L’Essentiel : L’émission « Chabada » a été évincée par France Télévisions au profit d’un nouveau programme similaire, sans que son producteur puisse prouver l’originalité de son concept. Bien que l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle confère un droit de propriété sur les œuvres originales, l’émission n’a pas été reconnue comme telle. Les éléments qui la caractérisent, bien que combinés, n’ont pas démontré un effort créatif suffisant. En revanche, la nouvelle émission a indûment repris plusieurs caractéristiques de « Chabada », entraînant une condamnation pour parasitisme, illustrant ainsi un comportement déloyal et opportuniste.
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Si une émission télévisée ne peut être protégée sur le terrain du droit d’auteur, l’action en parasitisme ou concurrence déloyale peut se révéler efficace. Concept d’émission en causeÉvincé par France Télévisons au profit d’un nouveau producteur avec une émission comparable, le producteur de l’émission « Chabada » n’a pas pu établie l’originalité de son concept d’émission musicale. Ladite émission réunit des chanteurs et des chansons françaises d’hier tout en mettant en avant la nouvelle scène française, à travers trois ou quatre invités représentatifs de trois générations d’artistes-interprètes assistant à l’émission. Conditions de l’originalitéEn application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Le droit de l’article susmentionné est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une oeuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité. L’originalité d’une oeuvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Le droit d’auteur ne protège que la matérialisation des oeuvres de l’esprit originales et cette protection n’est pas accordée aux simples idées, qui sont de libre parcours, mais seulement à leur présentation formelle en une création perceptible, dotée d’une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Les émissions télévisées peuvent être protégées au titre du droit d’auteur si elles présentent une originalité dans la combinaison précise de leurs éléments caractéristiques, même si ces caractéristiques prises isolément préexistaient. Si effectivement, aucune émission antérieure ne présentait un chroniqueur interprétant lui-même certaines chansons, cela ne suffit cependant pas à démontrer l’originalité alléguée. De plus, si le format doit être entendu comme une sorte de mode d’emploi décrivant un déroulement formel, toujours le même, consistant en une succession de séquences dont le découpage est pré-établi, la création consistant, en dehors de la forme matérielle dans l’enchaînement des situations et des scènes, force est de constater que certains émissions Chabada ne réunissent pas toutes les caractéristiques revendiquées. L’émission n’a pas été qualifiée d’œuvre originale mais comme un ensemble d’idées ou d’intentions, qui peuvent s’appliquer à de nombreuses émissions de variétés, ou un concept, non protégeable par le droit d’auteur. L’émission Chabada ne présentait pas une physionomie propre démontrant un effort créatif qui porterait l’empreinte de la personnalité de son auteur. Condamnation pour parasitismeToutefois, la nouvelle émission a repris, sans nécessités, plusieurs des caractéristiques de l’émission Chabada. Il en était ainsi de la reprise de choix artistiques (la reprise de duos), la reprise de l’interprétation par des artistes de chansons n’appartenant pas à leur répertoire, la reprise de mêmes choix de décor ou de tournage, la même dominante bleue dans l’éclairage du plateau de Chabada, le sol et le mobilier (banquettes) blancs de Chabada se retrouvent dans l’émission Les chansons d’abord de sorte que chacun des décors a une dominante en bleu et blanc, la même répartition des musiciens de chaque côté de la scène se retrouve dans Les chansons d’abord, la même présence d’un écran central délimité par des pylônes se retrouve dans les deux émissions, les fauteuils club en cuir fauve de Chabada, la même ambiance ‘appartement’, le style de générique de l’émission. Toutes ces reprises, à la fois artistiques et esthétiques, qui n’étaient nullement imposées par le cahier des charges imposé par France Télévisions, produisaient une forte impression de continuité entre les émissions concernées. En procédant, sans nécessité, à ces multiples emprunts, la société de production de la nouvelle émission programmée a indûment tiré profit des efforts et du savoir-faire du producteur de l’émission Chabada. Elle s’est ainsi volontairement positionnée dans son sillage pour tirer profit de ses efforts, notamment d’investissement, de son travail et de son succès, ce qui caractérise un comportement parasitaire (40 000 € à titre de dommages et intérêts). |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’originalité d’une émission télévisée selon le droit d’auteur ?L’originalité d’une œuvre, y compris une émission télévisée, est définie par le Code de la propriété intellectuelle, notamment l’article L. 111-1. Ce dernier stipule que l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif dès sa création. Pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit présenter une originalité qui se manifeste par la combinaison unique de ses éléments. Cela signifie que même si certains éléments préexistaient, leur agencement particulier peut conférer à l’œuvre une physionomie propre. A noter que le droit d’auteur ne protège pas les idées en elles-mêmes, mais uniquement leur expression formelle. Ainsi, une émission doit démontrer un effort créatif et une empreinte personnelle pour être considérée comme originale. Pourquoi l’émission « Chabada » n’a-t-elle pas été reconnue comme originale ?L’émission « Chabada » n’a pas été qualifiée d’œuvre originale car elle a été considérée comme un ensemble d’idées ou d’intentions, qui peuvent s’appliquer à de nombreuses émissions de variétés. Le tribunal a constaté que l’émission ne présentait pas une physionomie propre, c’est-à-dire qu’elle ne démontrait pas un effort créatif suffisant pour porter l’empreinte de la personnalité de son auteur. De plus, le format de l’émission a été perçu comme une sorte de mode d’emploi, avec un déroulement formel préétabli, ce qui a limité sa capacité à revendiquer une originalité. Quelles actions peuvent être entreprises en cas de parasitisme ou de concurrence déloyale ?En cas de parasitisme ou de concurrence déloyale, une action en justice peut être engagée pour protéger les droits d’un producteur dont l’œuvre a été copiée ou imitée sans justification. Dans le cas de l’émission « Chabada », la nouvelle émission a repris plusieurs caractéristiques de celle-ci sans nécessité, ce qui a été jugé comme un comportement parasitaire. Le tribunal a condamné la société de production de la nouvelle émission à verser des dommages et intérêts, soulignant que ces emprunts indus constituaient un profit tiré des efforts et du savoir-faire du producteur de « Chabada ». Quels éléments ont été considérés comme des emprunts dans la nouvelle émission ?Plusieurs éléments ont été identifiés comme des emprunts dans la nouvelle émission par rapport à « Chabada ». Parmi ceux-ci, on trouve la reprise de choix artistiques, comme la présentation de duos et l’interprétation de chansons par des artistes en dehors de leur répertoire habituel. D’autres caractéristiques esthétiques ont également été notées, telles que la dominante bleue dans l’éclairage, le mobilier blanc, et la répartition des musiciens sur scène. Ces éléments ont créé une forte impression de continuité entre les deux émissions, ce qui a renforcé l’argument selon lequel la nouvelle émission avait indûment tiré profit des efforts de « Chabada ». Quel est le rôle du droit d’auteur dans la protection des œuvres de l’esprit ?Le droit d’auteur joue un rôle déterminant dans la protection des œuvres de l’esprit en conférant à l’auteur des droits exclusifs sur sa création. Cela inclut des droits d’ordre intellectuel, moral et patrimonial, garantissant que l’auteur peut contrôler l’utilisation de son œuvre. Selon l’article L. 112-1, toute œuvre de l’esprit, quel que soit son genre ou sa forme d’expression, est protégée dès sa création, sans formalité préalable. Cette protection vise à encourager la créativité en garantissant que les auteurs peuvent bénéficier de leurs efforts et investissements, tout en prévenant les abus tels que le parasitisme et la concurrence déloyale. |
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