L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure a contesté la décision de la cour d’appel qui avait accueilli le recours de l’employeur. Elle soutenait que l’audiogramme, protégé par le secret médical, ne devait pas figurer dans le dossier accessible à l’employeur. La Cour a confirmé que cet élément de diagnostic ne devait pas être inclus, conformément à la jurisprudence. Cependant, la cour d’appel a déclaré la prise en charge inopposable à l’employeur en raison de l’absence de l’audiogramme. Un revirement de jurisprudence en juin 2024 a finalement conduit à l’annulation de cette décision, réévaluant ainsi la prise en charge.
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Contexte de l’affaireLa caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure a pris en charge la maladie d’un salarié, entraînant un recours de l’employeur devant une juridiction spécialisée en contentieux de la sécurité sociale. Arguments de la caisseLa caisse conteste la décision de la cour d’appel qui a accueilli le recours de l’employeur, arguant que l’audiogramme, élément couvert par le secret médical, ne devait pas figurer dans le dossier accessible à l’employeur. Elle invoque plusieurs articles du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique pour soutenir sa position. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que l’audiogramme est un élément de diagnostic protégé par le secret médical et ne doit pas être inclus dans le dossier administratif de la caisse. Cette interprétation est conforme à la jurisprudence antérieure. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a déclaré la décision de prise en charge inopposable à l’employeur, en raison de l’absence de l’audiogramme lors de la procédure d’instruction. Impact de la jurisprudenceBien que la décision de la cour d’appel soit en ligne avec des arrêts précédents, un revirement de jurisprudence intervenu en juin 2024 a conduit à l’annulation de cette décision, remettant en question la validité de l’argumentation de la cour d’appel. ConclusionL’arrêt attaqué a été annulé, entraînant une réévaluation de la prise en charge de la maladie par la caisse. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique du secret médical en relation avec les documents médicaux dans le cadre de la sécurité sociale ?Le secret médical est un principe fondamental qui protège la confidentialité des informations médicales. Selon l’article L. 1110-4 du code de la santé publique : « Le respect du secret médical s’impose à tout professionnel de santé. Il couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. Le secret ne peut être révélé que si la loi l’impose ou l’autorise. » Dans le cadre de la sécurité sociale, l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale précise que : « Le dossier constitué par les services administratifs de la caisse comprend les pièces nécessaires à l’instruction de la demande de prise en charge. » Il est donc établi que l’audiogramme, en tant qu’élément de diagnostic, est couvert par le secret médical et ne doit pas figurer dans le dossier accessible à l’employeur. Quelles sont les implications de la jurisprudence sur la communication des documents médicaux à l’employeur ?La jurisprudence récente a clarifié la question de la communication des documents médicaux, notamment l’audiogramme, à l’employeur. Dans l’arrêt du 13 juin 2024, il a été jugé que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical. Ainsi, il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale. Cette décision a des conséquences importantes pour les employeurs, car elle signifie que la prise en charge de la maladie par la caisse ne peut être contestée sur la base de l’absence de l’audiogramme dans le dossier. Comment la décision de prise en charge peut-elle être contestée par l’employeur ?L’employeur peut contester la décision de prise en charge en se basant sur des éléments de procédure. Cependant, selon l’arrêt attaqué, la cour d’appel a jugé que la caisse n’avait pas mis à disposition de l’employeur l’audiogramme lors de la procédure d’instruction. Cela a conduit à la déclaration de la décision de prise en charge comme inopposable à l’employeur. Toutefois, avec le revirement de jurisprudence, il est désormais établi que l’absence de l’audiogramme dans le dossier ne peut pas être un motif de contestation, car cet élément est protégé par le secret médical. Ainsi, la contestation de l’employeur doit se fonder sur d’autres éléments que l’absence de documents couverts par le secret médical. Quelles sont les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué ?L’annulation de l’arrêt attaqué a pour conséquence de rétablir la validité de la décision de prise en charge de la caisse. Cela signifie que l’employeur ne peut plus contester cette décision sur la base de l’absence de l’audiogramme dans le dossier. Cette décision renforce la protection du secret médical et souligne l’importance de respecter les droits des patients en matière de confidentialité. En conséquence, les employeurs doivent être conscients que les éléments médicaux relatifs à la santé de leurs employés sont protégés par la loi, et qu’ils ne peuvent pas en demander la communication sans une base légale appropriée. |
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2025
Annulation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 89 F-D
Pourvoi n° U 23-10.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
La caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-10.482 contre l’arrêt n° RG : 21/00593 rendu le 17 novembre 2022 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l’opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure, et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 17 novembre 2022), la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse) ayant, après enquête et par décision du 27 août 2018, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l’un de ses salariés (la victime), la société [3] (l’employeur) a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l’arrêt d’accueillir le recours de l’employeur, alors :
« 1°/ que le secret médical couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ; que le secret ne peut être révélé que si la loi l’impose ou l’autorise ; que faute de dérogation légale, l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles, qui relate les conclusions d’un examen médical, est couvert par le secret médical, de sorte qu’il ne saurait figurer dans le dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l’employeur peut demander la communication ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ;
2°/ que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles ne figure pas parmi les pièces que doit comprendre le dossier constitué par la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale. »
Vu les articles L. 1110-4 du code de la santé publique, L. 315-1, V, L. 461-1, R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le quatrième dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, le cinquième dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, et le tableau n° 42 des maladies professionnelles :
3. Pour l’application de ces textes, il est désormais jugé que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu’il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 13 juin 2024, pourvois n° 22-15.721, publié, n° 22-16.265, n° 22-19.381 et n° 22-22.786, publié).
4. Pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l’employeur, l’arrêt retient que la caisse n’a pas mis à disposition de l’employeur lors de la procédure d’instruction et de l’instance, l’audiogramme destiné à caractériser la maladie conformément au tableau n° 42.
5. Si cette solution est conforme à la jurisprudence résultant d’arrêts antérieurs (notamment Soc.,19 octobre 1995, pourvoi n° 93-12.329 ; 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-18.901), le revirement de jurisprudence, opéré par les arrêts du 13 juin 2024 précités, conduit à l’annulation de l’arrêt.
6. En conséquence, il y a lieu à annulation de l’arrêt attaqué.
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