Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.
Pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour l’homme du métier.
Le brevet Cedas dans l’état de la technique le plus proche
Le brevet EP 551 cite dans sa description le document antérieur EP 1 803 487 (ci-après le brevet Cedas) intitulé « Safety harness » ou « Harnais de sécurité » déposé le 28 décembre 2005, publié le 4 juillet 2007 et délivré le 1er juillet 2009.
L’ invention Cedas concerne un dispositif de sécurité, tel qu’un harnais de sécurité, conçu pour être porté par une personne qui travaille en hauteur, comprenant un dispositif de connexion destiné à être connecté à un moyen de fixation en un point de fixation dans le dispositif de connexion.
Il est indiqué que :
– le point de fixation doit être placé verticalement sur la poitrine de l’utilisateur pour que le harnais antichute fonctionne de manière souhaitable. En cas de chute avec un tel harnais antichute, l’utilisateur sera redressé et pendra ainsi verticalement. Si le point de fixation entre la corde et le harnais antichute est plutôt placé plus bas, par exemple à la taille de l’utilisateur, celui-ci ne sera pas redressé. Dans le pire des cas, l’utilisateur pourrait se casser le dos [§ 0003],
– un inconvénient résultant des dispositifs de sécurité actuellement disponibles est que, du fait que le point de fixation est positionné sur la poitrine de l’utilisateur, la corde connectée au dispositif de sécurité peut se trouver dans une position inappropriée pour l’utilisateur, par exemple devant son visage où la corde gêne son travail. D’une part, la corde peut être inconfortable et ainsi obstruer la vue et, d’autre part, interférer avec certaines tâches [§ 0004],
– ledit point de fixation est agencé pour pouvoir être déplacé d’une position basse par rapport au corps de l’utilisateur à une position haute afin d’être amené à se déplacer de ladite position basse à ladite position haute sous l’action de la charge résultant de la chute dudit utilisateur [§ 0008],
– ledit dispositif de connexion comprend au moins une boucle de ceinture qui peut être déplacée à travers un ‘il coulissant et qui, d’un côté est reliée à une partie épaule du dispositif de sécurité et, de l’autre côté de l »illet coulissant, est relié auxdits moyens de fixation, l »il coulissant étant en même temps relié à une partie inférieure du dispositif de sécurité [§ 0010].
Ce document Cedas relève donc du même domaine technique que le brevet EP 551, pose un problème identique et divulgue aussi une solution de déplacement entre une position de travail basse et une position de sécurité haute. Les premiers juges ont donc pu retenir à bon droit qu’il devait être considéré comme étant l’état de la technique le plus proche.
Mise sur la voie d’un nouveau brevet
En partant du document Cedas qui décrit un harnais muni de sangles reliées à l’avant du corps à un système de fixation permettant en position basse à son utilisateur de travailler et coulissant vers le haut en cas de perte d’appui, l’homme du métier cherchant à résoudre le problème du contrôle du passage du moyen de fixation du harnais, de la position basse à la position haute pour absorber l’énergie d’une chute, a déjà été mis sur la voie du brevet EP 551 par le brevet Fukui qui enseigne un système alliant des coutures fusibles qui permettent de fixer temporairement la sangle de retenue rapportée et le moyen d’accrochage sur le harnais et une couture de résistance qui permet d’arrêter le déplacement du moyen d’accrochage et absorbe l’énergie de la chute de l’utilisateur pour parvenir, sans faire preuve d’activité inventive.
La possibilité pour l’utilisateur de porter le harnais Cedas desserré lorsqu’il travaille n’est qu’un avantage du brevet Cedas, au demeurant non essentiel à la sécurité de l’utilisateur, et enfin dans ce document Cedas, la sangle de retenue est déjà fixée de chaque côté sur les portions avant de bretelle de sorte qu’il est bien symétrique.
Nullité de revendication
Il en résulte que la revendication 1 du brevet Tractel doit être annulée pour défaut d’activité inventive et le jugement confirmé de ce chef.
Si la société Tractel fait valoir que le document Cedas n’est pas pertinent dès lors qu’il présente avec le brevet EP 551 des différences structurelles et fonctionnelles résultant notamment du coulissement des sangles et de l’absence de resserrement du harnais, elle n’indique nullement quel serait l’art antérieur le plus proche, étant ajouté en tout état de cause que l’appréciation de l’activité inventive d’un brevet implique précisément de rechercher si les éléments de l’art antérieur, pris isolément ou en combinaison, permettaient à l’évidence à l’homme du métier d’apporter au problème résolu par l’invention la même solution que celle-ci.
La nullité du brevet européen
Aux termes de l’article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications ».
Selon l’article 138 § 1 a) de la Convention sur le Brevet Européen, « Sous réserve de l’article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un état contractant, que si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ».
Selon l’article 56 de la CBE, « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique (…) ».
Pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour l’homme du métier.
Ce dernier étant celui du domaine technique où se pose le problème que l’invention objet du brevet se propose de résoudre, et l’invention couverte par le brevet EP 551 étant un harnais antichute, l’homme du métier est en l’espèce un spécialiste des équipements de sécurité individuels pour le travail en hauteur et en particulier des harnais.
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