L’Essentiel : La protection des bases de données est conditionnée par la preuve d’investissements substantiels. Dans le cas d’un fichier des Comités d’Entreprises, la Cour de cassation a rejeté la demande de protection, soulignant que les dépenses annuelles pour les sous-traitants, s’élevant à 8 000 €, ne suffisaient pas à établir un investissement substantiel. De plus, le travail du gérant, jugé « difficilement quantifiable », n’a pas été justifié en termes d’efforts ou de compétences. Ainsi, la cour a conclu qu’aucun investissement matériel ou humain significatif n’était démontré, écartant la protection du droit des bases de données.
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La protection des bases de données ne bénéficie pas systématiquement aux fichiers structurés. Le producteur de la base de données doit établir la preuve des investissements substantiels effectués pour constituer ou mettre à jour sa base de données.
Une protection sous conditionsLe producteur d’une base de données bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de cette base atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Les investissements substantielsLe fait pour une personne physique de collecter, classer et présenter une multitude d’informations relatives aux comités d’entreprises de plusieurs milliers de sociétés implantés en France dans une base de données dont elle a conçu l’architecture et les fonctionnalités pour permettre de communiquer à destination de ces comités d’entreprises (CE) n’implique pas nécessairement des investissements substantiels. Protection d’un fichier de CE écartéeDans cette affaire, pour écarter la protection du droit des bases de données à un fichier des CE, la juridiction à retenu que les dépenses engagées pour payer les sous-traitants entre 2007 et 2013 s’élevaient à une moyenne de 8 000 € annuel (arrêt p. 5, 6 2), que le travail fourni par le gérant pour vérifier celui des sous-traitants est « difficilement quantifiable et en tout cas non justifié, tant en nombre d’heures qu’en valorisation », qu’aucun « élément n’est apporté sur la réalité du travail du gérant, ni sur son domaine particulier de compétence » et qu’il n’est pas justifié « d’investissements matériels et humains particuliers », hormis les « investissements liés aux sous-traitants, estimée à hauteur de 9 % du chiffre d’affaires » et qui ne peuvent « être qualifiés de substantiels ». République française CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION Audience publique du 15 juin 2022 Rejet non spécialement motivé M. CHAUVIN, président Décision n° 10454 F Pourvoi n° C 21-13.380 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Motifs DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 La société 2 Lu, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-13.380 contre l’arrêt rendu le 15 janvier 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société Châteaux corporate, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société 2 Lu, après débats en l’audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : Dispositif REJETTE le pourvoi ; Condamne la société 2 Lu aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. Annexe MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société 2 Lu. La société 2 LU fait grief à l’arrêt attaqué DE L’AVOIR déboutée de sa demande de protection de sa base de données dénommée « Fichier CE 2 Lu » sur le fondement de l’article L. 341-1 du code de la propriétéintellectuelle, d’avoir rejeté ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de la société Châteaux Corporate ; 1°) ALORS QUE le producteur d’une base de données bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de cette base atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ; que le fait pour une personne physique de collecter, classer et présenter une multitude d’informations relatives aux comités d’entreprises de plusieurs milliers de sociétés implantés en France dans une base de données dont elle a conçu l’architecture et les fonctionnalités pour permettre de communiquer à destination de ces comités implique des investissements substantiels ; qu’en se bornant à relever que les dépenses engagées pour payer les sous-traitants entre 2007 et 2013 s’élevaient à une moyenne de 8 000 € annuel (arrêt p. 5, 6 2), que le travail fourni par le gérant pour vérifier celui des sous-traitants est « difficilement quantifiable et en tout cas non justifié, tant en nombre d’heures qu’en valorisation » (arrêt p. 5, § 3), qu’aucun « élément n’est apporté sur la réalité du travail de M. [Y], ni sur son domaine particulier de compétence » (arrêt p. 5, § 4) et qu’il n’est pas justifié « d’investissements matériels et humains particuliers » (arrêt p. 5, § 7), hormis les « investissements liés aux sous-traitants, estimée à hauteur de 9 % du chiffre d’affaires » et qui ne peuvent « être qualifiés de substantiels » (arrêt p. 5, § 6), sans prendre en compte le fait que M. [Y], gérant et unique associé de la société 2 Lu, avait entre janvier et octobre 2007 travaillé seul sur la constitution et la présentation du fichier à raison de deux jours par semaines, ce qui avait permis la conclusion de premiers contrats avec des clients entre les mois d’avril et d’octobre 2007, puis à raison d’une journée par semaine, la cour d’appel, qui a statué par des motifs insuffisants à exclure que la constitution, la vérification et la présentation de la base de données litigieuse attestaient d’un investissement substantiel, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1 du code de la propriété 2°) ALORS QUE le producteur d’une base de données bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ; qu’en retenant que la SARL 2 Lu ne justifiait pas « d’investissements humains et matériels particuliers » (arrêt p. 5, § 7), hormis le paiement des sous-traitants auxquels elle avait fait appel pour réaliser une partie du travail relatif à sa base de données et que les « investissements liés aux sous-traitants, estimée à hauteur de 9 % du chiffre d’affaires » ne pouvaient « être qualifiés de substantiels » (arrêt p. 5, § 6), quand un investissement représentant 9 % du chiffre d’affaires d’une entreprise constitue un investissement substantiel, la cour d’appel a violé l’article L. 341-1 du code de la propriétéintellectuelle, ensemble l’article 7 § 1 de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 ; 3°) ALORS QUE le caractère substantiel de l’investissement ne s’apprécie pas seulement d’un point de vue quantitatif, par référence à des moyens chiffrables, mais aussi d’un point de vue qualitatif, par référence à des efforts non quantifiables, tels qu’un effort intellectuelou une dépense d’énergie, notamment pour assurer la fiabilité des informations de la base de données ; que l’arrêt se borne à relever que le travail fourni par son gérant pour vérifier celui des sous-traitants auxquels il avait confié une partie du travail relatif à la base de données est « difficilement quantifiable et en tout cas non justifié, tant en nombre d’heures qu’en valorisation » (arrêt p. 5, § 3), qu’aucun « élément n’est apporté sur la réalité du travail de M. [Y], ni sur son domaine particulier de compétence » (arrêt p. 5, § 4) et qu’il n’est par ailleurs pas justifié « d’investissements matériels et humains particuliers » (arrêt p. 5, § 7) hormis les « investissements liés aux sous-traitants, estimée à hauteur de 9 % du chiffre d’affaires » et qui ne peuvent « être qualifiés de substantiels » (arrêt p. 5, § 6) ; qu’en se fondant sur une appréciation exclusivement quantitative des investissements invoqués, sans opérer la moindre appréciation qualitative, notamment sur la fiabilité de l’information et sur la présentation du contenu de la base de données, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1 du code de la propriétéintellectuelleet 7 § 1 de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 ; 4°) ALORS, en toute hypothèse, QU’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 21 et s.), si la preuve des investissements substantiels ne résultait pas de l’existence du fichier CE 2 Lu lui-même et du nombre significatif de ses clients, la cour d’appel, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1 du code de la < intellectuelle |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de protection d’une base de données ?La protection d’une base de données est conditionnée par la démonstration d’investissements substantiels dans sa constitution, vérification ou présentation. Cela signifie que le producteur doit prouver qu’il a engagé des ressources financières, matérielles ou humaines significatives pour créer ou maintenir la base de données. Ces investissements doivent être suffisamment importants pour justifier la protection accordée par le droit des bases de données. En d’autres termes, la simple collecte d’informations, même si elle est réalisée de manière structurée, ne suffit pas à garantir cette protection. Quels types d’investissements sont considérés comme substantiels ?Les investissements considérés comme substantiels peuvent inclure des dépenses financières significatives, des efforts humains considérables ou des ressources matérielles importantes. Par exemple, le coût des sous-traitants, le temps passé par le personnel à vérifier les données, et les technologies utilisées pour gérer la base de données peuvent tous être pris en compte. Cependant, il est important de noter que la simple existence de dépenses ne garantit pas la protection. Les tribunaux examinent également la nature et l’impact de ces investissements sur la création et la gestion de la base de données. Pourquoi la protection d’un fichier de comités d’entreprises a-t-elle été écartée ?Dans l’affaire en question, la protection du fichier des comités d’entreprises a été écartée car les dépenses engagées pour les sous-traitants étaient jugées insuffisantes. En moyenne, ces dépenses s’élevaient à 8 000 € par an, ce qui a été considéré comme non substantiel. De plus, le travail du gérant pour superviser les sous-traitants n’a pas été quantifié de manière satisfaisante, et il n’a pas été prouvé qu’il avait investi des efforts significatifs ou des ressources particulières dans la création de la base de données. Quels éléments ont été jugés insuffisants par la cour d’appel ?La cour d’appel a noté plusieurs éléments jugés insuffisants pour justifier la protection de la base de données. Tout d’abord, le montant des dépenses pour les sous-traitants, représentant seulement 9 % du chiffre d’affaires, a été considéré comme non substantiel. Ensuite, le travail du gérant a été qualifié de « difficilement quantifiable » et il n’a pas été apporté de preuves concrètes sur son expertise ou son implication dans le projet. Ces lacunes ont conduit à la décision de ne pas accorder la protection demandée. Comment la cour a-t-elle interprété les investissements ?La cour a interprété les investissements de manière principalement quantitative, se concentrant sur les chiffres et les dépenses. Elle a omis d’évaluer les efforts qualitatifs, tels que l’intellectuel ou l’énergie dépensée pour assurer la fiabilité des informations dans la base de données. Cette approche a été critiquée, car le caractère substantiel d’un investissement ne se limite pas à des données chiffrées, mais inclut également des aspects qualitatifs qui peuvent être tout aussi déterminants pour la protection d’une base de données. |
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