Protection d’un acronyme notoire , Affaire SPA

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Protection d’un acronyme notoire , Affaire SPA

L’Essentiel : L’affaire opposant la Société Protectrice des Animaux (SPA) à l’association Défense de l’Animal a mis en lumière des enjeux juridiques complexes autour de l’usage du sigle « SPA ». Fondée en 1845, la SPA revendique une notoriété indiscutable, tandis que l’association concurrente, créée en 1926, a déposé la marque « SPA de France » en 1989. Les juges ont finalement prononcé la nullité de cette marque, considérant qu’elle créait une confusion dans l’esprit du public et entachait la réputation de la SPA. Cette décision souligne l’importance de protéger les dénominations historiques dans le domaine associatif.

Nouvel épilogue judiciaire

La cause animale a connu quelques remous ces derniers temps : deux des plus anciennes  associations de protection des animaux se sont affrontées sur l’usage du sigle « SPA ». D’un côté, l’association Société protectrice des animaux (la SPA) qui est l’association la plus ancienne de France. Fondée en 1845, elle a été reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 22 décembre 1860. Elle a pour sigle la SPA, qui symbolise à la fois sa dénomination et sa devise : « sauver-protéger, aimer ».  De l’autre, l’association « Défense de l’animal »  qui a été créée en 1926 et reconnue d’utilité publique par décret du 1 er octobre 1990. L’association regroupe près de 260 associations de protection des animaux qui ont adopté l’appellation « SPA ». Avec le dépôt de la marque SPA de France par l’association « Défense de l’animal » en 1989, c’était là le nœud du litige.

De nombreuses décisions de justice ont été rendues opposant la SPA et des associations locales utilisant abusivement le signe SPA (Cour de cassation, 18 janvier 2007 ; CA de Limoges, 8 décembre 2005 ; CA de Douai, 12 janvier 1983 ; CA de Lyon,  12 mars 1980 ;  Cour de cassation, 7 octobre 1981 ; Cour de cassation, 8 novembre 2007 ;  TGI de Paris, 2 décembre 2003 ; TGI de Belley, 24 septembre 1990…).

Nullité de la marque SPA

La marque française verbale SPA de France ayant été déposée en 1989 et le caractère distinctif d’une marque s’appréciant au regard de la loi en vigueur à la date de son dépôt, les juges ont apprécié la validité de cette marque, au regard de la loi n°641360 du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service, applicable au jour de leur dépôt.

Si la loi du 31 décembre 1964 n’a pas prévu de disposition particulière pour régir l’action de nullité de la marque pour fraude, à l’exception de son article 4 ayant vocation à s’appliquer au profit du titulaire d’une marque notoirement connue, dont l’application ne peut être envisagée en l’espèce l’association officielle SPA n’étant alors titulaire d’aucune marque, un recours demeure possible sur le seul fondement du principe selon laquelle la fraude corrompt tout.

L’association Défense de l’Animal, dont l’activité en faveur de la défense des animaux peut être considérée comme similaire à celle de l’association Société Protectrice des Animaux, ne pouvait pas ne pas connaître au jour du dépôt de la  marque litigieuse l’existence de cette dernière, fondée en 1845 et reconnue d’utilité publique ainsi que l’usage par celle-ci du sigle SPA (notamment à la lumière des contentieux jugés).

Dès lors, le dépôt par l’association Défense de l’Animal de la marque litigieuse comprenant le sigle SPA, même combiné avec les mots « de France », pour désigner des services identiques en faveur de la protection des animaux, s’est manifestement inscrit dans une stratégie visant à priver l’association Société Protectrice des Animaux de l’usage de ce nom nécessaire à son activité et constitutif de sa dénomination statutaire, caractérisant ainsi la mauvaise foi de l’association Défense de l’Animal et entachant de fraude le dépôt effectué.

Question de la distinctivité du sigle SPA

L’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 pose que ne peuvent être considérées comme marques « celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit ou du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ; celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou de la composition du produit. ».

Au sens de ce texte, une dénomination est nécessaire lorsque son emploi est exigé pour la désignation de l’objet en cause ou lorsqu’il est imposé par la nature ou par la fonction de cet objet. De même, une dénomination sera considérée comme générique lorsqu’elle désigne la catégorie, l’espèce ou le genre auxquels appartient l’objet en cause.

La marque française verbale « SPA de France » a été déposée en 1989 pour désigner « toutes actions, publications ou autres diffusions tendant à promouvoir la protection et la défense des animaux et de leurs amis, ou à contribuer à ces buts ». Or, l’acronyme SPA, désignait déjà ces mêmes missions. Les juges ont donc prononcé la nullité de la marque « SPA de France ».

Condamnation pour concurrence déloyale

Si la dénomination « société protectrice des animaux » est dépourvue d’originalité en ce qu’elle est purement descriptive, cette circonstance ne peut évincer le fait que l’association Société Protectrice des Animaux fait usage de cette dénomination depuis plus de 170 ans et qu’elle bénéficie sous cette appellation d’une notoriété manifeste. L’enregistrement de cette marque par une association « concurrente » tout comme les noms de domaines associés, ne peut qu’être de nature à créer une confusion avec l’association Société Protectrice des Animaux alors que les deux associations, distinctes juridiquement, interviennent dans le même secteur d’activité et que l’association Société Protectrice des Animaux peut se prévaloir d’une antériorité sur l’usage de la dénomination SPA.

Les Legs, un des enjeux du risque de confusion

A noter que le risque de confusion portait sur un enjeu de taille puisque  les juges ont dû, à plusieurs reprises, trancher la question du bénéficiaire de Legs ou des dons faits sans autre précision du testateur que « je donne à la SPA », chacune des associations revendiquant alors le bénéfice des dons et Legs.  De même, plusieurs articles de presse régionale ou nationale ne font plus de différence entre l’association Société Protectrice des Animaux et les SPA localisées sur le territoire national obligeant l’association Société Protectrice des Animaux à faire publier des communiqués pour préciser qu’elle est bien une entité distincte. Au demeurant, cette confusion est aussi préjudiciable dès lors que des articles de presse ont fait état de dysfonctionnements de gestion des associations SPA sur la base d’un rapport de la cour des comptes.

En conclusion, en reprenant de manière systématique le signe « SPA de France » alors que ce terme ne constitue pas sa dénomination sociale, l’association Défense de l’Animal entretient une confusion dans l’esprit du public sur les liens supposés avec l’association Société Protectrice des Animaux dont cette dernière est fondée à solliciter la cessation et ce alors que ce faisant elle entend aussi se placer dans son sillage afin de bénéficier des dons et legs effectués pour la cause de l’animal de telle sorte que ces agissements constituent également des actes de parasitisme.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les deux associations impliquées dans le litige concernant le sigle « SPA » ?

L’affrontement judiciaire concerne principalement deux associations : la Société Protectrice des Animaux (SPA) et l’association « Défense de l’animal ».

La SPA, fondée en 1845, est la plus ancienne association de protection des animaux en France. Elle a été reconnue d’utilité publique par décret en 1860. Son sigle, SPA, représente sa dénomination et sa devise, « sauver-protéger, aimer ».

En revanche, l’association « Défense de l’animal » a été créée en 1926 et a également obtenu le statut d’utilité publique en 1990. Elle regroupe près de 260 associations qui utilisent le sigle SPA. Le litige a été exacerbé par le dépôt de la marque SPA de France par cette dernière en 1989, ce qui a conduit à des conflits juridiques.

Quelles décisions de justice ont été rendues concernant l’utilisation du sigle SPA ?

De nombreuses décisions de justice ont été prononcées au sujet de l’utilisation du sigle SPA, notamment entre la SPA et des associations locales.

Ces décisions incluent des arrêts de la Cour de cassation et des cours d’appel, qui ont statué sur des cas d’utilisation abusive du sigle SPA. Par exemple, des arrêts notables ont été rendus le 18 janvier 2007 par la Cour de cassation, ainsi que par la Cour d’appel de Limoges le 8 décembre 2005, et d’autres instances judiciaires à différentes dates.

Ces jugements ont souvent confirmé que l’utilisation du sigle SPA par d’autres associations pouvait prêter à confusion et nuire à la notoriété de la Société Protectrice des Animaux, qui est la titulaire historique de ce sigle.

Pourquoi la marque SPA de France a-t-elle été déclarée nulle ?

La marque SPA de France, déposée en 1989, a été déclarée nulle en raison de son caractère distinctif jugé insuffisant.

Les juges ont examiné la validité de cette marque en se basant sur la loi n°641360 du 31 décembre 1964, qui régit les marques. Cette loi stipule que les marques ne peuvent pas être constituées de désignations nécessaires ou génériques.

Dans ce cas, l’acronyme SPA était déjà utilisé pour désigner des actions en faveur de la protection des animaux. Les juges ont donc conclu que la marque « SPA de France » ne pouvait pas être considérée comme distincte, entraînant ainsi sa nullité.

Quels sont les enjeux de la confusion entre les deux associations ?

La confusion entre la Société Protectrice des Animaux et l’association « Défense de l’animal » pose des enjeux significatifs, notamment en ce qui concerne les legs et les dons.

Les juges ont dû trancher sur la question de savoir qui bénéficiait des legs ou des dons lorsque les testateurs ne précisaient que « je donne à la SPA ». Cela a conduit à des revendications concurrentes entre les deux associations, chacune cherchant à obtenir ces fonds.

De plus, la confusion est exacerbée par des articles de presse qui ne distinguent pas clairement entre les deux entités, ce qui a contraint la Société Protectrice des Animaux à publier des communiqués pour clarifier sa position. Cette situation est d’autant plus problématique en raison des dysfonctionnements signalés dans certaines associations SPA, ce qui nuit à la réputation de la Société Protectrice des Animaux.

Comment la mauvaise foi a-t-elle été caractérisée dans le dépôt de la marque par l’association « Défense de l’animal » ?

La mauvaise foi de l’association « Défense de l’animal » a été caractérisée par le fait qu’elle ne pouvait ignorer l’existence de la Société Protectrice des Animaux au moment du dépôt de la marque.

Étant donné que la SPA a été fondée en 1845 et qu’elle est reconnue d’utilité publique, il était raisonnable de supposer que l’association « Défense de l’animal » avait connaissance de son existence et de son usage du sigle SPA.

Le dépôt de la marque « SPA de France », même combiné avec d’autres mots, a été perçu comme une stratégie délibérée pour priver la SPA de l’usage de son nom, ce qui a été interprété comme un acte de fraude. Cette intention de nuire à la SPA a été un élément clé dans la décision des juges de déclarer le dépôt de la marque entaché de mauvaise foi.


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