Par application du principe d’interdépendance des auteurs, l’exploitation de l’œuvre de collaboration (un livre sous forme de guide) par un de ses auteurs, sans le consentement du propriétaire indivis porte nécessairement atteinte aux droits de celui-ci.
En l’espèce, l’édition et la commercialisation de l’ouvrage « Canyons secs & Barrings des Alpes-Maritimes » sous le nom commercial d’AMJELE EDITIONS sans le consentement exprès de l’un des auteurs qui s’était opposé à sa parution et à l’utilisation des fichiers techniques, par lettres recommandées avec accusé de réception, constituent un acte de contrefaçon. La juridiction a interdit l’édition, la diffusion et la commercialisation de l’ouvrage « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » « 75 descentes 50 inédites » publié par AMJELE EDITIONS. En outre, il a été ordonné la radiation de tout dépôt du titre « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » effectué auprès de l’ISBN ayant pour N°EAN 9782956813637. Pour rappel, en application de l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle : « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » ; L’œuvre collective est définie à l’article L.113-2, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle comme “l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.» En application de l’article L.113-5 du même code « L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur. » L’œuvre de collaboration, quant à elle, est définie à l’article L.113-2 du CPI comme « l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. » L’article L.113-3 du CPI dispose que “l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune. » L’article 335-3 alinéa 1du CPI dispose que constitue “un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.” |
L’Essentiel : Le litige porte sur le livre “Canyons secs & Barrings des Alpes Maritimes”, publié par les Éditions AMJELE. [S] [W] revendique la paternité intégrale de l’œuvre et accuse [F] [N] et [D] [T] de l’avoir publiée sans son consentement. Il demande l’arrêt de l’édition, des dommages et intérêts, ainsi que la suppression de leurs noms en tant qu’auteurs. En défense, [F] [N] conteste l’originalité de l’œuvre, tandis que [D] [T] demande à être débouté. Le tribunal a finalement reconnu la contrefaçon, interdisant la commercialisation de l’ouvrage et condamnant les défendeurs à indemniser [S] [W].
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLe litige concerne le livre intitulé “Canyons secs & Barrings des Alpes Maritimes”, publié par les Éditions AMJELE en décembre 2021. L’ouvrage mentionne plusieurs auteurs, dont [S] [W], qui prétend avoir rédigé l’intégralité du texte et créé une base de données. Il a assigné [F] [N] et [D] [T] devant le tribunal judiciaire de Marseille, alléguant qu’ils avaient publié son travail sans son consentement. Demandes de [S] [W][S] [W] a formulé plusieurs demandes au tribunal, notamment l’arrêt de l’édition et de la commercialisation de l’ouvrage, des dommages et intérêts pour atteinte à ses droits d’auteur, ainsi que la suppression des mentions d'[F] [N] et [D] [T] en tant qu’auteurs. Il a également demandé le remboursement des sommes perçues par [F] [N] pour des publicités dans son livre. Réponses des défendeursEn réponse, [F] [N] a contesté la validité des demandes de [S] [W], arguant qu’il n’avait pas prouvé l’originalité de son œuvre et qu’il n’avait pas de droits exclusifs. [D] [T] a également soutenu que [S] [W] n’avait pas le droit d’agir contre eux et a demandé à être débouté de toutes les demandes. Décisions du tribunalLe juge de la mise en état a rejeté certaines exceptions soulevées par [F] [N] et [D] [T], tout en condamnant ces derniers à verser une somme à [S] [W] au titre des frais de justice. Les parties ont continué à échanger des conclusions, avec [S] [W] maintenant ses demandes et [F] [N] et [D] [T] plaidant pour leur irrecevabilité. Jugement finalLe tribunal a finalement statué que l’ouvrage était une œuvre de collaboration, mais que sa publication sans l’accord de [S] [W] constituait une contrefaçon. Il a interdit l’édition et la commercialisation de l’ouvrage, ordonné la radiation de son dépôt auprès de l’ISBN, et condamné [F] [N] et [D] [T] à verser des dommages et intérêts à [S] [W] pour atteinte à ses droits. |
Q/R juridiques soulevées : Par application du principe d’interdépendance des auteurs, l’exploitation de l’œuvre de collaboration (un livre sous forme de guide) par un de ses auteurs, sans le consentement du propriétaire indivis porte nécessairement atteinte aux droits de celui-ci.
En l’espèce, l’édition et la commercialisation de l’ouvrage « Canyons secs & Barrings des Alpes-Maritimes » sous le nom commercial d’AMJELE EDITIONS sans le consentement exprès de l’un des auteurs qui s’était opposé à sa parution et à l’utilisation des fichiers techniques, par lettres recommandées avec accusé de réception, constituent un acte de contrefaçon. La juridiction a interdit l’édition, la diffusion et la commercialisation de l’ouvrage « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » « 75 descentes 50 inédites » publié par AMJELE EDITIONS. En outre, il a été ordonné la radiation de tout dépôt du titre « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » effectué auprès de l’ISBN ayant pour N°EAN 9782956813637. Pour rappel, en application de l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle : « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » ; L’œuvre collective est définie à l’article L.113-2, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle comme “l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.» En application de l’article L.113-5 du même code « L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur. » L’œuvre de collaboration, quant à elle, est définie à l’article L.113-2 du CPI comme « l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. » L’article L.113-3 du CPI dispose que “l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune. » L’article 335-3 alinéa 1du CPI dispose que constitue “un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.” |
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°24/437 du 21 Novembre 2024
Enrôlement : N° RG 22/07940 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2I43
AFFAIRE : M. [S] [W]( Me Johann FLEUTIAUX)
C/ M. [F] [N] (Me Isabelle FILIPETTI)
DÉBATS : A l’audience Publique du 26 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur
BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente
Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte
Vu le rapport fait à l’audience
A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Novembre 2024
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEUR
Monsieur [S] [W]
né le 21 Mai 1953 à [Localité 5]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Johann FLEUTIAUX, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 62
CONTRE
DEFENDEURS
Monsieur [F] [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Isabelle FILIPETTI, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 99
Monsieur [D] [T], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Olivier CASTELLACCI de la SELARL NMCG AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de NICE, vestiaire : 116
Le livre “Canyons secs & Barrings des Alpes Maritimes” a été édité par les Éditions AMJELE ; il est paru en décembre 2021, sous le numéro ISBN 9 782 956 813 637.
La couverture indique les noms d’auteurs suivants : [S] [W], [D] [T], [F] [N] & une belle cordée d’intervenants Azuréens.
[S] [W], a par acte d’huissier en date du 11 août 2022, assigné [F] [N] et [D] [T] devant le tribunal judiciaire de Marseille aux motifs qu’il avait seul rédigé un ouvrage original et créé une base de données, que des pourparlers avaient été échangés avec [D] [T] et [F] [N] pour faire éditer son travail par [F] [N], que ces pourparlers n’avaient pas abouti, qu’aucun contrat de cession des droits d’auteur, de cession du droit des bases de données ou un quelconque contrat d’édition n’avait été conclu entre eux et que malgré cela, [D] [T], [F] [N] avaient publié son travail sans son accord. Il demandait au tribunal de :
• Ordonner l’arrêt de l’édition de l’ouvrage portant le titre « Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes » (n° EAN : 9782956813637) par [F] [N] au motif qu’[F] [N] ne dispose pas de contrat d’édition ;
• Ordonner l’arrêt de la commercialisation de l’ouvrage portant le titre « Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes » (n° EAN : 9782956813637) par [F] [N] ;
• Condamner solidairement [F] [N] et [D] [T] à l’indemniser à hauteur de 7 757,32 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à ses droits patrimoniaux sur son livre sur les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes, constitutive d’une contrefaçon de ses droits d’auteurs ;
• Condamner solidairement [F] [N] et [D] [T] à l’indemniser à hauteur de 1500 € à titre à titre de dommages et intérêts concernant l’atteinte à ses droits moraux d’auteur ;
• Condamner [F] [N] à l’indemniser à hauteur de 31 990,88 € à titre de dommages et intérêts relatifs à l’atteinte de ses droits sur sa base de données, constitutive d’une contrefaçon ;
• Condamner [F] [N] à l’indemniser à hauteur de 2000 € à titre de dommages et intérêts concernant l’atteinte à ses droits à l’image ;
• Condamner [F] [N] à lui rembourser la somme de 7200€ relative aux sommes perçues auprès des annonceurs pour l’insertion de publicités dans son livre ;
• Ordonner la suppression des informations par [F] [N] et [D] [T] qui pourraient leur attribuer la qualité d’auteurs ou de co-auteurs de son livre sur les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes ;
• Ordonner l’arrêt de tout démarchage commercial par [F] [N] et [D] [T] en lien avec son livre sur les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes ;
• Ordonner à [F] [N] de procéder à la radiation de tout dépôt du titre «CANYONS SECS & BARRINGS DES ALPES MARITIMES» ou «CANYONS SECS & BARRINGS» qu’il a effectué auprès de l’ISBN, notamment le titre « Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes » ayant pour numéro EAN : 9782956813637 ;
• Condamner solidairement [F] [N] et [D] [T] à lui verser la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
• Condamner solidairement [F] [N] et [D] [T] aux entiers dépens ;
• Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
***
[F] [N] a saisi le juge de la mise en état de conclusions d’incident aux fins de :
– Prononcer la nullité des demandes en contrefaçon de droit d’auteur formulées par [S] [W] faute de preuve des contours d’identification de l’originalité revendiquée ;
Subsidiairement,
– Prononcer l’irrecevabilité des demandes en contrefaçon de droit d’auteur formulées par [S] [W] faute de preuve des contours d’identification de l’originalité revendiquée, faute de preuve de sa qualité d’auteur, et faute de preuve de l’existence d’une base de données ;
Subsidiairement :
– Prononcer l’irrecevabilité des demandes en contrefaçon du contenu de base de données formulées par [S] [W] faute de preuve de l’existence d’une base de données et faute de preuve de sa qualité de producteur de base de données ;
– Condamner [S] [W] au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
[D] [T] demandait par conclusions d’incident au juge de la mise en état de :
– Déclarer [S] [W] irrecevable pour défaut de droit d’agir à solliciter l’arrêt de l’édition et de la commercialisation de l’ouvrage “Canyons secs & Barrings des Alpes Maritimes” ;
– Déclarer [S] [W] irrecevable pour défaut de droit d’agir à solliciter sa condamnation et celle d’[F] [N] au paiement de dommages et intérêts pour contrefaçon de droit d’auteur, pour contrefaçon de base de données, et pour atteinte à son droit à l’image ;
– Déclarer plus généralement [S] [W] irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner [S] [W] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 22 janvier 2024, le juge de la mise en état a :
– Rejeté l’exception de nullité des demandes en contrefaçon de droit d’auteur formulées par [S] [W] faute de preuve des contours d’identification de l’originalité revendiquée ;
– Rejeté les fins de non-recevoir pour défaut de droit d’agir de [S] [W] à solliciter l’arrêt de l’édition et de la commercialisation de l’ouvrage “Canyons secs & Barrings des Alpes Maritimes”, pour défaut de droit d’agir en demande de dommages et intérêts pour contrefaçon de droit d’auteur, pour contrefaçon du contenu d’une base de données, et pour atteinte à son droit à l’image ;
– Condamné in solidum [F] [N] et [D] [T] à payer à [S] [W] la somme de 1 500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamné in solidum [F] [N] et [D] [T] aux dépens de l’incident.
***
Aux termes de ses dernières conclusions au fond signifiées le 18 septembre 2024, [S] [W] maintient ses demandes ; y ajoutant il demande au tribunal de :
• Condamner solidairement [F] [N] et [D] [T] à l’indemniser à hauteur de 7 800 €, au titre des dommages et intérêts concernant l’atteinte à ses droits patrimoniaux sur l’ouvrage « les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes », constitutive d’une contrefaçon de ses droits d’auteurs ;
• Débouter [F] [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
• Débouter [D] [T] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
• Ordonner le rejet de la pièce n° 32 communiquée par Monsieur [N], celle-ci contenant des informations erronées.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu’il pratique intensivement le canyonisme depuis 1999, et a parcouru à ce jour plus de 1300 canyons à travers l’Europe ; qu’il a obtenu le diplôme de moniteur fédéral de canyonisme en 2003 ; qu’à partir de 2015, il a identifié et topographié des canyons secs ainsi que des « barrings », soit des descentes de barres rocheuses dans les Alpes-Maritimes ; qu’en 2016, il a créé un site internet «canyon-apero.com» sur lequel il a recensé 21 canyons topographiés individuellement; qu’en 2017, il s’est mis à l’écriture d’un livre sur les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes et a fermé son site internet en 2018.
Il indique qu’il a rencontré [F] [N] et [D] [T] dans le cadre de la pratique du canyonisme en 2019 ; qu’ayant fait part à [F] [N] de l’écriture en cours de son livre, ce dernier l’avait informé qu’il possédait une société d’éditions dénommée «AMJELE EDITIONS» et lui proposait d’éditer son livre ; qu’entre 2019 et 2021, [F] [N] encaissait la somme de 7200€ pour le compte de son livre à venir auprès d’annonceurs publicitaires ; que cette somme devait être dévolue aux frais d’impression du livre ; que pour obtenir ces sommes, [F] [N] et [D] [T] se présentaient comme un groupe d’auteurs fictif représenté par les Éditions AMJELE et faisaient signer des «conventions de publicité » aux annonceurs.
Il précise qu’en 2021, il a formalisé différents projets de couverture du livre présenté à plusieurs de ses compagnons canyonistes ([A] [O], [X] [R], [E] [L], [F] [N] et [D] [T]), pour recueillir leurs réactions ; que les premières versions de la page de couverture comportaient uniquement son nom en tant qu’auteur du livre ; que toutefois, [F] [N] et [D] [T] avaient exigé d’être mentionnés sur la couverture; que pour éviter un pénible contentieux, il a accepté de faire apparaître leurs deux noms sur la page de couverture ; qu’il ignorait toutefois que cette démarche pouvait entraîner une présomption simple de qualité d’auteur ; que [A] [O], [X] [R] et [E] [L], ayant connaissance de ce projet de couverture, avaient exprimé leur mécontentement et demandé le retrait des noms d’[F] [N] et [D] [T], ces deux personnes n’ayant pas contribué à la rédaction de l’ouvrage et ayant effectué beaucoup moins de travail sur le terrain qu’eux-mêmes ; qu’il a alors produit un nouveau projet de couverture ne mentionnant que lui sur la page de couverture, transmis à [F] [N] le 18 août 2021 ; que face aux contestations d’[F] [N] et de [D] [T], et pour apaiser les tensions, il a proposé un nouveau projet de page de couverture le présentant en tant qu’auteur avec les cinq compagnons canyonistes qui étaient [A] [O], [X] [R], [E] [L], [F] [N] et [D] [T] ; qu’il a toutefois pris conscience qu’en inscrivant, par amitié, sur la page de couverture ses cinq compagnons canyonistes, il favorisait la présomption de qualité d’auteurs au bénéfice de toutes ces personnes ; que par courriel du 25 novembre 2021, afin de conserver seul le statut d’auteur, il indiquait à [F] [N] qu’il avait décidé de procédé au retrait des cinq autres noms que le sien.
Il soutient que dans le même temps, il s’est mis à la recherche d’un imprimeur ; qu’il a demandé des devis à plusieurs sociétés, parmi lesquelles, l’imprimerie LA ROUSSE, en lui adressant la version originale de son livre comprenant 656 pages (Pièce n°40b et Pièce n°41b) et non pas la future version contrefaisante de 464 pages (Pièce n°54) ; que cette société a formalisé un devis n°0921-034729 sur la version de son ouvrage identifié comme «LIVRE 654 PAGES + COUVERTURE», en date du 14 septembre 2021 ; qu’il a finalement retenu la société NOTA BENE située à [Localité 6], pour l’impression ; que différents devis ont été formalisés à cet effet parmi lesquels le n°2360/10/21 et le n°2362/10/21 portant sur la version originale de son livre mentionné comme «TOPO 656 pages + couvertures», en date du 27 octobre 2021 et non pas la future version contrefaisante de 464 pages, de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir rédigé cet ouvrage de plus de 650 pages a postériori, pour les besoins de la procédure.
Il fait valoir qu’il envoyait ses «topos» finalisés et les photographies correspondantes, accompagnées d’instructions précises (taille, emplacement, marges) à [F] [N]; que par suite, il décidait de ne pas retenir l’entreprise individuelle d’[F] [N] pour éditer son livre sur les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes, mais de l’éditer à compte d’auteur ; qu’[F] [N] en avait été informé le 22 novembre 2021 ; que souhaitant appliquer son droit moral de non-divulgation sur l’œuvre, il informait par lettre recommandée en date du 22 novembre 2021 [F] [N] qu’ « en tant que seul et unique auteur de cet ouvrage” il décidait de mettre un terme à sa parution ; qu’en date du 24 novembre 2021, il adressait une lettre recommandée avec accusé de réception à [F] [N] lui interdisant d’utiliser les fichiers numériques de son livre ; que contre toute attente, [F] [N], avec la participation de [D] [T], commercialisait l’ouvrage « Canyons Secs & Barrings desAlpes-Maritimes » (n°EAN: 9782956813637) reprenant les pages de son propre livre.
Il fait valoir que l’ouvrage de 464 intitulé «Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes» commercialisé à partir du 23 décembre 2021, édité par AMJELE EDITIONS indiquant comme auteurs “[S] [W]-[D] [T]-[F] [N]” est une reproduction servile de son livre sur les Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes, dont plus de 185 pages ont été supprimées ; que ce n’est que le 10 janvier 2022, qu’il a été officiellement informé de la commercialisation de cet ouvrage contrefait ; que par suite, les mises en demeure et démarches amiables de cesser l’édition et la commercialisation de l’ouvrage ont échoué.
Il soutient qu’il rapporte la preuve de la titularité exclusive des droits d’auteur sur l’œuvre ; que le fait que le nom d’[F] [N] et celui de [D] [T] apparaissent en page de couverture sur l’ouvrage «Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes» dans les mêmes caractères que le sien contribue à leur attribuer à tort la qualité d’auteurs ou de co-auteurs alors qu’ils ne peuvent pas lui dénier sa qualité d’auteur alors qu’il bénéficie d’une présomption simple ; qu’il est le seul à avoir rédigé l’intégralité des textes, réalisé les synopsis, réalisé les fonds de cartes IGN, sélectionné les photographies, attribué les noms de canyons, cet ensemble constituant la création originale du livre « Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes » pour lequel il justifie de sa qualité d’auteur.
Il soutient que c’est à son initiative que le projet a débuté à partir de 2016, par un site internet puis par la formalisation d’un ouvrage ; que seul son travail est identifiable dans la création de ce livre, à l’exception des préfaces identifiées par leurs auteurs respectifs; qu’il a transmis à [F] [N] 292 fichiers sur la période de 2020 à 2021, soit antérieurement à la publication du livre litigieux ; que ces fichiers constituent tous les chapitres du livre qu’il a exclusivement rédigé, y compris les fonds de cartes IGN, et les photographies sélectionnées ; que cet ensemble constitue la création originale dans le livre « Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes » (pièce n° 40) pour lequel il justifie de sa qualité d’auteur ; qu’il est le seul producteur de cette base de données ayant permis la réalisation de l’ouvrage qui a manifestement été contrefaite.
Il soutient qu’il ne s’agit pas d’une œuvre collective mais d’une œuvre originale dont il est le seul auteur ; que les défendeurs ne peuvent pas nier l’antériorité de son livre de 656 pages puisqu’ils étaient eux même destinataires des devis relatifs à sa réalisation et à son impression ; qu’[F] [N] revendique à tort le fait que l’œuvre ait été réalisée à son initiative et sous sa direction alors qu’il n’en rapporte pas la preuve ; que c’est à tort qu’[F] [N] persiste à vouloir attribuer la paternité de son propre travail à une prétendue maison d’éditions « EDITIONS AMJELE », qui en réalité n’a aucune existence juridique, en ce qu’elle n’a pas de personnalité morale ; qu’[F] [N] est en outre mal fondé à revendiquer une cession implicite des droits au profit des « Editions AMJELE » qui n’existent pas.
Il indique que le 30 avril 2022, [F] [N] lui a transmis un chèque de 42,68 € au titre des droits d’auteur dans un courrier intitulé « Rétribution 2022» qui correspond à la rémunération due à sa qualité d’auteur proportionnellement à la vente des exemplaires du livre ; qu’[F] [N] lui reconnaît dès lors sa qualité d’auteur sur le livre «Canyons Secs et Barrings des Alpes-Maritimes» ; que la commercialisation d’une édition contrefaisante de son livre sans son accord par [F] [N] se présentant comme le responsable des Éditions AMJELE, avec la participation de [D] [T], constitue une contrefaçon de ses droits d’auteur ; que ces agissements portent atteinte à ses droits patrimoniaux et droits moraux d’auteur ; qu’[F] [N] avec la participation de [D] [T] a en outre porté atteinte à son droit moral de divulgation du livre en publiant une copie de l’ouvrage au mépris de sa demande de non divulgation datée du 22 novembre 2021.
Il soutient de plus qu’il est victime d’une atteinte au droit à l’image, bénéficiant d’une forte notoriété dans le domaine du canyonisme ; que ses droits patrimoniaux ont été bafoués.
Il soutient enfin que la qualification d’œuvre de collaboration pour viser l’ouvrage «Canyons Secs & Barrings des Alpes-Maritimes» n’est pas fondée, ni [F] [N], ni [D] [T] n’ayant concouru à la création de l’ouvrage, pour la commercialisation duquel aucun contrat d’édition n’a été régularisé.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 septembre 2024, [F] [N] demande au tribunal :
Sur les demandes en contrefaçon de droit d’auteur :
A titre principal,
• [S] [W] échoue à rapporter la preuve de l’originalité des éléments revendiqués – faute d’originalité,
• [S] [W] n’a aucun intérêt à agir, faute de rapporter la preuve de sa qualité d’auteur exclusif,
– Débouter [S] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, dire que :
• L’ouvrage litigieux est une œuvre collective,
• [S] [W] y a participé volontairement et y a consenti,
• En tout état de cause, [S] [W] a tacitement cédé les droits de reproduction et de représentation des éléments revendiqués,
• [S] [W] a même commercialisé de son propre chef l’ouvrage qu’il juge litigieux,
– Débouter [S] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire :
• Il ne peut être fait grief aux défendeurs d’un quelconque acte de contrefaçon,
– Débouter [S] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions vu l’absence de preuve du préjudice subi,
Sur les demandes relatives au droit sui generi des bases de données :
– Débouter [S] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Sur les demandes relatives au droit à l’image :
– Débouter [S] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– Condamner [S] [W] au paiement de la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu’il exerce sous la forme d’une entreprise individuelle une activité d’édition de livres, revues et périodiques depuis juillet 2002 sous le nom « EDITIONS AMJELE » ; qu’il pratique depuis plusieurs années le canyoning dans les Alpes Maritimes ; qu’il est lui aussi diplômé dans cette discipline et a édité plusieurs ouvrages depuis 2015 ; que c’est dans ce cadre qu’il a rencontré [S] [W] et [D] [T] ; qu’il a pris l’initiative et la direction du projet d’ouvrage afin d’en permettre la parfaite réalisation et l’aboutissement ; qu’il a ainsi contribué aux recherches de sites, relevés, topos, descriptions ; qu’il a coordonné les diverses contributions des intervenants à cet ouvrage, démarché des partenaires et des sponsors publics et privés, et négocié les conventions de partenariat, sollicité et négocié la rédaction de la préface par le Directeur du département, réalisé la mise en forme des contributions, des photographies, et des topos, coordonné les échanges avec l’imprimeur ; édité, publié et divulgué l’ouvrage par le biais de AMJELE EDITIONS.
Il soutient que l’ouvrage litigieux est une œuvre collective ; que c’est sous cette forme qu’ils se sont tous les trois présentés dès 2019 notamment pour obtenir des financements, et pour signer des conventions de publicités ; que cela ressort aussi du dossier de presse qu’il a réalisé afin de financer le projet d’ouvrage et des échanges avec [S] [W] par courriel en date du 02 novembre 2021 ; que de façon très brutale, [S] [W] lui a signifié le 22 novembre 2021 qu’il renonçait à la parution du livre, tout en revendiquant une titularité exclusive des droits d’auteur sur l’ouvrage ; que toutefois, s’agissant d’un ouvrage collectif destiné à être édité et exploité par la maison d’éditions AMJELE, il a été publié en décembre 2021 ; que la préface rédigée par le Président du Département des Alpes Maritimes en juin 2020 relève le caractère collectif de l’ouvrage ; que [S] [W] ne rapporte pas la preuve de l’antériorité de son prétendu ouvrage, qui n’est pas daté.
Il soutient que ce livre, dont le titre a été choisi collectivement dès novembre 2019, a fait l’objet d’un travail d’équipe important sur plus de deux années avant sa publication ; que sa paternité doit être attribuée aux EDITIONS AMJELE en qualité d’éditeur et de chef d’équipe de la réalisation ; que le projet de [S] [W] de 656 pages est postérieur et a été retravaillé sur la base de l’ouvrage collectif publié ; que les fiches techniques de descentes de canyons ne sont pas des créations originales de [S] [W] mais sont accessibles sur des sites dédiés.
Il soutient que [S] [W] ne rapporte pas la preuve de l’existence des éléments originaux de l’œuvre dont il revendique la paternité ; que non seulement [S] [W] n’identifie pas clairement les éléments revendiqués dont il serait l’auteur, mais encore, il ne démontre pas en quoi tous ces éléments, sans distinction, seraient empreints de sa seule personnalité et donc originaux ; qu’en matière de guides de randonnées, ou de recueils de balades et de cascades, la jurisprudence considère qu’ils sont dépourvus de toute originalité ; qu’en tout état de cause, il ne présente pas une physionomie propre le distinguant des autres ouvrages du même genre, traduisant un parti pris empreint de la personnalité de son auteur ; qu’il ne peut dès lors pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur ; qu’en réalité, chacun des protagonistes y a apporté sa touche personnelle, ses corrections, ses modifications, ses contributions sur les 464 pages publiées dans le livre aux Éditions AMJELE.
Il indique concernant les fiches, que le vocabulaire emprunté est banal, tout comme la structure des phrases, et qu’il s’agit d’une simple description du domaine public, sur une voie connue pour le canyoning ; que les textes proposés décrivent purement et simplement un itinéraire ou un site avec ses contraintes physiques et ses dangers ; qu’ils sont dépourvus de toute originalité, et d’une démarche intellectuelle précise ; que concernant les 603 photographies, [S] [W] ne rapporte pas la preuve qu’elles seraient originales ; que les 603 photographies ne sont pas identifiées ; que les « légendes » associées aux photographies ne sont que des abréviations techniques courantes utilisées par tous les pratiquants du canyoning pour donner des indications sur la descente concernée, et sont reprises dans tous les manuels de canyoning ; qu’elles sont dépourvues de toute originalité ; que les dessins prétendument “originaux” revendiqués par [S] [W] sont les extraits de cartes reproduits au sein de l’ouvrage ; que ces cartes sont des fonds de carte IGN, extraits du site Geoportail, tel que cela est d’ailleurs systématiquement indiqué en dessous de chaque extrait ; que les indications concernant la manière d’accéder aux canyons ne sont que des instructions permettant au canyoneurs de se rendre sur le lieu de la descente concernée et constituent des données figurant dans le domaine public ; que les coupes schématiques sont dépourvues de toutes originalité ; qu’il s’agit en réalité de croquis qui ne traduisent ni d’un effort personnel de création ni d’une recherche esthétique, ni d’une combinaison du moindre élément original ; que ces croquis sont fortement inspirés en réalité des croquis existants accessibles sur internet ; qu’ils représentent une vulgarisation des descentes et des cascades qui relèvent toutes du domaine public et de la nature en elle-même ; que ces « coupes » ne relèvent pas de la protection au titre du droit d’auteur ; que s’agissant des 75 fiches de synthèse des 75 descentes de canyons, celles-ci ne sont ni représentées ni identifiées ; elles ne sont pas originales, et sont aussi déjà représentées sur des sites tiers, comme www.descente-canyon.com … suivant une démarche dictée par des contraintes techniques similaires.
Il soutient que [S] [W] ne justifie ni de l’existence de la base de données revendiquée, ni de sa qualité de producteur.
Il indique par ailleurs que la pièce adverse n°1 sur laquelle s’appuie Monsieur [W] pour tenter de justifier sa qualité d’auteur ne reproduit pas l’ouvrage concerné ; qu’il s’agit uniquement d’un sommaire non daté, non signé, dont on ne peut donc déterminer la paternité ; qu’il en est de même concernant la pièce adverse 40 qui n’a aucune date certaine, ni aucune fiabilité quant à son origine ; qu’aucun constat d’huissier n’a été produit pour légitimer cette pièce.
Il indique qu’en tout état de cause, cet ouvrage est né de la volonté commune de trois personnes de réaliser un ouvrage ; que la cession des droits de chacun est implicite puisqu’elle nait de la volonté commune des trois parties d’éditer un ouvrage ensemble porté par les éditions AMJELE et de leurs déclarations respectives dans les mails qu’elles se sont adressées.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 septembre 2024, [D] [T] demande au tribunal de :
– Débouter [S] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions; A titre subsidiaire,
– Débouter [S] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ;
En tout état de cause,
-Condamner [S] [W] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner [S] [W] aux entiers dépens.
Il fait valoir qu’en tant que kinésithérapeute à la retraite, il a rejoint un collectif d’initiés, dont fait partie [S] [W], dénommé les « canyoneurs de l’apéro », spécialisé dans la pratique des canyons secs et barres rocheuses ; qu’[F] [N], éditeur exerçant en qualité d’entrepreneur individuel sous le nom d’AMJELE EDITIONS (SIREN n°442602900), également adepte de canyoning depuis plus de 20 ans, a rencontré les « canyoneurs de l’apéro » en 2019 ; que c’est de cette rencontre qu’est né le projet de recenser les différents sites de canyoning dans la région des Alpes-Maritimes et de créer et publier le premier topo-guide consacré aux canyons secs et barrings ; que c’est sous la direction des éditions AMJELE dirigées par [F] [N] et avec l’aide de multiples intervenants dont [S] [W] et lui-même que ce projet s’est finalement concrétisé ; que ce n’est que trois mois après la parution du livre que [S] [W] a revendiqué en être le seul auteur alors que sa participation à la création de l’ouvrage n’avait jamais soulevé de contestation.
Il indique qu’il n’a pas participé à la commercialisation de l’ouvrage réalisée par les éditions AMJELE qui détiennent seules les droits d’auteur puisqu’il s’agit d’une œuvre collective ; qu’il n’a découvert qu’après la publication du livre que [S] [W] s’y était opposé ; que l’ouvrage intitulé « Canyons secs & Barrings des Alpes Maritimes », publié en décembre 2021 par les éditions AMJELE, a été créé à l’initiative et sous la direction d’ [F] [N], directeur des éditions AMJELE, qui l’a édité, publié et commercialisé ; que la rédaction des topos a nécessité le concours de multiples intervenants ; qu’il comporte également des sections dédiées à l’histoire, à la sécurité, à la géologie et à la météorologie dans la région rédigée par divers experts ; qu’[F] [N], [S] [W] et lui-même ont été les principaux contributeurs de cet ouvrage, sans toutefois que leurs contributions personnelles ne puissent, à l’instar de celle des autres canyoneurs, être clairement identifiées.
Il soutient que [S] [W] ne rapporte pas la preuve de l’antériorité d’un projet de livre et de sa qualité d’auteur exclusif ; qu’il n’est pas prouvé que ce « projet de livre » de plus de 650 pages n’ait pas en réalité été créé pour les seuls besoins de la cause ou qu’il ne s’agit pas d’une version rédigée a postériori ; que les ajouts et modifications du projet de [S] [W] ne sont pas datés ; que [S] [W] ne démontre pas que l’ouvrage publié est une contrefaçon de son «projet de livre» dont il revendique être l’auteur.
Il ajoute de plus que [S] [W] est délibérément taisant sur l’existence d’un nouvel ouvrage publié en septembre 2023 intitulé « 101 Canyons Secs des Alpes-Maritimes » sur lequel seul son pseudonyme « Le Lion » apparait sur la première page de couverture ; qu’il s’est ainsi opposé à la publication de l’œuvre collective litigieuse, et à tout le moins collaborative, pour ensuite commercialiser, sur sa seule initiative et sans aucun accord de son éditeur ou des autres auteurs, le même ouvrage, lui permettant ainsi d’être le seul à percevoir les fruits des ventes réalisées.
Il soutient qu’en tout état de cause, l’ouvrage publié étant une œuvre collective, la titularité des droits d’auteur appartient à la société d’[F] [N], sous le contrôle et la direction duquel le livre a été réalisé dans son ensemble ; que par conséquent [S] [W] n’est pas fondé à revendique une atteinte à ses droits moraux ou patrimoniaux ; que par ailleurs, [S] [W] n’est pas fondé à se prévaloir d’une quelconque contrefaçon au titre de « sa base de données » dont il estime être le seul producteur ; que dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que [S] [W] est fondé à se prévaloir d’une atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux ou à son droit à l’image pour quelque cause que ce soit, il devra être jugé qu’il n’a aucun lien avec les atteintes revendiquées, à défaut, d’une part, d’avoir été informé du refus par [S] [W] de la commercialisation de l’ouvrage litigieux, et d’autre part, d’avoir participer ou collaborer à l’édition et à la commercialisation de ce livre ; qu’il précise en effet avoir uniquement participé à l’ouverture des canyons et à la rédaction de l’ouvrage, notamment en donnant son avis sur les topos et en rédigeant une partie de l’introduction, sans jamais intervenir, à quelque titre que ce soit, dans le processus commercial.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 26 septembre 2024.
Sur la qualification de l’œuvre :
En application de l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle :
« La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » ;
L’œuvre collective dont se prévalent [F] [N] et [D] [T] est définie à l’article L.113-2, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle comme “l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.»
En application de l’article L.113-5 du même code « L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur. »
L’œuvre de collaboration, quant à elle, est définie à l’article L.113-2 du CPI comme « l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. »
Elle se caractérise par un travail d’équipe et n’impose pas que les contributions de chaque auteur forment un tout où il n’est plus possible d’identifier la prestation de chacun.
L’article L.113-3 du CPI dispose que “l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.
Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord.
En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer.
Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune. »
L’article 335-3 alinéa 1du CPI dispose que constitue “un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.”
En l’espèce, Il ressort de l’ensemble des pièces versées aux débats que [S] [W] pratique le canyoning depuis plus de 20 ans et qu’il a créé en 2016 un site internet “canyons-apero.com” pour lequel il avait recensé et identifié un certain nombre de sites de canyons secs dans les Alpes Maritimes dans lesquels il avait coutume d’exercer sa pratique.
Il réalisait à cet effet dès l’année 2016 des topos, des fiches techniques contenant les descriptifs des canyons et y joignait des photographies.
Les nombreuses attestations de personnes partageant avec lui cette passion confirment son désir de rédiger et de publier un topo-guide des canyons secs et barres rocheuses dites “Barrings” dans les Alpes-Maritimes dès l’année 2017 afin de partager et de diffuser auprès d’un public plus large ses connaissances.
[S] [W] a rencontré [F] [N] et [D] [T] dans le cadre de cette activité.
Leurs premiers échanges de mails à partir du mois de janvier 2019 démontrent la décision de collaborer à l’élaboration d’un guide sur les canyons secs et barrings dans les Alpes Maritimes, les répartitions des tâches étant envisagées de la façon suivante : recherches de partenaires, élaboration du dossier de presse, promotion publicitaire, réalisation technique et coordination des interventions par [F] [N], écriture des topos-guides par [S] [W], écriture de la présentation des vallées à explorer par [D] [T].
Par mail du 31 janvier 2019 [F] [N] sous l’adresse mail suivante : [Courriel 4] apportait la précision suivante : “il est important que si nous commençons le projet à trois, nous continuions à trois. Une fois le projet bien avancé, plus aucune personne ne viendra se greffer sur la construction du topo. Toute aide extérieure ne peut intervenir que sur les repérages et les ouvertures de canyons”.
En novembre 2019 et en Mars 2020, [F] [N] proposait une mise en page de l’ouvrage.
Les échanges de mails du mois de décembre 2020 révèlent un travail de recherche en collaboration relatif aux regroupements de topos et listes de canyons par vallées, et ceux échangés au mois de janvier 2021, l’évolution dans l’élaboration du livre nécessitant de nombreux déplacements sur les sites de canyoning.
[S] [W] effectuait la plupart des repérages sur sites et ceux concernant des “descentes inédites” avec l’aide de plusieurs compagnons de canyoning ; il dressait la liste des canyons qu’il classait par niveau de difficulté, créait des topos-guides, des synopsis, et les adressait à [F] [N] ainsi qu’en attestent les nombreux mails qu’il lui a adressés dès le début de l’année 2020, et qui témoignent de l’ampleur du travail qu’il consacrait à leur rédaction.
Il communiquait en outre un certain nombre de photographies à [F] [N] dès le début de l’année 2020.
Les topos finalisés étaient ainsi régulièrement adressés par [S] [W] à [F] [N] en vue de leur mise en page. Des tests d’impression du livre étaient adressés à [F] [N] en mars 2021.
Des fichiers rectifiés étaient adressés par [F] [N] à [S] [W] par mails en juillet et août 2021.
Si le 19 août 2021, la couverture proposée par [S] [W] portait comme seul nom d’auteur “Le Lion” en référence à son pseudonyme dans le milieu du canyoning, les propositions de couverture ultérieures mentionnent cinq noms de contributeurs désignés par [S] [W], avant de ne mentionner que les noms de [W]-[N]-[T].
En septembre 2021, [S] [W] écrivait à [F] [N] dans les termes suivants : “Voilà qui clôt définitivement, après un an de sueur et de désespoir, la genèse de notre magnifique ouvrage (en vente pour seulement 39€ dans les bonnes librairies). Il faut que tu m’appelles afin qu’on fasse le point sur certains détails avant de tout envoyer à l’imprimeur. Bises et encore bravo pour ton immense travail.”
Le 14 septembre 2021 et le 24 octobre 2021, [S] [W] recevait des devis d’impression du livre des sociétés L’imprimerie La Rousse et Nota Bene pour un ouvrage de 654 pages environ, hors couverture.
Sans contester le nombre de pages à imprimer, soit 656 pages hors couverture, [F] [N] contestait le montant de la prestation de NOTA BENE par mail du 21 novembre 2021.
Bien que [S] [W] se soit finalement opposé à la publication du livre par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 novembre 2021, [F] [N], par l’intermédiaire de sa maison d’édition AMJELE EDITIONS a publié en décembre 2021 un ouvrage de moins de 500 pages reprenant une partie des créations rassemblées au cours des deux années précédentes.
Or, à l’examen de l’ensemble des pièces communiquées tant par [S] [W] que par [F] [N] que [S] [W] rapporte la preuve d’un apport créatif personnel portant essentiellement sur le contenu du livre : la rédaction de synopsis avec points de géolocalisation, l’élaboration de plans en coupe des canyons identifiés, l’invention de codes couleurs pour l’emplacement des canyons, la création d’une classification du niveau de difficultés des canyons par un code couleurs, l’invention d’un vocabulaire propre à l’activité par l’utilisation des mots et expressions originales dans les topos comme « via etriata » (relative à la pose d’étriers), « cassé » (terme désignant une falaise fractionnée en plusieurs relais), « aires d’apéros », « barrings », “Pauv’gars” (pour désigner sur les photographies des sportifs en pleine épreuve), la rédaction des accès, de la présentation des sites, la description de nouveaux canyons non encore répertoriés et leur identification par des noms inventés, et notamment : vallon des 7 nains, vallon du petit cassé, Aïga Ventao, ravin de St Roch, Les Grandes Marches, La Goulotte, La Muraille Noire – sans que cette liste ne soit exhaustive.
[F] [N] est pour sa part intervenu pour la constitution du dossier de presse, la recherche d’annonceurs publicitaires, la mise en page originale, les rapports avec le Département des Alpes-Maritimes pour la rédaction de la préface, la réalisation technique de l’ouvrage, seule la contribution de [D] [T] ne pouvant être clairement identifiée.
Dans cette œuvre, qualifiée d’ouvrage de collaboration par [F] [N] dans son courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 novembre 2021, il ne fait nul doute que [S] [W] a fourni un apport effectif majeur à sa création exprimant l’empreinte de sa personnalité. Comme sus-indiqué, rédigeait les fiches techniques des canyons et barrings et créait les synopsis sans que n’ait été rapporté par [F] [N] ou [D] [T] l’emprunt par [S] [W] d’outils similaires, copiés à partir d’une œuvre préexistante portant sur le même sujet. Il notait sur chaque synopsis les points de géolocalisation, chaque synopsis étant le résultat de nombreuses sorties sur le terrain et investigations.
Il donnait un nom aux nouveaux canyons découverts, qui ne portaient jusqu’alors aucun nom à défaut d’avoir été répertoriés.
Il adressait toutes ces données par fichiers informatiques à [F] [N] sur la période de mars 2020 à avril 2021.
Dès lors, à la lecture de l’ensemble des pièces versées aux débats, l’ouvrage édité par [F] [N] au mois de décembre 2021 ne peut être qualifié d’œuvre collective au sens de l’article L.113-2 alinéa 3 du CPI, à défaut pour [F] [N] et [D] [T] de rapporter la preuve qu’[F] [N] exerçant son activité d’éditeur sous le nom commercial d’AMJELE EIDTIONS ait pris l’initiative et la direction du projet, de sorte que l’œuvre n’est pas la propriété d’[F] [N] ni celle d’AMJELE EDITIONS, qui n’a pas de personnalité morale.
Ni [F] [N] ni [D] [T] ne rapportent la preuve que l’ouvrage a été réalisé sous les instructions ou directives d’[F] [N] ou de sa maison d’édition AMJELE EDITION, avec laquelle aucun contrat d’édition n’a été signé.
La contribution personnelle des auteurs participant à son élaboration ne s’est pas fondue dans l’ensemble en vue duquel l’œuvre a été conçue, l’apport de [S] [W] qui est à l’origine du projet pour avoir commencé à l’élaborer dès l’année 2016 avec son site internet s’étant enrichi du travail de mise en page et des techniques de commercialisation propres à [F] [N].
En tout état de cause, ni [D] [T] ni [S] [W] n’ont participé à une équipe placée sous la direction d’[F] [N] exerçant son activité d’éditeur sous le nom commercial d’AMJELE EDITIONS.
A aucun moment [S] [W] n’a explicitement ou implicitement cédé ses droits de reproduction ou de représentation des éléments adressés à [F] [N] aux fins d’élaboration de l’ouvrage.
Ainsi, l’ouvrage litigieux ne constitue pas une œuvre collective, mais une œuvre de collaboration impliquant une participation concertée des coauteurs justifiée par leurs échanges de mails, et constituée par le travail créatif et conduit en commun par [S] [W], [F] [N] et [D] [T], dont l’exploitation sans autorisation donnée par [S] [W] porte atteinte à ses droits d’auteur.
En effet, en tant qu’œuvre de collaboration, le régime de l’indivision préside à la gestion de sa propriété, de sorte que les coauteurs exercent leurs droits d’un commun accord.
Les actes d’exploitation, de disposition ou de défense de l’œuvre doivent être décidés à l’unanimité.
Il en résulte, par application du principe d’interdépendance des auteurs, que l’exploitation de l’œuvre de collaboration par un de ses auteurs, sans le consentement du propriétaire indivis porte nécessairement atteinte aux droits de celui-ci.
En l’espèce, l’édition et la commercialisation de l’ouvrage « Canyons secs & Barrings des Alpes-Maritimes » par [F] [N] sous le nom commercial d’AMJELE EDITIONS avec le consentement de [D] [T] qui considère que la publication de l’ouvrage publié est une œuvre collective dont la titularité des droits d’auteur appartient à la société d’[F] [N], et ce, sans le consentement exprès de [S] [W], qui s’était opposé à sa parution et à l’utilisation des fichiers techniques, par lettres recommandées avec accusé de réception adressées à [F] [N] les 22 et 24 novembre 2021, constituent un acte de contrefaçon.
Sur la réparation des actes de contrefaçon de l’œuvre de collaboration :
L’action en contrefaçon des droits patrimoniaux d’un coauteur d’une œuvre de collaboration est subordonnée à la mise en cause de l’ensemble des coauteurs.
En l’espèce, l’ensemble des co-auteurs a été mis en cause, de sorte que cette action est recevable.
L’atteinte au droit d’exploitation de l’œuvre :
L’alinéa 2 de l’article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle exige que les décisions des auteurs relatives à son exploitation et aux actions en justice soient prises à l’unanimité.
En l’espèce, l’édition et la commercialisation réalisée sans l’accord de [S] [W] constitue une contrefaçon.
En conséquence, il y a lieu d’interdire l’édition, la diffusion et la commercialisation de l’ouvrage « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » « 75 descentes 50 inédites » publié par AMJELE EDITIONS.
En outre, il sera ordonné la radiation par [F] [N] ou par [D] [T] de tout dépôt du titre « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » effectué auprès de l’ISBN ayant pour N°EAN 9782956813637.
L’atteinte au droit moral et aux droits patrimoniaux du co-auteur :
En l’espèce, la contribution de [S] [W] à l’œuvre de collaboration a été clairement identifiée et individualisée, de sorte qu’il peut agir pour la défense de son droit moral.
Par une appréciation souveraine des éléments de la cause, [F] [N] et [D] [T] seront condamnés in solidum à payer à [S] [W] la somme de 1 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à son droit moral.
S’agissant de l’atteinte aux droits patrimoniaux, doivent être pris en considération les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée.
En l’espèce, [S] [W] sollicite le paiement de la somme de 7 800€ sur la base d’un coût unitaire de 39€ le livre, [F] [N] reconnaissant dans un courrier recommandé avec accusé de réception du 30 avril 2022 relatif à la « rétribution 2022 » l’existence d’un stock initial de 200 ouvrages et la vente de 65 ouvrages sur laquelle il rétrocédait à [S] [W] une somme de 42,68€.
Or, le prix du livre porté au verso de l’ouvrage versé aux débats par [F] [N] est de 35€.
Ainsi, le préjudice financier pour les 135 ouvrages restant est de :
(135 x 35€) :3 = 1 575€
En conséquence, [F] [N] et [D] [T] seront condamnés in solidum à payer à [S] [W] la somme de 1 575€ à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à ses droits patrimoniaux.
L’atteinte au droit à l’image du co-auteur :
En application de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.
Le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation.
En l’espèce, le livre édité et commercialisé par [F] [N] comportent des photographies sur lesquelles [S] [W] est clairement identifiable. Or, [S] [W] s’était formellement opposé par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2021 à la diffusion des textes et photographies préalablement communiqués par ses soins.
En conséquence, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, [F] [N] et [D] [T] seront condamnés in solidum à payer à [S] [W] la somme de 1 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son droit à l’image
Sur les sommes perçues auprès des annonceurs publicitaires :
L’examen des échanges de mails au 04 novembre 2021 révèle que l’état comptable établi à cette date par [F] [N], non contesté par les parties, faisaient ressortir un solde positif de 6 112,43€ (pièce [W] N°5) .
Dès lors, en qualité de co-auteur, [S] [W] est recevable et bien fondé à réclamer le versement du tiers de la somme perçue.
En conséquence, [F] [N] et [D] [T] seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 2 037,47€.
Sur la contrefaçon de base de données :
La propriété incorporelle dont jouissent indivisément les coauteurs d’une œuvre de collaboration laisse subsister le droit exclusif de chaque coauteur sur l’objet matériel qui est l’expression de sa création matérielle.
En application de l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle « le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.
Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs. »
L’article L.342-1 du même code dispose que « Le producteur de base de données a le droit d’interdire :
1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme. (…) »
En l’espèce, [S] [W] justifie (Pièce N°44) avoir adressé à [F] [N] une base de données contenant 75 canyons recensés dans les Alpes-Maritimes.
Si les extraits de cartes IGN n’ont pas à bénéficier d’une protection particulière et peuvent être communément repris dans des guides, en revanche, l’ouvrage contrefait édité en décembre 2021 sans l’autorisation de [S] [W] reprend l’ensemble des données communiquées par fichiers sur la période de mars 2020 à avril 2021 par [S] [W], et extraites de ces fichiers, à savoir notamment :
– les synopsis et coupes des canyons et ravins portant mention des points de géolocalisation ;
– la fiche technique de chaque canyon identifié et nommé par [S] [W] ;
– le classement par difficulté et code couleur ;
– la présentation du canyon ;
– les accès en amont et en aval, les précisions sur le retour ;
– les précisions et observations concernant « la descente », le « caractère aquatique » et « l’échappatoire » du canyon ou ravin concerné.
L’extraction de ces données et leur exploitation sans le consentement de [S] [W] est constitutive de contrefaçon.
[S] [W] propose, aux fins d’indemniser son préjudice, une évaluation de l’investissement financier pour la constitution de sa base de données incluant : le coût des amarrages indispensables pour accéder aux zones concernées par les recherches topographiques, le coût de l’outillage, le coût de l’équipement des canyons recensés, le coût des transports, l’évaluation de la mise en place des équipements sur site, de la rédaction des topos et des temps de parcours. Il sollicite au total à titre d’indemnisation pour la contrefaçon de sa base de données la somme de 31 990,88€.
Toutefois, [S] [W] a réutilisé cette base de données pour réaliser et faire éditer un nouvel ouvrage intitulé « 101 canyons secs & barrings » ayant pour N° EAN 9782958813406, qui contient 26 nouveaux canyons, de sorte que son investissement financier n’a pas profité qu’au 1er ouvrage contrefait, mais continue à lui profiter pour les œuvres actuelles et à venir.
Il y a lieu dès lors, par une appréciation souveraine des pièces portées à la connaissance du tribunal relatives aux coûts induits par les investigations, travaux de recherche sur sites et réalisation de bases de données, de chiffrer le préjudice financier de [S] [W] à la somme forfaitaire de 10 000€.
En conséquence, [F] [N] et [D] [T] seront condamnés in solidum à payer à [S] [W] la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation à l’atteinte de ses bases de données.
[S] [W] sera débouté du surplus de ses demandes.
Sur les demandes accessoires :
[F] [N] et [D] [T], qui succombent, seront condamnés in solidum aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de les condamner in solidum à payer à [S] [W] la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DIT que l’ouvrage « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » « 75 descentes 50 inédites » publié par AMJELE EDITIONS au nom de « [S] [W], [D] [T], [F] [N] & une belle cordée d’intervenants azuréens » est une œuvre de collaboration ;
DIT que l’édition et la commercialisation de l’ouvrage « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » « 75 descentes 50 inédites » publié par AMJELE EDITIONS sans l’accord de [S] [W] constitue une contrefaçon ;
INTERDIT l’édition, la diffusion et la commercialisation de l’ouvrage « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » « 75 descentes 50 inédites » publié par AMJELE EDITIONS au nom de « [S] [W], [D] [T], [F] [N] & une belle cordée d’intervenants azuréens » (N°EAN 9782956813637) ;
ORDONNE la radiation par [F] [N] ou par [D] [T] de tout dépôt du titre « Canyonings secs & Barrings des Alpes-Maritimes » effectué auprès de l’ISBN (N°EAN 9782956813637) ;
CONDAMNE in solidum [F] [N] et [D] [T] à payer à [S] [W] :
– la somme de 1 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à son droit moral.
– la somme de 1 575€ à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à ses droits patrimoniaux.
– la somme de 1 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son droit à l’image.
– la somme de 2 037,47€ au titre des sommes perçues auprès des annonceurs publicitaires.
– la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation à l’atteinte de ses bases de données.
DEBOUTE [S] [W] pour le surplus de ses demandes ;
CONDAMNE in solidum [F] [N] et [D] [T] aux entiers dépens.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 21 Novembre 2024
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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