L’Essentiel : La cour d’appel de Paris a confirmé qu’aucune obligation d’anonymisation ne pèse sur les plateformes publiant des décisions de justice. Dans l’affaire opposant M. [R] à la société FORSETI, l’appelant, réfugié politique, contestait la diffusion de ses données personnelles sur le site de la société. La cour a jugé que M. [R] n’avait pas prouvé avoir demandé l’anonymisation de ses données avant l’assignation. De plus, il avait lui-même divulgué son adresse comme siège d’association, ce qui ne constituait pas une atteinte à sa vie privée. Le jugement initial a donc été confirmé.
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Aucune obligation légale ou réglementaire ne fait peser sur les plateformes publiant des décisions de jurisprudence une obligation d’anonymiser les décisions diffusées par leurs soins.
Les faits de l’affaireM. [O] [R] déclare bénéficier du statut de réfugié politique en France du fait de son activité politique au Cameroun, activité qu’il poursuit au sein de l’Union Démocratique des Opposants Camerounais (UDOC). Le 15 septembre 2009, la cour administrative d’appel de Versailles a rendu un arrêt confirmatif par lequel elle rejetait sa requête visant à contester la décision prise par le préfet de Val-d’Oise de refuser d’échanger son permis de conduire camerounais contre un titre français équivalent, au vu du caractère contrefait du premier. La société FORSETI, dont le nom commercial est DOCTRINE, créée en 2016, est l’éditrice du site internet [06] et a pour objet le traitement et la diffusion de la donnée, notamment juridique. Il est constant que lorsque l’arrêt de la cour administrative d’appel a été publié sur le site [06], le nom du demandeur ([V] [O] [R]) et son adresse ([Adresse 1] à [Localité 7]) y figuraient initialement. Affaire DoctrineC’est dans ces circonstances que M. [R] a fait citer la société FORESTI devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir, notamment, ordonner la cessation de cette publication et sa condamnation au paiement de la somme de 12’000’euros à titre de dommages-intérêts. Demande d’opposition satisfaiteEn l’espèce, il n’était pas non plus établi qu’une demande d’opposition au traitement de ses données personnelles n’a été transmise par l’appelant à la société avant la délivrance de l’assignation, demande à laquelle il a été fait droit et, enfin, aucune atteinte à la vie privée n’est caractérisée dès lors que l’intéressé avait déjà fait le choix de divulguer son adresse personnelle comme adresse d’une association et siège d’une société, outre la mention de cette adresse sur le registre de transparence des lobbyistes auprès de la commission européenne. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 2 – Chambre 7 ARRET DU 28 JUIN 2023 (n° 16/2023, 4 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14467 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIOC Décision déférée à la cour : Jugement du 18 Mai 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 19/11986 APPELANT Monsieur [O] [R] [Adresse 1] [Localité 5] né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 8] (CAMEROUN) Représenté et assisté par Maître Stéphane FOLACCI, avocat au barreau de PARIS, toque: E2144, avocat postulant et plaidant (bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/017825 du 06/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS) INTIMEE S.A.S. FORSETI représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Localité 3] N° SIRET : 820 86 7 8 77 Représentée par Maître Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, avocat postulant Assistée de Maître Adrien AULAS et de Mathias LE MASNE DE CHERMONT de l’AARPI LIGHTEN, avocats au barreau de PARIS, toque : G808, avocats plaidants COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 31 Mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de: M. Jean-Michel AUBAC, Président Mme Anne RIVIERE, Assesseur un rapport a été présenté à l’audience par M. AUBAC dans les conditions prévues par les articles 804 et 805 du code de procédure civile. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de: M. Jean-Michel AUBAC, Président Mme Anne RIVIERE, Assesseur Mme Anne CHAPLY, Assesseur Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA ARRET : – CONTRADICTOIRE – par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. – signé par Jean-Michel AUBAC, président, et par Margaux MORA, greffier, présente lors de la mise à disposition. LES FAITS’: 1. M. [O] [R] déclare bénéficier du statut de réfugié politique en France du fait de son activité politique au Cameroun, activité qu’il poursuit au sein de l’Union Démocratique des Opposants Camerounais (UDOC). 2. Le 15’septembre 2009, la cour administrative d’appel de Versailles a rendu un arrêt confirmatif par lequel elle rejetait sa requête visant à contester la décision prise par le préfet de Val-d’Oise de refuser d’échanger son permis de conduire camerounais contre un titre français équivalent, au vu du caractère contrefait du premier. 3. La société FORSETI, dont le nom commercial est DOCTRINE, créée en 2016, est l’éditrice du site internet [06] et a pour objet le traitement et la diffusion de la donnée, notamment juridique. 4. Il est constant que lorsque l’arrêt de la cour administrative d’appel a été publié sur le site [06], le nom du demandeur ([V] [O] [R]) et son adresse ([Adresse 1] à [Localité 7]) y figuraient initialement. 5. C’est dans ces circonstances que M. [R] a fait citer la société FORESTI devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir, notamment, ordonner la cessation de cette publication et sa condamnation au paiement de la somme de 12’000’euros à titre de dommages-intérêts. 6. M. [R] modifiait ensuite ses demandes pour solliciter la condamnation de la société au paiement de la somme de 30’000 euros à titre de dommages-intérêts. Il faisait valoir que la société avait manqué à ses obligations légales en diffusant un arrêt non anonymisé et avait ainsi porté atteinte à sa vie privée ce qui avait entraîné «’la mise en danger de sa personne physique’». 7. Par jugement du 18’mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris l’a débouté de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 3’000’euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il a retenu, d’une part, que la société FORSETI, qui n’est pas une administration, n’est pas soumise à l’obligation d’anonymiser les documents diffusés sur son site internet et, d’autre part, qu’aucune atteinte à la vie privée n’est caractérisée dès lors que le demandeur avait fait le choix de déclarer son domicile personnel comme le siège de ses associations et de ses activités professionnelles. 8. M. [R] a interjeté appel de ce jugement le 31’août 2022. 9. Dans ses dernières conclusions, transmises au greffe par RPVA, le 18’avril 2023, M.'[R] demande à la cour de, Débouter la société FORSETI de l’ensemble de ses demandes, Constater que la société DOCTRINE a violé ses obligations légales en sa qualité d’éditeur et d’opérateur de traitement, La condamner au paiement de la somme de 30’000’euros à titre de dommages-intérêts et de celle de 3’000’euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. À titre subsidiaire, il a conclu au rejet des demandes de l’intimée. Il fait valoir que la société FORSETI, en sa qualité d’éditeur de bases de données juridiques, à défaut de collecte loyale et d’anonymisation des décisions, n’a pas respecté les obligations imposées par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et a porté atteinte à son droit au respect de la vie privée tel que protégé par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale. 10. Dans ses dernières conclusions, transmises à la cour par RPVA le 16’mai 2023, la société FORSETI a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris. À titre subsidiaire, elle a demandé de limiter la condamnation à un euro et de rejeter les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. En toute hypothèse, elle a demandé la condamnation de l’appelant au paiement de la somme de 12’980’euros au titre des frais irrépétibles de défense, outre les entiers dépens. 11. La clôture a été prononcée à l’audience du 31’mai 2023, date à laquelle l’affaire a été plaidée. 12. À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 28’juin 2023. SUR CE, 13. Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a justifié sa décision déboutant l’appelant de l’ensemble de ses demandes. 14. En effet, les premiers juges ont exactement retenu, en premier lieu, qu’aucune obligation légale ou réglementaire refait peser sur l’intimée une obligation d’anonymiser les décisions diffusées par ses soins, en deuxième lieu, qu’il n’est pas établi qu’une demande d’opposition au traitement de ses données personnelles n’a été transmise par l’appelant à l’intimée avant la délivrance de l’assignation du 23’juillet 2019 ‘ demande à laquelle il a été fait droit dès le 24’juillet 2019 ‘ et, enfin, qu’aucune atteinte à la vie privée n’est caractérisée dès lors que l’appelant avait déjà fait le choix de divulguer son adresse personnelle comme adresse d’une association et siège d’une société, outre la mention de cette adresse sur le registre de transparence des lobbyistes auprès de la commission européenne. 15. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de l’ensemble de ses demandes. 16. Il est équitable de confirmer le jugement s’agissant de la somme allouée en application de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de condamner l’appelant au paiement d’une somme supplémentaire de 3’000’euros pour les frais en cause d’appel. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement entrepris’; Y ajoutant, Condamne M. [R] à payer à la société FORSETI une somme supplémentaire de 3’000’euros en application de l’article’475-1 du code de procédure pénale’; Condamne M. [R] aux dépens. LE PRÉSIDENT LE GREFFIER |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le statut de M. [O] [R] en France et pourquoi ?M. [O] [R] bénéficie du statut de réfugié politique en France en raison de son engagement politique au Cameroun. Il est membre de l’Union Démocratique des Opposants Camerounais (UDOC), une organisation qui lutte pour les droits politiques et civiques au Cameroun. Ce statut lui permet de vivre en France en toute sécurité, loin des persécutions potentielles qu’il pourrait subir dans son pays d’origine en raison de ses activités politiques. Le statut de réfugié est accordé aux personnes qui peuvent prouver qu’elles ont été persécutées ou qu’elles ont un fondement raisonnable de craindre des persécutions en raison de leur race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social particulier ou opinions politiques. Quelle décision a été prise par la cour administrative d’appel de Versailles concernant M. [R] ?Le 15 septembre 2009, la cour administrative d’appel de Versailles a rendu un arrêt confirmatif qui rejetait la requête de M. [R]. Il contestait la décision du préfet de Val-d’Oise, qui avait refusé d’échanger son permis de conduire camerounais contre un titre français équivalent, en raison du caractère contrefait de son permis. Cette décision a été un coup dur pour M. [R], car elle a non seulement affecté sa capacité à conduire légalement en France, mais a également mis en lumière les difficultés qu’il rencontre en tant que réfugié politique. Le refus d’échanger son permis de conduire a des implications pratiques sur sa vie quotidienne et son intégration dans la société française. Quelles actions M. [R] a-t-il entreprises contre la société FORSETI ?M. [R] a cité la société FORSETI devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la cessation de la publication de ses données personnelles sur le site internet de la société, ainsi que des dommages-intérêts s’élevant à 12 000 euros. Il a modifié ses demandes par la suite, sollicitant une somme de 30 000 euros, arguant que la société avait manqué à ses obligations légales en diffusant un arrêt non anonymisé, ce qui aurait porté atteinte à sa vie privée. M. [R] a soutenu que cette divulgation avait mis en danger sa sécurité personnelle, compte tenu de son statut de réfugié et des risques associés à son exposition publique. Quelles étaient les conclusions du tribunal judiciaire de Paris concernant la demande de M. [R] ?Le tribunal judiciaire de Paris a débouté M. [R] de ses demandes le 18 mai 2022. Il a statué que la société FORSETI, en tant qu’éditeur, n’était pas soumise à l’obligation d’anonymiser les documents diffusés sur son site internet. De plus, le tribunal a estimé qu’aucune atteinte à la vie privée n’était caractérisée, car M. [R] avait lui-même choisi de rendre publique son adresse personnelle en tant que siège de ses associations et activités professionnelles. Cette décision a été fondée sur le fait que M. [R] avait également inscrit son adresse sur le registre de transparence des lobbyistes auprès de la Commission européenne, ce qui a renforcé l’argument selon lequel il ne pouvait pas revendiquer une atteinte à sa vie privée. Quelles étaient les principales arguments de M. [R] dans son appel ?Dans son appel, M. [R] a soutenu que la société FORSETI avait violé ses obligations légales en tant qu’éditeur et opérateur de traitement de données, en ne respectant pas le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Il a affirmé que la diffusion de ses données personnelles sans anonymisation constituait une atteinte à son droit au respect de la vie privée, tel que protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. M. [R] a également demandé à la cour de débouter la société FORSETI de toutes ses demandes et de lui accorder des dommages-intérêts pour le préjudice subi, en plus des frais de justice. Quelle a été la décision finale de la cour d’appel de Paris ?La cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris le 28 juin 2023. Elle a statué que la société FORSETI n’avait aucune obligation légale d’anonymiser les décisions diffusées sur son site. De plus, la cour a noté qu’il n’était pas prouvé qu’une demande d’opposition au traitement des données personnelles avait été faite par M. [R] avant l’assignation. Enfin, la cour a également condamné M. [R] à payer une somme supplémentaire de 3 000 euros pour les frais de l’appel, en plus des 3 000 euros déjà alloués en application de l’article 700 du code de procédure civile. |
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