Protection d’un concept de publicité

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Protection d’un concept de publicité

L’Essentiel : Depuis 2006, GRANDVISION propose une offre promotionnelle appelée « Pourcent’âge », offrant des remises sur les montures en fonction de l’âge des acheteurs. Par exemple, un client de 30 ans bénéficie d’une réduction de 30 %, tandis qu’un client de 60 ans obtient 60 %. En 2012, LES OPTICIENS CONSEILS lancent une campagne similaire, « Réduction monture = 3 X votre âge en euros », qui accorde des réductions en valeur absolue. GRANDVISION accuse alors LES OPTICIENS CONSEILS d’imitation. Cependant, le tribunal souligne que le concept de réduction liée à l’âge est courant et non protégeable, affirmant l’absence de risque de confusion entre les deux campagnes.

Depuis 2006, GRANDVISION met en œuvre une offre promotionnelle, dite « Pourcent’âge », qui consiste à accorder à ses acheteurs une remise en pourcentage sur les prix des montures, calculée en fonction de leur âge, une réduction de 30% étant ainsi accordée à un acheteur de 30 ans, une réduction de 60 % étant alors accordée à un acheteur de 60 ans, à titre d’exemple. Ces campagnes promotionnelles se sont poursuivies en 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013, généralement sur une durée de 2 à 3 mois. Les campagnes publicitaires sont développées sur des slogans humoristiques ou font appel à des personnalités telles Zinedine Zidane.

Le réseau LES OPTICIENS CONSEILS a diffusé à compter de septembre 2012 une campagne promotionnelle intitulée « Réduction monture= 3 X votre âge en euros», par voie d’affiches et de spots radiophoniques. A titre d’exemple, un acheteur de 30 ans bénéficie d’une réduction de 3 x 30 ans en euros soit 90 €, un acheteur de 60 ans d’une réduction de 3 x 60 ans en euros, soit 180 € sur le prix des montures achetées.

GRANDVISION a poursuivi LES OPTICIENS CONSEILS en considérant que ces derniers ont imité son concept promotionnel intitulé « Pourcent’ âge », qui consiste à accorder aux acheteurs de lunettes une réduction sur les montures en pourcentage du prix corrélée à l’âge du consommateur.

Responsabilité délictuelle en matière publicitaire

L’article 1382 du code civil dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».  Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, consacré par la loi des 2 et 17 mars 1791, dite « décret d’Allarde » a pour conséquence directe la liberté des entreprises de rivaliser entre elles afin de conquérir et retenir la clientèle, mais constitue un acte de concurrence déloyale le fait de se placer dans le sillage d’autrui en s’inspirant du produit développé par ce dernier, fruit de son travail intellectuel, faussant ainsi le jeu normal du marché.

L’imitation de messages ou supports publicitaires peut constituer un comportement déloyal lorsqu’il est de nature à créer dans l’esprit des clients une confusion avec des produits concurrents.

Concept de publicité banal

Le Tribunal de commerce a jugé que le fait pour un commerçant d’accorder une réduction de prix en fonction de l’âge du consommateur est appliqué dans de nombreux secteurs économiques, transports, spectacles, séjours de tourisme, coiffure, etc., et notamment vente de produits d’optique.

Ce concept est particulièrement adapté au secteur de l’optique en France, compte tenu du vieillissement de la population et donc de l’accroissement quantitatif continu du marché potentiel, entrainant une vive concurrence entre enseignes.

L’idée de faire bénéficier les clients d’un pourcentage de réduction en fonction de l’âge a été couramment exploitée à titre promotionnel dans le secteur de l’optique, comme par exemple par la société allemande Apollo Optik en 2001 et 2006 ( « Un client de 40 ans bénéficie d’une réduction de 40%, un client de 65 ans bénéficie d’une réduction de 65 % ») et la société belge Pearle Vision en 2005 (« S’ils vous offrent un pourcentage de réduction égal à votre âge, ils l’assument »).

Le concept promotionnel d’une réduction de prix liée à l’âge du consommateur dans le domaine de la vente de montures de lunettes constitue une idée publicitaire non protégeable et ne saurait être captée par un seul commerçant, l’utilisation de ce concept relevant alors de la libre concurrence.

De surcroît, les campagnes de promotion de GRANDVISION et des OPTICIENS CONSEILS sont différentes dans leur forme et leur contenu. La société GRANDVISION n’a pas démontré que la campagne promotionnelle des OPTICIENS CONSEILS constitue une copie servile de la sienne et que les importantes différences relevées précédemment apportent au contraire la preuve qu’aucune confusion ne peut ainsi exister dans l’esprit d’un consommateur de moyenne attention.

Absence de risque de confusion sur la campagne publicitaire en cause

En effet, les campagnes « Pourcent ‘âge » reposent sur une réduction en pourcentage liée à l’âge de l’acheteur sur le prix des montures de lunettes, alors que la campagne publicitaire des OPTICIENS CONSEILS est fondée sur une réduction en valeur absolue en fonction de l’âge multiplié par trois. Par ailleurs, les réductions de prix ne sont pas les mêmes, les formes de campagne promotionnelle des deux concurrents sont différentes, les couleurs choisies par les deux concurrents dans leurs documents promotionnels sont très différentes, l’aspect général visuel des deux campagnes menées en 2012 ne peut être confondu et les modalités de diffusion des deux campagnes par affiches, Internet, prospectus, spots radiophoniques sont identiques mais sont des moyens classiques et habituels pour la diffusion de toute campagne publicitaire.

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Q/R juridiques soulevées :

Quel est le concept de l’offre promotionnelle « Pourcent’âge » de GRANDVISION ?

L’offre promotionnelle « Pourcent’âge » mise en œuvre par GRANDVISION depuis 2006 consiste à accorder une remise en pourcentage sur le prix des montures de lunettes, calculée en fonction de l’âge de l’acheteur.

Par exemple, un acheteur de 30 ans bénéficie d’une réduction de 30 %, tandis qu’un acheteur de 60 ans obtient une réduction de 60 %. Cette stratégie vise à attirer une clientèle variée en adaptant les remises à la tranche d’âge, ce qui est particulièrement pertinent dans le secteur de l’optique, où le vieillissement de la population est un facteur clé.

Les campagnes promotionnelles ont été régulièrement renouvelées entre 2009 et 2013, généralement sur une durée de 2 à 3 mois, et ont souvent été accompagnées de slogans humoristiques ou de personnalités connues, comme Zinedine Zidane, pour renforcer leur impact.

Comment la campagne « Réduction monture= 3 X votre âge en euros » des OPTICIENS CONSEILS se compare-t-elle à celle de GRANDVISION ?

La campagne « Réduction monture= 3 X votre âge en euros » des OPTICIENS CONSEILS, lancée en septembre 2012, se distingue de celle de GRANDVISION par son approche.

Alors que GRANDVISION propose une réduction en pourcentage, les OPTICIENS CONSEILS offrent une réduction en valeur absolue, calculée en multipliant l’âge de l’acheteur par trois. Par exemple, un acheteur de 30 ans reçoit une réduction de 90 €, tandis qu’un acheteur de 60 ans bénéficie d’une réduction de 180 €.

Cette différence fondamentale dans la méthode de calcul des remises constitue un élément clé qui permet de différencier les deux campagnes. De plus, les modalités de diffusion et les supports utilisés pour ces campagnes sont également variés, ce qui contribue à éviter toute confusion chez les consommateurs.

Quelles sont les implications de la responsabilité délictuelle en matière publicitaire dans ce contexte ?

La responsabilité délictuelle en matière publicitaire est régie par l’article 1382 du code civil, qui stipule qu’un acte causant un dommage à autrui engage la responsabilité de son auteur.

Dans le cadre de la concurrence entre GRANDVISION et LES OPTICIENS CONSEILS, la question de la concurrence déloyale se pose. En effet, s’inspirer d’un concept promotionnel développé par un concurrent peut être considéré comme un acte de concurrence déloyale, surtout si cela crée une confusion dans l’esprit des consommateurs.

L’imitation de messages ou de supports publicitaires peut être jugée déloyale si elle induit en erreur les clients sur l’origine ou la qualité des produits. Dans ce cas précis, GRANDVISION a poursuivi LES OPTICIENS CONSEILS pour imitation, mais le tribunal a jugé que les différences entre les deux campagnes étaient suffisamment marquées pour éviter toute confusion.

Pourquoi le concept de réduction liée à l’âge est-il considéré comme banal dans le secteur de l’optique ?

Le concept de réduction de prix en fonction de l’âge est jugé banal dans le secteur de l’optique, car il a été largement utilisé dans divers domaines économiques, tels que les transports, les spectacles, et le tourisme.

Cette pratique est particulièrement adaptée au marché de l’optique en France, où le vieillissement de la population entraîne une augmentation continue du marché potentiel.

Des entreprises comme Apollo Optik et Pearle Vision ont déjà exploité des concepts similaires, offrant des réductions proportionnelles à l’âge des clients. Par conséquent, le tribunal a conclu que l’idée de lier une réduction à l’âge ne peut être protégée par un seul commerçant, car elle relève de la libre concurrence.

Quelles sont les différences notables entre les campagnes de GRANDVISION et des OPTICIENS CONSEILS ?

Les campagnes de GRANDVISION et des OPTICIENS CONSEILS présentent plusieurs différences notables qui les distinguent clairement.

Tout d’abord, la méthode de calcul des réductions est différente : GRANDVISION utilise un pourcentage basé sur l’âge, tandis que les OPTICIENS CONSEILS appliquent une réduction en valeur absolue multipliée par trois.

Ensuite, les visuels, les couleurs et les supports utilisés pour les campagnes sont également distincts. Les modalités de diffusion, bien que similaires dans leur approche (affiches, Internet, spots radiophoniques), ne suffisent pas à créer une confusion entre les deux campagnes.

Le tribunal a conclu qu’aucune confusion ne pouvait exister dans l’esprit d’un consommateur de moyenne attention, en raison des différences significatives dans la forme et le contenu des campagnes.


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