des adhérents de la FEBEA d’agir à l’encontre d’une publicité susceptible de constituer un dénigrement à l’égard d’une substance qu’ils utilisent ou sont susceptibles d’utiliser.

La liberté d’expression prime

La juridiction a considéré que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Si une publicité peut constituer un acte de dénigrement, lorsque son contenu se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, sa diffusion relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve que son message soit exprimé avec une certaine mesure.

II est incontestable que le film publicitaire litigieux s’inscrit dans un débat d’intérêt général, s’agissant de l’utilisation de substances controversées dans des produits cosmétiques destinés à la toilette de nourrissons ou d’enfants en bas âge. Or, la toxicité du phénoxyéthanol a été mise en avant en 2008 dans une fiche toxicologique de l’institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ; en mai 2012, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a recommandé, pour les enfants de moins de trois ans, « une non-utilisation du phénoxyéthanol dans les produits destinés au siège et une restriction’ à la concentration de 0,4 % dans tous les autres types de produits (au lieu de 1 % actuellement) ».  

Par ailleurs, la FEBEA ayant présenté à l’ANSM une demande de retrait des recommandations de 2012, un comité scientifique spécialisé temporaire a été mis en place afin d’établir l’opportunité du maintien de ces recommandations. En décembre 2017, ce comité a non seulement déclaré que la recommandation de non-utilisation de 2012 devait être maintenue, mais a estimé « souhaitable de l’élargir aux lingettes qui sont habituellement utilisées aussi pour nettoyer le siège des jeunes enfants » et que « dans tous les autres produits cosmétiques destinés aux enfants de 3 ans ou moins, la concentration maximale de phénoxyéthanol pourrait rester à 1 % ».

Substance toxique ou substance controversée?

Le message publicitaire a été réalisé sur un ton humoristique et se fait seulement l’écho des recommandations des autorités sanitaires françaises. En outre, s’il est critique sur l’utilisation du phénoxyéthanol, celui-ci n’est pas qualifié de produit toxique dans le message publicitaire et à la fin du film, il est mentionné qu’il fait partie des « 90 substances controversées » que les magasins U se sont engagés à ne plus commercialiser.

Il s’ensuit que le message publicitaire litigieux, qui s’inscrivait dans un débat d’intérêt général et reposait sur une base factuelle suffisante, n’a pas dépassé les limites admissibles à la liberté d’expression. Aucune faute fondée sur le dénigrement ou la publicité trompeuse n’a été retenue.  Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que la campagne publicitaire des Magasins U concernant le phénoxyéthanol ?

La campagne publicitaire des Magasins U, intitulée « Les Magasins U disent bye-bye au phénoxyéthanol », a été conçue pour sensibiliser le public à l’utilisation de cette substance dans les produits cosmétiques.

Le film publicitaire utilise des personnages en images de synthèse, où l’un d’eux représente le phénoxyéthanol comme un personnage intrusif et nocif. Cette approche humoristique vise à attirer l’attention sur les préoccupations liées à l’utilisation de cette substance, notamment dans les produits destinés aux enfants.

La Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA) a tenté d’interdire cette campagne, arguant qu’elle portait atteinte à l’image des produits contenant du phénoxyéthanol. Cependant, la juridiction a jugé que la campagne relevait de la liberté d’expression, car elle s’inscrit dans un débat d’intérêt général.

Quel est le rôle de la FEBEA dans cette affaire ?

La FEBEA, ou Fédération des Entreprises de la Beauté, est une organisation professionnelle qui représente les intérêts des entreprises cosmétiques en France et à l’étranger. Elle regroupe des entreprises qui commercialisent des produits contenant du phénoxyéthanol, ainsi que celles qui n’en commercialisent pas.

Dans le cadre de cette affaire, la FEBEA a assigné les Magasins U en justice, cherchant à faire interdire la campagne publicitaire qui, selon elle, dénigrait le phénoxyéthanol. L’article L.2132-3 du code du travail permet aux syndicats professionnels d’agir en justice pour défendre l’intérêt collectif de leurs membres.

La FEBEA a donc agi pour protéger les intérêts de ses adhérents, qui peuvent être affectés par une campagne qui critique une substance qu’ils utilisent dans leurs produits.

Comment la liberté d’expression est-elle protégée dans ce contexte ?

La juridiction a affirmé que la liberté d’expression est un droit fondamental qui ne peut être restreint que dans des cas spécifiques, comme le stipule le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans cette affaire, bien que la publicité puisse être perçue comme un acte de dénigrement, elle traite d’un sujet d’intérêt général et repose sur des bases factuelles solides. La campagne vise à informer le public sur les risques potentiels associés à l’utilisation du phénoxyéthanol, en particulier dans les produits pour enfants.

Le tribunal a donc conclu que le message publicitaire, bien qu’il critique l’utilisation de cette substance, ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression, tant qu’il est exprimé avec mesure et dans un cadre factuel.

Quelles recommandations ont été faites concernant le phénoxyéthanol ?

Le phénoxyéthanol a été au centre de plusieurs recommandations de la part des autorités sanitaires françaises. En 2008, une fiche toxicologique a mis en avant la toxicité de cette substance, et en mai 2012, l’ANSM a recommandé de ne pas l’utiliser dans les produits destinés aux enfants de moins de trois ans.

Cette recommandation a été renforcée par un comité scientifique en décembre 2017, qui a non seulement maintenu la recommandation de non-utilisation, mais a également suggéré de l’étendre aux lingettes utilisées pour nettoyer le siège des jeunes enfants.

Ces recommandations ont été prises en compte dans la campagne publicitaire des Magasins U, qui a utilisé un ton humoristique pour rappeler ces préoccupations sanitaires.

Le message publicitaire des Magasins U est-il considéré comme dénigrant ?

Le message publicitaire des Magasins U n’est pas qualifié de dénigrant, car il ne désigne pas le phénoxyéthanol comme un produit toxique. Au contraire, il fait référence aux recommandations des autorités sanitaires et mentionne que le phénoxyéthanol fait partie des « 90 substances controversées » que les magasins U se sont engagés à ne plus commercialiser.

Le tribunal a jugé que le message s’inscrit dans un débat d’intérêt général et repose sur des bases factuelles suffisantes. Par conséquent, il n’a pas été considéré comme dépassant les limites de la liberté d’expression, et aucune faute liée au dénigrement ou à la publicité trompeuse n’a été retenue.


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