Prorogation des délais d’appel : conditions et conséquences

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Prorogation des délais d’appel : conditions et conséquences

L’Essentiel : Monsieur [R] a interjeté appel le 18 mai 2024 d’un jugement du conseil de prud’hommes de Meaux, qui avait débouté ses demandes concernant son licenciement pour faute grave. Le 20 août 2024, les parties ont été invitées à s’exprimer sur le défaut de remise des conclusions de l’appelant. Monsieur [R] a régularisé ses conclusions le 18 octobre 2024. Cependant, l’intimé a demandé la caducité de l’appel, ainsi que des condamnations financières. Le conseiller a finalement déclaré caduc l’appel de Monsieur [R], constatant qu’il avait notifié ses conclusions après le délai imparti, et a condamné ce dernier aux dépens.

Contexte de l’Affaire

Monsieur [R] a interjeté appel le 18 mai 2024 d’un jugement du conseil de prud’hommes de Meaux, daté du 31 janvier 2024, qui avait débouté ses demandes concernant la contestation de son licenciement pour faute grave.

Observations sur la Procédure

Le 20 août 2024, les parties ont été invitées à faire valoir leurs observations sur le défaut de remise des conclusions de l’appelant dans le délai imparti de trois mois, ainsi que sur l’éventuelle caducité de la déclaration d’appel. Monsieur [R] a régularisé ses conclusions le 18 octobre 2024.

Demande de Caducité

L’intimé a déposé des conclusions d’incident le 27 octobre 2024, demandant la caducité de l’appel de Monsieur [R], ainsi que des condamnations financières à son encontre pour dommages et intérêts et frais de justice.

Arguments de Monsieur [R]

Dans ses conclusions d’incident du 7 décembre 2024, Monsieur [R] a soutenu que les délais de conclusion de l’appel devraient être prorogés de deux mois en raison de son déménagement à l’étranger, affirmant avoir jusqu’au 18 octobre 2024 pour notifier ses conclusions.

Examen des Justifications

Monsieur [R] a déclaré avoir déménagé en Algérie, mais n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier ce changement de domicile. La seule preuve présentée, une facture d’eau, a été jugée insuffisante et contredite par ses déclarations antérieures.

Décision du Conseiller de la Mise en État

Le conseiller a déclaré caduc l’appel de Monsieur [R], constatant qu’il avait notifié ses conclusions après l’expiration du délai de trois mois. Il a également décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [R] aux dépens.

Conclusion de l’Ordonnance

L’ordonnance a été rendue publiquement le 14 janvier 2025, par la magistrate Catherine VALANTIN, assistée du greffier Christopher GASTAL, avec notification préalable aux parties conformément aux règles de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 908 du Code de procédure civile concernant les délais de conclusion en appel ?

L’article 908 du Code de procédure civile stipule que l’appelant doit conclure dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel. Ce délai est crucial car il détermine la recevabilité des conclusions de l’appelant.

En effet, cet article précise :

« L’appelant doit conclure dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel. »

Ce délai est impératif et son non-respect entraîne la caducité de l’appel, sauf si des dispositions spécifiques, comme celles concernant les parties demeurant à l’étranger, s’appliquent.

Dans le cas présent, Monsieur [R] a interjeté appel le 18 mai 2024, ce qui signifie qu’il devait conclure au plus tard le 18 août 2024.

Cependant, il a déposé ses conclusions le 18 octobre 2024, ce qui a soulevé la question de la caducité de son appel.

Quelles sont les implications de l’article 911-2 et de l’article 915-4 du Code de procédure civile pour les appelants demeurant à l’étranger ?

L’article 911-2, désormais remplacé par l’article 915-4, prévoit une prorogation des délais pour les appelants qui résident à l’étranger.

Ces articles stipulent :

« Le délai de trois mois laissé à l’appelant pour conclure en application de l’article 908 est prorogé de deux mois lorsque l’appelant demeure à l’étranger. »

Ainsi, si Monsieur [R] avait effectivement déménagé à l’étranger, il aurait eu jusqu’au 18 octobre 2024 pour déposer ses conclusions, ce qui aurait rendu celles-ci recevables.

Cependant, la cour a constaté que Monsieur [R] ne justifiait pas de son déménagement à l’étranger, car il avait déclaré être domicilié en France lors de sa déclaration d’appel.

Quelles sont les conséquences de la non-justification du déménagement à l’étranger par Monsieur [R] ?

La non-justification du déménagement à l’étranger a des conséquences directes sur la recevabilité des conclusions de Monsieur [R].

En effet, la cour a relevé que :

« Monsieur [R] ne justifie pas par des éléments probants le fait qu’il aurait déménagé à l’étranger en cours de procédure. »

Cela signifie que, n’ayant pas droit à la prorogation de deux mois, il devait respecter le délai de trois mois prévu par l’article 908.

Par conséquent, ses conclusions, déposées après l’expiration de ce délai, ont été jugées irrecevables, entraînant la caducité de son appel.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cet article dispose que :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans le cas présent, la cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer cet article, considérant que l’équité ne commandait pas une telle décision.

Ainsi, Monsieur [R] a été condamné aux dépens, mais pas à verser des frais supplémentaires à la société FVF, ce qui souligne l’importance de la situation et des circonstances entourant le litige.

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 1- A

N° RG 24/03160 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJQI4

Nature de l’acte de saisine : Déclaration d’appel valant inscription au rôle

Date de l’acte de saisine : 18 mai 2024

Date de saisine : 06 juin 2024

Nature de l’affaire : Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Décision attaquée : n° 22/00359 rendue par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de Meaux le 31 janvier 2024

Appelant :

Monsieur [O] [R], représenté par Me Abdel ABDELLAH, avocat au barreau de Paris

Intimée :

SAS FRANCILIENNE DE VOIES FERREES représentée par son président domicilié en cette qualité au siège social, représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE, toque : 0250 – N° du dossier 95754

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(n° , 3 pages)

Nous, Catherine VALANTIN, magistrate en charge de la mise en état,

Assistée de Christopher GASTAL, greffier,

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [R] a interjeté appel le 18 mai 2024 d’un jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Meaux le 31 janvier 2024 le déboutant intégralement de ses demandes tendant à voir son licenciement pour faute grave jugé sans cause réelle et sérieuse.

Suivant avis du 20 août 2024, les parties été invitées à faire valoir leurs observations sur le défaut de remise eu greffe des conclusions de l’appelant dans le délai de 3 mois et l’éventuelle caducité de la déclaration d’appel en application de l’article 908 du code de procédure civile.

M. [R] a régularisé ses conclusions d’appelant le 18 octobre 2024.

Les parties ont été convoquées à l’audience d’incident du 10 décembre 2024.

Par conclusions d’incident du 27 octobre 2024, l’intimé demande au conseiller de la mise en état’:

 »Prononcer la caducité de la déclaration de l’appel interjeté par Monsieur [O] [R] du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de MEAUX le 31 janvier 2024,

 »Au besoin, Dire irrecevable les conclusions remises au Greffe par Monsieur [O] [R] le 18 octobre 2024,

 »Condamner Monsieur [O] [R] à verser à la société FVF la somme de 5’000’€ à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile.

 »Condamner Monsieur [O] [R] à verser à la société FVF la somme de 3’500’€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

 »Condamner Monsieur [O] [R] aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par conclusions d’incident en date du 7 décembre 2024 M. [R] demande au conseiller de la mise en état de:

 »Juger applicables à la présente procédure les dispositions de l’ancien 911-2 du code de procédure civil et désormais de l’article 915-4 du code de procédure civile aux termes desquels le délai de 3 mois laissé à l’appelant pour conclure en application de l’article 908 du code de procédure civile est prorogé de deux mois lorsque l’appelant demeure à l’étranger.

 »Juger en conséquence que Monsieur [R] avait jusqu’au 18 octobre 2024 inclus pour notifier ses conclusions d’appelant.

 »Juger en conséquence recevables les conclusions d’appelant déposée par Monsieur [R] le 18 octobre 2024.

 »Juger en conséquence qu’il n’y a pas lieu de prononcer la caducité de la déclaration d’appel,

 »Débouter la société de toutes ses demandes,

 »Condamner la Société à payer à Monsieur [R] la somme de 1’500’€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de l’incident

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans le cadre de la déclaration d’appel, Monsieur [R] communiquait l’adresse suivante’:

Monsieur [R] affirme avoir déménagé en cours de procédure en Algérie son pays de naissance à l’adresse suivante’: [Adresse 2].

Il entend donc se prévaloir des dispositions de l’article 911-2 du Code de procédure civile et désormais de l’article 915-4 du Code de procédure civile aux termes desquels le délai de 3 mois laissé à l’appelant pour conclure en application de l’article 908 du Code de procédure civile est prorogé de deux mois lorsque l’appelant demeure à l’étranger.

Il affirme que, la déclaration d’appel datant du 18 mai 2024, Monsieur [R] avait bien jusqu’au 18 octobre 2024 pour conclure et non jusqu’au 18 août 2024 de sorte que ses conclusions d’appelant communiquées le 18 octobre 2024 doivent être déclarées recevables et qu’il n’y a pas lieu de prononcer la caducité de l’appel interjeté par Monsieur [R].

Aux termes de l’article 911-2 du code de procédure civile, les délais prévus au premier alinéa de l’article 905-1, à l’article 905-2, au troisième alinéa de l’article 902 et à l’article 908 sont augmentés’:

‘ d’un mois, lorsque la demande est portée soit devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, pour les parties qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à [Localité 3], à Mayotte, à [Localité 4], à [Localité 5], à [Localité 7], en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie ou dans les Terres australes et antarctiques françaises, soit devant une juridiction qui a son siège en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à [Localité 3], à Mayotte, à [Localité 4], à [Localité 5], à [Localité 6]-et-Miquelon ou dans les îles Wallis et Futuna, pour les parties qui ne demeurent pas dans cette collectivité’;

‘ de deux mois si l’appelant demeure à l’étranger.

Les délais prescrits aux intimés et intervenants forcés par les articles 905-2,909 et 910 sont augmentés dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités.

En l’espèce, Monsieur [R] ne justifie pas par des éléments probants le fait qu’il aurait déménagé à l’étranger en cours de procédure, alors que dans sa déclaration d’appel en date du 18 mai 2024 il s’est déclaré domicilié en France à l’adresse suivante’: [Adresse 1].

La facture d’eau à son nom, pour un logement situé à [Localité 8] sur la période du 16 avril au 17 juillet 2024 qu’il verse aux débats est en effet insuffisante pour démonter qu’il était domicilié à cette adresse et contredite par ses propres déclarations faites concomitamment dans l’acte d’appel.

M. [R] ayant notifié ses conclusions à l’expiration du délai de 3 mois mentionné à l’article 908 du code de procédure civile et ne pouvant prétendre au bénéfice de l’article 911-2, il y a lieu de décaler son appel caduc et de constater le dessaisissement de la cour.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [R] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Conseiller de la mise en état,

DÉCLARE caduc l’appel interjeté par M. [R].

CONSTATE le dessaisissement de la cour.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [R] aux dépens.

Ordonnance rendue publiquement par Catherine VALANTIN, magistrate en charge de la mise en état assistée de Christopher GASTAL, greffier présent lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 14 janvier 2025

Le greffier La magistrate en charge de la mise en état


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