Provision contestée : absence de justification des charges d’eau.

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Provision contestée : absence de justification des charges d’eau.

L’Essentiel : La société SCI DE LA REPUBLIQUE a conclu un bail commercial avec LE TENERE pour un local à usage de café, brasserie, et tabac. En raison de loyers impayés, un commandement de payer a été délivré à L’USINE BOULOGNE, cessionnaire du bail. En mars 2024, la SCI a assigné L’USINE BOULOGNE en référé pour obtenir le paiement de charges impayées. Lors de l’audience de novembre 2024, la SCI a réduit sa demande à 1 113,76 euros pour des charges d’eau. Le juge a rejeté la demande de provision, constatant une contestation sérieuse sur le montant réclamé.

Contexte de l’affaire

La société SCI DE LA REPUBLIQUE a conclu un bail commercial avec la société LE TENERE pour un local commercial, d’une durée de neuf ans, à compter du 1er mars 2017. Le loyer mensuel était fixé à 2 500 euros, hors taxes et charges, pour une activité de café, brasserie, restaurant, tabac, et articles de fumeur. En mars 2019, LE TENERE a cédé son droit au bail à la société L’USINE BOULOGNE.

Impayés et commandement de payer

Des loyers sont restés impayés, ce qui a conduit la SCI DE LA REPUBLIQUE à délivrer un commandement de payer à L’USINE BOULOGNE, réclamant une somme de 10 420,58 euros au titre de la dette locative. En février 2024, L’USINE BOULOGNE a effectué un virement de 10 595,36 euros, mais des charges d’eau demeuraient impayées.

Assignation en référé

En mars 2024, la SCI DE LA REPUBLIQUE a assigné L’USINE BOULOGNE devant le juge des référés, demandant le paiement de 7 189,30 euros pour des charges et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’audience a été reportée à novembre 2024 en raison de la constitution d’un avocat pour la défense.

Modifications des demandes

Lors de l’audience du 21 novembre 2024, la SCI DE LA REPUBLIQUE a modifié ses demandes, sollicitant uniquement le paiement de 1 113,76 euros pour des charges d’eau et 3 000 euros pour les frais d’avocat. Elle a précisé que L’USINE BOULOGNE restait débitrice de cette somme.

Absence de l’avocat de la défense

L’avocat de L’USINE BOULOGNE, bien que constitué, n’a pas comparu à l’audience. Les conclusions transmises par message RPVA n’ont pas été prises en compte en raison de cette absence.

Analyse de la demande de provision

Le juge a examiné la demande de provision pour les charges d’eau. Il a constaté qu’il existait une contestation sérieuse concernant le montant réclamé, notamment en raison d’un appel de charges récent et d’une consommation d’eau anormalement élevée sans justificatif. Par conséquent, la demande de provision a été rejetée.

Décision sur les dépens et frais

Le juge a statué que L’USINE BOULOGNE, ayant réglé une partie de sa dette après l’assignation, serait condamnée aux dépens. De plus, il a décidé de condamner L’USINE BOULOGNE à verser 1 000 euros à la SCI DE LA REPUBLIQUE au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en tenant compte de l’équité.

Conclusion de l’ordonnance

Le juge des référés a rendu une ordonnance exécutoire à titre provisoire, renvoyant les parties à se pourvoir au fond tout en statuant sur les demandes de provision et de frais.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé selon l’article 835 du code de procédure civile ?

La provision en référé est régie par l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui stipule que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder, en référé, une provision au créancier. »

Pour qu’une provision soit accordée, il est nécessaire que le juge constate l’existence d’une obligation non sérieusement contestable. Cela signifie que l’obligation sur laquelle repose la demande de provision ne doit pas être sujette à une contestation sérieuse.

La contestation est considérée comme sérieuse lorsque l’un des moyens de défense n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision du juge du fond.

Il est important de noter que la nature de l’obligation (qu’elle soit contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle) est indifférente pour l’octroi de la provision.

Le demandeur doit prouver l’existence de l’obligation, tandis que le défendeur doit démontrer qu’il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande.

La non-comparution du défendeur ne suffit pas à établir l’absence de contestation sérieuse, et cette appréciation se fait à la date de la décision et non à celle de la saisine.

Comment se justifie la demande de provision dans le cas présent ?

Dans l’affaire en question, la société SCI DE LA REPUBLIQUE a demandé une provision pour le paiement de charges d’eau d’un montant de 1 113,76 euros, correspondant à un appel de charges du 15 novembre 2024.

Cependant, le juge a constaté que, au vu de la date de l’appel de charges, il ne pouvait pas être considéré qu’il existait un impayé à ce titre.

De plus, les décomptes antérieurs de charges d’eau ont montré une consommation anormalement élevée en 2023 par rapport aux années précédentes, sans que la société SCI DE LA REPUBLIQUE ne fournisse de justificatifs pour expliquer cette hausse.

Ainsi, le juge a conclu qu’il existait une contestation sérieuse sur la demande de provision, ce qui a conduit à la décision de ne pas faire droit à cette demande.

Quelles sont les implications des articles 491 et 696 du code de procédure civile concernant les dépens ?

L’article 491, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que :

« Le juge statuant en référé statue sur les dépens. »

Cela signifie que le juge a l’obligation de se prononcer sur la répartition des frais de justice entre les parties.

L’article 696 précise que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans le cas présent, la société L’USINE BOULOGNE, ayant réglé sa dette après l’assignation, a été condamnée aux dépens.

Cela signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure, ce qui est une application directe de ces articles.

Comment le juge a-t-il appliqué l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile stipule que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le juge a décidé de condamner la société L’USINE BOULOGNE à verser la somme de 1 000 euros à la société SCI DE LA REPUBLIQUE au titre de l’article 700.

Cette décision a été prise en tenant compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Le juge a donc exercé son pouvoir discrétionnaire pour déterminer le montant à allouer, en considérant les circonstances de l’affaire et les frais exposés par la partie demanderesse.

Ainsi, la condamnation à verser cette somme s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 700, visant à compenser les frais non couverts par les dépens.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 14 JANVIER 2025

N° RG 24/00667 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZI7J

N° de minute :

S.C.I. DE LA REPUBLIQUE

c/

S.A.S. L’USINE BOULOGNE

DEMANDERESSE

S.C.I. DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Maître Sonia KEPES de la SELARL KEPES SONIA, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 54

DEFENDERESSE

S.A.S. L’USINE BOULOGNE
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentée par Me Denis WOMASSOM TCHUANGOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D705 et non comparant à l’audience de plaidoirie

PARTIES INTERVENANTES

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : Karine THOUATI, Vice-présidente, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Philippe GOUTON, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 21 novembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

Par acte authentique date du 8 octobre 2018, la société SCI DE LA REPUBLIQUE a donné à bail commercial à la société LE TENERE un local commercial sis [Adresse 3], d’une durée de neuf années courant rétroactivement du 1er mars 2017 au 28 février 2026, moyennant un loyer mensuel de 2 500 euros, hors taxes et hors charges, payable mensuellement d’avance, pour une activité de café, brasserie, restaurant, tabac, articles de fumeur et tabletterie et plus généralement tous articles habituellement en vente dans les bureaux de tabac, PMU.

Par acte du 20 mars 2019, la société TENERE a cédé son droit au bail à la société L’USINE BOULOGNE.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par acte de commissaire de justice du 18 janvier 2024, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer, visant la clause résolutoire, à la société L’USINE BOULOGNE, pour une somme de 10 420,58 euros en principal au titre de la dette locative arrêtée au 11 janvier 2024 (mois de janvier 2024 inclus).

Le 19 février 2024, la société L’USINE DE BOULOGNE a procédé à un virement de 10.595,36 euros.

Par acte de commissaire de justice du 8 mars 2024, la société SCI DE LA REPUBLIQUE a fait assigner la société L’USINE BOULOGNE devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de voir principalement :

* Condamner la société L’USINE BOULOGNE à régler à la SCI DE LA REPUBLIQUE la somme provisionnelle de 7 189,30 euros correspondant aux charges arrêtées au 5 mars 2024.
* Condamner la société L’USINE BOULOGNE à payer à la SCI DE LA REPUBLIQUE une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’audience du 27 juin 2024 l’affaire a été renvoyée au 21 novembre 2024, un avocat venant de se constituer en défense.

A l’audience du 21 novembre 2024, la société SCI DE LA REPUBLIQUE a soutenu des conclusions selon lesquelles elle modifie ses demandes, et sollicite seulement :

* Condamner la société L’USINE BOULOGNE à régler à la SCI DE LA REPUBLIQUE la somme provisionnelle de 1.113,76 euros correspondant aux charges arrêtées au 15 novembre 2024.
* Condamner la société L’USINE BOULOGNE à payer à la SCI DE LA REPUBLIQUE une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle indique que la société L’USINE BOULOGNE, qui a réglé 10 595,36 euros le 19 février 2024 soit la somme de 10.420,58 euros reste débitrice de la somme de 1.113,76 euros au titre des charges d’eau.

L’avocat de la société L’USINE BOULOGNE bien que constitué et ayant adressé des conclusions par message RPVA, n’a pas comparu malgré la procédure orale.

Conformément aux dispositions des article 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et à la note d’audience.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE
Tout d’abord il y a lieu d’indiquer qu’en l’absence de l’avocat du défendeur, la procédure étant orale les conclusions de celui-ci adressées par message RPVA ne sont pas prises en compte dans la présente décision.

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder, en référé, une provision au créancier.

L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l’obligation sur laquelle elle repose n’est pas sérieusement contestable et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d’ailleurs correspondre à la totalité de l’obligation.

La contestation est sérieuse quand l’un des moyens de défense n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision du juge du fond.

Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l’obligation en cause. La nature de l’obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.

Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer qu’il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande. La non-comparution du défendeur ne peut, à elle seule, caractériser l’absence de contestation sérieuse.

L’existence d’une contestation sérieuse s’apprécie à la date de sa décision et non à celle de sa saisine.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, dans sa version applicable au litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’article 1103 du code civil prévoit : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

En l’espèce,
Le bailleur sollicite par provision le paiement de charges relatives à l’eau d’un montant de 1 113,76 euros au titre d’un appel de charges du 15 novembre 2024, soit une semaine avant l’audience.
Au vu de la date de l’appel de charges indiquée sur le décompte , à savoir le 15 novembre 2024, il ne peut être considéré qu’il existe un impayé à ce titre.
Au surplus, au vu des décomptes antérieurs de charges d’eau produits par la société SCI DE LA REPUBLIQUE, il apparaît que la consommation d’eau en 2023 est excessivement plus élevée qu’en 2020, 2021 et 2022, et aucun justificatif n’est produit aux débats pour en justifier.

Dès lors, il existe à tout le moins une contestation sérieuse sur la demande.

Partant, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de provision.

Sur les demandes accessoires :

L’article 491, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le preneur ayant réglé sa dette après l’assignation, il sera condamné aux dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.

L’équité commande de condamner la société L’USINE BOULOGNE à verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, exécutoire à titre provisoire,

Au principal, renvoie les parties à se pourvoir au fond, mais dès à présent, par provision ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision ;

Condamne la société L’USINE BOULOGNE aux dépens ;

Condamne la société L’USINE BOULOGNE à payer à la SCI DE LA REPUBLIQUE la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

FAIT À NANTERRE, le 14 janvier 2025.

LE GREFFIER

Philippe GOUTON, Greffier

LE PRÉSIDENT

Karine THOUATI, Vice-présidente


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