Nullité de revendications de brevets : Sanofi c/ Mylan

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Nullité de revendications de brevets : Sanofi c/ Mylan
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Des revendications de brevets peuvent être annulées dès lors qu’elles sont évidentes pour l’homme du métier, à la fois à la lumière de ses connaissances générales et à la lecture de la demande de brevet.

La nullité du brevet européen

Selon l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138 § 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens (CBE).

En application du § 1 de l’article 138 de cette même convention, sous réserve des dispositions de l’article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 (…).

L’activité inventive

Selon article 56 de la CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique.

Pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour l’homme du métier.

Il n’est pas contesté que l’homme du métier est en l’espèce, ainsi que l’a retenu tribunal, un ingénieur spécialisé dans la conception et la fabrication de dispositifs d’injection et notamment de médicaments, qui dispose de connaissances relatives aux méthodes d’injection dans le domaine médical mais également de connaissances dans le domaine de la mécanique.

21 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/04498

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 21 AVRIL 2023

(n°68, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/04498 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDH5V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 janvier 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°18/09242

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.S.U. VIATRIS SANTE, anciennement S.A.S. MYLAN, agissant en la personne de son président, M. [X] [L], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de Lyon sous le numéro 399 295 385

S.A.S.U. VIATRIS MEDICAL, anciennement S.A.S. MYLAN MEDICAL, agissant en la personne de son président, M. [X] [L], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 443 747 977

Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocate au barreau de PARIS, toque K 111

Assistées de Me Denis SCHERTENLEIB plaidant pour la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A 0948

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

Société SANOFI AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH, société de droit allemand, prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ALLEMAGNE

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018

Assistée de Me Jean-Hyacinthe DE MITRY plaidant pour l’AARPI GIDE – LOYRETTE – NOUEL, avocat au barreau de PARIS, toque T 03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :

– rejeté la demande en nullité de la partie française du brevet EP 2 356 552 dont la société Sanofi-Aventis Deutschland est titulaire,

– déclaré nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 13 et 14 juin 2018 réalisée dans les locaux de la société Mylan SAS à [Localité 8],

– ordonné la restitution des éléments saisis en exécution à la société Mylan SAS à [Localité 8] et fait interdiction à la société Sanofi-Aventis Deutschland GmbH de s’en prévaloir et de les utiliser dans quelque procédure que ce soit,

– dit n’y avoir lieu à destruction du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 13 et 14 juin 2018,

– rejeté la demande en nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon :

– des 13 et 28 juin 2018, réalisée dans les locaux de la société Mylan Medical SAS à [Localité 7],

– du 21 juin 2018 réalisée dans les locaux de la société CSP à Cournot d’Auvergne,

– du 21 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société CSP à Moussey Le Neuf,

– dit que les sociétés Mylan ont, en important et détenant des stylos d’injection Basalog One, commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6 de la partie française du brevet européen EP2346552 dont la société Sanofi-Aventis est propriétaire,

– condamné in solidum les sociétés Mylan à payer à la société Sanofi-Aventis, la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon et la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral,

– fait interdiction aux sociétés Mylan de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 200 euros par produit litigieux concerné et par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et pendant un délai de huit mois,

– ordonné la confiscation des produits contrefaisants détenus en France par les sociétés Mylan et leur destruction sous contrôle d’huissier, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, passé le délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

– ordonné le rappel des produits contrefaisants, notamment ceux détenus par la société Centre Spécialités Pharmaceutiques, sous astreinte de 200 euros par produit et par jour de retard, passé le délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et la destruction, aux frais des sociétés Mylan, sous contrôle d’huissier, des produits ainsi rappelés, conformément à l’article L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle,

– dit n’y avoir lieu à droit d’information,

– débouté les sociétés Mylan de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné in solidum les sociétés Mylan aux dépens et autorisé Me Jean-Hyacinthe de Mitry, avocat, à recouvrer directement contre les sociétés Mylan, ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– condamné in solidum les sociétés Mylan à payer à la société Sanofi-Aventis, la somme de 80 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

Vu l’appel interjeté le 9 mars 2021 par la société Mylan SAS et la société Mylan Medical SAS,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 septembre 2022 par la société Viatris Santé (anciennement dénommée Mylan (SAS) et la société Mylan Medical SAS, appelantes, qui demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 29 janvier 2021 en ce qu’il a :

– déclaré nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 13 et 14 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société Mylan SAS à [Localité 8],

– ordonné la restitution des éléments saisis en exécution à la société Mylan à [Localité 8] et fait interdiction à la société Sanofi-Aventis de s’en prévaloir et de les utiliser dans quelque procédure que ce soit,

– dit n’y avoir lieu à droit d’information,

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 29 janvier 2021en ce qu’il a :

– rejeté la demande en nullité de la partie française du brevet n° EP 2 346 552, dont la société Sanofi-Aventis est titulaire,

– rejeté la demande en nullité du procès-verbal des 13 et 28 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société Mylan Medical à [Localité 7],

– rejeté la demande en nullité du procès-verbal du 21 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société CSP à [Localité 4],

– dit que les sociétés Mylan ont, en important et détenant des stylos d’injection Basalog One, commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6 de la partie française du brevet n°EP 2 346 552,

– condamné in solidum les sociétés Mylan à verser à la société’ Sanofi-Aventis la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon, et la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral,

– fait interdiction aux sociétés Mylan de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 200 euros par produit litigieux concerné et par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et pendant un délai de huit mois,

– condamné in solidum les sociétés Mylan aux dépens et à verser à la société’ Sanofi-Aventis la somme de 80 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

A titre principal,

-juger que la partie française du brevet n°EP 2 346 552 est nulle et, en conséquence, l’annuler,

– dire que le jugement à intervenir (sic) sera transmis à l’INPI par la partie la plus diligente, une fois celui-ci devenu définitif,

– prononcer la nullité du procès-verbal des 13 et 28 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société Mylan Medical à [Localité 7],

– prononcer la nullité du procès-verbal du 21 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société CSP à [Localité 4],

– ordonner en conséquence la restitution desdits procès-verbaux et des éléments saisis en leur exécution et interdire à la société’ Sanofi-Aventis d’utiliser ou de communiquer dans quelque contexte que ce soit les documents et informations concernés,

– juger que la contrefaçon n’est pas démontrée,

– juger qu’en tout état de cause les sociétés Viatris Sante et Mylan Medical n’ont commis aucun acte de contrefaçon,

– débouter la société Sanofi-Aventis de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société Sanofi-Aventis à payer un total de 100 000 euros aux sociétés Viatris Sante et Mylan Medical au titre de l’article 700 du CPC (code de procédure civile),

– condamner Sanofi-Aventis aux entiers dépens dans les modalités prévues à l’article 699 du CPC (code de procédure civile),

A titre subsidiaire,

– accorder à Sanofi la somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022 par la société Sanofi-Aventis, intimée, qui demande à la cour de :

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

– prononcé la nullité de la saisie-contrefaçon opérée chez la société Mylan (désormais dénommée la société Viatris Santé) à [Localité 8] les 13 et 14 juin 2018,

– refusé de faire droit à la demande de droit à l’information formée par la société Sanofi-Aventis,

– infirmer le jugement sur ces deux points et, statuant à nouveau :

– ordonner aux sociétés Viatris Santé et Mylan Médical sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de communiquer à la société Sanofi-Aventis :

– la preuve certaine de la destruction des produits détenus par la société Centre Spécialités Pharmaceutiques à [Localité 4],

– les noms et adresses des fabricants, fournisseurs, importateurs, exportateurs, distributeurs et autres détenteurs des produits Semglee,

– les documents et notamment bon de commande, bons de livraison, factures, états des ventes, état de stocks, établissant le nombre de produits Semglee fabriqués, importés, exportés, livrés, commercialisés, reçus et/ou commandés par tout moyen vers ou depuis la France, ou en France, ainsi que les prix d’achat et de vente de ces produits,

– le chiffre d’affaires et la marge brute réalisés par les sociétés Viatris Santé et Mylan Médical sur la vente et l’exportation des produits Semglee, étant précisé que les informations fournies devront être certifiées exactes et exhaustives par le commissaire aux comptes de chacune des sociétés Viatris Santé et Mylan Médical,

– dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes ainsi ordonnées,

Y ajoutant,

– condamner in solidum les sociétés Viatris Santé et Mylan Médical à payer à la société Sanofi-Aventis la somme de 1 000 000 d’euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice moral subi,

– condamner in solidum les sociétés Viatris Santé et Mylan Médical à payer à la société Sanofi-Aventis la somme de 1 000 000 d’euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice commercial subi,

– autoriser la société Sanofi-Aventis à faire publier l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de leur choix et aux frais in solidum des sociétés Viatris Santé et Mylan Médical et ce, au besoin, de complément de dommages et intérêts, le coût de chaque insertion étant fixé à la somme de 5 000 euros hors taxes,

– ordonner que l’arrêt à intervenir soit publié en intégralité aux frais in solidum des sociétés Viatris Santé et Mylan Médical SAS sous la forme d’un document au format PDF reproduisant l’intégralité de la décision et accessible à partir d’un lien hypertexte apparent situé en haut de la page d’accueil du site internet à l’adresse www.viatris.fr (ou toute autre adresse permettant d’accéder au site internet de Mylan), l’intitulé de ce lien étant : « les sociétés Viatris Santé SAS et Mylan Médical ont été condamnées judiciairement pour contrefaçon d’un brevet appartenant à la société Sanofi-Aventis », dans une police de taille vingt points au moins, pendant une durée de six mois à compter de la première mise en ligne, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de huit jours après la signification de l’arrêt à intervenir,

Et en tout état de cause,

– débouter les sociétés Viatris Santé et Mylan Médical de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner in solidum les sociétés Viatris Santé et Mylan Médical à payer à la société Sanofi-Aventis la somme complémentaire de 500 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner in solidum les sociétés Viatris Santé et Mylan Médical aux entiers dépens conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 novembre 2022,

Vu les conclusions dites conclusions de procédure remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022 par la société Viatris Santé anciennement Mylan SAS et la société Viatris Medical anciennement Mylan Medical SAS qui demandent à la cour de donner acte à la société Mylan Medical SAS qu’elle se nomme désormais Viatris Santé (sic) ainsi que de son changement d’adresse,

Vu l’absence de contestation sur ce point de la société appelante, tel qu’acté par le greffier à l’audience du 2 février 2023 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Le groupe Sanofi se présente comme l’un des leaders mondiaux de la santé.

Sa filiale Sanofi-Aventis (ci-après la société Sanofi) est à l’origine d’un médicament destiné au traitement du diabète, composé d’insuline glargine, commercialisé sous le nom de «Lantus® », dont le principe actif est désormais tombé dans le domaine public depuis mai 2015.

La société Sanofi est titulaire du brevet EP 2 346 552 désignant la France (le brevet EP 552), intitulé « dispositif d’administration de médicament et procédé de fabrication d’un dispositif d’administration de médicament », issu d’une demande internationale déposée le 8 octobre 2009 sous priorité d’une demande de brevet européen EP08017889 du 13 octobre 2008, et publié le 15 août 2012. Ce brevet a été maintenu sous une forme modifiée selon une décision de la chambre des recours de l’Office Européen des Brevets du 15 octobre 2019  contre laquelle un recours engagé par la société Mylan a été rejeté par décision du 6 mai 2022 de la Grande Chambre de Recours.

La partie française du brevet a fait l’objet le 13 juin 2018 devant l’INPI d’une limitation en conformité avec la décision de la division d’opposition de l’OEB.

Exposant que la société Mylan SAS, partenaire du groupe indien Biocon qui commercialise des médicaments biosimilaires, dont celui du « Lantus », sous le nom de « Basalog », au moyen d’un stylo d’injection jetable appelé «Basalog One», avait obtenu une autorisation de mise sur le marché le 23 mars 2018 pour commercialiser ce biosimilaire sous le nom de « Semglee » également au moyen d’un stylo d’injection jetable, et avait en outre communiqué sur le lancement à intervenir de ce produit en Europe au second trimestre 2018, la société Sanofi après y avoir été autorisée par ordonnances du 8 juin 2018, a fait pratiquer le 13 juin 2018 trois saisies-contrefaçon, la première au siège social de Mylan Medical à [Localité 7], la deuxième au siège social de Mylan SAS à [Localité 8] et la troisième au centre de packaging de Mylan SAS à [Localité 5].

La société Sanofi dûment autorisée, a également fait pratiquer le 21 juin 2018 des saisies-contrefaçon au siège de la société CSP (apparue comme l’entité de stockage du « Semglee » en Europe) à [Localité 4] et en son établissement secondaire de [Localité 6].

Le juge des requêtes, saisi les 20 juin et 11 juillet 2018 par les sociétés Mylan, a, suivant ordonnances du 5 octobre 2018 confirmées par arrêts de la cour d’appel du 4 octobre 2019, rejeté les demandes de rétractation.

Par acte d’huissier de justice du 13 juillet 2018, la société Sanofi a fait assigner les sociétés Mylan et Mylan Medical en contrefaçon des revendications 1 à 6 de la partie française du brevet EP 552.

D’autres procédures ont été initiées à l’étranger par la société Sanofi. Celle-ci a obtenu en Allemagne une interdiction provisoire de commercialisation des produits litigieux par décision du 4 juillet 2019 du tribunal régional supérieur de Düsseldorf devenu définitif. En Pologne une interdiction provisoire de commercialisation des produits litigieux a été prononcée le 7 janvier 2019 puis le 7 septembre 2020 par une décision infirmée par la cour d’appel de Varsovie le 27 janvier 2021 ; l’affaire au fond est pendante. En Italie, la demande d’interdiction a été rejetée par le juge des référés et au fond, le tribunal a désigné un expert qui a considéré que le brevet EP 552 est valable et reproduit par le stylo du « Semglee ». En Espagne, la demande d’interdiction provisoire a été rejetée et la procédure au fond est pendante. Enfin en Australie, la demande d’interdiction provisoire a également été rejetée.

Aux Etats-Unis, les sociétés Mylan ont initié une procédure d’opposition au brevet US RE47 614 E de la société Sanofi et par décision du 26 mars 2021, l’Office américain des brevets a annulé le brevet précité pour défaut d’inventivité au vu de la combinaison de trois documents ([I], [R] et [O]). Cette décision est frappée d’appel.

En France le jugement du tribunal judiciaire de Paris dont appel a été rendu le 29 janvier 2021.

Sur la portée du brevet EP 552

Le brevet tel que limité concerne un dispositif d’administration de médicament amélioré, permettant l’administration de médicament, tel que l’insuline, l’héparine ou des hormones de croissance sous forme de doses précisément déterminées et contrôlées, et de manière fiable [0001 et 0006].

Il est indiqué dans la partie descriptive que de tels dispositifs sont connus de l’art antérieur mais sous forme de seringue comportant un ressort agencé entre un insert de boîtier et un élément d’entraînement, ou un organe de pression, ou encore, un ressort hélicoïdal agencé à l’intérieur du boiter [0002 à 0005].

Le but de l’invention est de proposer un dispositif d’administration de médicament amélioré en ce qu’il permet un contrôle du dosage du médicament injecté et sa réutilisation, au moyen de différentes cartouches [0006].

Le dispositif comprend un boîtier avec une extrémité proximale et une extrémité distale, une cartouche adaptée pour loger le médicament, un organe de retenue fixé au boîtier pour retenir la cartouche et une rondelle-ressort, destinée à réduire ou éviter tout mouvement de la cartouche, agencée à l’intérieur du boîtier et qui vient en butée contre la cartouche, à l’extrémité proximale du boîtier [0007].

Le dispositif comprend en outre un bouton de distribution situé à l’extrémité proximale du boîtier (du côté du doigt qui va presser sur le bouton) et une unité formant aiguille à l’extrémité distale (du côté du corps du patient qui va recevoir l’injection) [0034 et 00030].

La rondelle-ressort agencée en butée avec la cartouche, coté proximal, exerce une force sur la cartouche réduisant ou supprimant le jeu entre la cartouche et le boîtier et/ou entre la cartouche et l’organe de retenue de la cartouche, sans nécessiter trop d’espace, permettant de compenser des tolérances de fabrication en ce qui concerne la longueur de cartouches et d’assurer que pendant le fonctionnement du dispositif, le mouvement axial de la cartouche est réduit et la précision de dose injectée est augmentée [0008 à 0010].

Selon les modes de réalisation, la rondelle-ressort est fixée sur le boîtier, incurvée dans une direction axiale et/ou radiale, fixée sur la surface externe d’un organe de manchon du boîtier par des éléments de fixation. L’organe de manchon est fixé sur le boîtier. La rondelle-ressort vient en butée contre la cartouche contenant le médicament, du côté de l’extrémité proximale du boîtier et exerce une force sur la cartouche, pour réduire ou supprimer tout mouvement axial de la cartouche. La rondelle-ressort peut être de type Belleville [0017 et 0053].

Le dispositif est très compact, puisque la rondelle-ressort fixe la cartouche à l’intérieur de l’organe de retenue de cartouche sans occuper d’espace [0008]. Il est facile de fabrication [00014 et 00037].

Le brevet tel que limité se compose à cet effet de douze revendications, dont seules les revendications 1 à 6 sont opposées, dont la teneur suit :

1. Dispositif d’administration de médicament (5), comprenant :

un boîtier (10) doté d’une extrémité proximale et d’une extrémité distale,

une cartouche (15) conçue pour recevoir un médicament,

un organe de retenue de cartouche (45) conçu pour retenir la cartouche (15), l’organe de retenue de cartouche (45) étant fixé au boîtier (10), dans lequel une rondelle-ressort (50) est agencée à l’intérieur du boîtier (10) de manière à exercer une force sur la cartouche (15) et à fixer la cartouche (15) pour empêcher tout mouvement par rapport à l’organe de retenue de cartouche (45), la rondelle-ressort (50) étant agencée de manière à buter contre la cartouche (15) sur un côté de la cartouche (15) qui fait face à l’extrémité proximale du boîtier (10), dans lequel un organe de manchon est fixé au boîtier,

caractérisé en ce que la rondelle-ressort est fixée à l’organe de manchon sur une surface externe de l’organe de manchon, dans lequel la rondelle-ressort est fixée à l’organe de manchon par des éléments de fixation de la rondelle-ressort, et dans lequel les éléments de fixation s’étendent dans une direction axiale.

2. Dispositif d’administration de médicament (5) selon la revendication 1, dans lequel la rondelle-ressort (50) est sollicitée de manière à exercer la force sur la cartouche (15) dans la direction distale.

3.Dispositif d’administration de médicament (5) selon la revendication 1 ou 2, dans lequel la rondelle-ressort (50) est fixée pour empêcher tout mouvement axial par rapport au boîtier (10).

4.Dispositif d’administration de médicament (5) selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, le dispositif d’administration de médicament (5) comprenant une tige de piston (30) pour délivrer une dose du médicament provenant du dispositif (5) lorsque la tige de piston (30) est entraînée dans la direction distale, et dans lequel la rondelle’ressort (50) comprend une ouverture (55), l’ouverture (55) étant agencée de manière à permettre à la tige de piston (30) de traverser l’ouverture (55).

5.Dispositif d’administration de médicament (5) selon l’une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel la rondelle’ressort (50) est incurvée dans la direction axiale et/ou radiale.

6.Dispositif d’administration de médicament (5) selon l’une quelconque des revendications 1 à 5, dans lequel la rondelle’ressort (50) est une rondelle’ressort de type Belleville.

Sur la validité du brevet EP 552

Les sociétés Viatris font valoir que les revendications n° 1 à 6 de la partie française du brevet EP 552 sont nulles pour défaut d’activité inventive.

Selon l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138 § 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens (CBE).

En application du § 1 de l’article 138 de cette même convention, sous réserve des dispositions de l’article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 (…).

Selon article 56 de la CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique.

Pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour l’homme du métier.

Il n’est pas contesté que l’homme du métier est en l’espèce, ainsi que l’a retenu tribunal, un ingénieur spécialisé dans la conception et la fabrication de dispositifs d’injection et notamment de médicaments, qui dispose de connaissances relatives aux méthodes d’injection dans le domaine médical mais également de connaissances dans le domaine de la mécanique.

a) Sur la validité de la revendication 1

Les sociétés Viatris soutiennent que le brevet EP 552 est dépourvu d’activité inventive au vu d’une demande de brevet allemand DE 10 2005 032 705 A1 ([I]) pris en combinaison avec des connaissances générales de l’homme du métier résultant de dix-sept documents.

La société Sanofi réplique que parmi ces dix-sept documents, treize sont des brevets qui doivent être exclus des connaissances générales de l’homme du métier et qui en tout état de cause n’auraient pas incité celui-ci à les combiner avec l’art antérieur le plus proche.

Par connaissances générales de l’homme du métier, il faut normalement entendre les manuels et ouvrages de base sur le sujet en question, de sorte qu’en principe les brevets en sont exclus sauf si le domaine en cause est totalement nouveau ou si ces brevets divulguent de façon répétée et concordante une même caractéristique technique.

Les dix-sept documents invoqués par les appelantes comme constituant les connaissances générales de l’homme du métier sont repris dans un tableau figurant en pages 126 et 127 des conclusions des sociétés Viatris et en pages 27 et 28 de celles de la société Sanofi.

Les documents [C] (2000), [M] (2006), [J] (2001) et [D] (1978) sont constitués d’extraits de manuels de mécanique et sont des ouvrages de base. S’ils ne concernent pas précisément des dispositifs d’administration, notamment de médicaments, ils évoquent différentes configurations de ressorts et leurs caractéristiques, dont les rondelles-ressorts et en particulier les rondelles-ressorts Belleville. Ces documents sont donc à prendre en considération au titre des connaissances générales de l’homme du métier.

Les documents [T] (2001), [R] (1957) et [K] (1954) divulguent des dispositifs équipés d’un boitier, permettant l’injection d’un médicament contenu dans une cartouche retenue par un organe de retenue ; l’organe de retenue est fixé de manière amovible afin de permettre le retrait et l’insertion de la cartouche.

Les document [K] (1954), [R] (1957), [S] (2003) et [N] (2004) divulguent une cartouche qui est, d’un côté, maintenue par un organe de retenue et, de l’autre, par un élément assurant une fonction ressort pour assurer son bon positionnement.

Les documents [K], (1954), [V] (1999) et [H] (2005) enseignent que des ressorts peuvent être utilisés pour maintenir des éléments adjacents.

Les documents [A] (2002), [P] (2002) et [E] (2008) enseignent que des rondelles ressorts peuvent avantageusement remplacer un ressort dans les dispositifs d’injection.

Les documents [U] (1966), [Z] (2004), [S] (2003) et [O] (1979) enseignent qu’il est préférable d’empêcher les mouvements de la rondelle-ressort à l’intérieur d’un dispositif ainsi que les éléments de fixation auxquels il peut recourir et leur positionnement.

Ainsi, ces documents fournissent une image cohérente et ancienne des connaissances générales de l’homme du métier et peuvent donc les illustrer, même s’ils relèvent parfois de domaines techniques différents de celui du brevet EP 552, dès lors que se posent des problèmes techniques identiques ou similaires.

Le document [I] invoqué au titre de l’art antérieur le plus proche est le document de priorité de la demande de brevet US718 invoquée par les sociétés Mylan en première instance. Il a pour titre « ressort plastique » et a été publié le 30 novembre 2006.

L’invention concerne un ressort pour un dispositif destiné à une application médicale ou pharmaceutique. Elle concerne en outre le dispositif équipé du ressort. Le dispositif est de préférence un dispositif à l’aide duquel un produit, de préférence un produit liquide, peut être administré à un humain ou éventuellement aussi à un animal, ou à l’aide duquel il est possible de prélever un fluide corporel.

Le document mentionne les stylos injecteurs, tels ceux qui sont utilisés dans le traitement du diabète, dans l’administration d’hormones de croissance et par exemple aussi dans le cadre d’un traitement de l’ostéoporose, et à l’aide desquels chaque utilisateur peut lui-même administrer le médicament, par exemple de l’insuline, une hormone de croissance ou une préparation contre l’ostéoporose.

Le problème technique de l’invention consiste à créer un ressort pour une utilisation dans un dispositif destiné à une application médicale ou pharmaceutique, qui puisse mieux s’adapter aux données du dispositif, et qui soit quand même économique.

Le document indique que des ressorts sont utilisés dans des injecteurs et des perfuseurs, qui représentent des dispositifs d’administration préférés, en remplissant les fonctions les plus diverses, par exemple comme un ressort d’entraînement d’un piston ou autre membre de refoulement, ou comme ressort de rappel pour une tige de piston ou un autre composant du dispositif, pouvant se déplacer contre la force de rappel du ressort considéré. Dans le cadre d’autres fonctions, des ressorts servent aussi à l’appui et à la fixation ou au positionnement d’un composant du dispositif contre ou dans un autre, du fait que le ressort, à l’état tendu, maintient l’un des composants dans une position déterminée par rapport à l’autre, par exemple en mettant l’un des composants en butée contre l’autre. Le ressort peut également servir de moyen de guidage de la tige de piston. Il peut également compenser les différentes tailles de cartouches. Le ressort est maintenu sur un moyen de positionnement de sorte qu’il exerce sa force dans la direction opposée à la face de maintien. Le moyen de positionnement peut être amélioré en allant au-delà de sa simple fonction d’appui, c’est-à-dire l’appui de la force de ressort, en un moyen de retenue à l’aide duquel le ressort est maintenu contre l’un des composants entre lesquels agit le ressort ou contre un autre composant du dispositif. Enfin, selon la traduction assermentée produite par les sociétés Viatris, le ressort peut être un ressort de traction, un ressort de flexion ou un ressort de torsion, et il s’agit de préférence d’un ressort de pression. Sa forme peut être par exemple un ressort spiralé, un ressort à lames, une rondelle-ressort ou un ressort à branches.

Deux modes de réalisation sont ensuite divulgués et le document indique que les caractéristiques des modes de réalisation peuvent être combinées entre elles, dans n’importe quelle combinaison.

La figure 1 représente une partie distale d’un dispositif d’injection qui, dans le mode de réalisation, est un stylo d’injection, en coupe longitudinale, qui contient un axe longitudinal central L du dispositif d’injection. L’injecteur présente un boîtier en une ou plusieurs parties, s’étendant longitudinalement, en forme de manchon. Dans une partie distale du boîtier est logé un réservoir, par exemple une ampoule de verre, qui est rempli d’un médicament liquide, par exemple de l’insuline. Le réservoir présente une sortie à son extrémité distale. Un élément de refoulement, sous forme d’un piston, est logé dans le réservoir. L’élément de refoulement obture le réservoir d’une manière étanche aux liquides.

Un système de refoulement présente, en plus de l’élément de refoulement, un membre de refoulement supplémentaire, qui, dans le mode de réalisation, est constitué d’une tige de piston. Seule une partie distale du membre de refoulement est présentée. Dans un mode de réalisation préféré, l’injecteur est en outre équipé d’un système de dosage, qui est logé dans une partie proximale non représentée du boîtier. Dans le boîtier se trouve en outre un insert fixé sans possibilité de déplacement axial. La tige de piston traverse l’insert. L’insert guide d’une manière axiale et linéaire la tige de piston. L’insert est de même relié au boîtier, de préférence sans possibilité de torsion, et forme un système anti-torsion pour le membre de refoulement. L’insert est opposé à l’extrémité proximale du récipient, en étant dirigé dans la direction axiale.

Le récipient est maintenu dans la direction de poussée V, parallèle à l’axe longitudinal L de l’élément de refoulement, par contact avec butée contre le boîtier. Dans le mode de réalisation, le boîtier forme lui-même directement une butée pour le réservoir. Cependant, une partie, privée de possibilité de déplacement axial, reliée au boîtier peut aussi former une telle butée.

Le récipient s’appuie, dans la direction opposée à la direction de poussée V, contre le boîtier par l’intermédiaire d’un ressort et de l’insert. L’insert forme, pour l’appui du ressort, un épaulement dirigé dans la direction de poussée V, épaulement duquel dépasse, dans la direction de poussée V, un socle plat qui entoure le ressort. Le ressort peut, par l’intermédiaire du socle, être relié à l’insert, en particulier par friction, et ainsi être maintenu contre l’insert.

Le ressort occupe un espace restant libre entre le réservoir et l’insert, et sollicite le récipient dans la direction de poussée V contre la butée. Dans le mode de réalisation, le ressort s’appuie directement contre le réservoir, au niveau de son extrémité proximale côté avant.

Le document [I] indique que l’insert est muni d’une surface d’épaulement orientée dans la direction distale, équipée d’un socle plat, et sur laquelle le ressort est maintenu et envisage d’autres modes de fixation du ressort sur l’insert.

Dans le second mode de réalisation, la demande de brevet [I] indique que le boîtier comprend une partie distale de boîtier, qui loge le réservoir, et une partie proximale qui est reliée à la partie de boîtier sans possibilité de déplacement axial, de préférence aussi sans possibilité de torsion. La partie de boîtier contient des éléments d’un dispositif de dosage et des éléments de refoulement du dispositif d’injection. Le ressort sert à nouveau de ressort de compensation pour le réservoir. Il s’appuie, dans la direction de poussée V, contre l’extrémité proximale du réservoir. Il en résulte un ressort de compensation, par lequel le récipient vient s’appuyer dans le boîtier et d’une manière élastique dans la direction opposée à la direction de poussée V. Le ressort comprend un moyen de positionnement proximal, un moyen de positionnement distal et, entre les moyens de positionnement, un élément de ressort. Le moyen de positionnement distal est en contact libre avec le récipient, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un contact par pression avec le réservoir.

Le moyen de positionnement sert notamment à l’appui axial, plus précisément par sa face d’appui dirigée dans la direction axiale, mais il est en outre pourvu d’un système de retenue à l’aide duquel le ressort est en liaison par encliquetage ou à enclenchement avec la partie proximale de boîtier. Dans le mode de réalisation, un ergot dépassant vers l’extérieur, formé contre une surface latérale extérieure du moyen de positionnement, forme le moyen de retenue.

Le contre-élément d’encliquetage de la partie du boîtier est d’une manière correspondante formé comme un évidement, dans le mode de réalisation comme un renfoncement dans la face latérale intérieure de la partie de boîtier. Le ressort est de cette manière, d’une part, retenu contre la partie de boîtier et, d’autre part, ne peut subir de torsion par rapport à la partie de boîtier, c’est-à-dire qu’il est bloqué en torsion.

Pour une lecture plus aisée et ainsi que le suggèrent les parties, la revendication 1 du brevet EP 552 peut être décomposée comme suit :

Dispositif d’administration de médicament (5), comprenant :

– un boîtier (10) doté d’une extrémité proximale et d’une extrémité distale

– une cartouche (15) conçue pour recevoir un médicament,

– un organe de retenue de cartouche (45) conçu pour retenir la cartouche (15),

– l’organe de retenue de cartouche (45) étant fixé au boîtier (10),

– dans lequel une rondelle-ressort (50) est agencée à l’intérieur du boîtier (10) de manière à exercer une force sur la cartouche (15) et à fixer la cartouche (15) pour empêcher tout mouvement par rapport à l’organe de retenue de cartouche (45),

-la rondelle-ressort (50) étant agencée de manière à buter contre la cartouche (15) sur un côté de la cartouche (15) qui fait face à l’extrémité proximale du boîtier (10),

– dans lequel un organe de manchon est fixé au boîtier,

caractérisé en ce que

– la rondelle-ressort est fixée à l’organe de manchon sur une surface externe de l’organe de manchon,

– dans lequel la rondelle-ressort est fixée à l’organe de manchon par des éléments de fixation de la rondelle-ressort,

– et dans lequel les éléments de fixation s’étendent dans une direction axiale.

La société Sanofi s’approprie les motifs du tribunal selon lesquels le problème que le brevet EP 552 offre de résoudre est celui de proposer un dispositif d’injection de médicament, amélioré, rechargeable avec des cartouches de tailles différentes, qui permet de contrôler la dose de produit injectée et qui est facile de fabrication. Plus exactement et ainsi que le font valoir les sociétés Viatris, le brevet EP552 a pour effet technique de produire un dispositif d’injection de médicament plus compact et plus fiable.

Or la demande de brevet [I] a pour objet un dispositif d’injection de médicament ; elle divulgue un dispositif doté d’un boîtier de forme longitudinale (figures 1 et 4), et ce alors que l’homme du métier sait qu’un dispositif d’injection est équipé d’un boitier doté d’une extrémité distale et d’une extrémité proximale. Le document indique que le boîtier contient un réservoir qui est l’équivalent d’une cartouche, qui peut notamment être une ampoule en verre, rempli d’un médicament, par exemple de l’insuline.

Dans le premier mode de réalisation, le document [I] indique que le boîtier maintient lui-même le réservoir mais qu’un autre élément, lui-même maintenu au boîtier, peut assurer cette fonction ; l’homme du métier aurait donc utilisé de façon évidente un organe de retenue de cartouche.

Le problème technique de l’invention [I] consiste à créer un ressort pour une utilisation dans un dispositif destiné à une application médicale ou pharmaceutique qui puisse mieux s’adapter aux données du dispositif, et qui soit quand même économique. Le document rappelle que les ressorts sont souvent utilisés dans les dispositifs d’injection, notamment pour maintenir des éléments entre eux ; ce ressort est le plus souvent de type hélicoïdal, mais il peut s’agir d’un autre type de ressort, et notamment d’une rondelle-ressort.

Si la société Sanofi conteste la divulgation d’une rondelle-ressort dès lors que le terme allemand « Tellefeder » signifiait « ressort plat », pour autant la décision du 15 octobre 2019 des Chambres de recours de l’OEB, dont l’allemand est une des langues officielles, a traduit en anglais le terme « Tellerfeder » par « spring washer », qui signifie en français « rondelle-ressort », étant ajouté que l’homme du métier, qui est un ingénieur spécialisé, connait les différents types de ressort et leurs caractéristiques. Le document [I] indique en outre que les ressorts peuvent notamment servir de moyen de compensation des différentes tailles de cartouches, (le ressort sollicite le récipient contre la butée, il s’appuie contre l’extrémité proximale du réservoir). Les deux modes de réalisation montrent que la rondelle-ressort exerce une force sur le réservoir ; le récipient est maintenu dans la direction de poussée dans le premier mode de réalisation, ce qui empêche tout mouvement. Egalement dans le premier mode de réalisation, le ressort s’appuie contre l’extrémité proximale du réservoir (au niveau de son extrémité proximale).

Le document [I] divulgue un dispositif équipé d’une pièce de raccordement de forme tubulaire servant à maintenir solidaires des pièces à profil rond ; dans le premier mode de réalisation, il est spécifié que l’insert est fixé au boîtier sans possibilité de déplacement ou de torsion ; dans le second mode de réalisation, le dispositif comprend une partie distale du boîtier et une partie proximale du boîtier.

Le ressort est maintenu sur un dispositif de positionnement et dans le premier mode de réalisation, il peut être maintenu sur l’insert, en particulier mais de façon non limitative, par friction ; dans le second mode de réalisation, la fonction d’organe de manchon est assurée par la partie proximale du boitier grâce au moyen de positionnement proximal qui est pourvu d’un système de retenue encliqueté ou verrouillé dans un contre-élément de verrouillage situé sur la face intérieure du boîtier.

Le moyen de positionnement proximal, qui sert non seulement de surface d’appui à l’élément de ressort, permet aussi de retenir (ou de fixer) le ressort et lui évite de subir des torsions ; le ressort est fixé sur l’une des surfaces extérieures de l’organe de manchon, ce qui a pour effet technique de réduire le contact entre les différents éléments et de rendre le dispositif plus fiable. A l’aide de ses connaissances générales, l’homme du métier aurait donc choisi de fixer le ressort à l’extérieur de l’organe de manchon.

Le recours à des éléments de fixation sur un ressort fait partie des connaissances générales de l’homme du métier ; dans le second mode de réalisation de l’invention [I], le ressort est maintenu à la partie proximale du boîtier par l’élément de positionnement du ressort qui est équipé d’un moyen de retenue, étant précisé que l’orientation des éléments de fixation est une simple opération de routine pour l’homme du métier ci-dessus défini et qui cherche à s’assurer du bon positionnement d’une pièce pour l’empêcher de bouger.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 552 sont évidentes pour l’homme du métier, à la fois à la lumière de ses connaissances générales et à la lecture de la demande de brevet [I].

En conséquence, la revendication 1 du brevet EP 552 doit être annulée pour défaut d’activité inventive et le jugement infirmé de ce chef.

b) Sur la validité des revendications dépendantes 2 à 6

Selon la revendication 2, placée dans la dépendance directe de la revendication 1, la rondelle-ressort est sollicitée de manière à exercer la force sur la cartouche dans la direction distale.

Or dans le premier mode de réalisation de la demande de brevet [I], il est indiqué que le ressort sollicite le réservoir dans la direction de poussée V, soit dans la direction distale.

La revendication 2 du brevet EP 552 est donc dépourvue d’activité inventive.

Selon la revendication 3 également dépendante de la revendication 1, la rondelle-ressort est fixée pour empêcher tout mouvement axial par rapport au boîtier.

Or dans le document [I], le récipient (ou la cartouche) est maintenu dans la direction de poussée V, parallèle à l’axe longitudinal L de l’élément de refoulement 7, par contact avec butée contre le boîtier 1.

L’homme du métier aurait donc su par cet enseignement que si la cartouche est maintenue contre le boîtier, elle est privée de mouvement axial.

La revendication 3 du brevet EP 552 est donc dépourvue d’activité inventive.

La revendication 4, placée dans la dépendance de l’une quelconque des revendications 1 à 3, indique que le dispositif d’administration de médicament comprend une tige de piston entraînée dans la direction distale en passant par une ouverture prévue à cet effet par la rondelle-ressort.

Or dans le premier mode de réalisation de l’invention [I], il est indiqué qu’un système de refoulement présente, en plus de l’élément de refoulement 7, un membre de refoulement supplémentaire 8, qui est constitué d’une tige de piston [0019]. L’homme du métier comprendra ainsi aisément que le refoulement du médicament est réalisé par l’entrainement de la tige de piston jusqu’au piston qu’elle vient pousser dans la direction distale ; il en déduira que le système permet le refoulement du médicament et son administration, et que la tige de piston passe à travers une ouverture prévue à cet effet dans le ressort [0010 et figure 1], dont il connait les différents types et caractéristiques.

La revendication 4 du brevet EP 552 est donc dépourvue d’activité inventive.

Selon la revendication 5 placée dans la dépendance de l’une quelconque des revendications 1 à 4, la rondelle-ressort est incurvée dans la direction axiale et/ou radiale.

Or il a été dit que l’homme du métier, de par ses connaissances générales, confirmées par la demande de brevet [I], connait les différents types de ressorts et leurs caractéristiques respectives.

La revendication 5 du brevet EP 552 est donc dépourvue d’activité inventive.

Enfin selon la revendication 6 dépendante de l’une quelconque des revendications 1 à 5, la rondelle’ressort est une rondelle-ressort de type Belleville.

Or de la même manière, l’homme du métier qui connait les différents types de ressorts et leurs caractéristiques respectives connait les avantages des rondelles de type Belleville. D’ailleurs le document [I] lui enseigne que le ressort peut être un ressort de traction, un ressort de flexion ou un ressort de torsion, qu’il s’agit de préférence d’un ressort de pression et que sa forme peut être par exemple un ressort spiralé, un ressort à lames, une rondelle-ressort ou un ressort à branches.

La revendication 6 du brevet EP 552 est donc dépourvue d’activité inventive.

En conséquence, il y a lieu de déclarer nulles les revendications dépendantes 2 à 6 du brevet EP 552 dont est titulaire la société Sanofi pour défaut d’activité inventive et d’infirmer également le jugement sur ce point.

Sur la contrefaçon

Les demandes tendant à voir annuler les procès-verbaux de saisie-contrefaçon, qui constituent des moyens de preuve de la contrefaçon alléguée, deviennent sans objet en raison de la nullité du brevet opposé.

En raison de la nullité du titre sur lequel étaient fondée ces saisies-contrefaçon, il sera fait droit aux demandes de restitution de l’ensemble des procès-verbaux et des éléments saisis en leur exécution et d’interdiction à la société’ Sanofi-Aventis d’utiliser ou de communiquer dans quelque contexte que ce soit les documents et informations concernés.

Les demandes en contrefaçon du brevet annulé et les demandes subséquentes ne peuvent quant à elle qu’être rejetées.

Le jugement sera également infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, la société Sanofi sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Enfin, les sociétés Viatris ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite de l’appel,

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a ordonné la restitution des éléments saisis en exécution du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 13 et 14 juin 2018, réalisé dans les locaux de la société Mylan SAS à [Localité 8] et fait interdiction à la société Sanofi-Aventis de s’en prévaloir et de les utiliser dans quelque procédure que ce soit et dit n’y avoir lieu à droit d’information.

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare nulles les revendications 1 à 6 de la partie française du brevet n°EP 2 346 552 pour défaut d’activité inventive.

Dit que le présent arrêt sera transmis à l’INPI par la partie la plus diligente aux fins d’inscription sur le registre national des brevets.

Déclare sans objet les demandes de nullité de l’ensemble des procès-verbaux de saisie-contrefaçon.

Ordonne la restitution de l’ensemble des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et des éléments saisis en leur exécution et interdit à la société’ Sanofi-Aventis Deuschland GmbH d’utiliser ou de communiquer dans quelque contexte que ce soit les documents et informations concernés.

Déboute la société Sanofi-Aventis Deuschland GmbH de ses demandes relatives à la contrefaçon et de ses demandes subséquentes.

Condamne la société Sanofi-Aventis Deuschland GmbH à payer aux sociétés Viatris Santé et Mylan Médical la somme de 80 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes de chacune des parties.

Condamne la société Sanofi-Aventis Deuschland GmbH aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 


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